Une initative de
Marie de Nazareth

Dans la maison de Zachée avec les pécheurs convertis

samedi 10 novembre 29
Jéricho

Vision de Maria Valtorta

       524.1 Ils sont tous rassemblés dans une pièce vaste et nue. Elle a sûrement dû être belle auparavant, mais ce n’est plus aujourd’hui qu’un grand local. Ils ont apporté des sièges et des lits pris dans les salles à manger ou dans les chambres à coucher, et se sont tous assis autour du Maître qu’ils ont installé sur une sorte de fauteuil tout en bois sculpté couvert d’un tapis de haute lice. C’est le meuble le plus luxueux de la maison.

       Zachée parle d’un domaine acheté avec l’argent recueilli à eux tous :

       « Il nous fallait bien faire quelque chose ! L’oisiveté n’est pas un bon remède pour ne pas pécher. C’est une terre encore peu fertile car elle avait été négligée, comme nous, et comme nous elle était pleine de ronces, de pierres, de lieux arides et d’herbes nuisibles. Nikê nous a prêté ses serviteurs paysans pour nous apprendre comment dégager les puits négligés, nettoyer les champs, tailler les rares arbres qu’il y avait et en planter de jeunes. Nous connaissions beaucoup de choses… mais pas les saints labeurs de l’homme. Mais dans ce travail, si nouveau pour nous, nous trouvons vraiment une vie nouvelle. Rien ne rappelle le passé autour de nous, si ce n’est notre conscience, mais c’est une bénédiction… Nous sommes des pécheurs… Viendras-tu le voir ?

       – Nous sortirons ensemble d’ici pour nous diriger vers le Jourdain, et je m’arrêterai à cet endroit. Tu me dis qu’il se trouve justement sur la route du fleuve ?

       – Oui, Maître, mais c’est en mauvais état. La maison tombe en ruines, et elle est vide de meubles. Nous n’avions pas d’argent pour tout… après avoir, dans la mesure du possible, réparé nos manquements au prochain. Ces hommes se contentent du foin, sauf Démétès, Valens et Lévi, qui sont trop âgés pour certaines privations et qui couchent ici, Seigneur.

       – Bien des fois, je n’ai pas même cela. Je dormirai sur le foin, moi aussi, Zachée. J’y ai passé mes premiers sommeils et ils étaient doux, car l’amour les veillait. Je peux y dormir encore cette fois, et mon sommeil ne sera pas tourmenté, car je serai parmi des hommes qui ont retrouvé la bonne volonté. »

       Et il dévisage, d’un regard qui est une caresse, ces prémices des rachetés de tous pays. Eux aussi le regardent… Ce ne sont pas des hommes qui ont les larmes faciles. Qui sait même combien de personnes ils ont fait pleurer ! Leurs visages sont autant de livres sur lequel est écrit leur passé malheureux, et si maintenant leur nouvelle vie voile la brutalité de ces paroles, on peut cependant encore assez les déchiffrer pour voir de quels gouffres ils remontent vers la lumière. Et pourtant ces visages s’éclairent, s’illuminent, leurs regards prennent de l’assurance, une lueur d’espérance surnaturelle, de satisfaction morale y brille quand ils entendent le Maître leur dire qu’ils sont revenus à la bonne volonté.

