Une initative de
Marie de Nazareth

La nature humaine du Christ connaît des ignorances et des tentations

mercredi 14 novembre 29
Gethsémani

Vision de Maria Valtorta

       527.1 Ils se trouvent déjà sur les pentes de l’Oliveraie, et les trois couples d’apôtres laissés à Jéricho, à Tecua et à Béthanie sont de nouveau réunis au Maître. Mais Judas est toujours absent et les apôtres en parlent à voix basse…

       Jésus est d’une infinie tristesse. Les apôtres, qui le remarquent, se disent :

       « C’est certainement à cause de Lazare. C’est un homme dont la fin est proche… Et ses sœurs font peine à voir… Le Maître ne peut même pas s’arrêter dans cette maison, à cause de la haine qui le poursuit. Cela aurait été un réconfort pour le malade et ses sœurs, et aussi pour le Maître.

       – Moi, je n’arrive pas à comprendre pourquoi il ne le guérit pas ! s’exclame Thomas.

       – Ce serait même bien mérité. Un ami… qui l’aide tant… Un juste… murmure Barthélemy.

       – Ah ! pour être juste, c’est vraiment un juste ! Je crois que, ces jours-ci, tu t’en es persuadé… dit Simon le Zélote à Barthélemy.

       – Oui, c’est vrai. Et ce que tu sous-entends l’est aussi. Je n’étais pas bien convaincu de sa justice… Etant donné leurs relations avec les païens, l’éducation qu’ils ont reçue de leur père qui était très, très… je dirais complaisant envers de nouvelles formes de vie différentes des nôtres…

       – Leur mère était un ange, intervient résolument Simon le Zélote.

       – C’est peut-être pour cela qu’ils sont des justes… Survolons le passé de Marie. Maintenant, elle s’est rachetée… dit Philippe.

       – Oui. Mais tout cela me rendait méfiant. Maintenant, je suis vraiment convaincu, et je m’étonne que le Maître…

       527.2 – Mon Frère, déclare Jacques, fils d’Alphée, sait reconnaître la valeur des créatures. Nous en avons souffert, nous aussi, pendant très longtemps, par suite d’une jalousie naturelle, humaine, en voyant les étrangers exaucés plus que nous, qui étions de sa famille. Mais maintenant, nous avons compris que c’est notre façon de voir qui était erronée, et la sienne juste. Nous regardions sa manière de faire comme de l’indifférence et même comme une dépréciation, une incompréhension de notre valeur. Aujourd’hui, nous savons qu’il préfère attirer à lui les personnes difformes et informes. Il séduit par ses moyens infinis les âmes plus mesquines, les plus éloignées, les plus en danger. Vous rappelez-vous la parabole de la brebis égarée ? La vérité, la clé de sa manière d’agir se trouve dans cette parabole. Quand il voit que ses brebis fidèles le suivent ou restent où et comme il le veut, son esprit se repose, mais il se sert de ce repos pour courir après celles qui sont égarées. Il sait que nous l’aimons, que Lazare et ses sœurs l’aiment, tout comme les femmes disciples et les bergers, aussi il ne perd pas son temps à nous donner des preuves spéciales de son amour. Il ne cesse pas de nous aimer. Il nous a toujours dans son cœur. Nous-mêmes y entrons et ne voulons pas en sortir. Mais les autres… les pécheurs, les égarés !… Il doit courir après eux, les attirer par son amour et ses miracles, par sa puissance. Et il le fait. Lazare, Marie et Marthe continueront de l’aimer, même sans miracle…

       – C’est vrai, reconnaît André. Pourtant… qu’aura-t-il voulu dire par sa dernière salutation ? Vous l’avez entendu : “ L’amour du Seigneur pour vous se manifestera en proportion de votre amour. Et souvenez-vous que l’amour a deux ailes pour être parfait : la foi et l’espérance, deux ailes d’autant plus démesurées qu’il est plus parfait. ”

       – Oui ! Qu’aura-t-il voulu dire ? » s’interrogent plusieurs.

       527.3 Un silence. Puis Thomas, avec un grand soupir conclut son discours intérieur :

       « …Pourtant ce n’est pas toujours que sa bonne patience obtient la rédemption. Moi aussi, j’ai souffert parfois de la préférence qu’il éprouve à l’égard de Judas…

       – Préférence ? Je n’en ai pas l’impression. Il le reprend comme tout autre d’entre nous… dit André.

