Une initative de
Marie de Nazareth

Marie et son amour fusionnel avec Dieu

mardi 7 août 29
vers Gamla

Vision de Maria Valtorta

       454.1 Le soir descend, amenant une brise qui rafraîchit après tant de chaleur, et la pénombre qui soulage après tant de soleil.

       Jésus prend congé des habitants d’Hippos, fermement décidé à ne pas retarder son départ, car il veut être à Capharnaüm pour le sabbat. Les gens s’éloignent à regret et certains s’obstinent à le suivre hors de la ville.

       Parmi eux se trouve la femme d’Aphéqa, la veuve qui, dans la ville sur le lac, a prié le Seigneur de la choisir comme tutrice du petit Alphée, dont la mère ne veut pas. Elle s’est jointe aux femmes disciples comme si elle était l’une des leurs, et s’est désormais tellement liée d’amitié avec elles, qu’on la considère comme de la famille. En ce moment, la veuve est avec Salomé et ne cesse de s’entretenir avec elle à voix basse.

       454.2 Plus en arrière se trouve Marie avec sa belle-sœur ; elles règlent leur pas sur celui de l’enfant, qui marche en leur donnant la main et qui s’amuse à sauter sur le bord de chaque pierre du chemin, certainement construit par les Romains pour avoir des pavés aussi réguliers.

       Et il rit, en disant à chaque fois :

       « Tu vois comme j’y arrive ? Regarde, regarde encore ! »

       C’est un jeu que, je crois, tous les enfants du monde ont fait quand ils tiennent par la main ceux qu’ils sentent être affectueux pour eux. Et les deux saintes créatures montrent un grand intérêt pour son jeu et le félicitent pour l’agilité qu’il montre en sautant.

       Le pauvre petit s’est épanoui en quelques jours d’une vie paisible et affectueuse ; il a le regard joyeux des enfants heureux et son rire argentin le rend même plus beau, et surtout plus enfant. Il a perdu cette expression de petit homme prématuré et triste qu’il avait le soir du départ de Capharnaüm.

       Marie, femme d’Alphée, le remarque et, entendant une parole de Sarah (la veuve), elle dit à sa belle-sœur :

       « Il serait si bien avec elle ! A la place de Jésus, je le lui donnerais.

       – Il a une mère, Marie…

       – Tu appelles ça une mère ? Une louve est plus mère que cette malheureuse. »

       La Vierge répond : « C’est vrai. Mais, même si elle ne se rend pas compte de ses devoirs envers son fils, elle a toujours un droit sur lui.

       – Hmm ! Pour le faire souffrir ! Regarde comme il est mieux ! » dit Marie, femme d’Alfée.

       La Vierge reprend : « Je le vois bien ! Mais… Jésus n’a pas le droit d’enlever des enfants à leur mère, pas même pour les donner à une autre qui les aimerait.

       – Les hommes aussi n’auraient pas le droit de… Mais… suffit ! Moi, je sais.

       – Oh ! Je te comprends… Tu veux dire : les hommes aussi n’auraient pas le droit de t’enlever ton Fils, et pourtant ils le feront… Mais en faisant cet acte humainement cruel, ils susciteront un bien infini. Ici, au contraire, je me demande si ce serait un bien pour cette femme…

       – Mais pour l’enfant, oui. 454.3 Mais pourquoi… Jésus nous a-t-il fait cette horrible prédiction ? Je n’ai plus de paix depuis que je l’ai apprise…

       – Ne savais-tu pas, auparavant, que le Rédempteur devait souffrir et mourir ?

       – Si, évidemment ! Mais j’ignorais qu’il s’agissait de Jésus ! Je l’ai bien aimé, tu sais ? Plus que mes propres enfants. Il était si beau, si bon… Ah ! je te l’ai envié, ma Marie, quand il était tout petit, puis toujours… toujours… Je faisais attention au moindre courant d’air pour lui et… je ne puis me faire à l’idée qu’il sera torturé… »

       Marie, femme de Clopas, pleure dans son voile.

