Une initative de
Marie de Nazareth

Départ de Séleucie sur un char et arrivée à Antioche

dimanche 24 décembre 28
Antioche

Vision de Maria Valtorta

       322.1 « Vous trouverez certainement un char sur la place du marché, mais si vous voulez le mien, je vous le prête en souvenir de Théophile. Si je suis un homme tranquille, c’est à lui que je le dois. Il m’a défendu parce qu’il était juste. Et certaines choses ne s’oublient pas, dit le vieil aubergiste, debout devant les apôtres dans le premier soleil du matin.

       – Mais ton char, nous le garderons au loin des jours durant… Et puis qui va le conduire? Moi, j’y arrive avec l’âne… mais les chevaux…

       – Mais c’est la même chose, homme ! Je ne vais pas te donner un poulain indompté, mais un prudent cheval de trait, doux comme un agneau. Vous aurez vite fait, et sans peine. A la neuvième heure, vous serez à Antioche, d’autant plus que le cheval connaît bien la route et y va tout seul. Tu me le rendras quand tu voudras, sans autre intérêt de ma part que celui de rendre service au fils de Théophile, à qui vous direz que je lui suis encore très redevable, que je pense à lui et que je me considère comme son serviteur.

       – Que faisons-nous ? demande Pierre à ses compagnons.

       – Ce que tu crois être le mieux. Tu décides, et nous obéissons…

       – Nous essayons le cheval ? C’est à cause de Jean que je dis cela… et aussi pour faire vite… Il me semble conduire quelqu’un à la mort, et j’ai hâte que tout soit fini…

       – Tu as raison, disent-ils tous.

       – Alors, homme, j’accepte.

       – Et moi, je vous le confie avec joie. Je vais préparer le véhicule. »

       322.2 L’aubergiste s’éloigne. Pierre exprime entièrement sa pensée :

       « J’ai usé la moitié de ma vie en ces quelques jours. Quelle peine ! Quelle peine ! J’aurais voulu avoir le char d’Elie, le manteau emprunté à Elisée, tout ce qui est rapide pour faire vite… Et surtout j’aurais voulu, quitte à en mourir, donner quelque chose pour consoler ces deux malheureux, leur faire oublier, leur… Je ne sais pas, voilà ! Quelque chose qui ne les fasse pas autant souffrir… Mais si j’arrive à savoir celui qui est la cause principale de cette douleur, je ne suis plus Simon, fils de Jonas, si je ne le tords pas comme un linge ! Je ne parle pas de le tuer, oh, non ! Mais le briser comme il a brisé la joie et la vie des deux pauvres disciples…

       – Tu as raison, c’est une grande peine. Mais Jésus dit que l’on doit pardonner les offenses…, dit Jacques, fils d’Alphée.

       – Si c’était à moi qu’elles étaient faites, je devrais les pardonner. Et je le pourrais. Je suis en bonne santé et fort et, si quelqu’un m’offense, j’ai la force de réagir aussi à la douleur. Mais ce pauvre Jean ! Non, je ne peux pardonner l’offense faite à celui que le Seigneur a racheté, à quelqu’un qui meurt dans cette affliction…

       – Moi, je pense au moment où nous les quitterons tout à fait, soupire André.

       – Moi aussi. C’est une pensée fixe et qui s’accroît à mesure que le moment approche, murmure Matthieu.

       – Agissons vite, par pitié, dit Pierre.

       – Non, Simon. Pardonne-moi si je te fais remarquer que tu as tort de vouloir cela. Ton amour du prochain est en train de devenir un amour dévié, et en toi, qui es toujours droit, cela ne doit pas arriver, intervient paisiblement Simon le Zélote en posant la main sur l’épaule de Pierre.

       – Pourquoi, Simon ? Tu es cultivé et bon. Montre-moi mon tort, et si je le reconnais, je dirai : tu as raison.

       – Ton amour est en train de devenir malsain parce qu’il se change peu à peu en égoïsme.

       – Comment ? Je m’afflige pour eux et je suis égoïste ?

       – Oui, mon frère, parce que, par excès d’amour – tout excès est désordre et pour cette raison conduit au péché – tu deviens lâche. Toi, tu ne veux pas souffrir de voir souffrir. C’est de l’égoïsme, mon frère dans le nom du Seigneur.