       – Par justice, oui. Mais considère combien plus de rigueur mériterait cet homme…

       – C’est vrai.

       – Eh bien, j’en ai souffert parfois. Mais maintenant, je comprends qu’il le fait certainement parce que… c’est le plus en difficulté de nous.

       – Le plus malheureux, devrais-tu dire, Thomas ! lance Jude. Le plus malheureux ! Vous croyez que cette tristesse (et il montre Jésus qui marche en avant, seul, absorbé dans sa peine) lui est causée par la maladie de Lazare et les larmes de ses sœurs. Moi, je vous dis qu’elle vient de l’absence de Judas. Il espérait que celui-ci le rejoindrait en allant à Beth-Abara. Il espérait au moins le retrouver à Jéricho, Tecua ou à Béthanie au retour. A présent, il n’espère plus. Il a la certitude que Judas agit mal. Je n’ai pas cessé de l’observer… et j’ai vu que son visage a pris cet aspect de délaissement absolu quand toi, Barthélemy, tu as dit : “ Judas n’est pas venu. ”

       527.4 – Mais il connaît tous les évènements à venir, j’en suis certain ! s’exclame Jean.

       – Beaucoup, pas tous. Je pense que son Père lui en tient quelques-uns cachés par pitié » suppose Simon le Zélote.

       Les Onze se divisent en deux groupes : ceux qui acceptent une version et ceux qui sont pour l’autre, et chacun apporte ses raisons.

       Jean s’écrie :

       « Ah ! moi, je ne veux écouter ni les uns ni les autres, pas plus que moi-même ! Nous sommes tous de pauvres hommes, et nous ne pouvons voir juste. Je vais trouver Jésus et l’interroger.

       – Non. Il pourrait penser à tout autre chose, et cette question lui rappellerait Judas, ce qui le ferait souffrir davantage, dit André.

       – Mais non : je ne lui dirai pas que nous discutions de Judas. Je lui parlerai comme ça… sans allusion.

       – Vas-y ! s’exclame Pierre en poussant Jean. Cela servira à le distraire. Vous ne voyez pas comme il est affligé ?

       – J’y vais. Qui vient avec moi ?

       – Va, va seul. Avec toi, il parle sans retenue. Ensuite, tu nous raconteras… »

       527.5 Jean s’éloigne.

       « Maître !

       – Jean ! Que veux-tu ? »

       Avec un lumineux sourire, Jésus entoure de son bras son apôtre préféré, et il le tient près de lui tout en marchant.

       « Nous parlions entre nous et nous avions des doutes sur quelque chose : connais-tu tout l’avenir, ou bien t’est-il caché en partie ? Les uns disaient ceci, les autres cela.

       – Et toi, qu’en pensais-tu ?

       – J’étais d’avis qu’il valait mieux te poser cette question.

       – Et tu es venu. Tu as bien fait. Cela au moins nous sert, à toi et à moi, à profiter d’un moment d’amour… C’est si rare, désormais, de pouvoir avoir un peu de paix…

       – C’est vrai ! Comme les premiers temps étaient beaux !

       – Oui. Pour l’homme que nous sommes, oui, ils étaient plus beaux. Mais pour l’âme qui est en nous, ceux-ci sont meilleurs, parce que maintenant la Parole de Dieu est plus connue, et parce que nous souffrons davantage. Plus on souffre, et plus on rachète, Jean… Aussi, tout en nous souvenant des jours sereins, nous devons aimer davantage ceux qui nous font souffrir, et qui avec la

       souffrance nous attirent des âmes. 527.6 Mais je réponds à ta question. Ecoute : je n’ignore pas, comme Dieu, et je n’ignore pas, comme homme. Je connais les événements à venir, car je suis avec le Père depuis avant le temps et je vois au-delà du temps. Comme homme exempt des imperfections et des limites inhérentes au péché originel et aux fautes, j’ai le don de l’introspection des cœurs. Ce don n’est pas limité au Christ. Mais il appartient à des degrés divers à tous ceux qui, ayant atteint la sainteté, sont tellement unis à Dieu, qu’ils peuvent se dire qu’ils n’opèrent pas par eux-mêmes, mais avec la Perfection qui est en eux. Je puis donc te répondre que, en tant que Dieu, je n’ignore pas les siècles à venir, et que, en tant qu’homme juste, je n’ignore pas l’état des cœurs. »

       Jean réfléchit et se tait.