       524.2 Zachée dit :

       « Alors tu approuves tout ce que j’ai fait ? Vois, Maître, j’avais dit ce jour-là : “ Je te suivrai ”, et je voulais vraiment te suivre matériellement. Mais, justement ce soir-là, Démétès vint chez moi me proposer… un de ses infâmes marchés… et il avait besoin d’argent. Il arrivait de Jérusalem… : on la dit sainte, mais on y trouve toutes sortes de hontes, et les premiers à vouloir cette honte sont des gens qui ensuite nous lapident comme si nous étions lépreux… Mais ce sont nos péchés que je dois avouer, et non les leurs. Je n’avais plus d’argent, je t’avais tout donné. Même ce qui restait encore chez moi pouvait être considéré comme déjà donné, car j’avais déjà fait les parts que je devais rendre à ceux à qui je l’avais soutiré par l’usure. Je lui ai répondu : “ Je n’ai pas d’argent, mais ce que je possède a plus de valeur que tous les trésors. ” Et je lui ai raconté ma conversion, tes paroles, la paix qui était en moi… J’ai tant parlé, que je n’avais pas fini quand la lumière du jour nouveau est entrée pour blanchir les visages et rendre les lampes inutiles. J’ai oublié ce que j’ai dit exactement. Je sais que Démétès a donné un grand coup de poing sur la table près de laquelle nous étions assis, et il s’est écrié : “ Mercure a perdu un de ses disciples et les satyres un compagnon. Prends aussi cet argent : il n’y en avait pas suffisamment pour le crime, mais assez pour donner du pain à un mendiant, et prends-moi avec toi. Je veux connaître un parfum après tant de puanteurs. ” Et il est resté.

       Nous sommes allés ensemble à Jérusalem, moi pour vendre des objets, lui pour se libérer de tout… engagement. Et en revenant j’ai dit… — j’avais prié au Temple, depuis si longtemps, avec le cœur pur et pacifié d’un enfant — je me suis dit à moi-même : “ Est-ce que, pour suivre le Maître, il ne vaut pas mieux rester à Jéricho où mes malheureux amis publicains, tenanciers de tripots, maquereaux, usuriers, surintendants de galériens et de forçats, d’esclaves, tortionnaires de toutes les misères, soldats sans loi ni pitié, noceurs pour oublier leurs remords dans l’ivresse, viennent me trouver pour employer leur argent maudit, me proposer des affaires, ou m’inviter à des banquets et autres souillures infâmes ? La ville me méprise. Les Hébreux me tiennent toujours pour pécheur, mais eux, non. Eux, ils sont comme moi. Ils sont impurs, mais peuvent avoir en eux quelque chose qui les pousse au bien, et ils ne trouvent personne pour leur tendre une main secourable. Moi, je les ai aidés dans le mal. Peut-être ont-ils péché aussi à cause de mes conseils, de ce que je leur ai demandé parfois. J’ai le devoir de les aider pour venir au bien. De même que j’ai rendu à ceux à qui j’avais fait tort, de même que j’ai réparé pour mes concitoyens, je dois chercher à réparer envers eux. ”

       Je suis donc resté ici. Ils sont venus, tantôt l’un, tantôt l’autre, de cette ville ou d’une autre, et je leur ai parlé. Tous n’ont pas réagi comme Démétès. Certains se sont enfuis en me méprisant, d’autres ont tergiversé, d’autres encore se sont arrêtés, mais après quelque temps sont retournés à leur enfer. Ceux-là sont restés. Et désormais, je sens que je dois te suivre ainsi, que nous devons te suivre ainsi, pour lutter contre nous-mêmes, pour supporter les mépris

       du monde qui ne sait pas nous pardonner. 524.3 Les larmes du cœur ne manquent pas, quand nous voyons que le monde ne pardonne pas, quand les souvenirs nous reviennent… et ils sont si nombreux et si pénibles… Chez certains, ils sont…

       – L’horrible Némésis qui nous reproche nos crimes et qui nous promet la vengeance outre-tombe, dit l’un d’eux.

       – Ce sont les lamentations de ceux qui étaient épuisés et que j’ai frappés pour les faire travailler.

       – Ce sont les malédictions de ceux que j’ai réduits en esclavage après avoir pris tous leurs biens par l’usure.

       – Ce sont les supplications des veuves et des orphelins qui ne pouvaient pas payer et auxquels j’ai confisqué, au nom de la loi, leurs dernières ressources.

       – Ce sont les férocités accomplies dans les pays conquis sur des gens désarmés, terrorisés par la défaite.

