490.1 « Jude et Jacques, venez avec moi. »
Les deux fils d’Alphée ne se le font pas dire deux fois. Ils se lèvent immédiatement pour sortir avec Jésus d’une maisonnette d’un faubourg au sud de Jérusalem où ils sont accueillis aujourd’hui.
« Où allons-nous, Jésus ? demande Jacques.
– Saluer les Galiléens sur le mont des Oliviers. »
Ils marchent quelque temps vers Jérusalem puis, rasant de petites collines où des maisons s’élèvent dans la campagne — certainement des maisons de maîtres —, ils coupent la route qui va à Béthanie et à Jéricho, la plus au sud qui va finir entre Tophet et Siloan, passent derrière une autre colline qui est déjà un contrefort du mont des Oliviers, coupent l’autre route qui mène directement du mont des Oliviers à Béthanie, et par une petite voie secondaire à travers les oliviers, ils montent au champ des Galiléens. Les tentes y sont très rares, et il reste, en souvenir de la foule, des branchages désormais flétris, jetés par terre, des reliquats de foyers rudimentaires qui ont brûlé l’herbe, des cendres, des tisons, tout un bric-à-brac comme il en subsiste toujours là où il y a eu un campement.
La saison froide et précocement pluvieuse a hâté le départ des pèlerins. Des caravanes de femmes et d’enfants sont actuellement en partance. Les hommes, surtout ceux qui sont valides, sont restés pour terminer la fête.
490.2 Les Galiléens qui croient dans le Seigneur ont été avertis peut-être par quelques disciples, car je les vois tous, et de tous les villages qui me sont le mieux connus. Nazareth est représentée par deux disciples, Alphée — celui à qui Jésus a pardonné après la mort de sa mère —, et un autre. Je ne vois pourtant ni Joseph ni Simon, les fils d’Alphée. En revanche, d’autres ne manquent pas, parmi lesquels le chef de la synagogue, qui paraît visiblement embarrassé de saluer respectueusement Jésus après lui avoir tellement fait obstacle. Néanmoins, il se tire d’affaire en disant que les parents de Jésus sont logés chez “ cet ami que tu connais ” à cause des enfants qui souffraient du vent de la nuit. Cana est représentée par l’époux de Suzanne, son père et quelques autres, et de même Naïm par son ressuscité et d’autres encore. De nombreux habitants de Bethléem de Galilée ou des villes de la rive occidentale du lac sont ici…
« Paix à vous ! Paix à vous ! » dit Jésus pour les saluer en passant au milieu d’eux, tout en caressant les enfants encore présents, ses petits amis des villages de Galilée, et en écoutant Jaïre lui dire combien il regrette de n’avoir pas été présent la dernière fois.
Jésus s’informe pour savoir si la veuve d’Aphéqa s’est établie à Capharnaüm et si elle a accepté l’orphelin de Giscala.
« Je ne sais pas, Maître, peut-être étais-je déjà parti… dit Jaïre.
