Une initative de
Marie de Nazareth

La parabole des dix monuments

lundi 6 août 29
Ein Gev, près d'Hippos

Vision de Maria Valtorta

       452.1 « Mon Seigneur ! » s’exclame l’ancien lépreux en se jetant à genoux dès qu’il voit apparaître Jésus dans la friche qui précède le lieu rocailleux où il a vécu pendant tant d’années.

       Puis, se relevant, il s’écrie encore :

       « Pourquoi reviens-tu vers moi ?

       – Pour t’apporter le viatique de la parole après celui de la santé.

       – Le viatique, on le donne à celui qui part ! Je pars en effet ce soir pour les purifications. Mais je pars pour revenir et m’unir aux disciples, si tu veux bien m’accueillir. Je n’ai ni maison, ni famille, Seigneur. Je suis trop âgé pour reprendre une vie active ; on me réintégrera dans mes biens, mais comment sera ma maison depuis quinze années qu’elle n’appartient plus à personne ? Que vais-je y trouver ? Peut-être des murs en ruine… Je suis un oiseau sans nid. Permets-moi de m’unir à la troupe de ceux qui te suivent. D’ailleurs… je ne m’appartiens plus à moi-même : à cause de ce que tu m’as donné, c’est à toi que j’appartiens. Je n’appartiens plus au monde qui m’a séparé de lui, à juste titre puisque j’étais impur, pendant si longtemps. Désormais, c’est moi qui trouve le monde impur après t’avoir connu, et je fuis le monde pour venir à toi.

       – Et je ne te repousse pas. Je te dis cependant que je désire que tu fasses un séjour dans cette région. Aéra et Arbel ont leur fils comme disciple pour l’évangélisation. Toi, sois-le pour Hippos, Gamla, Aphéqa et les villes voisines. Moi, je vais bientôt descendre en Judée et ne reviendrai plus de ce côté. Je veux qu’il y ait des évangélisateurs.

       – Ta volonté me rend cher tout renoncement. Je ferai ce que tu veux sitôt les purifications accomplies. J’avais pensé ne plus m’occuper de ma maison. Maintenant, au contraire, je désire la remettre en état, de façon à pouvoir l’habiter pour y accueillir pendant l’hiver des âmes désireuses de te connaître, et je prierai quelque disciple qui te suit depuis des années de venir avec moi, car si tu veux que je sois un petit maître, j’ai besoin d’être instruit par quelqu’un qui le soit plus que moi. Et au printemps, j’irai avec les autres prêcher ton nom.

       452.2 – C’est une bonne idée. Dieu t’aidera à réaliser ton projet.

       – J’ai déjà commencé en détruisant par le feu tout ce qui m’appartenait : à savoir mon pauvre grabat et tous les objets qui me servaient, le vêtement que je portais jusqu’à hier, tout ce qu’avait touché mon corps malade. La grotte où je vivais est noircie par le feu que j’y ai fait pour détruire et purifier. Personne ne s’y contaminera en entrant s’y réfugier par une nuit de tempête. Et puis… (la voix de l’homme s’affaiblit, comme si elle se fêlait et il parle plus lentement…) et puis… j’avais un vieux coffre qui s’en allait en morceaux… tout vermoulu… On aurait dit que la lèpre l’avait rongé, lui aussi… Mais pour moi, il était plus précieux que toutes les richesses du monde… Il contenait mes objets chers : des souvenirs de ma mère, le voile de mariée de mon Anne… Ah ! quand je le lui ai enlevé, tout heureux, le soir des noces et quand j’ai contemplé ce visage aussi beau et pur qu’un lys, qui m’aurait dit que, quelques années plus tard, j’allais le voir n’être qu’une plaie ! Et… les vêtements de mes enfants… leurs jouets… qu’ils avaient tenus dans leurs petites mains tant qu’ils avaient pu les saisir… quelque chose… et… ah ! c’est une telle douleur… pardonne-moi mes larmes… Cette plaie me fait beaucoup souffrir maintenant que je les ai brûlés parce qu’il le fallait… sans pouvoir les embrasser… car c’étaient des objets de lépreux… Je suis injuste, Seigneur… Je te montre des larmes… Mais aie pitié… J’ai détruit le dernier souvenir que j’avais d’eux… et maintenant, me voilà comme si j’étais perdu dans un désert… »

