Une initative de
Marie de Nazareth

Le drame familial de Jean, membre du Sanhédrin

samedi 5 mai 29
Plaine de Saron, dans le domaine de Joseph d’Arimathie

Vision de Maria Valtorta

       409.1 Joseph d’Arimathie se repose dans une pièce à demi-obscure, car tous les rideaux sont baissés pour protéger du soleil. Un silence absolu règne dans toute la maison. Joseph somnole sur un siège bas couvert d’une natte… Entre un serviteur qui se dirige vers son maître, et le touche pour l’éveiller. Joseph ouvre des yeux encore ensommeillés et lève vers son serviteur un regard interrogatif.

        « Maître, ton ami Jean est là…

        – Mon ami Jean ? Comment est-il ici, puisque le sabbat n’est pas fini ? »

        La surprise de la visite d’un membre du Sanhédrin un jour de sabbat réveille pleinement Joseph :

        « Fais-le immédiatement entrer. »

        Le serviteur sort, et Joseph, en attendant, va et vient d’un air pensif, dans la pièce à demi-obscure et fraîche…

        « Que Dieu soit avec toi, Joseph ! » dit le membre du Sanhédrin, Jean.

        C’est celui que nous avons vu au premier banquet donné pour Jésus à Arimathie, ainsi que chez Lazare à la dernière Pâque, toujours en qualité, sinon de disciple, du moins de personne qui n’éprouve pas de haine envers Jésus.

        « Et avec toi, Jean ! Mais… te sachant juste, je m’étonne de te voir avant le crépuscule…

        – C’est vrai. J’ai violé la loi du Sabbat. Et j’ai péché en toute connaissance de cause. C’est donc un grand péché… Et le sacrifice que je consommerai pour être pardonné sera grand lui aussi. Mais la raison qui m’y a poussé est beaucoup plus importante… Jéovêh, qui est juste, aura pitié de son serviteur coupable, à cause du motif sérieux qui m’a poussé à la faute…

        – Autrefois, tu ne parlais pas ainsi. Pour toi, le Très-Haut était seulement rigoureux, inflexible. Et tu étais parfait parce que tu le craignais comme un Dieu inexorable…

        – Oh ! parfait… Joseph, je ne t’ai jamais confessé mes fautes secrètes… Mais, c’est vrai, je jugeais Dieu inexorable, comme beaucoup de gens en Israël. On nous a appris à croire qu’il est le Dieu des vengeances…

        – Et tu as continué à le penser même après la venue du Rabbi pour faire connaître à son peuple le vrai visage de Dieu, son vrai cœur… Un visage, un cœur de Père…

        – C’est vrai, c’est vrai. Mais… je ne l’avais pas encore entendu parler longuement… Cependant… tu te rappelleras que, dès la première fois que je l’ai vu au banquet chez toi, j’ai gardé une attitude de respect… sinon d’amour pour le Rabbi.

        – C’est juste… Mais pour le bien que je te veux, je souhaiterais que tu arrives à une attitude d’amour pour lui. C’est trop peu que le respect…

        – Toi, tu l’aimes, n’est-ce pas, Joseph ?

        – Oui. Et je te l’affirme, bien que je sache que les princes des prêtres haïssent ceux qui aiment le Rabbi. Mais tu n’es pas capable d’être un délateur…

        – Non, c’est juste… Je voudrais être comme toi. Mais y parviendrai-je jamais ?

        – Je prierai à cette intention. Ce serait ton salut éternel, mon ami… »

        409.2 Un silence plein de réflexions s’installe… Puis Joseph demande :

        « Tu m’as dit qu’une raison importante t’a poussé à violer le sabbat. Quelle est-elle ? Puis-je te le demander sans me montrer trop indiscret ? Je pense que tu es venu pour obtenir l’aide de ton ami… Et pour cela, je dois être au courant… »

        Jean se passe la main sur son front large et légèrement dégarni — celui d’un homme fait — et le serre, il caresse machinalement ses cheveux qui commencent seulement à grisonner, sa barbe touffue et carrée… Puis il lève la tête et fixe Joseph :

        « Oui, c’est un motif sérieux et pénible. Ainsi que… une grande espérance…

        – De quoi s’agit-il ?

        – Joseph, sache que ma maison est un enfer. D’ailleurs, bientôt ce n’en sera plus une, tant elle sera… dévastée, dispersée, détruite, finie.

        – Quoi ? Que dis-tu ? Tu divagues ?

        – Non, je ne délire pas. Ma femme veut s’en aller… Cela t’étonne ?