– Oui, oui, il est venu une femme qui donne beaucoup de miel et de caresses aux enfants, et elle nous fait des fouaces. Les enfants qui venaient vers toi vont toujours manger chez elle. Et, le dernier jour, elle nous a fait voir un tout petit garçon. Elle a acheté deux chèvres pour le lait et elle nous a dit que c’est un enfant du Ciel et du Seigneur. Elle n’est pas venue à la fête comme elle le voulait, car elle ne pouvait pas amener avec elle un bébé aussi petit. Et elle nous a demandé, à nous, de te dire qu’elle l’aimera avec justice et qu’elle te bénit. »
Les gamins de Capharnaüm gazouillent autour de Jésus, tout fiers de savoir, eux, ce que le chef de la synagogue ignore, et d’avoir, eux, servi d’ambassadeurs auprès du bon Maître, qui les écoute avec l’attention qu’il aurait pour des adultes, et qui répond :
« Et vous lui direz que, moi aussi, je la bénis et qu’elle doit aimer les enfants pour moi. Quant à vous, aimez-la bien, n’abusez pas de sa bonté, ne l’aimez pas seulement pour le miel et les fouaces, mais parce qu’elle est bonne : bonne au point d’avoir compris que celui qui aime un innocent en mon nom me rend heureux. Et imitez-la tous, les petits et grands, en vous rappelant toujours que celui qui accueille un enfant en mon nom a sa place marquée dans le Ciel. Car la miséricorde est toujours récompensée, même pour une seule coupe d’eau donnée en mon nom, mais la miséricorde dont on fait preuve envers les petits, en les sauvant non seulement de la faim, de la soif, du froid, mais aussi de la corruption du monde,
est infiniment récompensée… 490.3 Je suis venu pour vous bénir avant votre départ. Vous porterez ma bénédiction à vos femmes, à vos maisons…
– Mais tu ne reviens pas chez nous, Maître ?
– Si, je reviendrai… Mais pas maintenant. Après la Pâque…
– Ah ! si tu tardes tant, tu vas sûrement oublier ta promesse…
– Ne craignez rien. Le soleil pourra cesser de briller avant que Jésus oublie ceux qui espèrent en lui.
– Le temps va nous paraître bien long…
– Et triste !
– Si nous sommes malades…
– Si nous avons des peines…
– Si la mort descend dans nos maisons…
– Qui nous aidera ? disent plusieurs de différents endroits.
– Dieu. Il est avec vous, si vous restez en moi par votre volonté.
– Et nous ? Nous croyons en toi depuis peu : nous l’avouons. Nous n’aurons pas de réconfort, alors ? Et pourtant, maintenant, depuis que nous t’avons vu faire des miracles et entendu parler dans le Temple, nous croyons vraiment en toi…
– C’est pour moi une grande joie, car voir mes concitoyens sur le chemin du salut est mon désir le plus ardent.
– Tu nous aimes tant ? Mais pendant si longtemps nous t’avons offensé et nous nous sommes moqués de toi !
– C’est le passé. Il n’existe plus. Soyez fidèles, à l’avenir, et en vérité je vous dis que sur la terre comme au Ciel, votre passé est effacé.
– Tu restes avec nous ? Nous partagerons le pain comme tant de fois à Nazareth, quand nous étions tous pareils et que, le sabbat, nous nous reposions dans les oliviers, ou bien quand tu étais seulement Jésus, et que tu venais avec nous et comme nous à Jérusalem pour les fêtes… »
Il y a un regret et une nostalgie du passé dans la voix des Nazaréens qui croient maintenant.
« Je voulais aller voir Joseph et Simon. Mais je m’y rendrai plus tard. Vous êtes tous pour moi des frères en Dieu, et pour moi l’esprit et la foi ont plus de valeur que la chair et le sang, car ces derniers périssent alors que les autres sont immortels. »
490.4 Et pendant que certains se hâtent de préparer le feu pour rôtir les viandes, d’y mettre des branches d’olives pour apprêter le repas, les plus âgés et les plus élevés socialement, de tous les endroits de Galilée, se pressent en cercle autour de Jésus pour lui demander pourquoi, le matin et celui du jour précédent, il n’était pas au Temple et s’il s’y rendrait le lendemain, dernier jour de la fête.
« J’étais autre part… Mais demain, j’y serai certainement.
– Et tu parleras ?
– Si je le peux… »
Alphée, fils de Sarah, baisse la voix, et en regardant autour de lui, il dit tout bas au Maître :
« Tes frères sont partis pour t’assurer de l’aide dans la ville… Un tel sait beaucoup de choses car, par les femmes, il est parent d’un homme du Temple… Joseph se préoccupe de toi, tu sais ? Au fond… il est bon.