       En larmes, l’homme s’écroule auprès du tas de cendres, souvenir de son passé…

       « Tu n’es pas perdu, Jean, et tu n’es pas seul. Je suis avec toi. Et les tiens seront bientôt, avec moi, à t’attendre au Ciel. Ces restes te les rappelaient, défigurés par la maladie, ou bien d’une santé resplendissante avant le malheur. C’étaient des souvenirs de douleur. Laisse-les dans les cendres du bûcher. Anéantis-les, avec la certitude que je te donne, de retrouver des êtres heureux, embellis par la joie du Ciel. Le passé est mort, Jean. Ne pleure plus sur lui. La lumière ne s’attarde pas à regarder les ténèbres de la nuit, mais elle est joyeuse de s’en séparer et de resplendir en montant dans le ciel, à la suite du soleil, chaque matin. Et le soleil ne s’attarde pas à l’orient, mais il monte, bondit et court jusqu’à ce qu’il rejoigne le sommet du firmament pour y rayonner. Ta nuit est finie. N’y pense plus. Monte par l’esprit là où moi, la Lumière, je te porte. Là, grâce à une douce espérance et à une belle foi, tu vas déjà retrouver la joie, car ta charité va pouvoir se répandre en Dieu et dans les êtres aimés qui t’attendent. Ce n’est qu’une rapide montée… et tu seras là-haut avec eux. La vie n’est qu’un souffle… l’éternité est l’éternel présent.

       – Tu as raison, Seigneur. Tu me réconfortes et tu m’apprends comment surmonter cette heure avec justice… 452.3 Mais tu es au soleil pour rester près de moi, plus qu’il t’est permis. Eloigne-toi, Maître. Tu m’as donné suffisamment. Le soleil pourrait te faire du mal, car il est déjà fort.

       – Je suis venu pour rester avec toi. Nous sommes tous venus pour cela, mais déplace-toi, toi aussi, du côté des arbres et nous serons voisins sans qu’il y ait de danger. »

       L’homme obéit, en s’éloignant du rocher au pied duquel se trouve le monceau de cendres — le passé —, et il se dirige vers l’endroit où va Jésus et où, tout émus, se trouvent les apôtres, les femmes, les habitants de la bourgade et ceux qui sont venus de la ville pour écouter le Maître.

       « Allumez des feux pour cuire les poissons. Nous allons partager la nourriture en un banquet d’amour » ordonne Jésus.

       Et, pendant que les apôtres s’exécutent, il fait un tour sous les arbres qui ont poussé en désordre à cet endroit évité par tout le monde à cause du voisinage du lépreux ; c’est un fouillis sauvage d’arbres qui n’ont jamais connu ni la serpe ni la hache. Des gens qui souffrent ou qui sont affligés se tiennent à l’ombre propice des frondaisons et racontent à Jésus leurs angoisses. Patient et puissant,  Jésus guérit, conseille ou réconforte. Plus loin, dans un petit pré, l’enfant de Capharnaüm, heureux, joue avec des gamins du village, et leurs cris de joie rivalisent avec le chant des nombreux oiseaux dans les feuillages. Leurs vêtements multicolores, qui s’agitent au gré de leurs courses sur l’herbe verte, les rendent semblables à de gros papillons qui voltigent de fleur en fleur.

       452.4 Le repas est prêt. On appelle Jésus. Il demande comme une grâce un panier à un paysan qui avait apporté des figues et du raisin, et il le remplit de pain, des plus beaux poissons, de fruits savoureux. Il y ajoute sa gourde d’eau au miel et se dirige vers l’ancien lépreux.