       – C’est vrai ! Tu as raison. Et je te remercie de m’avoir averti. C’est ce qu’il faut faire entre bons compagnons. C’est bien. Alors je ne serai plus pressé… Pourtant, dites la vérité, n’est-ce pas un déchirement ?

       – Si ! Si ! Répondent-ils tous.

       322.3 – Comment allons-nous faire pour les quitter ?

       – Je dirais de le faire quand Philippe les aura reçus, en restant peut-être cachés à Antioche quelque temps, en allant nous informer auprès de Philippe pour savoir comment ils s’habituent, suggère André.

       – Non. Ce serait trop les faire souffrir par une séparation aussi brutale, dit Jacques, fils d’Alphée.

       – Alors, voilà, suivons à moitié le conseil d’André. Restons à Antioche, mais pas dans la maison de Philippe. Et pendant quelques jours on ira les voir, puis toujours moins, jusqu’à ce que… on n’y aille plus, propose l’autre Jacques.

       – Douleur toujours renouvelée et cruelle déception. Non. Non, il ne faut pas faire ça, dit Jude.

       – Qu’allons-nous faire, Simon ?

       – Ah ! Pour ma part, je préférerais être à leur place plutôt que de devoir leur dire : “ Adieu ”, dit Pierre d’un air découragé.

       – Moi, j’ai une proposition » dit Simon le Zélote. « Allons avec eux chez Philippe, et restons-y. Puis, toujours ensemble, nous allons à Antigonée. C’est un endroit charmant… Et nous y restons. Une fois qu’ils se seront habitués, nous nous retirerons douloureusement, mais virilement. Voilà ce que je dirais, à moins que Simon-Pierre n’ait des ordres différents du Maître.

       – Moi ? Non. Il m’a dit: “ Fais tout comme il faut, avec amour, sans paresse et sans hâte, et de la façon que tu juges la meilleure. ” Jusqu’à présent, il me semble avoir agi ainsi, excepté quand je me suis déclaré pêcheur !… Mais si je ne l’avais pas dit, Nicomède ne me laissait pas rester sur le pont.

       – Ne te fais pas de scrupules sans fondements, Simon. Ce sont des pièges du démon pour te troubler, dit Jude pour le réconforter.

       – Oh, oui ! C’est tout à fait cela. Je crois qu’il rôde autour de nous plus que jamais, nous créant des obstacles et des frayeurs pour nous amener à être lâches » dit l’apôtre Jean.

       Puis il achève tout bas :

       « Je crois qu’il voulait amener nos deux compagnons à désespérer en les gardant en Palestine… et maintenant qu’ils fuient ses embûches, il se venge sur nous… Je le sens autour de moi, comme un serpent caché dans l’herbe… Et cela fait des mois que j’ai cette impression… Mais voici l’aubergiste d’un côté, et Jean avec Syntica de l’autre. Je vous dirai le reste quand nous serons seuls, si cela vous intéresse. »

       En effet, d’un côté de la cour arrive le char robuste auquel est attelé un solide cheval conduit par l’aubergiste, tandis que de l’autre côté les deux disciples viennent vers eux.

       « Est-ce l’heure de partir ? demande Syntica.

       – Oui, c’est l’heure. Es-tu bien couvert, Jean ? Tes douleurs vont-elles mieux ?

       – Oui, je suis enveloppé dans la laine, et l’onction m’a fait du bien.

       – Alors, monte, nous venons nous aussi. »

       322.4 … Une fois le chargement effectué et tout le monde installé, ils sortent par la large porte cochère après que l’aubergiste a renouvelé ses assurances sur la docilité du cheval. Ils traversent une place qu’on leur a indiquée et prennent une route près des murs jusqu’à ce qu’ils sortent par une porte, en longeant d’abord un canal profond, puis le fleuve lui-même.

       C’est une belle route bien entretenue, qui se dirige vers le nord-est, mais en suivant les méandres du fleuve. De l’autre côté, il y a des monts très verts sur leurs pentes, dans leurs failles et leurs ravins, et déjà l’on voit, aux endroits les plus ensoleillés, se gonfler les bourgeons de milliers d’arbustes sur les buissons du sous-bois.

