Une initative de
Marie de Nazareth

Marie intercède pour Samuel, fils d’Esther

mercredi 25 juillet 29
Tibériade

Vision de Maria Valtorta

       445.1 Jésus et ses disciples arrivent à Tibériade par une matinée orageuse, après un court trajet de Tarichée à Tibériade en barque. Ces barques balancent fortement sur le lac très agité et grisâtre comme le ciel parcouru de nuages qui n’annoncent rien de bon.

       Pierre scrute le ciel et le lac et il ordonne aux employés de mettre les barques en lieu sûr :

       « Dans un moment, vous allez entendre une de ces musiques ! Je ne suis plus Simon le pêcheur, si bientôt les averses et les vagues du lac ne font pas de dégâts. Il n’y a personne sur le lac ? » se demande-t-il à lui-même, en scrutant la mer troublée de Galilée.

       Elle a beau être parcourue par des vagues de plus en plus fortes, sous la chape d’un ciel de plus en plus menaçant, il la voit déserte et se console en pensant qu’elle ne fera pas de victimes humaines. C’est donc avec quelque satisfaction qu’il suit le Maître, qui fait face à des coups de vent si forts que les hommes ont du mal à marcher dans les nuages de poussière. La bourrasque fait claquer leurs vêtements.

       Ce quartier de Tibériade est habité par des gens du peuple, des familles de pêcheurs ou d’artisans occupés à des travaux qui se rapportent à la pêche ; on assiste donc à toutes sortes d’allées et venues pour rentrer dans les maisons tout ce que l’orage pourrait détériorer. Des gens courent, chargés de filets et de rames des barques déjà mises à l’abri, d’autres emportent à l’intérieur leurs outils de travail, pendant que siffle le vent, que s’élèvent des nuages de poussière et que claquent les portes. L’autre Tibériade, celle qui est plus au nord, le quartier des palais qui s’étendent le long du lac, des beaux parcs que l’on voit sur l’arc de la rive, dort paresseusement. Seuls des serviteurs ou des esclaves — selon que les maisons appartiennent aux Juifs ou aux Romains — s’affairent à enlever des rideaux sur le haut des terrasses, à retirer les légères embarcations de plaisance, les sièges épars dans les jardins…

       445.2 Jésus, qui s’est dirigé de ce côté, dit à Simon le Zélote et à son cousin Jude :

       « Allez demander au portier de Jeanne, femme de Kouza, si aucun des nôtres n’est venu à notre recherche. Moi, j’attends ici.

       – Bien. Et Jeanne ?

       – Nous la verrons plus tard. Allez, et faites ce que je dis. »

       Les deux apôtres s’éloignent rapidement et, pendant que les autres attendent, Jésus les envoie ici et là chercher des vivres “ pour eux et les femmes, parce qu’il n’est pas juste d’imposer des frais à la famille du disciple ”, dit Jésus. Il reste donc seul, appuyé au mur d’un jardin d’où provient une rumeur d’ouragan, tant est forte la lutte du vent contre les grands arbres.

       Jésus est tout ramassé sur lui-même ; il tient ses vêtements bien serrés dans son manteau, qu’il a ramené sur sa tête où il fait office de capuchon pour se protéger du vent qui lui rejette les cheveux dans les yeux. Couvert de poussière, le visage à demi-caché par les pans de son manteau, adossé à un mur presque au coin de la rue qui croise une belle artère qui va du lac au centre de la ville, il a l’air d’un mendiant qui attend l’obole. Quelques passants le regardent, mais comme il ne dit rien, ne demande rien et reste ainsi, tête penchée, personne ne s’arrête pour lui donner quelque chose ou lui parler. Pendant ce temps, la bourrasque redouble d’intensité, et le bruit du lac se fait plus violent, remplissant la ville tout entière de son rugissement.