       – Ce sont les larmes de ma mère, de ma femme, de ma fille, mortes de privations, alors que je gaspillais tout en festins.

       – Ce sont… Oh ! pour moi, c’est le crime sans nom ! Seigneur, moi je n’ai pas de sang sur les mains, je n’ai pas dérobé d’argent, je n’ai pas imposé de gabelles exagérées, d’intérêts usuraires, je n’ai pas frappé les vaincus, mais j’ai exploité toutes les misères, je me suis enrichi sur les filles innocentes des vaincus, sur des orphelines, sur des femmes vendues pour une bouchée de pain comme de la marchandise. J’ai fait le tour du monde pour saisir ces occasions, derrière les armées, là où il y avait de la disette, là où le débordement d’un fleuve avait enlevé toute nourriture, là où une épidémie avait laissé de jeunes vies sans protection, et j’en ai fait un trafic, une infâme et pourtant innocente marchandise. Infâme pour moi qui en retirais de l’argent, innocente car elle n’en connaissait pas encore l’horreur. Seigneur, j’ai sur les mains la virginité de fillettes déshonorées, et l’honneur de jeunes épouses prises dans les villes conquises. Mes magasins… et mes lupanars étaient célèbres, Seigneur. Ne me maudis pas, maintenant que tu sais !… »

       524.4 Les apôtres se sont involontairement écartés du dernier qui a parlé. Jésus se lève et s’approche de lui. Il lui pose la main sur l’épaule et lui dit :

       « C’est vrai ! Ton crime est grand. Tu as beaucoup à réparer. Mais moi, la Miséricorde, je t’affirme que, même si tu étais le démon en personne et si tu avais commis tous les crimes de la terre, si tu le veux, tu peux tout réparer et être pardonné par Dieu, par le Dieu vrai, grand et paternel. Si tu le veux. Unis ta volonté à la mienne. Moi aussi, je veux que tu sois pardonné. Unis-toi à moi. Donne-moi ta pauvre âme déshonorée, ruinée, couverte de cicatrices et avilie, depuis que tu as abandonné le péché. Je la mettrai dans mon cœur, là où je mets les plus grands pécheurs, et je l’emmènerai avec moi dans le Sacrifice rédempteur. Le sang le plus saint, celui de mon cœur, le dernier sang de celui qui sera consumé pour les hommes, se répandra sur les plus grandes ruines et les régénérera. Pour le moment, garde l’espérance, une espérance plus grande que ton crime immense, dans la miséricorde de Dieu, car elle est sans bornes, ô homme, pour qui sait se confier à elle. »

       L’homme voudrait bien prendre et baiser cette main posée sur son épaule, si pâle et si décharnée sur son vêtement brun, et sur son épaule robuste, mais il n’ose pas. Jésus le comprend et il lui présente la main en disant :

       « Baise sa paume, homme. Je retrouverai ce baiser pour guérir une de mes tortures. Main baisée, main blessée. Baisée par amour, blessée par l’amour. Ah ! si tous savaient embrasser la grande Victime, et qu’elle meure dans son vêtement de plaies en sachant que dans chacune se trouvent les baisers, les affections de tous les hommes rachetés ! »

       Il appuie la paume de sa main sur les lèvres rasées de l’homme que, à mille détails, je crois romain. Il l’y tient jusqu’à ce que l’homme s’en détache, comme rassasié, après avoir éteint la brûlure de ses remords en buvant la miséricorde du Seigneur dans le creux de la main divine.

       524.5 Jésus revient à sa place et, en passant, pose sa main sur la chevelure bouclée d’un tout jeune homme. Je lui donnerais tout au plus vingt ans, peut-être moins. Lui n’a jamais parlé. Il est certainement de race hébraïque. Jésus l’interroge :

       « Et toi, mon fils, tu ne dis rien à ton Sauveur ? »

       Le jeune homme lève la tête et le regarde… Ce regard parle de lui-même. C’est une histoire de douleur, de haine, de repentir, d’amour.

