Une initative de
Marie de Nazareth

La parabole de la distribution des eaux

lundi 13 août 29
Chorazeïn

Vision de Maria Valtorta

       467.1Manifestement, la nouvelle que le Maître est là et qu’il va parler avant le soir s’est répandue. Les alentours de la maison fourmillent de gens qui parlent tout bas, sachant que le Maître se repose ; comme ils ne veulent pas le réveiller, ils attendent patiemment sous les arbres qui les défendent du soleil, mais pas de la chaleur, encore forte. Il n’y a pas de malades, à ce qu’il me semble, mais comme toujours il y a des enfants, et Anne leur fait distribuer des fruits pour qu’ils restent tranquilles.

       Mais Jésus ne dort pas longtemps, et le soleil est encore haut sur l’horizon quand il apparaît, écartant le rideau et souriant à la foule. Il est seul. Les apôtres continuent probablement à dormir. Jésus se dirige vers les gens pour aller se placer du côté de la margelle basse d’un puits. Ce puits sert certainement à l’irrigation des arbres de ce verger, car de petits canaux en partent en éventail pour aller d’arbre en arbre. Il s’assied sur la margelle, et se met aussitôt à parler.

       467.2 « Ecoutez cette parabole.

       Un riche seigneur avait beaucoup de gens qui dépendaient de lui, répartis ici et là dans ses possessions. Ces dernières n’étaient pas toutes riches en eau et en terres fertiles. Il y avait aussi des endroits qui souffraient de l’aridité et, plus que les lieux, c’étaient les personnes qui souffraient car, si le terrain était couvert de plantations qui résistaient à la sécheresse, les cultivateurs ressentaient péniblement la rareté de l’eau. Le riche seigneur avait au contraire, à l’endroit où il habitait, un lac toujours rempli, alimenté par des sources souterraines.

       Un jour, le seigneur se décida à faire un voyage à travers ses possessions. Il vit que certaines, les plus proches du lac, avaient de l’eau en abondance ; les autres, éloignées, en étaient privées : ils n’avaient que le peu de pluie que Dieu leur envoyait. Il vit aussi que ceux qui en avaient à profusion n’étaient pas bons à l’égard de leurs frères qui en manquaient, et ils lésinaient même sur le moindre seau d’eau en invoquant comme excuse la crainte de rester eux mêmes à sec. Le seigneur réfléchit. Il prit une décision : “ Je vais dévier le trop-plein de mon lac vers les plus proches, et je leur donnerai l’ordre de ne plus refuser l’eau à mes serviteurs éloignés qui souffrent de la sécheresse du sol. ”

       Il entreprit tout de suite les travaux. Il fit creuser des canaux qui amenaient la bonne eau du lac à ses propriétés les plus proches, où il fit creuser de grandes citernes, de façon que le précieux liquide s’y rassemble en quantité, augmentant ainsi les ressources en eau du lieu. De celles-ci, il fit partir des canaux moins importants pour alimenter d’autres citernes plus éloignées. Ensuite, il appela ceux qui vivaient au plus près, et il leur dit : “ Souvenez-vous que ce que j’ai fait n’a pas pour but de vous donner du superflu, mais de favoriser par votre intermédiaire ceux qui manquent même du nécessaire. Soyez donc miséricordieux comme je le suis. ” Et il les congédia.

       467.3 Le temps passant, le riche seigneur entreprit un nouveau voyage à travers toutes ses possessions. Il vit que les plus proches s’étaient embellies et qu’elles n’étaient pas seulement riches en plantes utiles, mais aussi en plantes ornementales, en piscines, en fontaines, en bassins établis dans les maisons un peu partout et dans le voisinage.

       “ Vous avez fait de ces demeures des maisons de riches ” observa le seigneur. “ Même moi, je n’ai pas tant de beautés superflues. ” Et il demanda : “ Mais les autres viennent-ils ? Leur avez-vous donné abondamment ? Les petits canaux sont-ils alimentés ?

       – Oui, ils ont eu tout ce qu’ils ont demandé. Ils sont même exigeants, ils ne sont jamais contents, ils n’ont ni prudence ni mesure, ils viennent réclamer à toutes les heures comme si nous étions leurs serviteurs, et nous devons nous défendre pour protéger ce que nous avons. Ils ne se contentaient plus des canaux et des petites citernes, ils viennent jusqu’aux grandes.