– Je le sais. Et il sera toujours meilleur quand il sera spirituellement bon. »
De la ville arrivent d’autres Galiléens. Leur nombre augmente autour de Jésus, au grand déplaisir des enfants, qui se voient repoussés par les adultes et n’arrivent plus à s’approcher de Jésus, jusqu’à ce qu’il remarque leur foule innocente et boudeuse. Il sourit :
« Laissez mes petits enfants venir à moi. »
A peine le cercle s’est-il rompu que, tout réjouis, ils s’élancent telle une volée d’oiseaux vers Jésus, qui les caresse tout en continuant de parler avec les adultes. Sa longue main encore brunie par le soleil de l’été passe et repasse sur les petites têtes brunes et châtaines avec, perdues parmi elles, quelques petites têtes blondes. Les enfants se serrent le plus possible contre lui, les petits visages cachés dans les vêtements, sous le manteau, accrochés à ses genoux, à ses côtés, avides de ses caresses, heureux de les obtenir.
490.5 Ils mangent en cercle, après que Jésus a béni et distribué la nourriture, dans une paisible et amicale union des cœurs.
Les autres, ceux qui ne suivent pas Jésus, regardent de loin, moqueurs et incrédules, mais personne ne se soucie d’eux…
Le repas est fini. Jésus se lève le premier et appelle Jaïre, Alphée, Daniel de Naïm, Elie de Chorazeïn, Samuel (un ex-estropié de je ne sais où), puis un certain Urie, et encore l’un des nombreux Jean, l’un des nombreux Simon, un Lévi, un Isaac, Abel de Bethléem et d’autres, un par village en somme. Aidé par ses cousins, il fait autant de parts égales de deux bourses bien pleines et en donne une à chacun des appelés afin qu’il s’en serve pour les pauvres de son village. Il ne lui reste pas la moindre pièce.
Puis il bénit l’assemblée et fait ses adieux. Il voudrait bien prendre congé pour se diriger vers Gethsémani et entrer dans la ville par la Porte des Brebis, mais presque tous le suivent, surtout les enfants qui ne lâchent pas son vêtement et les pans de son manteau, et le gênent certainement. Mais il les laisse faire…
490.6 Et cet enfant de Magdala, Benjamin — celui qui avait dit un jour clairement à Judas ce qu’il pensait de lui — tire son vêtement jusqu’à ce que Jésus se penche pour l’écouter en particulier.
« Il n’est plus avec toi, ce méchant ?
– Quel méchant ? Avec moi, il n’y en a pas… répond Jésus avec un sourire.
– Si, il y en a un ! Cet homme grand et noir qui riait… tu sais, celui à qui j’ai dit qu’il était beau du dehors, mais laid à l’intérieur… lui, il est mauvais.
– Il parle de Judas, souffle Jude qui se tient derrière Jésus et qui l’entend.
– Je sais » lui répond Jésus en se retournant.
Puis il dit à l’enfant :
« Bien sûr qu’il est avec moi, cet homme. C’est l’un de mes apôtres. Mais maintenant, il est très bon… Pourquoi hoches-tu la tête ? On ne doit pas penser du mal de son prochain, spécialement de ceux qu’on ne connaît pas. »
L’enfant baisse la tête et se tait.
« Tu ne me réponds pas ?
– Tu ne veux pas que je dise des mensonges… et je t’ai promis de ne pas en dire, et je l’ai fait. Mais si maintenant je dois croire qu’il est bon, je dis une chose qui n’est pas vraie, car je pense qu’il est mauvais. Je peux garder ma bouche fermée pour te faire plaisir, mais je ne peux pas tenir ma tête fermée pour ne pas penser. »
La sortie est si impétueuse et si logique dans sa simplicité encore enfantine, que tous ceux qui l’entendent se mettent à rire. Tous, sauf Jésus qui soupire et répond :
« Eh bien, tu dois faire une chose : prier pour qu’il devienne bon, si vraiment il te semble mauvais. Tu dois être son ange gardien. Le feras-tu? S’il devient meilleur, j’en aurai plus de joie ; donc en priant pour lui, tu pries pour que je sois heureux.
