Une initative de
Marie de Nazareth

Leçon sur l’amour dû au pécheur

jeudi 9 août 29
Guerguesa

Vision de Maria Valtorta

       458.1 Ils arrivent au bord du lac, dans les environs immédiats de Guerguesa, quand le coucher rougissant du soleil fait place à un crépuscule violacé et paisible. La rive est bondée de personnes qui préparent les barques pour la pêche nocturne ou qui se baignent avec plaisir dans les eaux du lac, un peu agité par le vent qui le parcourt.

       On a vite vu et reconnu Jésus, de sorte que, avant même qu’il puisse entrer dans la ville, on sait qu’il est arrivé, ce qui suscite l’affluence habituelle des gens qui accourent pour l’entendre.

       Un homme se fraie un passage au milieu de la foule pour lui dire qu’on était venu le matin, de Capharnaüm, le chercher et lui demander de s’y rendre au plus tôt.

       « Cette nuit même. Je ne reste pas ici et, puisque nos barques ne s’y trouvent pas, je vous demande de nous prêter les vôtres.

       – Comme tu veux, Seigneur. Mais tu nous parleras avant de partir ?

       – Oui, et pour vous saluer aussi. Je vais bientôt quitter la Galilée… »

       458.2 Une femme en larmes l’appelle du milieu de la foule, en suppliant qu’on la laisse passer et s’approcher du Maître.

       « C’est Arria, une païenne qui est devenue juive par amour. Tu as guéri une fois son mari, mais…

       – Je m’en souviens. Laissez-la passer ! »

       La femme s’avance et se jette aux pieds de Jésus en pleurant.

       « Qu’as-tu, femme ?

       – Rabbi ! Rabbi ! Aie pitié de moi ! Siméon… »

       Un homme de Guerguesa l’aide à parler :

       « Maître, il emploie mal la santé que tu lui as donnée. Son cœur est devenu dur, avide, et il ne semble même plus être israélite. Vraiment, sa femme est bien meilleure que lui, bien qu’elle soit née en terre païenne. Et sa dureté et son avidité lui attirent des rixes et des haines. Au cours d’une bagarre, il a été gravement blessé à la tête, et le médecin dit qu’il va probablement devenir aveugle.

       – Et que puis-je faire en pareil cas ?

       – Toi… guéris-le… Elle, tu le vois, est au désespoir… Elle a plusieurs enfants, et encore petits. La cécité de son époux ferait la misère de la maison… Il est vrai que c’est de l’argent mal gagné… Mais sa mort serait un malheur, car un mari est toujours un mari, et un père est toujours un père, même s’il faut s’attendre, au lieu d’amour et de pain, à des trahisons et des coups…

       – Je l’ai guéri une fois et je lui ai dit : “ Ne pèche plus. ” Il a péché davantage encore. N’avait-il pas promis de ne plus le faire ? N’avait-il pas fait vœu de ne plus être usurier et voleur si je le guérissais, de rendre aux personnes spoliées ce qu’il avait mal acquis et, en cas d’impossibilité, de l’employer pour les pauvres ?

       – Maître, c’est vrai, j’étais présent. Mais… l’homme manque de fermeté dans ses résolutions.

       – Tu as raison. Et ce n’est pas Siméon seulement. Nombreux sont ceux qui, comme le dit Salomon, ont deux poids et deux mesures, ainsi qu’une balance fausse, non seulement au sens matériel, mais aussi en ce qui concerne leurs jugements et leurs actions, ainsi que leur comportement envers Dieu. C’est encore Salomon qui dit : “ C’est une ruine pour l’homme de repousser ce qui est saint, et après avoir fait un vœu, de se rétracter. ” Ceux qui agissent de la sorte sont trop nombreux…

       458.3 Femme, ne pleure pas, mais écoute et sois juste puisque tu as choisi une religion de justice. Que choisirais-tu, si je te proposais deux possibilités : soit guérir ton époux et le laisser vivre pour qu’il continue à se moquer de Dieu et à accumuler les péchés sur son âme, soit le convertir, lui pardonner et le laisser mourir ? Choisis, et j’accomplirai ton souhait. »

       La malheureuse passe par un bien dur combat. L’amour naturel, le besoin d’un homme qui gagne sa vie — bien ou mal — pour ses enfants, la pousserait à demander la “ vie ”. Son amour surnaturel envers son époux la pousse à demander “ pardon et mort ”. Les gens se taisent, attentifs, émus, attendant sa décision.