       – C’est la raison pour laquelle vous avez entouré vos propriétés de clôtures et mis dans chacune des chiens féroces ?

       – Oui, seigneur. Ils entraient sans précautions, ils prétendaient tout nous enlever et abîmaient tout…

       – Mais leur avez-vous réellement donné ? Vous savez que c’est pour eux que j’ai fait cela, et que je vous ai établis comme intermédiaires entre le lac et leurs terres arides ? Je ne comprends pas… J’avais fait prendre suffisamment d’eau du lac pour qu’il y en ait pour tous, mais sans gaspillage.

       – Et pourtant, crois bien que nous ne leur en avons jamais refusé. ”

       Le seigneur se dirigea vers ses possessions plus lointaines. Les grands arbres adaptés à l’aridité du sol étaient verts et feuillus. “ Ils ont dit vrai ”, pensa le seigneur en les apercevant de loin qui frémissaient au vent. Mais il s’en approcha et vit par dessous le terrain brûlé ; les herbes que broutaient péniblement des brebis épuisées étaient presque sèches, les jardins près des maisons envahis par le sable. Puis il vit les premiers cultivateurs, souffrants, l’œil fébrile, et humiliés… Ils le regardaient et baissaient la tête en s’éloignant comme s’ils avaient peur de lui.

       Etonné de cette attitude, il les appela. Ils s’approchèrent en tremblant.

       “ Que craignez-vous ? Ne suis-je plus votre bon seigneur qui a pris soin de vous et qui, par des travaux prévoyants, vous a soulagés de la pénurie de l’eau ? Pourquoi ces visages de malades ? Pourquoi ces terres arides ? Pourquoi les troupeaux sont-ils si chétifs ? Et pourquoi semblez-vous avoir peur de moi ? Parlez sans crainte, dites à votre seigneur ce qui vous fait souffrir. ”

       Un homme prit la parole au nom de tous :

       “ Seigneur, nous avons eu une grande déception et beaucoup de peine. Tu nous avais promis du secours, or nous avons perdu même ce que nous possédions auparavant ainsi que tout espoir en toi.

       – Comment ? Pourquoi ? N’ai-je pas fait venir l’eau en grande quantité aux plus proches, en leur donnant l’ordre de vous faire profiter de cette abondance ?

       – C’est ce que tu as dit ? Vraiment ?

       – Bien sûr. La montée du sol m’empêchait de faire arriver l’eau directement jusqu’ici, mais avec de la bonne volonté, vous pouviez aller aux petits canaux des citernes, avec des outres et des ânes, et prendre autant d’eau que vous vouliez. N’aviez-vous pas assez d’ânes et d’outres ? Et n’étais-je pas là pour vous les donner ?

       – Voilà ! Moi, je l’avais bien dit ! J’ai dit : ‘ Ce ne peut être le seigneur qui a donné l’ordre de nous refuser l’eau ’. Si nous y étions allés !

       – Nous avons eu peur. Ils nous disaient que l’eau était une récompense pour eux et que nous étions punis. ”

       Et ils racontèrent à leur bon maître que les fermiers des possessions bénéficiaires avaient prétendu que le seigneur, pour punir les serviteurs des terres arides qui ne savaient pas produire davantage, avait donné l’ordre de mesurer non seulement l’eau des citernes, mais même celle des puits primitifs. De cette façon, si auparavant ils en avaient pour eux et leurs terres, jusqu’à deux cents bats par jour qu’il leur fallait porter péniblement sur un long parcours, ils n’en avaient maintenant que cinquante. En outre, pour obtenir cette quantité pour les hommes et pour les animaux, ils devaient aller aux ruisselets voisins des lieux bénis, là où débordait l’eau des jardins et des bains, pour y prendre une eau trouble, et ils mouraient. Ils mouraient de maladie et de soif, les jardins mouraient et aussi les brebis…

       “ Oh ! c’en est trop ! Il faut que cela finisse. Prenez votre mobilier et vos animaux et suivez-moi. Vous allez vous fatiguer un peu, épuisés comme vous l’êtes, mais ensuite ce sera la paix. Je vais marcher lentement, pour permettre à votre faiblesse de me suivre. Je suis un bon maître, un père pour vous, et je pourvois aux besoins de mes enfants. ”

       Et il se mit lentement en chemin, suivi de la triste foule de ses serviteurs et de leurs animaux, tout heureux cependant du réconfort de l’amour de leur bon maître.

