Une initative de
Marie de Nazareth

Jésus ne cachera pas à sa Mère l’heure du Sacrifice

samedi 11 août 29
Capharnaüm

Vision de Maria Valtorta

       460.1 « Tu ne reconduis pas l’enfant à sa mère ? demande Barthélemy à Jésus, qu’il trouve sur la terrasse, absorbé dans une profonde prière.

       – Non, j’attendrai qu’elle revienne de la synagogue…

       – Tu espères que le Seigneur lui parlera là-bas… et qu’elle… comprendra son devoir ? Tu penses en sage, mais elle n’est pas sage. Une autre mère serait accourue dès hier soir pour reprendre son enfant. Enfin… nous avions navigué sur une mer en tempête… Elle ne savait pas d’où nous venions… S’est-elle par hasard préoccupée de voir si son fils n’en avait pas souffert ? Elle vient peut-être ce matin ? Regarde combien de mères sont déjà debout, bien qu’il fasse jour depuis peu, empressées à étendre les vêtements de fête pour qu’ils finissent de sécher et que les enfants puissent les mettre propres pour le jour du Seigneur. Un pharisien dirait qu’elles font un travail servile, parce qu’elles étendent ces petits vêtements. Moi, je dis qu’elles font un acte d’amour envers Dieu et envers leurs enfants. Ce sont de pauvres femmes pour la plupart. Regarde là, Marie de Benjamin et Rébecca de Michée. Et sur cette pauvre terrasse, Jeanne qui, patiemment, démêle les franges du pauvre vêtement de son garçon afin qu’il paraisse moins pauvre pour aller à la fonction sacrée. Et là aussi, sur la rive qui va être bientôt tout ensoleillée, Selida étend la toile encore grège, pour que paraisse fin ce qui est toujours un tissu grossier, beau seulement en raison des sacrifices qu’il lui coûte : tant de bouchées de pain enlevées à la faim qui la tenaillait pour les changer en filasse de chanvre. Et là-bas, n’est-ce pas Adina qui frotte avec des herbes le petit vêtement déteint de sa fillette pour qu’il paraisse plus vert ? Mais la mère d’Alphée, on ne la voit pas…

       – Que le Seigneur change son cœur ! Il n’y a rien d’autre à dire… »

       460.2 Ils restent appuyés au muret de la terrasse, à regarder la nature rafraîchie par l’orage qui a éclairci l’atmosphère et nettoyé la verdure. Le lac est encore un peu agité et moins bleu qu’à l’ordinaire. Des veines d’eau sont descendues des torrents en crue pendant quelques heures, entraînant les poussières de leurs lits desséchés, mais le lac est beau malgré ces infusions d’ocre. On dirait un immense lapis-lazuli rayé de perles, et il rit sous le soleil limpide qui apparaît maintenant derrière les monts de l’orient et fait luire toutes les gouttes que retiennent encore les ramilles. Hirondelles et colombes sillonnent joyeusement l’air purifié et, dans les feuillages, des oiseaux de toute espèce gazouillent.

       « La chaleur retombe. C’est une belle et riche saison, belle comme l’âge mûr. N’est-ce pas, Maître ?

       – Belle… oui… »

       Mais on voit que Jésus pense à tout autre chose.

       Barthélemy le regarde…

       « A quoi penses-tu ? A ce que tu vas dire à la synagogue ?

       – Non. Je pense que les malades attendent. Allons tous les deux les guérir.

       – Nous seuls ?

       – Simon, André, Jacques et Jean sont allés retirer les nasses mises par Thomas en prévision de notre retour. Les autres dorment. Allons-y tous deux. »

       460.3 Ils descendent et se dirigent vers la campagne, vers les maisons éparses parmi les jardins ou même parmi les champs, à la recherche des malades abrités dans des maisons de pauvres, toujours hospitalières. Mais des gens courent en avant, devinant où le Maître se rend, et quelqu’un lui dit :

       « Attends ici, dans mon jardin, nous allons te les amener… »

       Et bien vite, de divers côtés, comme des eaux de ruisselets se réunissent en un unique étang, les malades arrivent ou sont amenés à Celui qui guérit. Les miracles s’accomplissent. Jésus dit, en congédiant ceux qui sont rétablis :

       « Ne révélez pas à ceux qui vous interrogent que je vous ai guéris. Retournez dans les maisons où vous étiez. Mon disciple apportera des secours aux plus pauvres avant le crépuscule.