       Jésus, un peu penché sur lui, les yeux dans les yeux du jeune, y lit quelque histoire muette et il dit :

       « C’est pour cela que je t’ai appelé “ mon fils ”. Tu n’es plus seul. Pardonne à tous ceux de ton sang et aux étrangers, comme Dieu te pardonne. Et aime l’Amour qui t’a sauvé. Viens un moment avec moi, je veux te dire un mot en particulier. »

       Le jeune homme se lève et le suit. Quand ils sont seuls, Jésus reprend :

       « Je veux te dire ceci, mon fils. Le Seigneur t’a beaucoup aimé, bien que cela n’apparaisse pas à un jugement superficiel. La vie t’a beaucoup éprouvé. Les hommes t’ont fait grandement tort. L’une et les autres pouvaient faire de toi une ruine irréparable. Derrière eux, il y avait Satan qui était envieux de ton âme, mais sur toi, il y avait l’œil de Dieu, et cet œil béni a arrêté tes ennemis. Son amour a mis Zachée sur ta route et, avec Zachée, moi qui te parle. Maintenant, moi qui te parle, je te dis que tu dois trouver dans cet amour tout ce que tu n’as pas eu, tu dois oublier tout ce qui t’a aigri, et pardonner, pardonner à ta mère, pardonner à ton maître infâme, te pardonner à toi-même. N’aie pas pour toi une mauvaise haine, mon fils. Eprouve de la haine pour le temps où tu as péché, mais pas pour ton âme qui a su quitter ce péché. Que ta pensée soit pour ton esprit une bonne amie et, qu’ensemble, ils atteignent la perfection.

       – Parfait, moi !

       – Tu as entendu ce que j’ai dit à cet homme ? Et pourtant, lui est descendu au fond de l’abîme !… 524.6 Et merci, mon fils !

       – De quoi, mon Seigneur ? C’est à moi de te remercier…

       – De n’avoir pas voulu aller chez ceux qui achètent des hommes pour me trahir.

       – Oh ! Seigneur ! Comment aurais-je pu le faire, sachant que tu ne nous méprises pas, même nous, les voleurs ? J’étais moi aussi parmi ceux qui t’ont apporté l’agneau au Carit. L’un de nous, qui est maintenant dans les mains des Romains — c’est du moins ce que l’on dit ; ce qui est certain, c’est que bien avant la fête des Tentes on ne l’a plus vu dans les refuges de voleurs —, m’a rapporté tes paroles dans une vallée près de Modin… Car alors, je n’étais pas encore avec les voleurs. J’y suis allé à la fin du dernier mois d’Adar et je les ai quittés au commencement d’Etanim. Mais je n’ai rien fait qui mérite ton remerciement. Tu étais bon. J’ai voulu être bon. Et avertir l’un de tes amis… puis-je appeler ainsi Zachée ?

       – Oui, tu le peux. Tous ceux qui m’aiment sont mes amis. Toi aussi, tu l’es.

       – Oh !… j’ai voulu l’avertir pour que tu fasses attention à toi. Mais un avertissement ne mérite pas un merci…

       – Je te le répète : c’est parce que tu ne t’es pas vendu contre moi que je te remercie. C’est cela qui a de la valeur.

       – Pas l’avertissement ?

       – Mon fils, rien ne pourra empêcher la Haine de m’assaillir. As-tu jamais vu un torrent qui déborde ?

       – Oui, j’étais près de Jabès Galaad et j’ai vu les dégâts provoqués par le fleuve sorti de son lit avant d’arriver au Jourdain.

       – Est-ce que quelque chose a pu arrêter les eaux ?

       – Non, elles ont tout recouvert et dévasté, elles ont même renversé des maisons.

       – Ainsi en est-il de la Haine. Mais elle ne me renversera pas. J’en serai submergé, mais non détruit. Et à l’heure très amère, l’amour de celui qui n’a pas voulu haïr l’Innocent sera mon réconfort, ma lumière dans les ténèbres de cette heure de ténèbres, ma douceur dans la coupe de vin mêlée de fiel et de myrrhe.