        – … Oui… parce que… je l’ai toujours connue bonne et… votre famille me paraissait exemplaire… toi, tu es toute bonté… elle, toute vertu… »

        Jean s’assied, la tête entre les mains…

        Joseph poursuit :

        « Maintenant… cette… cette décision… Moi… Voilà… je ne puis croire qu’Anne ait fauté… ou que tu aies fauté, toi… Mais je le crois encore moins d’elle… qui ne connaît que sa maison, ses enfants… Non !… De sa part, il ne peut y avoir eu péché !…

        – En es-tu sûr ? Vraiment sûr ?

        – Mon pauvre ami ! Je n’ai pas l’œil de Dieu, mais pour autant que je puisse en juger, c’est ainsi que je vois les choses…

        – Tu ne penses pas qu’Anne soit… infidèle ?

        – Anne ? Mais, mon ami ! Le soleil d’été t’a fait perdre la tête ? Infidèle avec qui ? Elle ne sort jamais de chez elle, elle préfère la campagne à la ville. Elle travaille comme la première des servantes, elle est humble, réservée, travailleuse, affectueuse pour toi, pour les enfants. Une femme légère n’aime pas cela. Tu peux en être sûr. Oh, Jean, mais sur quoi fondes-tu tes soupçons ? Depuis quand ?

        – Depuis toujours.

        – Depuis toujours ? Mais alors, c’est une maladie !…

        – Oui. Et… Joseph, moi j’ai beaucoup de torts. Mais je ne veux pas te les avouer à toi seul. Avant-hier, des disciples et des pauvres sont passés chez moi. Ils disaient que le Rabbi venait chez toi. Et hier… hier, ce fut une journée de grande tempête pour ma maison… si bien qu’Anne a pris la décision que j’ai dite… Pendant la nuit — et quelle nuit ! —, j’ai beaucoup réfléchi… Et j’ai conclu que lui seul, le Rabbi parfait…

        – Divin, Jean, divin !

        – Comme tu voudras… Que lui seul peut me guérir et réparer… reconstruire ma maison, me rendre mon Anne… mes enfants… tout… »

        L’homme pleure et, au milieu de ses larmes, il continue :

        « Car lui seul voit et dit la vérité… Et je croirai en lui… 409.3 Joseph, mon ami, laisse-moi rester ici à l’attendre…

        – Le Maître est ici. Il va partir après le crépuscule. Je vais te le chercher »

        Et Joseph sort.

        Après quelques minutes d’attente, le rideau s’écarte de nouveau pour laisser passer Jésus… Jean se lève, puis s’incline en une salutation respectueuse.

        « Paix à toi, Jean. Pour quelle raison veux-tu me voir ?

        – Pour que tu m’aides à voir… et pour que tu me sauves. Je suis très malheureux. J’ai péché contre Dieu et contre ma chair jumelle. Et de péché en péché, j’en suis venu à violer la loi du sabbat. Absous-moi, Maître.

       – La loi du sabbat ! Cette grande et sainte loi ! Loin de moi la pensée de la juger de peu d’importance et périmée. Mais pourquoi la places-tu avant le premier des commandements ? Eh quoi ! Tu demandes l’absolution pour avoir violé le sabbat, et pas pour avoir manqué à l’amour et avoir torturé une innocente, pour avoir amené au désespoir et au seuil du péché l’âme de ton épouse ? Mais c’est de cela que tu devais te tourmenter plus que de toute autre chose : de la calomnie que tu as commise à son égard…

       – Seigneur, je n’en ai parlé qu’à Joseph, il y a un instant, avec personne d’autre, sois-en sûr. Je dissimulais tellement bien ma douleur que Joseph, mon bon ami, ne s’est aperçu de rien et qu’il en a été surpris. Maintenant, il t’en a parlé, mais pour me venir en aide. Le juste Joseph n’en soufflera mot à personne.

       – Il ne m’a rien dit, sinon que tu voulais me voir.

       – Oh ! dans ce cas, comment es-tu au courant ?

       – Comment je le sais ? Comme Dieu connaît les secrets des cœurs. Veux-tu que je te dise l’état du tien ?… »

       Joseph est sur le point de se retirer discrètement, mais Jean lui-même l’arrête :

       « Reste ! Tu es pour moi un ami ! Tu peux m’aider auprès du Rabbi, toi qui es le paranymphe de mon mariage !… »

       Joseph revient sur ses pas.

       « Veux-tu que je te le dise ? Veux-tu que je t’aide à te connaître toi-même ? N’aie pas peur, je n’ai pas la main cruelle ! Je sais découvrir les blessures, mais je ne les fais pas saigner pour les soigner. Je sais comprendre et être indulgent. Et je sais soigner et guérir : il suffit de le vouloir pour l’être. Toi, tu as cette volonté, c’est pourquoi tu m’as cherché. Assieds-toi ici, à côté de moi, entre Joseph et moi. Il a été le paranymphe de tes noces terrestres, et je voudrais être, moi, le paranymphe de tes noces spirituelles… Oui, je le veux !… 409.4 Et maintenant, écoute-moi bien, et réponds avec franchise à tout. Que penses-tu que soit l’acte de Dieu de la création de l’homme et de la femme pour qu’ils soient unis ? Un acte bon ou mauvais ?