       Finalement la pauvre femme se jette de nouveau sur le sol, s’accrochant au vêtement de Jésus comme pour y puiser de la force et elle gémit :

       « La vie éternelle… Mais aide-moi, Seigneur… »

       On dirait qu’elle meurt, tant elle baisse son visage contre terre.

       « Tu as pris le meilleur parti, sois-en bénie. Peu en Israël t’égaleraient en crainte de Dieu et en justice. Lève-toi. Allons le trouver.

       – Mais, Seigneur, vas-tu vraiment le faire mourir ? Et comment vais-je me débrouiller ? »

       Le côté humain ressort du feu de l’esprit comme le phénix de la mythologie ; elle souffre et s’effare humainement…

       « Ne crains rien, femme. Toi, moi, nous tous, nous confions tout au Père des Cieux et lui agira avec son amour. Es-tu capable de croire cela ?

       – Oui, mon Seigneur…

       – Alors, allons-y en récitant la prière de toutes les demandes et de tous les réconforts. »

       Et tout en marchant, entouré et suivi d’une foule nombreuse, il dit lentement le Notre Père. Le groupe des apôtres l’imite et, en un chœur bien harmonisé, les phrases de la prière s’élèvent au-dessus du bruit de la foule qui, prise par le désir d’entendre prier le Maître, se tait peu à peu, de sorte que l’on entend parfaitement les dernières demandes dans un silence solennel.

       « Le pain quotidien, le Père te le donnera. Je te le garantis en son nom » dit Jésus à la femme.

       Puis il poursuit, en s’adressant non pas à elle seule, mais à tous :

       « Et vos fautes vous seront pardonnées si vous pardonnez à ceux qui vous ont offensés et qui vous ont fait du tort. Ils ont besoin de votre pardon pour obtenir celui de Dieu. Et tous ont besoin de la protection de Dieu pour ne pas tomber dans le péché comme Siméon. Souvenez-vous-en. »

       458.4 Les voilà arrivés à la maison. Jésus y entre avec la femme, Pierre, Barthélemy et Simon le Zélote.

       L’homme, étendu sur une couche, le visage couvert de bandes et de linges mouillés, s’agite et délire. Mais la voix ou la volonté de Jésus le ramène à lui, et il s’écrie :

       « Pardon ! Pardon ! Je ne retomberai plus dans le péché. Ton pardon comme la dernière fois ! Mais guérir aussi, comme la dernière fois. Arria ! Arria ! Je te le jure, je serai bon. Je renonce à toute violence et fraude, je… »

       L’homme est prêt à tout promettre par crainte de la mort…

       « Pourquoi veux-tu cela ? » demande Jésus. « Pour expier ou parce que tu redoutes le jugement de Dieu ?

       – Cela, cela ! Mourir maintenant, non ! L’enfer !… J’ai volé. J’ai volé l’argent du pauvre ! J’ai menti. J’ai frappé le prochain et fait souffrir les miens. Oh !…

       – La peur n’est pas bonne. C’est le repentir qu’il faut, un repentir sincère et ferme.

       – La mort ou la cécité ! Ah ! quel châtiment ! Ne plus voir ! Les ténèbres ! Les ténèbres! Non !…

       – Si les ténèbres des yeux sont terribles, celles du cœur ne sont-elles pas plus horribles pour toi ? Et ne crains-tu pas celles de l’enfer, éternelles, atroces ? La privation continuelle de Dieu ? Les remords continuels ? La douleur de t’être tué toi-même, pour toujours, spirituellement ? N’aimes-tu pas ta femme ? N’aimes-tu pas tes enfants ? Et ton père, ta mère, tes frères, ne les aimes-tu pas ? Eh bien, tu ne penses pas que tu ne les auras plus avec toi, si tu meurs damné ?

       – Non ! Non ! Pardon ! Pardon ! Expier, ici, oui, ici… Même la cécité, Seigneur… Mais l’enfer, non… Que Dieu ne me maudisse pas ! Seigneur ! Seigneur ! Toi qui chasses les démons et pardonnes les fautes, ne lève pas la main pour me guérir, mais pour me pardonner et me délivrer du démon qui me tient… Pose la main sur mon cœur, sur ma tête… Délivre-moi, Seigneur…

       – Je ne puis faire deux miracles. Réfléchis. Si je te délivre du démon, je te laisserai la maladie…

       – Peu importe ! Sois le Sauveur.