       « Que de myrtes ! S’écrie Syntica.

       – Et de lauriers ! Ajoute Matthieu.

       – Près d’Antioche, il y a un endroit consacré à Apollon, dit Jean d’En-Dor.

       – Peut-être les vents ont-ils apporté des graines jusqu’ici…

       – Probablement, mais c’est un lieu rempli de belles plantes, dit Simon le Zélote.

       – Toi qui y es déjà allé, crois-tu que nous allons passer près de Daphné ?

       – Forcément. Vous allez voir l’une des plus belles vallées du monde. A part le culte obscène qui a dégénéré en orgies toujours plus dégoûtantes, c’est une vallée du paradis terrestre et, si la foi y pénètre, elle deviendra un vrai paradis. Ah ! Que de bien vous pourrez faire ici ! Je vous souhaite des cœurs aussi fertiles que l’est le sol » dit Simon le Zélote pour faire naître des pensées consolantes chez les deux disciples.

       Mais Jean baisse la tête et Syntica soupire.

       322.5 Le cheval trotte en cadence et Pierre garde le silence, tout occupé à la conduite, bien que l’animal marche avec assurance sans qu’il soit besoin de le guider et de le stimuler. Aussi le chemin se fait-il assez rapidement jusqu’à ce qu’ils s’arrêtent près d’un pont pour manger et faire reposer le cheval. Le soleil est au midi et la beauté d’une splendide nature se manifeste à leurs yeux.

       « Je préfère être ici que sur la mer ! S’exclame Pierre, en regardant autour de lui.

       – Quelle tempête !

       – Le Seigneur a prié pour nous. Je l’ai senti tout proche quand nous priions sur le pont. Proche comme s’il avait été parmi nous…, susurre Jean en souriant.

       – Où peut-il donc être ? Je ne suis pas tranquille à l’idée qu’il est sans vêtement de rechange… S’il est trempé ? Et que va-t-il manger ? Il est capable de jeûner…

       – Tu peux être certain qu’il le fait pour nous aider, dit Jacques, fils d’Alphée, avec assurance.

       – Et pour autre chose encore. Notre frère est très affligé depuis quelque temps. Je crois qu’il se mortifie continuellement pour vaincre le monde, intervient Jude.

       – Tu veux dire le démon qui est dans le monde, précise Jacques, fils de Zébédée.

       – C’est la même chose.

       – Mais il n’y parviendra pas. Moi, j’ai le cœur serré par mille peurs…, soupire André.

       – Oh ! Maintenant que nous sommes loin, tout ira mieux ! Assure Jean d’En-Dor avec un peu d’amertume.

       – Ne crois pas cela. Syntica et toi, vous n’étiez rien en comparaison “ des grands torts ” du Messie selon les grands d’Israël, fait remarquer Jude d’un ton tranchant.

       – En es-tu sûr ? Moi, dans ma souffrance, j’ai aussi cette épine dans le cœur : d’avoir été une cause de mal pour Jésus par ma venue. Si j’étais sûr que ce n’est pas le cas, je souffrirais moins, dit Jean d’En-Dor.

       – Me crois-tu sincère, Jean ? demande Jude.

       – Bien sûr, je le crois !

       – Eh bien ! Au nom de Dieu et au mien, je t’assure que tu n’as causé qu’une seule peine à Jésus : celle de devoir t’envoyer ici en mission. Tu n’es pour rien dans toutes ses autres peines passées, présentes et futures. »

       Le premier sourire, après tant de tristes jours de noire mélancolie, éclaire le visage amaigri de Jean d’En-Dor. Il confesse :

       « Quel soulagement tu m’apportes ! Le jour me paraît plus lumineux, mon mal plus léger, mon cœur plus consolé. Merci, Jude ! Merci ! »

       322.6 Ils remontent sur le char, franchissent le pont pour suivre l’autre rive du fleuve, une autre route qui va directement vers Antioche, à travers une région très fertile.