       467.4 Ils arrivèrent aux terres bien pourvues en eau. Le maître choisit quelques hommes parmi les plus forts, et il leur dit :

       “ Allez en mon nom demander de quoi vous désaltérer.

       – Et s’ils lancent les chiens contre nous ?

       – Je suis derrière vous, ne craignez rien. Allez dire que c’est moi qui vous envoie et qu’ils ne doivent pas fermer leur cœur à la justice, car toutes les eaux appartiennent à Dieu, et les hommes sont frères. Qu’ils ouvrent tout de suite les canaux. ”

       Ils s’y rendirent, et le maître les suivit. Ils se présentèrent à un portail. Le maître resta caché derrière le mur de clôture. Ils appelèrent. Les fermiers accoururent.

       “ Que voulez-vous ?

       – Ayez pitié de nous, nous mourons. Le maître nous envoie avec l’ordre de prendre l’eau qu’il a fait venir pour nous. Il dit que c’est Dieu qui la lui a donnée ; et que lui vous l’a donnée pour nous, car nous sommes frères, de sorte qu’il vous demande d’ouvrir immédiatement les canaux.

       – Ah ! Ah ! ” dirent en riant les sans-cœur. “ Des frères, cette troupe de déguenillés ? Vous mourez ? Tant mieux. Nous prendrons vos terrains, nous y amènerons l’eau. Alors, oui, nous l’amènerons et nous rendrons ces lieux fertiles. L’eau pour vous ? Imbéciles ! L’eau nous appartient.

       – Pitié, nous mourons. Ouvrez, c’est l’ordre du maître. ”

       Les cruels fermiers se consultèrent, puis ils dirent : “ Attendez un moment ” et ils s’en allèrent en courant. Puis ils revinrent et ouvrirent, mais ils avaient des chiens et de lourdes matraques… Les pauvres prirent peur. “ Entrez, entrez… Vous n’entrez pas, maintenant que nous vous avons ouvert ? Ensuite vous direz que nous n’étions pas généreux… ”

       Un imprudent entra et une grêle de coups de bâtons tombèrent sur lui, pendant que les chiens détachés s’élançaient sur les autres.

       Le maître sortit alors de derrière le mur.

       “ Que faites-vous, misérables ? Maintenant, je vous connais, vous et vos animaux, et je vous frappe. ”

       Et il lança des flèches contre les chiens et entra ensuite, l’air sévère et courroucé.

       “ C’est ainsi que vous exécutez mes ordres ? C’est pour cela que je vous ai donné ces richesses ? Appelez tous vos proches, je veux vous parler. Quant à vous ” ajouta-t-il en s’adressant aux serviteurs assoiffés, “ entrez avec vos femmes et vos enfants, vos brebis et vos ânes, vos pigeons et vos autres animaux, buvez, rafraîchissez-vous et cueillez ces fruits juteux. Et vous, petits innocents, courez parmi les fleurs. Profitez-en. La justice est dans le cœur du bon maître et la justice sera pour tous. ”

       Et pendant que les assoiffés couraient aux citernes et se plongeaient dans les piscines, que les bestiaux allaient aux bassins, et que tout était allégresse pour eux, les autres accouraient de tous côtés, craintifs.

       467.5 Le maître monta sur le bord d’une citerne et dit :

       “ J’avais fait ces travaux et je vous avais rendus dépositaires de mes ordres et de ces trésors, car je vous avais choisis pour être mes ministres. Vous avez échoué dans l’épreuve. Vous paraissiez bons. Vous vous deviez de l’être, car le bien-être devrait rendre bons, reconnaissants envers le bienfaiteur, et je vous avais toujours favorisés en vous donnant la location de ces terres bien irriguées. L’abondance et mon élection vous ont rendus durs de cœur, plus secs que les terres que vous avez fait devenir complètement arides, plus malades que ces assoiffés. Eux en effet, avec l’eau peuvent guérir, alors que vous, avec votre égoïsme, avez brûlé votre âme qui aura beaucoup de mal à guérir, et c’est bien difficilement que reviendra en vous l’eau de la charité. Maintenant, je vous punis. Allez dans leurs terres et souffrez ce qu’eux ont souffert.