       – Qu’il en soit comme tu veux. Sache profiter de cette grâce, c’est la dernière que je te fais. Adieu.

       – Tu ne m’as pas touché ! Ta main ! Ta main ! »

       Jésus le satisfait et met sa main sur la tête et sur la poitrine de l’homme, qui à cause de son pansement, aveuglé par ses bandages et sa blessure, tâtonne convulsivement pour saisir la main de Jésus et, après l’avoir trouvée, pleure sur elle, sans lui permettre de s’éloigner jusqu’à ce que, comme un enfant fatigué, il s’assoupisse, tenant encore la main de Jésus qu’il presse contre sa joue fiévreuse.

       Jésus dégage sa main avec précaution et sort sans bruit de la pièce, suivi de la femme et des trois apôtres.

       « Que Dieu te récompense, Seigneur. Prie pour ta servante.

       – Continue à grandir dans la justice, femme, et Dieu sera toujours avec toi. »

       Il lève la main pour bénir la maison et la femme, puis sort sur la route.

       458.5 Le ton monte dans la foule à cause de mille questions des curieux, mais Jésus fait signe de se taire et de le suivre. Il retourne vers la rive. La nuit descend lentement. Jésus monte dans une barque qui se balance près de la berge et c’est de là qu’il parle.

       « Non. Il n’est pas mort et il n’est pas guéri selon la chair. Son esprit a réfléchi sur ses fautes, il a changé sa manière de voir, et il a été pardonné parce qu’il a demandé l’expiation pour obtenir le pardon. Vous tous, aidez-le à poursuivre son chemin vers Dieu.

       Pensez que nous avons tous une responsabilité envers l’âme de notre prochain. Malheur à celui qui scandalise ! Mais malheur aussi à celui qui, par son attitude intransigeante, angoisse une personne qui vient tout juste de naître au bien en la repoussant avec inflexibilité du chemin sur lequel elle s’est engagée. Tous peuvent un peu servir de maître, et de bon maître pour leur prochain, et l’être d’autant plus que celui-ci est faible et ignore la sagesse du bien.

       Je vous exhorte à faire preuve de patience, de douceur et d’indulgence envers Siméon. Ne lui montrez pas de haine, de rancœur, de mépris ou d’ironie. Ne rappelez pas le passé, ni en vous, ni à lui. L’homme qui se relève après un pardon, un repentir, après un bon propos sincère, a une volonté, mais il a aussi le poids, l’héritage des passions, des habitudes du passé. Il faut savoir l’aider à s’en libérer, et avec beaucoup de discrétion, sans faire allusion au passé. Ce serait de l’imprudence envers la charité et envers la personne.

       Rappeler sa faute au coupable repenti, c’est l’humilier. Sa conscience ranimée suffit à cela. Rappeler à la créature son passé, c’est provoquer le réveil des passions et parfois le retour aux passions dominées, un consentement. Dans le meilleur des cas, c’est attiser des tentations.

       Ne tentez donc pas votre prochain, soyez prudents et charitables. Si Dieu vous a épargné certains péchés, louez-le ; mais n’affichez pas votre justice pour mortifier celui qui n’a pas été juste. Sachez comprendre le regard implorant de l’homme repenti qui voudrait que vous oubliiez et qui, conscient que ce n’est pas le cas, vous supplie au moins de ne pas l’humilier par le rappel de son passé.

       Ne dites pas : “ Il a été lépreux dans l’âme ” pour justifier vos abandons. L’ancien lépreux est réadmis au sein du peuple, après les purifications qui suivent sa guérison. Qu’il en soit de même pour celui qui est guéri du péché. N’imitez pas ceux qui se croient parfaits, mais ne le sont pas, car ils ne font pas preuve de charité envers leurs frères. Mieux, soutenez de votre amour vos frères revenus à la grâce pour qu’un bon entourage empêche de nouvelles chutes.

       N’essayez pas d’être plus justes que Dieu, qui ne repousse pas le pécheur repenti, mais lui pardonne et le réadmet en sa compagnie. Et même si ce pécheur vous a causé un tort irréparable, n’en tirez pas vengeance maintenant qu’il n’est plus un puissant que l’on craint ; mais pardonnez et faites preuve de beaucoup de pitié, parce qu’il a été pauvre du trésor que tout homme peut obtenir si seulement il le veut : la bonté. Aimez-le, car, par la douleur qu’il vous a causée, il vous a donné un moyen de mériter une récompense plus grande au Ciel. Unissez à son moyen le vôtre : le pardon, et votre récompense deviendra encore plus grande dans le Ciel.