       – Toi ?… Tu parles de toi comme si… Une telle coupe, c’est pour les voleurs, pour celui qui va à la mort de la croix. Mais toi, tu n’es pas un voleur ! Tu n’es pas coupable ! Tu es…

       – Le Rédempteur. Donne-moi un baiser, mon fils. »

       II lui prend la tête entre ses mains et dépose un baiser sur son front, puis il se penche pour recevoir le baiser du jeune homme. C’est un baiser timide qui effleure tout juste la joue décharnée… Puis le jeune tombe en pleurant sur la poitrine de Jésus.

       « Ne pleure pas, mon fils ! Je suis sacrifié par l’amour. Et c’est toujours un doux sacrifice, même si c’est une torture pour la nature humaine. »

       Il le tient dans ses bras jusqu’à ce que ses larmes cessent, puis revient en le tenant près de lui, par la main, à la place qu’occupait Pierre auparavant.

       524.7 Il recommence à parler :

       « Pendant que nous prenions notre repas, l’un d’entre vous, qui n’est pas du peuple d’Israël, m’a dit qu’il voulait me demander une explication. Qu’il le fasse maintenant, parce que nous devrons bientôt retourner parmi les gens, et ensuite nous quitter.

       – C’est moi qui ai dit cela. Mais plusieurs désirent connaître ta réponse. Zachée ne sait pas bien l’expliquer, pas plus que d’autres d’entre nous qui sont de ta religion. Nous avons interrogé tes disciples quand ils sont passés par ici, mais ils ne nous ont pas répondu avec clarté.

       – Que veux-tu donc savoir ?

       – Nous ne savions même pas que nous avions une âme. C’est-à-dire… nous au moins aurions dû le savoir, car nos anciens… Mais nous ne lisions plus les anciens. Nous étions des bêtes… Et nous ne savions plus ce qu’est cette âme. Maintenant encore, nous l’ignorons. Qu’est-ce que l’âme ? La raison peut-être ? Nous ne le croyons pas, parce que, dans ce cas, nous aurions été sans elle, or nous avons entendu dire que, sans l’âme, il n’y a pas de vie. Qu’est donc l’âme que l’on nous dit incorporelle, et immortelle, si ce n’est pas la raison ? La pensée est incorporelle, mais elle n’est pas immortelle, car elle cesse avec notre vie. Même l’homme le plus sage ne pense plus après la mort.

       – L’âme n’est pas la pensée, homme. L’âme, c’est l’esprit, le principe immatériel de la vie, le principe impalpable, mais véritable, qui anime tout l’homme et perdure après lui. C’est pour cela qu’elle est dite immortelle. Elle est tellement sublime que la pensée, même la plus puissante, n’est rien en comparaison. La pensée a une fin, mais l’âme, bien qu’elle ait un commencement, n’a pas de fin. Bienheureuse ou damnée, elle continue d’exister. Bienheureux ceux qui savent la garder pure ou la faire redevenir pure après l’avoir polluée, pour la rendre à son Créateur comme il l’a donnée à l’homme pour animer son humanité.

       – Mais est-elle en nous, ou au-dessus de nous, comme l’œil de Dieu ?

       – En nous.

       – Prisonnière jusqu’à la mort, alors ? Esclave ?