       « Tu restes sans gourde, Maître » lui fait remarquer Barthélemy. « Lui ne peut plus te la rendre. »

       Jésus répond en souriant :

       « Il y a encore tant d’eau pour la soif du Fils de l’homme ! Il y a l’eau que le Père a mise dans les puits profonds. Et le Fils de l’homme a encore les mains libres pour puiser dans le creux de la main… Un jour viendra où je n’aurai plus rien de cela… et je n’aurai pas même l’eau de l’amour pour procurer quelque rafraîchissement à l’Assoiffé… Maintenant, j’ai tant d’amour autour de moi… »

       Et il continue sa marche, portant à deux mains le panier large, rond et bas, qu’il dépose sur l’herbe à quelques mètres de Jean, en lui disant :

       « Prends et mange. C’est le banquet de Dieu. »

       Puis il revient à sa place, offre et bénit la nourriture et la fait distribuer à tous, qui ont mis ensemble ce qu’ils avaient.

       Tous mangent de bon appétit, dans la paix et la joie, et Marie s’occupe du petit Alphée avec une maternelle douceur. Une fois le repas terminé, Jésus se place entre les gens et l’ancien lépreux pour commencer à parler, tandis que les mères prennent dans leurs bras les enfants rassasiés de nourriture et de jeux, et les bercent pour les endormir, afin qu’ils ne troublent pas le discours.

       452.5 « Ecoutez tous.

       Dans un psaume de David, le psalmiste se demande : “ Qui habitera sous la tente de Dieu ? Qui reposera sur sa montagne sainte ? ” Et il se met à énumérer qui seront ces bienheureux et pour quel motif ils le seront. Il dit : “ Celui qui vit sans tache et pratique la justice. Celui dont le cœur parle avec vérité et dont la langue n’ourdit pas des tromperies, qui ne fait pas de tort au prochain et n’accueille pas de propos qui déshonorent son semblable. ” Et en quelques lignes, après avoir précisé qui entrera dans les domaines de Dieu, il énonce ce que le saint fait de bien après n’avoir pas commis le mal. Voici : “ A ses yeux, le méchant n’est rien. Il honore ceux qui craignent Dieu. Il ne trompe pas son prochain par de faux serments. Il ne prête pas son argent à intérêt. Il n’accepte pas de cadeaux pour nuire à l’innocent. ” Et il achève : “ Qui fait ainsi, jamais ne chancellera. ” En vérité, en vérité je vous dis que le psalmiste a dit vrai, et je confirme par ma sagesse que celui qui agit ainsi ne fléchira jamais.

       452.6 La première condition pour entrer dans le Royaume des Cieux, c’est de “ vivre sans tache ”.

       Mais l’homme, qui est une créature faible, peut-il vivre sans pécher ? La chair, le monde et Satan, dans un continuel bouillonnement de passions, de tendances et de haine, crachent leurs souillures pour tacher les âmes, et si le Ciel n’était ouvert qu’à ceux qui ont vécu saintement après l’âge de raison, de toute l’humanité très peu entreraient au Ciel, de même qu’il y a très peu d’hommes qui arrivent à la mort sans avoir connu des maladies plus ou moins graves au cours de leur vie.

       Alors ? Le Ciel serait-il donc fermé aux enfants de Dieu ? Doivent-ils se dire : “ Je l’ai perdu ”, quand un assaut de Satan ou une tempête de la chair les fait tomber et qu’ils voient leur âme maculée ? N’y aura-t-il plus de pardon pour le pécheur ? Rien n’effacera-t-il la tache qui souille l’esprit ?

       Ne craignez pas votre Dieu d’une crainte injuste. Il est Père, et un père tend toujours la main à son enfant qui trébuche, il lui offre de l’aide pour qu’il se relève, le réconforte par de suaves moyens pour que son avilissement ne dégénère pas en désespoir, mais fleurisse en une humilité désireuse de réparer pour être de nouveau agréable au Père.