       – Pitié, Seigneur ! Pitié pour nous ! Tu veux donc nous faire périr ? Tu as moins de pitié pour nous, les hommes, que nous pour les animaux ?

       – Et eux, que sont-ils ? Ne sont-ils pas des hommes, vos frères ? Quelle pitié aviez-vous ? Ils vous demandaient de l’eau, vous leur donniez des coups de bâtons et des sarcasmes. Ils vous demandaient ce qui m’appartient et que je vous avais confié, or vous le refusiez en disant que c’était à vous. A qui est l’eau ? Moi-même, je ne prétends pas que l’eau du lac m’appartient, bien que le lac m’appartienne. L’eau est à Dieu. Qui de vous a créé une seule goutte de rosée ? Allez !… Et je vous dis, à vous qui avez souffert : soyez bons. Faites-leur ce que vous auriez voulu qu’il vous soit fait. Ouvrez les canaux qu’eux ont fermés et faites-leur couler l’eau dès que vous le pourrez. Je fais de vous mes distributeurs pour ces frères coupables auxquels je laisse la possibilité et le temps de se racheter. Et c’est le très-haut Seigneur, plutôt que moi, qui vous confie la richesse de ses eaux pour que vous deveniez la providence de ceux qui en manquent. Si vous savez le faire avec amour et justice, en vous contentant du nécessaire, en donnant le superflu aux malheureux, en vous montrant justes, en n’appelant pas vôtre ce qui est don reçu ou plutôt don confié, grande sera votre paix, et l’amour de Dieu et le mien seront toujours avec vous. ”

       467.6 La parabole est finie, et tout le monde peut la comprendre. Je veux vous dire par là que l’homme riche est dépositaire de la richesse que Dieu lui accorde avec l’ordre de la redistribuer à ceux qui souffrent. Réfléchissez à l’honneur que Dieu vous fait en vous appelant à collaborer à l’œuvre de la Providence en faveur des pauvres, des malades, des veuves, des orphelins. Il pourrait faire pleuvoir de l’argent, des vêtements, des vivres sur les pas des pauvres. Mais dans ce cas, il enlèverait au riche de grands mérites : ceux de la charité envers leurs frères. Tous les riches ne peuvent être savants, mais tous peuvent être bons. Tous ne peuvent soigner les malades, ensevelir les morts, visiter les malades et les prisonniers. Mais tous les riches, ou même simplement ceux qui ne sont pas pauvres, peuvent donner un pain, une gorgée d’eau, un vêtement qu’on ne porte plus, accueillir près du feu celui qui tremble de froid, ou sous son toit l’homme sans maison, et qui est sous la pluie ou en plein soleil. L’indigent, c’est celui qui manque du nécessaire pour vivre. Les autres, qui ont des moyens limités, sans être pauvres, sont même riches par rapport à ceux qui meurent de faim, de privations ou de froid.

       Je m’en vais. Je ne puis faire de bien aux pauvres dans ces parages. Et mon cœur souffre en pensant qu’ils perdent un ami… Eh bien, moi qui vous parle — et vous savez qui je suis —, je vous demande d’être la providence des pauvres privés de leur Ami miséricordieux. Faites l’aumône, et aimez-les en mon nom, en souvenir de moi… Continuez mon œuvre. Soulagez par cette promesse mon cœur accablé : engagez-vous à toujours me reconnaître dans les pauvres, à les accueillir comme les plus vrais représentants du Christ qui est pauvre, qui a voulu être pauvre pour l’amour des plus malheureux sur la terre, et pour expier, par ses privations et son poignant amour, les prodigalités injustes et les égoïsmes des hommes.

       Souvenez-vous ! La charité, la miséricorde sont récompensées éternellement. Souvenez-vous ! La charité, la miséricorde absolvent des fautes. Dieu pardonne beaucoup à celui qui aime, et l’amour pour les indigents qui ne peuvent rien donner en échange est le plus méritoire aux yeux de Dieu. Rappelez-vous les paroles que je vous dis jusqu’à la fin de votre vie, ainsi vous serez sauvés et bienheureux dans le royaume de Dieu.