       – Non : reine. Dans la pensée éternelle, l’âme, l’esprit, est la perle qui règne dans l’homme, dans cet animal créé que l’on appelle : homme. Elle est venue du Roi et Père de tous les rois et pères, son souffle et son image, son don et son droit, et elle a pour mission de faire de la créature appelée homme, un roi du grand royaume éternel, de faire de la créature humaine un élu au-delà de la vie, un “ vivant ” dans la Demeure du très sublime, unique Dieu ; créée reine, elle a l’autorité et le destin d’une reine. Ses suivantes, ce sont toutes les vertus et facultés de l’homme, son ministre la bonne volonté de l’homme, son intendant, la pensée de l’homme. C’est par l’esprit que la pensée acquiert puissance et justice, obtient vérité et sagesse, et peut s’élever à une perfection royale. Une pensée privée de la lumière de l’esprit aura toujours des lacunes et des ténèbres, et ne pourra jamais comprendre les vérités. En effet, pour celui qui est séparé de Dieu après avoir perdu la royauté de l’âme, ces vérités sont plus incompréhensibles que des mystères. Sa pensée sera aveugle, elle sera infirme, s’il lui manque le point d’appui du levier indispensable pour comprendre, pour s’élever en quittant la terre et en s’élançant vers les hauteurs, à la rencontre de l’Intelligence, de la Puissance, de la Divinité en un mot. 524.8 C’est à toi que je m’adresse, Démétès, parce que tu n’as pas toujours été seulement un changeur, et tu peux comprendre, et expliquer aux autres.

       – Tu es vraiment un voyant, Maître. Non, je n’ai pas été seulement un changeur… Cela a même été le dernier degré de ma descente… Dis-moi, Maître : si l’âme est reine, pourquoi donc ne règne-t-elle pas et ne dompte-t-elle pas la pensée et la chair mauvaises de l’homme ?

       – Dompter ne respecterait pas la liberté et ne laisserait pas place au mérite, ce serait de l’oppression.

       – Mais la pensée et la chair accablent souvent l’âme — je parle de moi, de nous —, et la rendent trop souvent esclave. C’est pour cela que je disais qu’elle était en nous esclave. Comment Dieu peut-il permettre qu’une perle si sublime — tu l’as qualifiée de “ souffle de Dieu et son image ” — soit avilie par ce qui est inférieur ?

       – La Pensée divine était que l’âme ne connaisse pas l’esclavage. Mais oublies-tu l’ennemi de Dieu et de l’homme ? Les esprits infernaux vous sont connus à vous aussi.

       – Oui, et tous avec des désirs cruels. Pour mon compte, je puis dire, en me rappelant l’enfant que j’étais, que c’est seulement à ces esprits infernaux que je peux attribuer l’homme que je suis devenu et que j’ai été jusqu’au seuil de la vieillesse. Maintenant, je retrouve l’enfant égaré d’alors. Mais pourrai-je me rendre assez enfant pour revenir à la pureté de cette époque ? Est-il permis de remonter le temps ?

       – Pas besoin de retourner en arrière. Tu ne pourrais le faire. Le temps écoulé ne revient plus. On ne peut le faire renaître et on ne peut y revenir. Mais ce n’est pas nécessaire.

       524.9 Certains d’entre vous proviennent de régions où l’on connaît la théorie de l’école pythagoricienne. C’est une théorie erronée. Les âmes, une fois passé leur séjour sur la terre, ne reviennent plus jamais ici-bas dans aucun corps. Pas dans un animal, car il ne convient pas que quelque chose d’aussi surnaturel, habite dans une bête. Pas dans un homme, car comment le corps serait-il récompensé une fois réuni à l’âme au jugement dernier, si cette âme avait été revêtue de plusieurs corps ? On dit, chez ceux qui croient à cette théorie, que c’est le dernier corps qui a la jouissance, parce qu’au cours des purifications successives, au cours de vies successives, c’est seulement dans la dernière réincarnation que l’âme atteint une perfection qui mérite une récompense. C’est une erreur et une offense ! Une erreur et une offense envers Dieu, puisque c’est admettre qu’il n’a pu créer qu’un nombre limité d’âmes. Une erreur et une offense envers l’homme, puisque cela revient à le juger si corrompu qu’il mérite difficilement une récompense. Il ne sera pas tout de suite récompensé, il devra subir une purification après la vie, quatre-vingt-dix-neuf fois sur cent, mais la purification prépare à la joie. Aussi celui qui se purifie est déjà quelqu’un de sauvé. Et une fois sauvé, il jouira de cette récompense avec son corps après le dernier Jour. Il ne pourra avoir qu’un seul corps pour son âme, qu’une seule vie ici-bas, et c’est avec le corps que lui ont fait ceux qui l’ont procréé, et avec l’âme que le Créateur lui a créée pour vivifier sa chair, qu’il jouira de sa récompense.