       Et la Vierge Marie la réconforte :

       « Ma Marie, ne considère pas le Sacrifice du côté humain. Pense à ses fruits… Tu peux imaginer comment, moi, je vois tomber la lumière chaque jour… Quand elle disparaît, je me dis : un jour de moins de présence de Jésus… Oh ! Marie ! S’il y a bien une grâce pour laquelle je remercie le Très-Haut plus que tout, c’est de m’avoir accordé d’atteindre l’amour parfait, parfait autant que peut le posséder une créature. Cela me permet de pouvoir guérir et fortifier mon cœur en disant : “ Sa douleur et la mienne sont utiles à mes frères : qu’elles en soient bénies. ” Si je n’aimais pas ainsi mon prochain… non, je ne pourrais pas penser qu’ils mettront à mort Jésus…

       – Mais quel amour as-tu donc ? Quel amour doit-on éprouver pour pouvoir parler ainsi ? Pour… pour… pour ne pas s’enfuir avec son enfant, le défendre et dire aux autres : “ Mon premier prochain, c’est mon fils, et je l’aime par dessus tout ” ?

       – Celui qui doit être aimé par dessus tout, c’est Dieu.

       – Mais il est Dieu, lui !

       – Il fait la volonté du Père, et moi avec lui. Quel amour est le mien ? Quel amour doit-on avoir pour pouvoir parler ainsi ? Un parfait amour de fusion avec Dieu, un abandon total : être perdues en lui, n’être plus qu’une partie de lui, comme ta main est une partie de toi-même et fait ce que ta tête commande. Voilà mon amour, et l’amour que l’on doit avoir pour faire toujours de tout son cœur la volonté de Dieu.

       – Mais tu es la Bénie entre toutes les créatures ! Tu l’étais certainement déjà avant même d’avoir Jésus, car Dieu t’a choisie pour que tu l’aies, et il t’est facile…

       – Non, Marie. Je suis Femme et Mère comme toute femme et toute mère. Le don de Dieu ne supprime pas la créature. Elle a son humanité comme toute autre, même si le don de Dieu lui confère une spiritualité élevée. Tu sais désormais que, moi, j’ai dû accepter cette grâce de mon propre gré, et avec toutes les conséquences qu’elle comportait. En effet, tout don divin est une grande béatitude mais aussi un grand engagement. Et Dieu ne contraint personne à recevoir ses dons, mais il interroge la créature, et si elle répond : “ Non ” à la voix spirituelle qui lui parle, Dieu ne la force pas. 454.4 Toutes les âmes, au moins une fois dans leur vie, sont interrogées par Dieu si…

       – Oh ! pas moi ! A moi, il n’a jamais rien demandé ! » s’exclame Marie, femme d’Alphée, sûre d’elle.

       La Vierge Marie sourit doucement, avant de répondre :

       « Tu ne t’en es pas aperçue, mais ton âme a répondu sans que tu t’en doutes, et cela parce que tu aimes beaucoup le Seigneur.

       – Je t’assure qu’il ne m’a jamais parlé !…

       – Alors pourquoi es-tu disciple à la suite de Jésus ? Pourquoi désires-tu ardemment que tes fils soient tous disciples de Jésus ? Tu sais ce que “ le suivre ” signifie, et pourtant tu veux que tes fils le suivent.

       – Certainement, je voudrais les lui donner tous. Alors vraiment, je pourrais dire que j’ai donné mes fils à la Lumière. Et je prie, je prie pour pouvoir les enfanter pour elle, pour Jésus, par une vraie, une éternelle maternité.

       – Tu vois ! Et cela pour quelle raison ? Parce que Dieu t’a interrogée un jour et il t’a dit : “ Marie, m’accorderais-tu tes fils pour être mes ministres dans la nouvelle Jérusalem ? ” Et tu as répondu : “ Oui, Seigneur. ” Et même, maintenant que tu sais que le disciple n’est pas plus grand que son Maître, à Dieu qui t’interroge encore pour éprouver ton amour, tu réponds : “ Oui, mon Seigneur. Je veux désormais qu’ils soient tiens ! ” N’en est-il pas ainsi ?

       – Si, Marie, c’est vrai. Je suis si ignorante que je ne sais comprendre ce qui se passe dans mon âme. Mais quand Jésus ou toi, vous me faites réfléchir, je dis que c’est vrai, que c’est certainement vrai. Je t’assure que… je préfèrerais les voir tués par les hommes plutôt qu’être ennemis de Dieu… Certainement… si je les voyais mourir… si… oh ! Mais le Seigneur… Il m’aiderait, à cette heure, hein ? … ou bien n’aidera-t-il que toi ?