       – Oui. Ne parlez pas. Vous lui feriez tort. Rappelez-vous que c’est le sabbat et que beaucoup le haïssent, renchérit Barthélemy.

       – Nous ne ferons pas de mal à celui qui nous a fait du bien. Nous en parlerons dans nos villages, sans préciser quel jour nous avons été guéris, dit un homme qui auparavant était paralysé.

       – Et même, dit quelqu’un qui avait eu les yeux malades, je pense que nous devrions nous disperser dans la campagne en attendant le coucher du soleil. Les pharisiens savent où nous étions logés et ils pourraient venir voir…

       – Tu as raison, Isaac. Hier, ils posaient vraiment trop de questions… Ils penseront que, las d’attendre, nous sommes partis avant la tombée du jour.

       – Mais hier soir, l’apôtre nous a vus ? » demande un ancien aveugle. « N’était-ce pas lui qui parlait ?

       – Non. C’était un frère du Seigneur. Il ne nous trahira pas.

       – Dites seulement où vous allez, pour que je puisse vous trouver quand je viendrai » insinue Barthélemy.

       Les malades tiennent conseil. Certains voudraient aller vers Chorazeïn, d’autres vers Magdala. Ils s’en remettent à Jésus, qui leur conseille :

       « Dans les champs, le long de la route qui va à Magdala. Suivez le second torrent et vous trouverez peu après une maison. Rendez-vous-y et dites : “ C’est Jésus qui nous envoie. ” Ils vous accueilleront comme des frères. Allez. Que Dieu soit avec vous et vous avec Dieu, en évitant de pécher à l’avenir. »

       460.4 Jésus se remet en route sans revenir immédiatement au village par le chemin déjà parcouru. Il fait au milieu des jardins un détour qui l’amène près de la source voisine du lac. La source est prise d’assaut par les femmes, qui veulent faire provision d’eau pendant qu’il fait frais et que le soleil n’est pas trop haut.

       « Le Rabbi ! Le Rabbi ! »

       Tous se rassemblent, femmes et enfants, et aussi hommes du peuple, âgés pour la plupart, et oisifs à cause du sabbat.

       « Un mot, Maître, pour rendre joyeuse cette journée, demande un vieillard qui tient par la main un enfant — peut-être son arrière-petit-fils car, si le vieil homme est presque certainement centenaire, l’enfant n’a pas plus de six ans.

       – Oui, satisfais le vieux Lévi, et nous avec lui.

       – Aujourd’hui, vous avez l’explication de Jaïre. Je suis ici pour l’entendre. Vous avez un chef de synagogue sage…

       – Pourquoi parles-tu ainsi, Maître ? Tu es leur chef à tous, toi le Maître d’Israël. Nous, nous ne connaissons que toi.

       – Il ne faut pas. Les chefs de synagogue sont établis pour être vos maîtres, pour exercer le culte parmi vous en vous donnant l’exemple pour faire de vous de fidèles israélites. Ils seront encore là quand, moi, je ne serai plus. Ils porteront un autre nom, auront d’autres cérémonies, mais ils seront toujours les ministres du culte. Vous devez les aimer et prier pour eux, car, là où il y a un bon chef de synagogue, il y a de bons fidèles et, par conséquent, Dieu s’y trouve.

       – Nous le ferons, mais parle-nous maintenant. On nous a dit que tu vas nous quitter…

       – J’ai beaucoup de brebis éparses à travers la Palestine. Elles attendent toutes leur Pasteur. Mais vous avez des disciples de plus en plus nombreux et sages…

       – Oui. Mais ce que tu dis est toujours bon et facile à comprendre pour nos esprits ignorants.

       – De quoi vais-je vous parler ?…

       – Jésus, nous t’avons cherché partout ! crie Joseph, fils d’Alphée, qui survient avec son frère Simon et un groupe de pharisiens.

       – Où donc peut être le Fils de l’homme, sinon parmi les petits et les simples de cœur ? Vous vouliez me voir ? Me voici. Mais avant, laissez-moi leur dire un mot…

       460.5 Ecoutez. On vous a annoncé que je vais vous quitter. C’est vrai. Je ne l’ai pas nié, mais avant cela, je vous donne ce commandement : veillez attentivement sur vous-mêmes pour bien vous connaître, approchez-vous de plus en plus de la Lumière pour y voir clair. Ma parole est Lumière. Gardez-la en vous et, quand à sa lumière vous découvrirez des taches ou des ombres, prenez grand soin de les chasser de votre cœur. Ce que vous étiez avant que je vous connaisse, vous ne devez plus l’être. Vous devez être bien meilleurs, car maintenant vous en savez beaucoup plus.