       Que ma bénédiction descende sur ceux qui reçoivent la parole du Seigneur et la mettent en pratique. »

       467.7 Les apôtres, Marziam et les disciples sont sortis tout doucement de la maison pendant qu’il parlait ; ils forment un groupe compact derrière la foule. Mais dès que Jésus a fini de parler, ils s’avancent, recueillent en passant l’obole que beaucoup offrent, et apportent l’argent à Jésus.

       Derrière eux se glisse un homme chétif qui a bien triste mine. Il avance, la tête si penchée que je ne puis voir son visage. Il va aux pieds de Jésus et, en se battant la poitrine, il gémit :

       « J’ai péché, Seigneur, et tu m’as puni. Je l’ai bien mérité. Mais donne-moi au moins ton pardon avant de partir. Aie pitié de Jacob le pécheur ! »

       Il lève la tête, et je reconnais, à son nom plus qu’à son aspect ravagé, le paysan favorisé une fois, et puni à une autre occasion à cause de sa dureté envers les deux orphelins.

       « Mon pardon ! Tu voulais guérir de cela autrefois, et tu t’inquiétais parce que ton grain était abîmé. Eux ont semé pour toi. Serais-tu donc privé de pain ?

       – J’en ai suffisamment.

       – Et n’est-ce pas là un signe de pardon, peut-être? »

       Jésus est très sévère.

       « Non, je préférerais mourir de faim, mais avoir l’âme en paix. Avec le peu que j’avais, j’ai essayé de réparer… J’ai prié et pleuré… Mais toi seul peut pardonner et donner la paix à mon âme. Seigneur, je ne te demande que le pardon… »

       Jésus le regarde fixement… Il lui fait lever la tête, que l’homme a baissée, et il le sonde de ses yeux splendides en restant un peu penché sur lui… Puis il dit :

       « Va, tu obtiendras ou non mon pardon selon la façon dont tu vivras dans le temps qui te reste.

       – Mon Seigneur, non, pas comme ça ! Tu as pardonné des fautes plus grandes…

       – Ce n’étaient pas des personnes qui avaient reçu des bienfaits comme toi, et elles n’avaient pas péché contre des innocents. Le pauvre est toujours sacré, mais la veuve et l’orphelin plus encore. Tu ne connais pas la Loi ?… »

       L’homme pleure. Il voulait un pardon immédiat.

       Jésus résiste :

       « Tu es descendu deux fois et tu ne t’es pas pressé de remonter… Souviens-toi. Ce que tu t’es permis, toi, un homme, Dieu peut se le permettre. Dieu est toujours très bon s’il te dit qu’il ne te refuse pas absolument le pardon, mais le fait dépendre de ta façon de vivre jusqu’à la mort. Va.

       – Bénis-moi, au moins… Pour que j’aie davantage la force d’être juste.

       – J’ai déjà béni.

       – Non, pas ainsi. Bénis-moi en particulier. Tu vois mon cœur… »

       Jésus lui pose la main sur la tête et lui dit :

       « J’ai parlé. Mais que cette caresse te persuade que, si je suis sévère, je ne te déteste pas. La sévérité de mon amour a pour but de te sauver, de te traiter en ami malheureux, non parce que tu es pauvre, mais parce que tu as été mauvais. Souviens-toi que je t’ai aimé, que j’ai eu pitié de ton âme, et que ce souvenir te rende désireux de m’avoir pour ami, un ami qui ne soit plus sévère.

       – Quand, Seigneur ? Où te trouverai-je, si tu dis que tu t’en vas ?

       – Dans mon Royaume.

       – Quel royaume ? Où le fondes-tu ? J’y viendrai…

       – Mon Royaume sera dans ton cœur si tu le rends bon, puis il sera au Ciel. Adieu. Je dois partir parce que le soir vient, et je dois bénir ceux que je quitte. »

       Après l’avoir congédié, Jésus se tourne vers les disciples et les maîtres de maison, qu’il bénit un par un.