       – Il secourra toutes ses filles fidèles qui seront martyres en esprit, ou dans leur esprit et leur chair pour sa gloire.

       – Mais qui doit être tué ? » questionne l’enfant qui, entendant cette conversation, a cessé de sautiller, et est resté tout ouïe.

       Et il demande encore, mi-curieux, mi-effrayé, en regardant d’un côté et de l’autre dans la campagne solitaire qui s’assombrit :

       « Il y a des voleurs ? Où ils sont ?

       – Il n’y a pas de voleurs, mon enfant. Et personne, pour l’instant, ne doit être tué. Saute, saute encore… » répond la Vierge Marie.

       454.5 Jésus, qui marchait très en avant, s’est arrêté pour attendre les femmes. De ceux qui l’ont suivi depuis Hippos, restent trois hommes et la veuve. Les autres se sont résolus, l’un après l’autre, à le quitter et à retourner en ville.

       Les deux groupes se réunissent. Jésus dit :

       « Restons ici en attendant la lune. Ensuite, nous partirons de façon à entrer à l’aube dans la ville de Gamla.

       – Mais, Seigneur ! Tu ne te rappelles pas comment tu en as été chassé ? Les habitants t’ont supplié de t’en aller…

       – Eh bien ? Je suis parti, et aujourd’hui je reviens. Dieu est patient et prudent. A ce moment-là, vu leur agitation, ils n’étaient pas capables d’accueillir la Parole, que l’on doit écouter avec une âme paisible pour qu’elle porte du fruit. Souvenez-vous d’Elie et de sa rencontre avec le Seigneur sur l’Horeb. Pensez qu’Elie était déjà une âme aimée du Seigneur et habituée à l’entendre. Or ce fut seulement dans la paix d’une brise légère, quand son âme reposait, après son effroi, dans la paix de la création et de son moi honnête, que le Seigneur a parlé. Et le Seigneur a attendu que l’épouvante laissée par la légion des démons en souvenir de leur passage dans cette région — car si le passage de Dieu est paix, le passage de Satan est perturbation–, le Seigneur a attendu que cette épouvante retombe et que le cœur et l’intelligence redeviennent limpides, pour retourner vers les habitants de Gamla, qui sont encore ses enfants. N’ayez pas peur. Ils ne nous feront aucun mal ! »

       454.6 La veuve d’Aphéqa s’avance et se prosterne :

       « Et tu ne viendras pas chez moi, Seigneur ? Aphéqa aussi est pleine d’enfants de Dieu…

       – La route est difficile, et le temps est court. Les femmes sont avec nous, et nous devons être de retour à Capharnaüm pour le sabbat. N’insiste pas, femme, s’interpose Judas sur un ton tranchant, comme pour la repousser.

       – C’est que… Je voulais qu’il se persuade que je pourrais bien m’occuper de l’enfant.

       – Mais il a déjà sa mère, tu comprends ? dit encore Judas, d’un air supérieur.

       – Connais-tu des raccourcis entre Gamla et Aphéqa ? demande Jésus à la femme humiliée.

       – Oh oui ! Le chemin est montagneux, mais bon ; il est frais parce qu’il passe au milieu des bois. Et puis, pour les femmes, on peut prendre des ânes : c’est moi qui paierai…

       – Je viendrai chez toi pour te consoler, même si je ne peux te donner l’enfant parce qu’il a sa mère. Mais je te promets que, si Dieu juge bon que cet innocent mal aimé retrouve de l’amour, je penserai à toi.

       – Merci, Maître. Tu es bon » dit la veuve en jetant sur Judas un coup d’œil qui veut dire : « Et toi, tu es mauvais. »

       L’enfant qui a écouté et compris, au moins en partie, et qui s’est attaché à la veuve — elle l’a conquis par des caresses et par de bons morceaux —, répète exactement ce qu’elle a dit, un peu par un mouvement naturel de réflexion et un peu par cet esprit d’imitation propre aux enfants ; mais au lieu de se prosterner aux pieds de Jésus, il s’attache à ses genoux, et lève sa petite figure que blanchit la clarté de la lune :

       « Merci, Maître, tu es bon. »

       Mais il ne se borne pas à cela, il veut dire clairement ce qu’il pense, et achève :

       « Et toi, tu es méchant. »

       Et il donne un coup de pied à Judas pour qu’il n’y ait aucune erreur possible sur la personne.