       « La voilà! C’est dans cette vallée poétique que se trouve Daphné avec son temple et ses bosquets. Et là-bas, dans cette plaine, voici Antioche avec ses tours sur les remparts. Nous allons entrer par la porte qui se trouve près du fleuve. La maison de Lazare n’est pas très loin des murs. Les plus belles maisons ont été vendues. Il reste celle-là, autrefois lieu de séjour des serviteurs et des clients de Théophile, avec beaucoup d’écuries et de greniers. C’est maintenant Philippe qui vit là : un bon vieillard, un fidèle de Lazare. Vous y serez bien. Et ensemble, nous irons à Antigonée où se trouvait la maison habitée par Euchérie et ses enfants, alors tout petits…

       – Cette ville est très fortifiée, hein? demande Pierre, qui respire de nouveau, maintenant qu’il voit que son premier essai de cocher a bien réussi.

       – Très fortifiée. Des murs d’une hauteur et d’une largeur grandioses, en plus des cent tours qui, vous le voyez, ont l’air de géants dressés sur les murs, et des fossés infranchissables à leurs pieds. Même le mont Silpius a mis ses sommets au service de la défense, et comme contreforts des murs aux endroits les plus délicats… Voici la porte. Il vaut mieux que tu t’arrêtes et que tu entres en tenant le cheval par la bride. Je vais te conduire, car je connais le chemin… »

       Ils passent la porte gardée par les Romains. L’apôtre Jean dit :

       « Qui sait si le soldat de la Porte des Poissons est ici… Jésus serait heureux de le savoir…

       – Nous le chercherons, mais, pour l’instant, avance vite » dit Pierre, troublé à l’idée d’aller dans une maison inconnue.

       Jean obéit sans mot dire, mais il dévisage chaque soldat qu’il voit.

       322.7 Un bref parcours, puis une maison solide et simple, c’est-à-dire un haut mur sans fenêtres. Une porte cochère seulement au milieu du mur.

       « C’est là ! Arrête ! Dit Simon le Zélote.

       – Oh, Simon ! Sois gentil ! Parle, toi, maintenant.

       – Mais oui, si cela doit te faire plaisir, je vais parler. »

       Et Simon le Zélote frappe au lourd portail. Il se fait reconnaître comme étant un envoyé de Lazare. Il entre seul. Il sort avec un vieillard grand et digne qui fait mille courbettes et qui ordonne à un serviteur d’ouvrir le portail pour laisser entrer le char ; et il s’excuse de les faire tous passer par là au lieu de leur ouvrir la porte de la maison.

       Le char s’arrête dans une vaste cour aux nombreux portiques, bien tenue, avec quatre gros platanes aux quatre angles et deux au milieu pour ombrager un puits et un bassin qui sert à abreuver les chevaux.

       « Occupe-toi du cheval » ordonne l’intendant au serviteur.

       Et à ses hôtes :

       « Je vous en prie, venez et que soit béni le Seigneur qui m’envoie ses serviteurs et les amis de mon maître. Ordonnez : votre serviteur vous écoute. »

       Pierre rougit parce que c’est à lui spécialement que s’adressent ces paroles et ces courbettes, et il ne sait que dire… Simon le Zélote vient à son secours :

       « Les disciples du Messie d’Israël, dont te parle Lazare, fils de Théophile, qui désormais habiteront ta maison pour servir le Seigneur, n’ont besoin que de repos. Veux-tu leur montrer où ils peuvent habiter ?

       – Oh ! Il y a toujours des pièces préparées pour les voyageurs comme c’était l’habitude avec ma maîtresse. Venez, venez… »

       Et, suivi de tous, il prend un couloir, puis traverse une petite cour au fond de laquelle se trouve la véritable demeure. Il ouvre la porte, franchit un vestibule et tourne à droite. Voilà un escalier. Ils montent. Un nouveau couloir avec des pièces des deux côtés.

       « Voici, et que la demeure vous soit agréable. Je vais immédiatement commander de l’eau et du linge. Que Dieu soit avec vous » dit le vieillard ; et il s’en va.

       Ils ouvrent les volets des chambres qu’ils choisissent. Les murs et les forts d’Antioche sont en face d’un côté ; de l’autre côté, la cour tranquille ornée de rosiers grimpants qui manquent de charme en ce moment à cause de la saison.

       Et après un si long voyage, voici enfin une maison, une chambre, un lit… Un séjour pour certains, le but pour les autres…

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