       Auparavant, vous étiez comme dans un crépuscule, mais désormais vous avez la Lumière en vous. Vous devez donc être fils de la Lumière.

       Regardez le ciel au matin, quand l’aube l’éclaircit : il peut sembler serein seulement parce qu’il n’est pas couvert de nuages orageux, mais à mesure que la lumière croît et que la vive clarté du soleil se développe à l’orient, l’œil voit avec surprise se former des taches rosées sur l’azur. Qu’est-ce ? Oh ! c’étaient de légères nuées, si légères qu’elles paraissaient ne pas exister tant que la lumière était incertaine mais, maintenant que le soleil les frappe, elles semblent être de légères écumes sur le ciel. Et elles y restent jusqu’à ce que le soleil les dissipe par son grand éclat.

       Agissez de même à l’égard de votre âme. Amenez-la de plus en plus près de la lumière, pour découvrir toute brume, même la plus légère, puis gardez-la sous le grand soleil de la Charité. Elle consumera vos imperfections comme le soleil fait s’évaporer la légère humidité qui se condense dans ces nuées si fines, qui disparaissent à l’aurore sous l’effet de ses rayons. Si vous êtes totalement brûlés de charité, la Charité opérera en vous de continuels prodiges. Allez maintenant, et soyez bons… »

       460.6 Après les avoir congédiés, il va trouver ses deux cousins, qu’il embrasse après avoir fait de profondes inclinations aux pharisiens présents, parmi lesquels se trouve Simon, le pharisien de Capharnaüm. Les autres sont des visages nouveaux.

       « Nous sommes partis à ta recherche plutôt pour eux que pour nous. Ils sont venus à Nazareth pour te chercher, et alors… explique Simon, fils d’Alphée, en désignant les pharisiens.

       – Paix à vous. De quoi avez-vous besoin ?

       – Oh ! de rien. De te voir, seulement de te voir pour t’écouter, entendre la sagesse de tes paroles…

       – Rien que pour cela ?

       – Et aussi pour te conseiller, vraiment… Tu es trop bon et le peuple en abuse. Il est mauvais, ce peuple, tu le sais bien. Pourquoi ne maudis-tu pas les pécheurs ?

       – Parce que le Père m’ordonne de sauver, et non pas de perdre.

       – Tu vas aller au devant de malheurs…

       – Peu importe. Je ne puis transgresser l’ordre du Très-Haut pour aucun intérêt humain.

       – Et si… Sais-tu… on dit tout bas que tu flattes le peuple pour t’en servir en le soulevant. Nous sommes venus te demander si c’est vrai.

       – Etes-vous venus de vous-mêmes, ou vous a-t-on envoyés ?

       – Cela revient au même.

       – Non. Mais je vous réponds, à vous comme à ceux qui vous ont envoyés, que c’est une eau de paix qui déborde de mon seau, que la semence que je répands est une semence de renoncement. Je taille les rameaux orgueilleux. Je suis prêt à arracher les mauvaises plantes pour qu’elles ne nuisent pas aux bonnes, si elles ne se prêtent pas à la greffe. Mais ce que j’appelle “ bon ” n’est pas ce que vous, vous qualifiez de tel. En effet, je nomme “ bons ” l’obéissance, la pauvreté, le renoncement, l’humilité, la charité qui se prêtent à toutes les humilités et à toutes les miséricordes. Ne craignez rien. Le Fils de l’homme ne tend pas de piège aux puissances humaines, mais il vient inculquer la puissance aux âmes. Allez, et rapportez que l’Agneau ne sera jamais loup.

       – Que veux-tu dire ? Tu nous comprends mal et nous te comprenons mal.

       – Non. Vous et moi, nous nous comprenons fort bien…

       – Dans ce cas, tu sais pourquoi nous sommes venus ?

       – Oui : pour me demander de ne pas parler aux foules. Et vous ne réfléchissez pas que vous ne pouvez m’interdire d’entrer, comme tout juif, là où on lit et explique les Ecritures et où tout circoncis a le droit de parler.