       Voilà : le repentir du pécheur, la volonté vraie de réparer, suscités par l’un et l’autre par un véritable amour pour le Seigneur, lavent la tache de la faute et rendent digne du pardon divin. Et quand Celui qui vous parle aura accompli sa mission sur la terre, aux absolutions de l’amour, du repentir et de la bonne volonté s’unira l’absolution très puissante que le Christ vous aura obtenue au prix de son sacrifice. Avec une âme plus pure que celle des nouveaux-nés — beaucoup plus pures, car pour ceux qui croiront en moi jailliront de leurs seins des fleuves d’eau vive qui laveront même la faute d’origine, cause première de toute la faiblesse de l’homme —, vous pourrez aspirer au Ciel, au Royaume de Dieu, à ses Tentes. En effet, la grâce que je vais vous rendre vous aidera à pratiquer la justice qui fait grandir, dans la mesure où elle est pratiquée, le droit que vous donne à une âme sans tache d’entrer dans la joie du Royaume des Cieux.

       Les petits enfants y entreront, et ils jouiront de la béatitude qui leur sera donnée gratuitement, ils s’y réjouiront, car le Ciel est joie. Mais il y entrera aussi les adultes, les vieillards, ceux qui auront vécu, lutté, vaincu, et qui, à la pure couronne de la grâce, uniront la couronne multicolore de leurs œuvres saintes, de leurs victoires sur Satan, le monde et la chair. Très grande sera leur béatitude de vainqueurs, grande comme l’homme ne peut l’imaginer.

       452.7 Comment se pratique la justice ? Comment se conquiert la victoire ? Par l’honnêteté des paroles et des actes, par la charité envers le prochain ; en ne reconnaissant que Dieu et en ne mettant pas les idoles des créatures, de l’argent, de la puissance, à la place du Dieu très saint ; en donnant à chacun la place qui lui revient, sans chercher à en faire plus ou moins qu’on ne doit. L’homme qui honore et sert un ami ou un parent, même dans des œuvres qui ne sont pas bonnes, sous prétexte qu’il est puissant, n’est pas bon. A l’opposé, celui qui nuit à son prochain parce qu’il ne peut espérer de lui aucun avantage, qui fait de faux serments, ou se laisse acheter par des cadeaux pour faire une déposition contre l’innocent ou juger partialement, non selon la vérité, mais en calculant ce qu’un jugement inique peut lui valoir de la part du plus puissant de ses adversaires, celui-là n’est pas juste, et vaines sont ses prières, ses offrandes, car elles sont entachées d’injustice aux yeux de Dieu.

       Vous voyez que ce que je vous dis est encore le Décalogue. La parole du Rabbi en revient toujours au Décalogue. En effet, le bien, la justice, la gloire se trouvent dans l’accomplissement de ce que le Décalogue enseigne et ordonne de faire. Il n’y a pas d’autre doctrine. Autrefois, elle a été donnée au milieu des foudres du Sinaï, maintenant elle l’est au milieu des splendeurs de la miséricorde, mais c’est toujours la même doctrine. Elle ne change pas, et elle ne peut changer. Beaucoup, en Israël, diront pour se justifier de n’être pas saints, même après le passage du Sauveur sur la terre : “ Je n’ai pas trouvé moyen de le suivre et de l’entendre. ” Mais leur excuse n’a aucune valeur, car le Sauveur n’est pas venu apporter une nouvelle Loi, mais confirmer la première, l’unique Loi, ou plutôt la reconfirmer, dans sa nudité sainte précisément, dans sa simplicité parfaite. Il est venu confirmer par l’amour et par les promesses d’un amour assuré de Dieu, ce qui autrefois avait été dit avec rigueur d’un côté et entendu avec crainte de l’autre.

       452.8 Pour bien vous faire comprendre ce que sont les dix commandements et combien il est important de les suivre, je vous dis cette parabole.

       Un père de famille avait deux fils pareillement aimés et dont il voulait être le bienfaiteur dans la même mesure. Ce père possédait, outre la demeure où habitaient ses fils, des possessions où étaient cachés de grands trésors. Les fils connaissaient l’existence de ces trésors, mais ignoraient le chemin pour y aller. En effet le père, pour des raisons personnelles, n’en avait pas dévoilé l’itinéraire à ses enfants, et cela pendant de très nombreuses années.