       454.7 Thomas éclate de rire, ce qui entraîne les autres à l’imiter :

       « Pauvre Judas ! Il est vraiment dit que les enfants ne t’aiment pas ! Chaque fois que l’un d’eux te juge, c’est toujours aussi mal !… »

       Judas a si peu de retenue qu’il montre sa colère, une colère injuste, sans proportion avec la cause et l’objet qui la provoquent ; pour se défouler, il arrache brutalement l’enfant des genoux de Jésus et le rejette en arrière tout en criant :

       « Voilà ce qui arrive quand on joue la comédie en matière sérieuse. Ce n’est pas beau ni utile de traîner à sa suite des femmes et des bâtards…

       – Tu ne peux pas dire cela. Son père — tu l’as connu toi aussi —, était un époux légitime et un juste, fait remarquer sévèrement Barthélemy.

       – Eh bien ? N’est-il pas maintenant un vagabond, un futur voleur ? N’a-t-il pas suscité des conversations peu flatteuses sur nous ? On l’a cru fils de ta Mère… Et où est l’époux de ta Mère pour justifier un fils de cet âge ? Ou bien on le croit fils de l’un de nous, et…

       – Cela suffit ! Tu parles le langage du monde. Or le monde parle dans la boue, aux grenouilles, aux couleuvres, aux lézards, à toutes les bêtes impures… 454.8 Viens, Alphée, ne pleure pas. Viens auprès de moi : je vais te porter dans mes bras. »

       Grande est la peine de l’enfant. Toute sa douleur d’orphelin, d’enfant repoussé par sa mère, qui s’était apaisée pendant ces jours de paix, revient à la surface, bout, déborde. Plus que les égratignures qu’il s’est faites au front et aux mains, en tombant sur un terrain pierreux, égratignures que les femmes nettoient et embrassent pour le consoler, il pleure sa souffrance d’enfant mal aimé. Des sanglots longs, déchirants, en appelant son père mort, sa mère… Le pauvre petit !

       Je pleure avec lui, moi que les hommes n’ont jamais su aimer, et comme lui, je me réfugie dans les bras de Dieu, aujourd’hui, anniversaire des funérailles de mon père ; aujourd’hui où une décision injuste me prive de la communion fréquente…

       Jésus le prend, l’embrasse, le berce et le console tout en marchant en tête du groupe, avec l’innocent dans les bras, au clair de lune… Les larmes s’apaisent peu à peu et s’espacent, et on peut entendre dans le silence de la nuit la voix de Jésus qui lui dit :

       « Je suis là, Alphée. Je suis là pour tous, pour te tenir lieu de père et de mère. Ne pleure pas. Ton papa est auprès de moi, et il t’embrasse avec moi. Les anges prennent soin de toi, comme s’ils étaient des mères. Tout l’amour, tout l’amour, si tu es gentil et sage, est avec toi… »

       454.9 L’un des trois hommes venus d’Hippos dit alors :

       « Le Maître est bon, et il attire à lui. Mais ses disciples, non. Moi, je m’en vais… »

       Puis, on entend Simon le Zélote lancer à Judas :

       « Tu vois ce que tu fais ? »

       Seule la veuve d’Aphéqa reste parmi les femmes et soupire avec elles. On n’entend que le bruit des pas qui peu à peu s’affaiblit. En effet les trois habitants d’Hippos sont partis. Puis la troupe des disciples s’arrête près d’une vaste grotte qui est peut-être un abri pour les bergers, car le sol est jonché d’une couche de bruyères et de fougères coupées depuis peu qui isolent du sol humide.

       « Arrêtons-nous ici. Rassemblons pour les femmes ce lit de la Providence. Nous, nous pouvons nous étendre là-dehors, sur l’herbe » dit Jésus.

       C’est ce qu’ils font pendant que la pleine lune parcourt le firmament.

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