       – Qui te l’a dit ? Jaïre, n’est-ce pas ? Nous le rapporterons.

       – Je n’ai pas encore vu Jaïre.

       – Tu mens.

       – Je suis la Vérité. »

       Du milieu du rassemblement qui s’est formé, un homme dit :

       « Il ne ment pas. Jaïre est parti hier, avant le coucher du soleil, avec sa femme et sa fille en laissant ici l’assistant. Il les a accompagnées chez sa mère mourante et il ne reviendra qu’après les purifications. »

       Les pharisiens n’ont pas la joie de pouvoir montrer que Jésus ment, mais ils ont celle de le savoir privé de son ami le plus puissant à Capharnaüm. Ils se regardent les uns les autres. C’est toute une mimique de regards.

       460.7 Joseph, fils d’Alphée, l’aîné de la famille, se sent obligé de défendre Jésus. Il se tourne vers Simon le pharisien :

       « Tu m’as honoré en voulant partager avec moi le pain et le sel, et le Très-Haut tiendra compte de cet honneur fait aux descendants de David. Tu t’es montré juste pour moi. Mon Frère est accusé par les pharisiens. Hier, ils m’ont dit, à moi qui suis le chef de famille, que leur unique douleur était que Jésus délaisse la Judée car, étant le Messie d’Israël, il avait le devoir d’aimer et d’évangéliser également tout Israël. J’ai trouvé juste leur raisonnement et je l’aurais rapporté à mon Frère. Mais alors, pourquoi parlent-ils ainsi aujourd’hui ? Qu’ils expliquent au moins pourquoi il ne doit pas prendre la parole. Il ne me semble pas qu’il dise des choses contraires à la Loi et aux Livres. Donnez-en la raison, et je persuaderai Jésus de tenir un autre discours.

       – C’est juste. Répondez à cet homme… » dit Simon le pharisien. « A-t-il tenu des propos… sacrilèges ?

       – Non. Mais le Sanhédrin l’accuse de diviser, d’essayer de diviser la nation. Le Roi doit appartenir à Israël, pas seulement à la Galilée.

       – Tout ce qui concerne la patrie lui est cher, mais, en elle, sa région natale le lui est particulièrement. Cet amour qu’il a pour la Galilée n’est pas une raison grave au point de mériter une punition. Du reste, nous descendons de David, et par conséquent…

       – Alors qu’il vienne en Judée, qu’il ne nous méprise pas.

       – Tu les entends ? C’est un honneur pour toi et pour la famille ! déclare Joseph, sur un ton mi-sévère, mi-goguenard.

       – J’entends.

       – Je te conseille d’accéder à leur désir. Il est bon et tout à fait honorable. Tu dis que tu veux la paix. Puisqu’on t’aime dans ces deux régions, mets donc fin au dissentiment qui les oppose. Tu le feras certainement. Oh ! bien sûr qu’il le fera. Moi, je m’en porte garant pour lui, qui obéit aux aînés.

       – Il est dit : “ Personne n’est plus grand que moi. Il n’est pas d’autre dieu qui passe avant moi. ” Moi, j’obéirai toujours à ce que Dieu veut.

       – Vous l’entendez ? Allez donc en paix.

       – Nous l’entendons. Mais, Joseph, avant de partir nous voulons savoir ce que Dieu veut pour lui.

       – Ce que Dieu veut, c’est que je fasse sa volonté.

       – Et quelle serait-elle ? Parle !

       – Que je rassemble les brebis d’Israël et que je les réunisse en un seul troupeau. Et je le ferai.

       – Nous prenons note de tes paroles.

       – Bien. Que Dieu soit avec vous. »

       Jésus tourne alors le dos au groupe de pharisiens et retourne à la maison.

       460.8 Joseph, son cousin, se met à côté de Jésus, à moitié satisfait. D’un air protecteur, il lui fait remarquer qu’en sachant s’y prendre (comme lui), et en s’appuyant sur leur famille (comme heureusement aujourd’hui), en rappelant qu’ils ont droit au trône (en tant que descendants de David) et ainsi de suite, les pharisiens eux-mêmes deviennent de bons amis.

       Jésus l’interrompt :

       « Et tu les crois ? Tu crois à leurs dires ? En vérité, l’orgueil et les éloges menteurs suffisent pour couvrir d’un bandeau la vue la plus perçante.