       467.8 Puis, après avoir confié l’argent à Judas, il reprend la route vers le sud-ouest, en direction de Capharnaüm et le groupe disparaît dans la nature verdoyante…

       « Tu marches trop vite, Maître ! » s’écrie Pierre. « Nous sommes fourbus. Nous avons déjà parcouru tant de stades…

       – Tiens bon, Simon. Nous serons bientôt en vue de Chorazeïn. Vous y entrerez et irez dans les quelques maisons qui nous sont amies, et spécialement chez la veuve. Vous direz au petit Joseph que je veux le saluer à l’aube. Vous me l’amènerez sur la route qui monte vers Giscala…

       – Mais tu n’entres pas dans Chorazeïn ?

       – Non, je vais prier sur la montagne.

       – Tu es à bout, tu es pâle… Pourquoi te négliges-tu ?… Et pourquoi ne viens-tu pas avec nous ?… Pourquoi n’entres-tu pas dans la ville ?… »

       Ils l’accablent de questions. Leur affection est parfois fatigante.

       Mais Jésus est patient… et patiemment, il répond :

       « Vous le savez bien : la prière est mon repos. Et être dans la foule m’épuise quand je n’y suis pas pour guérir ou évangéliser. J’irai donc sur la montagne, là où je suis allé d’autres fois. Vous connaissez l’endroit.

       – Sur le sentier qui mène chez Joachim ?

       – Oui, vous savez où me trouver. A l’aube, je viendrai à votre rencontre…

       – Et… nous irons vers Giscala ?

       – C’est la bonne route pour avancer en direction de la frontière syro-phénicienne. J’ai dit à Afec que je m’y rendrais. Je le ferai donc.

       – C’est que… Tu ne te rappelles pas la dernière fois ?

       – Ne crains rien, Simon. Ils ont changé de manière. Pour le moment, ils m’honorent…

       – Oh ! Ils t’aiment, alors ?

       – Non, ils me haïssent plus encore qu’avant. Mais, ne pouvant m’abattre par la force, ils essaient d’y parvenir par la ruse. Ils essaient de séduire l’Homme… Et pour séduire, ils se servent des honneurs, même s’ils sont faux. Et même… 467.9 Venez tous près de moi » dit-il ensuite aux autres qui, voyant que Jésus parlait avec Pierre en particulier, avançaient en groupe.

       Ils se réunissent. Jésus reprend :

       « Je disais à Simon — et je vous le dis à tous, car je n’ai pas de secret pour mes amis — que mes ennemis ont changé de façon de me nuire, mais pas d’opinion à mon sujet. Aussi, de même qu’auparavant ils utilisaient l’insulte et la menace, ils se servent maintenant des honneurs. A mon égard, mais sûrement aussi envers vous. Soyez donc forts et sages. Ne vous laissez pas tromper par des paroles mensongères, par des cadeaux, par des séductions. Rappelez-vous ce que dit le Deutéronome : “ Les cadeaux aveuglent les yeux des sages et altèrent les paroles des justes. ” Rappelez-vous Samson : il était nazir de Dieu depuis sa naissance, dès le sein de sa mère, qui le conçut et le forma dans l’abstinence par l’ordre de l’ange pour qu’il devienne un juste juge d’Israël. Mais où a fini tant de bien ? Et comment ? Et par qui ? C’est bien par les honneurs et l’argent, et par des femmes payées dans ce but, que sa force fut abattue pour faire le jeu des ennemis.

       Maintenant, prenez garde, veillez pour n’être pas surpris par le mensonge et pour ne pas servir les ennemis, même inconsciemment. Sachez vous garder libres comme les oiseaux qui préfèrent une nourriture frugale et une branche pour se reposer, plutôt que des cages dorées où la nourriture est abondante et où il y a un nid confortable, mais où le caprice des hommes les retient prisonniers. Pensez que vous êtes mes apôtres, donc des serviteurs de Dieu seul, comme moi je suis voué uniquement à la Volonté du Père. Ils chercheront à vous séduire — peut-être l’ont-ils déjà fait —, en vous prenant chacun par votre point faible, car les serviteurs du Mal sont rusés, étant instruits par le Malin. Ne croyez pas à leurs paroles : elles ne sont pas sincères. Si elles l’étaient, je serais le premier à vous dire : “ Saluons-les comme nos bons frères. ” Au contraire, il faut se défier de leurs actions et prier pour qu’ils deviennent bons. Moi, je le fais. Je prie pour vous, afin que vous ne soyez pas trompés par cette nouvelle tactique, et pour eux, afin qu’ils cessent d’ourdir des complots contre le Fils de l’homme et d’offenser Dieu son Père. Et vous, imitez-moi. Priez beaucoup l’Esprit-Saint, qu’il vous donne des lumières pour y voir clair. Soyez purs si vous voulez l’avoir pour ami. Avant de vous quitter, je veux vous fortifier. Je vous absous si jusqu’à présent vous avez péché. Je vous absous de tout. A l’avenir, soyez bons, sages, chastes, humbles et fidèles.