       – Bon, Seigneur, comme tout ce que fait Dieu.

       – Tu as bien répondu. Maintenant, dis-moi : si cet acte était bon, quelles devaient être ses conséquences ?

       – Bonnes pareillement, Seigneur. Et elles le furent, bien que Satan soit entré pour les troubler, car Adam a toujours eu le réconfort d’Eve, et Eve celui d’Adam. Ce fut encore plus sensible lorsque, seuls, exilés sur la terre, ils furent le soutien l’un de l’autre. Et les conséquences matérielles furent bonnes, elles aussi : les enfants par lesquels se propagea l’homme, et à travers lesquels brillèrent la puissance et la bonté de Dieu.

       – Pourquoi ? Quelle puissance et quelle bonté ?

       – Mais… celles qui s’exercent en faveur des hommes. Si nous regardons en arrière… oui… il y a de justes punitions mais il y a, en plus grand nombre, les bontés… et c’est une bonté infinie que l’alliance conclue avec Abraham, répétée à Jacob et, le temps passant, jusqu’aujourd’hui, et cela par des bouches qui ne connaissaient pas le mensonge : les prophètes… jusqu’à Jean…

       – Et par celle du Rabbi, Jean, interrompt Joseph.

       – Celle-là n’est pas une bouche de prophète… Ce n’est pas une bouche de Maître… C’est… davantage. »

       Jésus a un sourire à peine esquissé devant la… profession de foi encore implicite du membre du Sanhédrin, qui n’arrive pas à dire : “ C’est une bouche divine ”, mais qui déjà le pense.

       « Donc Dieu a bien fait d’unir l’homme et la femme. C’est dit. Mais comment veut-il qu’ils soient ? demande Jésus.

       – Une seule chair.

       – C’est bien. Or la chair peut-elle se haïr elle-même ?

       – Non.

       – Un membre peut-il haïr l’autre membre ?

       – Non.

       – Un membre peut-il se séparer de l’autre membre ?

       – Non. Une gangrène seule, ou une lèpre, ou un malheur peuvent couper un membre du reste du corps.

       – Très bien. Par conséquent, seul quelque chose de douloureux ou de mauvais peut séparer ce qui, de par la volonté de Dieu, n’est qu’un ?

       – C’est cela, Maître.

       409.5 – Puisque tu en as la conviction, pourquoi n’aimes-tu pas ta chair, pourquoi la détestes-tu au point de susciter une gangrène entre les deux membres, à cause de laquelle le membre blessé, le membre le plus faible, se sépare et te laisse seul ? »

       Jean baisse la tête silencieusement en tordant les franges de son vêtement. Jésus reprend :

       « Je vais t’en donner la raison. C’est que Satan, perturbateur comme toujours, s’est immiscé entre ton épouse et toi. Ou plutôt : il est entré en toi avec un amour désordonné pour elle. Quand l’amour est désordonné, il devient de la haine, Jean. Satan a travaillé ta sensualité de mâle pour arriver à te faire pécher. C’est par là qu’a commencé ta faute : par un désordre qui en a produit d’autres, de plus en plus fréquents et graves : tu n’as pas vu en ta femme uniquement ta bonne compagne et la mère de tes enfants, mais aussi un objet de plaisir, et cela a rendu tes pupilles semblables à celles du taureau qui voit tout de manière altérée. Tu as considéré comme toi, tu considérais. Voilà le regard que tu as porté sur ton épouse. Jouet pour ta volupté, tu l’as jugée telle aussi pour les autres, d’où ta jalousie fiévreuse, ta peur sans raison, ta tyrannie coupable qui a fait d’elle une femme apeurée, prisonnière, torturée, calomniée. Et qu’importe si tu ne lui donnes pas des coups de bâton, si tu ne lui fais pas des reproches publics. Mais ton soupçon est un bâton, ton doute une diffamation ! Tu la calomnies en pensant qu’elle est capable d’arriver à te trahir. Qu’importe si tu la traites comme son rang te l’impose ? Mais elle est pour toi pire qu’une esclave dans l’intimité de la maison, à cause de ta luxure bestiale qui l’avilit plus que tout, et qu’elle a toujours supportée en silence et docilement, dans l’espoir de te convaincre, de te calmer, de te rendre bon. Or cela n’a servi qu’à t’exaspérer de plus en plus, jusqu’à faire de ta demeure un enfer où rugissent les démons de la sensualité et de la jalousie. La jalousie ! Mais que veux-tu qu’il y ait de plus calomnieux pour une femme ? Et qu’est-ce qui indique plus clairement l’état réel d’un cœur ? Crois bien que, là où elle se niche, si sotte, si déraisonnable, si dénuée de fondements, si outrageante, si obstinée, non, il n’existe pas d’amour du prochain ni de Dieu, mais seulement de l’égoïsme. C’est de cela, pas d’une fin de sabbat violée, que tu dois te tourmenter ! Pour que l’on te pardonne, il te faut remédier à la dévastation que tu as provoquée…