       Pourtant, à un certain moment, il appela ses deux fils et leur dit :

       “ Il est bon que désormais vous sachiez où se trouvent les trésors que votre père a mis de côté pour que vous puissiez y arriver lorsque je vous le dirai. En attendant, connaissez-en le chemin et les indications que j’y ai placées pour vous permettre de rester sur la bonne voie. Ecoutez-moi donc. Les trésors ne se trouvent pas dans une plaine où stagnent les eaux, où brûle la canicule, où la poussière abîme tout, où les épines et les ronces étouffent la végétation et où les voleurs peuvent venir aisément dérober. Ces trésors sont au sommet de cette haute montagne, élevée et rocailleuse. Je les ai placés là, et ils vous y attendent. Un grand nombre de sentiers gravissent la montagne, mais un seul est le bon. Quant aux autres, certains finissent dans un précipice, d’autres dans des cavernes sans issue, dans des fossés d’eau boueuse, dans des nids de vipères, sur des cratères de soufre enflammé, ou contre des murailles infranchissables. Le bon chemin, au contraire, est fatigant, mais il arrive au sommet sans être interrompu par des précipices ou quelque autre obstacle. Pour que vous puissiez le reconnaître, j’y ai placé tout au long, à des distances régulières, dix monuments de pierre sur lesquels sont gravés, pour vous guider, ces trois mots : ‘Amour, obéissance, victoire’. Suivez cette voie, et vous arriverez au lieu du trésor. Moi, ensuite, par un autre chemin connu de moi seul, je viendrai et je vous ouvrirai les portes pour que vous soyez heureux. ”

       452.9 Les deux fils saluèrent leur père qui répéta, tant que ses deux fils purent l’entendre : “ Suivez bien le chemin que je vous ai indiqué ! C’est pour votre bien. Ne vous laissez pas tenter par les autres, même s’ils vous semblent meilleurs. Vous perdriez le trésor et moi, avec lui… ”

       Les voilà parvenus au pied de la montagne. Un premier monument se trouvait à la base, exactement au commencement du sentier, lui-même au milieu d’un éventail de chemins qui escaladaient la montagne en tous sens. Les deux frères commencèrent l’ascension sur le bon sentier. Il était encore très agréable au commencement, bien que sans un brin d’ombre. Du haut du ciel, le soleil y tombait à pic, l’inondant de lumière et de chaleur. La roche blanche où il était taillé, le ciel pur au-dessus de leurs têtes, la chaleur du soleil qui enveloppait leurs membres, voilà ce que les frères voyaient et ressentaient. Mais, animés encore par la bonne volonté, par le souvenir de leur père et de ses recommandations, ils grimpaient joyeusement vers la cime. Voici le second monument… et puis le troisième. Le sentier se faisait de plus en plus fatigant, isolé, brûlant. On ne voyait même plus les autres chemins, où il y avait de l’herbe, des arbres, des eaux claires, et surtout une montée plus douce, parce que moins rapide et tracée sur un sol qui n’était pas rocheux.

       “ Notre père veut nous faire arriver morts ”, dit un des fils à la vue du quatrième monument.

       Et il commença à ralentir sa marche. L’autre l’encouragea à poursuivre en disant :

       “ Il nous aime comme lui-même et plus encore, puisqu’il nous a préservé ce trésor si merveilleusement. Ce sentier dans la roche, qui s’élève de la vallée au sommet sans dévier, c’est lui qui l’a creusé. Ces monuments, c’est lui qui les a érigés pour nous guider. Réfléchis, mon frère ! C’est lui, lui seul, qui a fait tout cela par amour ! Pour nous le donner ! Pour nous faire y arriver sans erreur possible et sans danger. ”

       Ils poursuivirent leur marche, mais les chemins laissés en contrebas se rapprochaient du sentier taillé dans la roche, et cela d’autant plus souvent que la voie menant au sommet devenait plus étroite. Et comme ils étaient beaux, ombragés, engageants, ces chemins !

       “ Je prendrais bien l’un d’eux, dit le fils bougon en arrivant au sixième monument, d’autant plus que celui-là va à la cime.

       “ – Comment peux-tu dire ça ?… Tu ne vois pas s’il monte ou s’il descend…

       “ – Le voilà plus haut !