       – Moi, pourtant… je les satisferais. Tu ne peux prétendre qu’ils te portent en triomphe au milieu des cris de louange, d’un seul coup… Tu dois les conquérir. Un peu d’humilité, Jésus, un peu de patience ! L’honneur mérite tous les sacrifices…

       – Assez ! Ce sont là des paroles humaines, et pire encore. Que Dieu te pardonne et qu’il te donne la lumière, mon frère. Mais écarte-toi, car tu me peines. Et tais à ta mère, à tes frères, à ma Mère ces conseils superflus.

       – Tu veux te perdre ! Tu es la cause de notre ruine et de la tienne !

       – Pourquoi es-tu venu, si tu es toujours le même ? Je n’ai pas encore souffert pour toi. Mais je le ferai, et alors… »

       Joseph est parti, fâché.

       « Tu le décourages… Il est comme notre père, tu le sais. C’est le vieux juif typique… murmure Simon.

       – Quand il comprendra, il verra que ma conduite, qui maintenant le déconcerte, était sainte… »

       460.9 Les voilà au seuil de la maison. Ils entrent. Jésus ordonne à Pierre :

       « Fais en sorte que la barque soit prête au coucher du soleil. Nous accompagnerons les deux Marie à Tibériade et Simon les escortera chez elles. Matthieu viendra avec toi, en plus de tes compagnons pêcheurs. Les autres resteront ici à nous attendre. »

       Pierre prend Jésus à part :

       « Et s’il vient, l’homme d’Antioche ? C’est à cause de Judas que je dis cela…

       – Ton Maître te dit que nous le trouverons sur le môle de Tibériade.

       – Ah ! Dans ce cas… » Et à haute voix : « La barque sera prête.

       460.10 – Mère, monte avec moi. Nous serons ensemble pendant ces heures. »

       Marie le suit sans mot dire. Ils entrent dans la chambre du haut, fraîche et ombragée par la vigne qui la couvre et par des rideaux installés pour faire de l’ombre.

       « Tu t’en vas, mon Jésus ? »

       Marie est très pâle.

       « Oui, il est temps.

       – Et moi, je ne dois pas venir pour la fête des Tentes ? Mon Fils !… »

       Marie a un sanglot.

       « Maman ! Pourquoi ? Ce n’est pas la première fois que nous nous quittons !

       – Non. C’est vrai. Mais… Ah ! je me rappelle ce que tu m’as dit dans les bois près de Gamla… Mon Fils ! Pardonne à une pauvre femme. Je t’obéirai… Avec l’aide de Dieu, je serai forte… Mais je veux que tu me fasses une promesse…

       – Laquelle, Mère ?

       – Que tu ne me cacheras pas l’heure redoutable. Ne fais pas cela par pitié, ou par défiance de moi… Ce serait pour moi une trop grande douleur… et une trop grande torture… Ce qui me serait douloureux, ce serait… de tout apprendre à l’improviste et par quelqu’un qui ne m’aime pas comme toi tu aimes ta pauvre maman… Et ce serait une torture si je pensais que, peut-être au moment où je file, où je tisse, où je soigne les colombes, toi, mon Enfant, tu es mis à mort…

       – Ne crains rien, Mère. Tu sauras… Mais ce n’est pas notre dernier adieu. Nous nous verrons encore…

       – Vraiment ?

       – Oui. Nous nous verrons encore.

       – Et tu me diras : “ Je vais accomplir le Sacrifice ” ? Oh…

       – Je ne dirai pas cela, mais tu comprendras… Puis viendra la paix. Une telle paix… Imagine : avoir fait tout ce que Dieu veut de nous, ses enfants, pour le bien de tous les autres. Une paix si grande… La paix du parfait amour… »

       Il l’a serrée sur son cœur et il la tient étroitement dans son étreinte filiale, lui tellement plus grand et plus fort, elle plus menue, jeune de la jeunesse intacte de sa chair et de ce qu’elle exprime, qui couvre l’éternelle jeunesse de son âme immaculée. Et elle répète, héroïque, combien héroïque :

       « Oui, oui. Ce que Dieu veut… »

       Il n’y a pas d’autre mot. Les deux Parfaits consomment déjà le sacrifice de leur plus rude obéissance. Il n’y a même plus de larmes, même plus de baisers. Il n’y a qu’eux deux, qui aiment parfaitement et déposent aux pieds de Dieu leur amour.

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