– Je vais le faire, mais s’il est mauvais et ne devient pas bon avec toi, ma prière ne servira à rien. »
Jésus coupe la discussion en s’arrêtant et en se penchant pour embrasser les enfants. Puis il ordonne à tous de s’en retourner…
490.7 Quand Jésus et ses deux cousins restent seuls, Jude, après un moment de réflexion en silence, conclut :
« Il a raison ! Il a entièrement raison ! Je suis du même avis que lui.
– Mais de qui parles-tu ? lui demande son frère Jacques qui marchait en avant, l’air un peu absorbé, sur un sentier étroit où il ne peut passer qu’une personne à la fois.
– De Benjamin, et de ce qu’il a dit. Et… mais toi tu ne veux pas l’entendre et je t’assure moi aussi que Judas est… Non, ce n’est pas un véritable apôtre… Il n’est pas sincère, il ne t’aime pas, il ne…
– Jude ! Jude ! Pourquoi me fais-tu souffrir ?
– Mon Frère, c’est parce que je t’aime. Et j’ai peur de Judas, plus que d’un serpent…
– Tu es injuste. Sans lui, peut-être, j’aurais été déjà pris.
– Jésus a raison. Judas a fait beaucoup. Il s’est attiré des haines et des railleries sans ménagement, mais il a travaillé et il travaille pour Jésus, dit Jacques.
– Il m’est impossible de penser que tu es un naïf, ou un menteur… Alors je me demande bien pourquoi, toi, tu soutiens Judas. Je ne parle pas par jalousie, ni par haine. Je dis cela parce que je sens en moi qu’il est malfaisant, qu’il manque de sincérité… Tout ce que je puis admettre, par amour pour toi, c’est qu’il soit fou. Un pauvre fou, qui aujourd’hui délire dans un sens, demain dans un autre. Mais bon, non, il ne l’est pas. Méfie-toi, Jésus ! Méfie-toi… Aucun de nous n’est parfait, mais regarde-nous bien : nos yeux sont limpides. Observe-nous bien : notre conduite ne change pas. Cela ne te surprend pas que les pharisiens ne lui fassent pas payer ses railleries, que ceux du Temple ne réagissent pas à ses paroles ? Cela ne t’étonne pas qu’il ait toujours des amis justement parmi ceux qu’il offense apparemment et qu’il ait toujours de l’argent ? Je ne parle pas de nous deux, mais même Nathanaël qui est riche, même Thomas qui ne manque pas de moyens, n’ont que le nécessaire. Alors que lui… »
Jésus garde le silence…
Jacques insinue :
« Mon frère a en partie raison. Il est certain que Judas trouve toujours moyen d’être seul, de partir seul, de… Mais je ne veux pas murmurer et juger. Tu sais…
– Oui, je sais. Et c’est pour cela que je dis que je ne veux pas de jugement. Quand vous serez dans le monde pour me remplacer, vous approcherez des individus bien plus étranges que Judas. Quels apôtres serez-vous si vous les laissez de côté parce qu’ils sont étranges ? C’est justement parce qu’ils le sont que vous devrez les aimer d’un patient amour pour faire d’eux des agneaux du Seigneur. 490.8 Maintenant, allons chez Joseph et Simon. Vous avez entendu, n’est-ce pas ? Eux travaillent en secret pour moi. Vous allez dire : en famille, on se soutient. Oui, c’est vrai. Mais c’est toujours de l’amour. Vous vous êtes quittés en mauvais termes la dernière fois. Réconciliez-vous maintenant. Eux et vous avez à la fois tort et raison. Que chacun reconnaisse ses propres torts et ne fasse pas valoir sa part de raison.
– Il m’a beaucoup offensé en t’offensant extrêmement, dit Jacques.