       “ – Tu ne sais pas si c’est le même. Et puis notre père a dit de ne pas quitter la bonne voie… ” 

       C’est de mauvaise grâce que le nonchalant continua.

       Ils parvinrent au septième monument :

       “ Ah ! pour ma part, je m’en vais vraiment.

       “ – Ne fais pas cela, mon frère ! ”

       Ils restèrent sur le sentier vraiment très pénible désormais, mais le sommet se rapprochait enfin…

       Voilà le huitième monument et, le longeant tout près, le chemin fleuri.

       “ Oh ! Tu vois que celui-ci monte bien, même si ce n’est pas en ligne droite ?

       “ – Tu ne sais pas si c’est le même.

       “ – Si. Je le reconnais.

       “ – Tu te trompes.

       “ – Non, je le prends.

       “ – Ne fais pas cela. Pense à notre père, aux dangers, au trésor.

       “ – Mais qu’ils aillent tous au diable ! A quoi me servirait le trésor, si j’arrive expirant au sommet ? Quel plus grand danger y a-t-il que cette escalade ? Et quelle plus grande haine que celle de notre père, qui nous a bernés avec ce sentier pour nous faire mourir ? Adieu ! J’arriverai avant toi, et vivant… ”

       A ces mots, il se précipita dans le bosquet voisin et disparut en poussant un cri de joie derrière les arbres qui l’ombrageaient.

       452.10 L’autre continua tristement… La dernière partie de la route était vraiment effroyable ! Le voyageur n’en pouvait plus. Il était comme ivre de fatigue, de soleil ! Au neuvième monument, il s’arrêta, haletant, s’appuya sur la pierre gravée en lisant machinalement les paroles qui étaient gravées. Tout près, il y avait une allée avec de l’ombre, de l’eau, des fleurs… “ Je la prendrais bien… Mais non ! Non. Il est écrit ici — et de la main de mon père — : ‘ Amour, obéissance, victoire. ’ Il me faut croire à son amour, à sa vérité, et je dois obéir pour montrer mon amour… Allons… Que l’amour me soutienne… ” Voici le dixième monument… Le voyageur, épuisé, brûlé par le soleil, marchait courbé comme sous un joug… C’était le saint joug de la fidélité, qui est amour, obéissance, force, espérance, justice, prudence, tout… Au lieu de s’appuyer, il se laissa tomber assis à ce peu d’ombre que le monument faisait sur le sol. Il se sentait mourir… de l’allée voisine venait un bruit de ruisseau et une odeur de bois…

       “ Père, père, aide-moi par ton esprit, dans la tentation… aide-moi à rester fidèle jusqu’au bout ! ”

       De loin lui parvenait la voix joyeuse de son frère :

       “ Viens, je t’attends. Ici, c’est un éden… Viens…

       “ – Si j’y allais ?… ” et en criant très fort : “ Il monte vraiment au sommet ?

       “ – Oui, viens. Il y a une galerie fraîche qui mène là-haut. Viens ! Je vois déjà le sommet de l’autre côté de la galerie, dans le rocher…

       “ – Est-ce que j’y vais, ou non ? Qui va me secourir ?… J’y vais… ”

       Il appuya les mains pour se relever et, ce faisant, il remarqua que les paroles gravées n’étaient plus nettes comme celles du premier monument : “ A chaque monument, les mots étaient plus légers… C’est comme si mon père, épuisé, avait eu du mal à les graver. Et… regarde !… Revoilà ce signe rouge brun qui était déjà visible sur le cinquième monument… Mais cette fois, il remplit le creux de chaque mot et il a coulé, marquant le rocher comme de larmes sombres, comme… du sang… ”

       Il gratta du doigt l’endroit où il y avait une tache large comme les deux mains. Et la tache s’en alla, laissant découvertes, fraîches, ces paroles : “ C’est ainsi que je vous ai aimés, jusqu’à répandre mon sang pour vous conduire au trésor. ”

       “ Oh ! mon père ! Et moi, j’ai pu penser à ne pas suivre ton commandement ? Pardon, mon père ! Pardon. ”

       Le fils pleura contre le rocher, et le sang qui remplissait les mots redevint frais, brillant comme du rubis, et les larmes furent nourriture et boisson pour le bon fils, et force… Il se leva, et, par amour, appela son frère, fort, très fort… Il voulait lui partager sa découverte : l’amour de leur père, lui dire : “ Reviens. ” Personne ne répondit…

       Le jeune homme reprit sa marche, presque à genoux sur la pierre brûlante, car son corps était vraiment mort de fatigue, mais son esprit serein. Voici le sommet… Et là, voici son père.