       409.6 – Mais Anne veut s’en aller, désormais… Viens la persuader, toi… Toi seul, en l’entendant parler, tu peux juger si elle est réellement innocente et…

       – Jean ! Tu veux guérir et tu refuses de croire mes paroles ?

       – Tu as raison, Seigneur. Change mon cœur. C’est vrai : je n’ai pas de motif d’un soupçon fondé. Mais je l’aime tant… sensuellement, c’est vrai… Tu as bien vu… et tout est ténèbres en moi…

       – Entre dans la lumière, sors de cette atroce fièvre ardente des sens. Cela te sera difficile, au début… Mais il te coûterait bien davantage de perdre une bonne épouse et de gagner l’enfer pour payer ton péché de manque d’amour, de calomnie et d’adultère, et le sien, car je te rappelle que celui qui pousse une femme au divorce se met et la met sur le chemin de l’adultère. Si tu sais résister pendant une lune au moins à ton démon, moi, je te promets que ton cauchemar sera fini. Me le promets-tu ?

       – Oh ! Seigneur ! Seigneur ! Je voudrais… mais c’est un feu… Eteins-le en moi, toi qui es puissant !… »

       Le membre du Sanhédrin s’est laissé glisser à genoux devant Jésus et il pleure, la tête dans ses mains qu’il appuie au sol.

       « Je vais te l’apaiser, te le circonscrire. Je vais mettre un frein et des limites à ce démon. Mais tu as beaucoup péché, Jean, et tu dois travailler par toi-même à te relever. Ceux que j’ai convertis sont venus à moi avec une volonté entière de devenir nouveaux, libres… Ils avaient déjà opéré, par leurs seules forces, le commencement de leur rédemption. Ainsi en était-il de Matthieu, de Marie, sœur de Lazare, et d’autres encore. Tu es venu ici seulement pour savoir si elle était coupable et pour que je t’aide à ne pas perdre la source où s’abreuvait ton plaisir. Je circonscrirai le pouvoir de ton démon, non pendant une lune mais pendant trois lunes. Pendant ce temps, médite et élève-toi. Propose-toi de commencer une nouvelle vie d’époux, une vie d’homme doté d’une âme, et non la vie de brute que tu as menée jusqu’à présent. Et fortifie-toi par la prière et la méditation, par la paix que je te donne pour trois mois, sache lutter, conquérir la vie éternelle, et retrouver l’amour et la paix de ton épouse et de ta maison. Va !

       409.7 – Mais que vais-je dire à Anne ? Peut-être vais-je la trouver déjà prête à partir… Quelles paroles après tant d’années… d’offenses, pour la persuader que je l’aime et que je ne veux pas la perdre ? Viens, toi…

       – Je ne puis. Mais c’est si simple… Sois humble. Prends-la à part et avoue ton tourment. Dis-lui que tu es venu me voir parce que tu veux que Dieu t’absolve. Et demande-lui de te pardonner, car le pardon de Dieu te sera concédé uniquement si elle le demande pour toi et te l’accorde en premier… Ah, malheureux ! Quel bien, quelle paix tu as perdus avec ta fièvre ! Quel mal crée l’indiscipline des sens, le désordre dans les affections ! Allons, lève-toi, et repars serein. Ne comprends-tu donc pas que, parce qu’elle est bonne et fidèle, elle est plus déchirée que toi à l’idée de te quitter, et qu’elle n’attend qu’un mot de toi pour te dire : “ Tout est pardonné ” ? Allons, va. Le crépuscule est tombé à présent. Tu ne commets donc pas de péché en rentrant chez toi… Et comme tu en as fait un pour venir à ton Sauveur, ton Sauveur t’en absout. Va en paix, et ne pèche plus.

       – Oh ! Maître ! Maître… je ne mérite pas ces paroles !… Maître… moi… Je voudrais t’aimer, désormais…

       – Oui, oui. Va. Ne tarde pas. Et souviens-toi de cette heure, quand je serai l’Innocent calomnié.

       – Que veux-tu dire ?

       – Rien. Va. Adieu. »

       Sur ces mots, Jésus se retire et quitte les deux membres du Sanhédrin, émus et enflammés de le juger vraiment saint et sage, comme Dieu seul peut l’être.

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