– Tu ressembles beaucoup à Joseph, mon père. Et Joseph, ton frère, ressemble à Alphée, votre père. Eh bien : Joseph fut souvent critiqué par son frère aîné mais, chaque fois, il s’est montré indulgent et a pardonné, car mon père était un grand juste ! A toi de l’être autant que lui.
– Et s’il me fait des reproches comme si j’étais encore un enfant ? Tu sais que, lorsqu’il est fâché, il n’entend pas raison…
– Garde le silence : c’est l’unique moyen de calmer la colère. Tais-toi avec humilité et patience, et si tu sens que tu ne peux le faire sans impolitesse, va-t’en. Savoir se taire, savoir fuir, non par lâcheté, ni parce que l’on ne sait plus que dire, mais par vertu, par prudence, par charité, par humilité. Dans les discussions, il est si difficile de conserver la justice, tout comme la paix de l’esprit ! Quelque chose descend toujours pour altérer les profondeurs, pour troubler, pour faire du vacarme. L’image de Dieu qui se reflète en toute âme bonne s’en trouve ternie, elle s’évanouit, et on ne peut plus écouter ses paroles. Paix ! Paix entre frères. Paix même avec les ennemis. S’ils sont nos ennemis, ils sont les amis de Satan. Mais voudrions-nous devenir, nous aussi, des amis de Satan, en haïssant ceux qui nous haïssent ? Comment pourrions-nous les amener à l’amour, si nous sommes en dehors de l’amour ? Vous me dites : “ Jésus, tu l’as déjà dit de nombreuses fois et tu agis de la sorte, mais tu es toujours haï. ” Je le répéterai toujours. Quand je ne serai plus avec vous, je vous l’inspirerai du Ciel. Je vous recommande aussi de ne pas compter les défaites, mais les victoires. Louons-en le Seigneur! Il ne se passe pas de lune qui ne soit marquée par quelque conquête. C’est cela que doit remarquer l’ouvrier de Dieu, en s’en réjouissant dans le Seigneur, sans le dépit qu’ont ceux du monde quand ils perdent l’une de leurs pauvres victoires. Si vous agissez ainsi…
490.9 – Paix à toi, Maître. Tu ne me reconnais pas ? dit un jeune homme qui remontait de la ville vers Gethsémani.
– Toi ?… Tu es le lévite qui, l’an dernier, était avec nous, avec le prêtre.
– C’est bien moi. Comment m’as-tu reconnu, toi qui vois tant de monde autour de toi ?
– Je n’oublie pas les visages, les âmes et ce qui les caractérise.
– Qu’est-ce qui caractérise mon âme ?
– Elle est bonne et insatisfaite. Tu es las de ce qui t’entoure, ton esprit vise à des espirations supérieures. Tu pressens qu’elles existent. Tu sens qu’il est temps de te décider pour un bien éternel, tu sens qu’au-delà des brumes, il y a un Soleil, la Lumière. Tu veux la Lumière. »
Le jeune homme se jette à genoux :
« Maître, tu l’as dit ! C’est vrai. C’est ce que j’ai dans le cœur, et je n’arrivais pas à me décider. Le vieux prêtre Jonathas a cru, puis il est mort. Il était âgé, moi je suis jeune. Mais je t’ai entendu parler au Temple… Ne me repousse pas, Seigneur, car là-bas tous ne te haïssent pas, et je suis de ceux qui t’aiment. Dis-moi ce que je dois faire, comme lévite…
– Ton devoir, jusqu’au temps nouveau. Réfléchir, car tu ne vas pas vers la gloire terrestre en venant à moi, mais vers la souffrance. Si tu persévères, tu obtiendras la gloire au Ciel. Instruis-toi dans ma doctrine ; affermis-toi en elle…
– Avec quoi ?
– Le Ciel lui-même te soutiendra par ses signes. Deviens fort à l’aide de mes disciples ; apprends et pratique de plus en plus ce que j’ai enseigné. Agis de la sorte, et tu auras la vie éternelle.