       Que la grâce de mon absolution vous fortifie… 467.10 Pourquoi pleures-tu, André ? Et toi, pourquoi te troubles-tu, mon frère ?

       – Parce que cela ressemble à un adieu… répond André.

       – Crois-tu donc que je vous saluerais si brièvement ? Ce n’est qu’un conseil pour ces temps. Je vois que vous êtes tous troublés. Cela ne doit pas se produire. Le trouble fragilise la paix. Or vous devez toujours être paisibles. Vous êtes au service de la Paix, et elle vous aime tant, qu’elle vous a choisis comme ses premiers serviteurs. Elle vous aime. Vous devez donc être sûrs qu’elle vous aidera toujours, même quand vous serez restés seuls. La Paix, c’est Dieu. Si vous êtes fidèles à Dieu, il sera en vous. Et dans ce cas, qu’avez-vous à craindre ? Qui pourra vous séparer de Dieu, si vous ne vous mettez pas en situation de le perdre ? Seul le péché sépare de Dieu. Mais le reste : tentations, persécutions, mort, même la mort, ne séparent pas de Dieu. Au contraire, elles unissent davantage à lui, car toute tentation vaincue vous fait monter d’un degré vers le Ciel, les persécutions vous obtiennent un redoublement d’amour protecteur de Dieu et la mort d’un saint ou d’un martyr n’est qu’une union avec le Seigneur Dieu. En vérité, je vous dis que, hormis les fils de perdition, aucun de mes grands disciples ne mourra plus, avant que j’aie ouvert les portes des Cieux. Aucun donc de mes disciples fidèles ne devra attendre l’étreinte de Dieu après être passé de cet exil de ténèbres aux lumières de l’autre vie. Je ne vous dirais pas cela si ce n’était pas vrai. Vous voyez. Même aujourd’hui, vous avez vu quelqu’un qui, après son égarement, est revenu sur les chemins de la justice. Il ne faudrait pas pécher, mais Dieu est miséricordieux et il pardonne à l’homme qui se repent. Et celui qui se repent peut surpasser même celui qui n’a pas péché, si son repentir est absolu, et si la vertu qui succède au repentir est héroïque. Il sera si doux de se retrouver là-haut ! Vous voir monter vers moi et, moi, courir à votre rencontre pour vous embrasser, et vous conduire à mon Père en disant : “ Voici un des mes bien-aimés. Il m’a toujours aimé et il t’a donc toujours aimé à partir du moment où je lui ai parlé de toi. Maintenant, il est venu. Bénis-le, mon Père, et que ta bénédiction soit sa couronne resplendissante. ” Mes amis… Amis ici, et amis au Ciel. Ne pensez-vous pas que tout sacrifice est léger pour obtenir cette joie éternelle ? 467.11 Vous voilà désormais rassérénés. Séparons-nous ici. Je monte là-haut. Quant à vous, soyez bons… Donnons-nous un baiser… »

       Et il les embrasse un par un. Judas pleure en l’embrassant. Il a attendu d’être le dernier, lui qui cherche toujours à passer en premier, et il reste enlacé à Jésus, lui donnant plusieurs baisers et lui murmurant dans les cheveux près de l’oreille :

       « Prie, prie, prie pour moi… »

       Ils se séparent. Jésus part vers la colline et les autres poursuivent la route jusqu’à Chorazeïn, dont on aperçoit déjà les maisons blanches dans la verdure des arbres.

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