       Jésus le laisse un moment, puis il reprend :

       « Par exemple, je vois en toi cette pensée : “ Mais alors, mon Maître connaît exactement l’état de Judas ! ”

       – Oh ! Maître !

       – Oui, je le connais. Je le connais et je continue d’être son Maître, et je voudrais que vous continuiez à être ses frères.

       – Maître saint !… Vraiment, tu connais toujours tout ? Nous nous disons parfois que ce n’est pas le cas, car tu vas à des endroits où tu rencontres des ennemis. Avant même de t’y rendre, tu sais que tu vas les y trouver, et tu y vas pour les combattre par ton amour, pour les soumettre à l’amour, ou bien… tu l’ignores et tu ne vois les ennemis que lorsque tu les as en face de toi et que tu lis dans leur cœur ? Une fois, tu m’as dit — tu étais si triste aussi alors, et toujours pour la même raison — que tu étais comme quelqu’un qui ne voit pas…

       – J’ai éprouvé aussi ce martyre de l’homme : devoir avancer sans voir, en me fiant totalement à la Providence. 527.7 Je dois tout connaître de l’homme, sauf la faute accomplie. Et cela, non par l’effet d’une barrière mise par mon Père à la chair, au monde et au démon, mais par ma volonté d’homme. Je suis comme vous. Mais je sais vouloir mieux que vous. Aussi je subis les tentations, mais je n’y cède pas, et c’est en cela que réside, comme pour vous, mon mérite.

       – Des tentations, toi !… Cela me paraît presque impossible…

       – Parce que tu en subis peu. Tu es pur, et tu penses que, l’étant plus que toi, je ne dois pas connaître la tentation. De fait, la tentation charnelle est si faible pour ma chasteté, qu’elle ne m’est jamais sensible. C’est comme si un pétale frappait un bloc de granit sans fissures. Il vole plus loin… Le démon lui-même s’est lassé d’envoyer contre moi ce dard. Mais, Jean, tu ne sais pas combien d’autres tentations m’entourent ?

       – Toi ? Tu n’es pas avide de richesses ni d’honneurs… Quoi donc ?…

       – Et tu ne penses pas que j’ai une vie, des affections, et des devoirs aussi envers ma Mère, et que cela peut m’inciter à fuir le danger ? Lui, le Serpent, appelle cela “ danger ”, mais son vrai nom c’est “ Sacrifice ”. Et tu ne penses pas que, moi aussi, j’ai des sentiments ? Le moi moral n’est pas absent en moi, et il souffre des offenses, des mépris, des duplicités. Ah ! mon Jean ! Tu ne te demandes pas quel dégoût j’éprouve pour le mensonge et le menteur ? Sais-tu combien de fois le démon me porte à réagir à tout ce qui m’afflige, pour me faire sortir de la mansuétude, pour me rendre dur, intransigeant ? Et enfin, tu ne penses pas combien de fois son souffle brûlant d’orgueil m’insinue : “ Glorifie-toi de ceci ou de cela. Tu es grand. Le monde t’admire. Les éléments te sont soumis ! ” La tentation de se complaire d’être saint ! C’est la plus subtile ! Combien perdent leur sainteté déjà acquise à cause de cet orgueil ! Comment Satan a-t-il corrompu Adam ? En tentant les sens, la pensée, l’esprit. Et ne suis-je pas l’Homme qui doit recréer l’homme ? C’est de moi que viendra la nouvelle humanité. Alors Satan cherche les mêmes voies pour détruire, et pour toujours, la

       race des enfants de Dieu. 527.8 Maintenant, va trouver tes compagnons et répète-leur mes paroles. Et ne te demande pas si je sais ou non ce que fait Judas. Pense que je t’aime. Cette pensée ne suffit-elle pas pour occuper un cœur ? »

       Il lui donne un baiser et le congédie.

       Resté seul, il lève les yeux vers le ciel que l’on voit à travers le feuillage des oliviers, et gémit :

       « Mon Père ! Fais qu’au moins jusqu’à la dernière heure je puisse tenir caché le Crime, pour empêcher que mes bien-aimés se souillent de sang. Aie pitié d’eux, mon Père ! Ils sont trop faibles pour ne pas réagir à l’offense ! Qu’ils n’aient pas la haine au cœur à l’heure de la Charité parfaite ! »

       Et il essuie des larmes que Dieu seul voit…

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