– Je le ferai, Seigneur. Mais… puis-je encore servir au Temple ?
– Je te l’ai dit : jusqu’au temps nouveau.
– Bénis-moi, Maître. Ce sera ma nouvelle consécration. »
Jésus le bénit et l’embrasse. Ils se séparent.
490.10 « Vous voyez ? C’est cela, la vie des ouvriers du Seigneur. Il y a un an que la semence est tombée dans ce cœur, et cela n’a pas semblé être une victoire, puisqu’il n’est pas venu aussitôt à nous. Un an plus tard, le voilà qui arrive pour confirmer mes propos de tout à l’heure. C’est une victoire. Et n’embellit-elle pas notre journée ?
– Tu as toujours raison, mon Jésus… Mais fais attention à Judas ! Je regrette de le répéter. Je le sais. Tu le sais… Mais j’ai ce tourment au fond du cœur … Je n’en parle pas aux autres, mais … je suis certain qu’ils l’ont eux aussi. »
Jésus ne réplique pas. Il dit :
« Je suis content que Joseph et Nicodème m’aient donné cet argent, ainsi j’ai pu envoyer une aide à mes petits pauvres de Galilée… »
Les voilà arrivés à la Porte et, à peine entrés en ville, ils se perdent dans la foule.
Zacharie le lévite et la nappe de la Cène
Zacharie est un jeune lévite du Temple. Hésitant pendant un an, il finit par surmonter sa crainte, et rejoint Jésus qui lui conseille : « Ton devoir, jusqu'au temps nouveau. Réfléchir, car tu ne vas pas vers la gloire terrestre en venant à Moi, mais vers la souffrance. Si tu persévères, tu auras la gloire au Ciel. Instruis-toi dans ma doctrine ; affermis-toi en elle… ». (EMV 490.9/10). Jésus ressuscité lui apparaît. « “Pardonne-moi, Seigneur. J'ai péché. J'ai accueilli en moi le doute sur ta vérité.” “Plus que toi sont coupables ceux qui cherchent à séduire ton esprit. Ne cède pas à leurs tentations. Je suis un corps vivant et réel. Sens le poids et la chaleur, la consistance et la force de ma main.” Il lui prend l'avant-bras et le lève avec force en disant :“Lève-toi et marche dans les voies du Seigneur, hors du doute et de la peur. Et tu seras heureux si tu sais persévérer jusqu'à la fin” » (EMV 632.31). Il est alors accueilli parmi les 72 disciples.
Deux chroniques du 7e siècle rapportent que saint Pierre nomma évêque de la ville de Vienne, dans la vallée du Rhône, un disciple nommé Zacharie. Il demeura à Vienne 42 ans et y laissa une précieuse relique que lui avait confiée saint Pierre : un morceau de la nappe de lin sur laquelle Jésus célébra la dernière Cène. Il est très peu probable que Maria Valtorta ait eu connaissance de cette tradition locale, qui apporte une racine historique à son personnage. Et réciproquement Maria Valtorta nous éclaire sur ce saint peu connu de nos jours, et qualifié au 9e siècle de prothomartir Galliarum dans la chronique d’Adon.
La sainte nappe (la sainte toaille, ou le saint mantil), propriété de l'abbaye de Saint-Pierre, était offerte à la vénération des fidèles aux fêtes de Pâques et de la Pentecôte, et au 13e siècle le pape Innocent IV avait accordé de nombreuses indulgences à cette occasion. L'affluence des pèlerins était alors si grande, que les hôtelleries ne pouvaient les contenir, et qu'une partie de ces derniers étaient obligés de passer la nuit dans les églises ou sur les places publiques (1). Cette précieuse relique semble avoir été détruite lors de la Révolution française.
(1) Jean Lelièvre, Histoire de l'antiquité et sainteté de la cité de Vienne 1623.