       Et ne méprisez personne, même s’il est d’une autre race. Vous voyez que, lorsque Dieu attire une âme, y compris celle d’un païen, il le transforme de telle manière qu’il surpasse en justice beaucoup de gens du peuple élu.

       Je m’en vais. Rappelez-vous maintenant et toujours ces paroles, ainsi que tout ce que je vous ai dit précédemment. »

       458.6 Pierre, qui était prêt, pousse la rame contre la rive et la barque s’en détache et commence à s’éloigner, avec les deux autres à la suite.

       Le lac, un peu agité, imprime du roulis aux embarcations, mais personne ne s’en effraie, car le trajet est court. Les fanaux rouges mettent sur les eaux sombres des taches de rubis et teignent de sang l’écume blanche.

       « Maître, cet homme va-t-il guérir ou non ? Je n’ai rien compris » demande Pierre, après un moment, sans lâcher la barre.

       Jésus ne répond pas. Pierre fait un signe à Jean qui est assis au fond de la barque aux pieds du Maître, la tête appuyée sur les genoux de Jésus. Et Jean répète la question à voix basse.

       « Il ne guérira pas.

       – Pourquoi, Seigneur ? Je croyais, d’après ce que j’avais entendu, qu’il devrait guérir pour expier.

       – Non, Jean. Il pécherait de nouveau, car c’est une âme faible. »

       Jean repose sa tête sur les genoux de Jésus en disant :

       « Mais toi, tu pouvais le rendre fort… »

       Il semble faire un doux reproche.

       Jésus sourit en passant les doigts dans la chevelure de son Jean, puis, élevant la voix de façon que tous l’entendent, il donne la dernière instruction du jour :

       « En vérité, je vous dis que, pour accorder une grâce, il faut savoir tenir compte de son opportunité. La vie, la prospérité, un enfant, ne sont pas toujours un don ; même une guérison n’en est pas forcément un. Tout cela devient et reste don, quand celui qui le reçoit sait en faire un bon usage et pour des fins surnaturelles de sanctification. Mais lorsque la santé, la prospérité, des affections, une mission, aboutissent à la ruine de l’âme, mieux vaudrait ne les avoir jamais reçues. Et parfois Dieu fait le plus grand don qu’il puisse faire en n’accordant pas ce que les hommes voudraient ou penseraient juste d’avoir comme quelque chose de bon. Le père de famille ou le médecin sage savent ce qu’il convient de donner aux enfants ou aux malades pour que leur état n’empire pas ou pour qu’ils restent en bonne santé. Pareillement, Dieu sait ce qu’il faut donner pour le bien d’une âme.

       – Alors cet homme va mourir ? Malheureuse maison !

       – Serait-elle donc plus heureuse si un réprouvé l’habitait ? Et lui, serait-il plus heureux si, en vivant, il continuait à pécher ? En vérité, je vous dis que la mort est un don quand elle sert à éviter de nouveaux péchés et qu’elle prend l’homme pendant qu’il est réconcilié avec son Seigneur. »

       458.7 La quille grince déjà sur les hauts-fonds de Capharnaüm. Pierre dit :

       « Il était temps. Cette nuit, la bourrasque. Le lac bout, le ciel est sans étoiles, noir comme de la poix. Vous entendez, derrière les montagnes ? Vous voyez cette clarté ? Tonnerre et éclairs, bientôt de l’eau. Vite ! Mettez en lieu sûr les barques qui ne nous appartiennent pas ! Les femmes et l’enfant, partez avant qu’il ne pleuve. »

       Puis il crie à d’autres pêcheurs qui retirent leurs filets et leurs paniers :

       « Ohé ! Donnez-nous un coup de main ! »

       A force de bras, on remonte la barque bien haut sur la plage, pendant que les premières vagues viennent gifler leurs membres à demi-nus et pousser les cailloux de la rive.

       Puis ils se dirigent au pas de course vers la maison, tandis que les premières grosses gouttes soulèvent la poussière de la terre brûlée, en dégageant de fortes odeurs. Les éclairs zèbrent déjà le ciel au-dessus du lac, tandis que le tonnerre emplit de son fracas la coupe que forment les collines des rives.

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