       “ Mon père !

       “ – Mon fils chéri ! ”

       Le jeune homme s’abandonna sur le sein paternel, et son père l’accueillit en le couvrant de baisers.

       “ Tu es seul ?

       “ – Oui… Mais mon frère va bientôt arriver…

       “ – Non. Il ne viendra plus. Il a quitté la voie des dix monuments. Il n’est pas revenu après les premières désillusions qui l’avertissaient. Tu veux le voir ? Le voilà. Dans le gouffre de feu… Il s’est entêté dans la faute. Je lui aurais encore pardonné et je l’aurais attendu si, après avoir reconnu son erreur, il était revenu sur ses pas et si, bien qu’en retard, il était passé par là où l’amour est passé le premier, en souffrant jusqu’à répandre le meilleur de son sang, ce qu’il y avait de plus cher en lui, pour vous.

       “ – Il ne savait pas…

       “ – S’il avait regardé avec amour les paroles gravées sur les dix monuments, il aurait lu leur véritable signification. Toi, tu l’as reconnue dès le cinquième monument et tu l’as fait remarquer à ton frère en disant : ‘ Ici, notre père a dû s’être blessé ! ’ Puis tu l’as vue aux monuments suivants, toujours plus clairement, jusqu’à ce que tu aies eu l’instinct de découvrir ce qu’il y avait sous mon sang. Sais-tu le nom de cet instinct ? ‘ Ton union véritable avec moi. ’ Les fibres de ton cœur, unies aux miennes, ont tressailli, et elles t’ont dit : ‘ Ici, tu auras la mesure de la manière dont ton père t’aime. ’ Entre maintenant en possession du trésor et de moi-même, toi qui es affectueux, obéissant, victorieux pour toujours. ”

       Voilà la parabole.

       452.11 Les dix monuments sont les dix commandements. Votre Dieu les a gravés et disposés sur le sentier qui mène au Trésor éternel, et il a souffert pour vous conduire à ce sentier. Vous souffrez ? Dieu aussi. Vous devez faire effort sur vous-mêmes ? Dieu aussi.

       Savez-vous jusqu’à quel point ? En souffrant de se séparer de lui-même et en s’efforçant pour connaître l’être humain avec toutes les misères que l’humanité porte : naître, endurer le froid, la faim, la fatigue, les sarcasmes, les affronts, les haines, les embûches et enfin la mort en donnant tout son sang pour que vous obteniez le Trésor. Voilà ce que souffre Dieu, descendu pour vous sauver. Voilà ce que souffre Dieu en haut des Cieux, en se permettant à lui-même de le subir.

       En vérité, je vous affirme que personne, si épuisant que soit son chemin pour arriver au Ciel, ne suivra jamais un sentier plus exténuant et plus douloureux que celui que le Fils de l’homme parcourt pour venir du Ciel à la terre, et de la terre au Sacrifice pour vous ouvrir les portes du Trésor.

       Mon sang se trouve déjà sur les tables de la Loi. Mon sang se trouve sur la voie que je vous trace. C’est sous l’ondée de mon sang que s’ouvre la porte du Trésor. C’est par mon sang qui la lave et la nourrit que votre âme se fait pure et forte. Mais pour qu’il ne soit pas répandu en vain, vous devez suivre la Loi immuable des dix commandements.

       Maintenant, reposons-nous. Au coucher du soleil, j’irai à Hippos, Jean à la purification, vous à vos maisons. Que la paix du Seigneur soit avec vous. »

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