       524.10 Il n’est pas permis de se réincarner, pas plus qu’il n’est possible de remonter le temps. Mais se recréer par un mouvement d’une libre volonté, oui, c’est accordé : Dieu bénit cette volonté et l’aide. Vous tous l’avez eue. Voilà alors que, sous le bain du repentir, l’homme pécheur, vicieux, souillé, criminel, voleur, dépravé, corrupteur, homicide, sacrilège, adultère, renaît spirituellement, détruit la substance corrompue du vieil homme, disperse le moi mental encore plus perverti, comme si la volonté de se racheter était un acide qui attaque et détruit l’enveloppe malsaine où se cache un trésor, et met à nu son esprit purifié, redevenu sain, revêtu d’une nouvelle pensée, d’un nouveau vêtement d’enfant pur, bon. C’est un vêtement qui peut s’approcher de Dieu, qui peut couvrir dignement l’âme recréée, la garder et l’aider jusqu’à sa supercréation, la sainteté achevée qui, demain — un lendemain peut-être lointain, si on le mesure à l’aune du temps humain, très proche si on le contemple par la pensée de l’éternité — sera glorieuse dans le Royaume de Dieu.

       Et tous peuvent, s’ils le veulent, recréer en eux-mêmes le pur enfant de leurs premières années, l’enfant affectueux, humble, franc, bon, que sa mère serrait sur son sein, que son père regardait avec fierté, que l’ange de Dieu protégeait et que Dieu contemplait avec amour.

       Vos mères ! Elles étaient peut-être des femmes de grande vertu… Dieu ne laissera pas leur vertu sans récompense. Faites donc en sorte d’en avoir une pareille pour vous réunir à elles, quand il y aura pour tous les vertueux une seule récompense : le Royaume de Dieu pour les bons. Il est possible qu’elles n’aient pas été bonnes et qu’elles aient contribué à votre malheur. Mais si elles ne vous ont pas aimés, si vous ne connaissez pas l’amour, si cette absence d’amour vous a rendus mauvais, maintenant qu’un Amour divin vous a recueillis, soyez saints, pour pouvoir dans une joie céleste jouir de l’Amour qui surpasse tout amour.

       524.11 Avez-vous une autre question à poser ?

       – Non, Seigneur. Nous avons tout à apprendre, mais pour le moment, nous ne voyons rien d’autre…

       – Je vais vous laisser Jean et André pour quelques jours. Ensuite, je vous enverrai des disciples bons et sages. Je veux que les poulains sauvages connaissent les voies du Seigneur et ses pâturages, tout comme ceux d’Israël, car je suis venu pour tous et je les aime tous de la même manière. Levez-vous et allons. »

       Et il sort le premier dans le jardin défriché, suivi de près par les siens qui se plaignent doucement ;

       « Maître, tu leur as parlé comme tu parles rarement à ceux que tu as choisis…

       – Et vous vous en plaignez ? Ne savez-vous pas que c’est ainsi que l’on fait aussi dans le monde quand on veut conquérir quelqu’un que l’on aime ? Mais avec ceux dont nous savons qu’ils nous aiment de tout leur être, et qu’ils sont désormais de notre famille, il n’est pas besoin de l’art de la conquête. Il suffit de se voir pour être les uns dans les autres, dans la joie et la paix » répond Jésus avec un sourire divin, vraiment divin, tant il communique de joie.

       Et les apôtres ne se plaignent plus, et même ils le regardent d’un air heureux en se perdant dans l’allégresse de l’amour mutuel.

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