       445.3 Un homme de grande taille avance, courbé pour se défendre du vent, lui aussi enveloppé de son manteau qu’il tient serré sous le cou avec la main, arrivant du chemin qui va de l’intérieur de la ville vers la rive. Pour éviter une file d’ânes de maraîchers qui, après avoir déchargé leurs légumes aux marchés reviennent chez eux, il lève la tête et voit Jésus. Je me rends compte alors que ce jeune homme, c’est Judas.

       « Oh ! Maître ! » dit-il de l’autre côté de la file des ânes. « Je venais justement chez Jeanne pour te chercher. Je suis allé à Capharnaüm dans ce but, mais… »

       Le dernier âne est passé et Judas se hâte de rejoindre le Maître en achevant :

       «… mais à Capharnaüm, il n’y avait personne. J’ai attendu plusieurs jours puis je suis revenu ici, et tous les jours j’allais chez Joseph et chez Jeanne voir si tu t’y trouvais… »

       Jésus le fixe de son regard pénétrant et arrête cette avalanche de paroles en disant seulement :

       « La paix soit avec toi.

       – C’est vrai ! Je ne t’ai même pas salué ! La paix soit avec toi, Maître. Mais toi, tu l’as toujours cette paix !

       – Pas toi ?

       – Je suis un homme, Maître.

       – L’homme juste a la paix. Seul l’homme coupable est troublé. L’es-tu ?

       – Moi ?… Non, non, Maître. Du moins… à vrai dire, il est certain qu’être loin de toi ne me rendait pas heureux… Mais ce n’était pas encore être privé de paix. C’était la nostalgie de toi, en raison de l’affection que j’ai pour toi… Mais la paix, c’est autre chose, n’est-ce pas ?…

       – Oui, c’est autre chose. Les séparations ne peuvent porter atteinte à la paix du cœur, à moins que l’être éloigné ne commette des fautes que sa conscience lui indique comme susceptibles d’affliger l’aimé, s’il les connaissait.

       – Mais les absents ne savent pas… Sauf si quelqu’un les en informe. »

       Jésus le regarde et se tait.

       445.4 « Tu es seul, Maître ? demande Judas en cherchant à détourner la conversation vers des sujets plus banals.

       – J’attends ceux que j’ai envoyés chez Jeanne pour savoir si ma Mère est arrivée de Nazareth.

       – Ta Mère ? Tu fais venir ta Mère ici ?

       – Oui. Je resterai avec elle à Capharnaüm pendant toute la lune, en me rendant en barque dans les villages de la rive, mais en revenant chaque jour à Capharnaüm. Il doit y avoir beaucoup de disciples…

       – Oui… Beaucoup… »

       Judas a perdu sa faconde. Il est pensif…

       « Tu n’as rien à me dire, Judas ? Nous sommes tous les deux seuls… Rien ne t’est arrivé, pendant ce temps de séparation, aucun fait sur lequel tu sentes nécessaire d’entendre la parole de ton Jésus ? dit doucement Jésus, comme pour aider le disciple à avouer, en lui faisant sentir tout son amour miséricordieux.

       – Et toi, tu ne sais rien qui en moi demande ta parole ? Si oui — moi, en vérité, je ne vois pas ce qui mérite cette parole —, parle. Il est difficile à un homme de devoir se rappeler ses fautes et ses défauts et de les avouer à un autre…

       – Moi qui te parle, je ne suis pas un autre homme, mais…

       – Non : tu es Dieu. Je le sais. Mais à cause de cela, il n’est pas nécessaire que ce soit moi qui parle. Toi, tu sais…

       – Je ne suis pas un autre homme, disais-je, mais je suis ton ami le plus affectueux. Je ne te dis pas le Maître, le supérieur, mais : l’ami…

       – C’est toujours la même chose ! Il est fastidieux de devoir toujours rechercher ce qu’on a fait dans le passé, et dont l’aveu pourrait provoquer des reproches. Mais, plus que les reproches, c’est de déchoir dans l’estime de l’ami qui afflige…

       445.5 – Lors du dernier sabbat où je me trouvais à Nazareth, Simon-Pierre a révélé par inadvertance à un de ses compagnons une chose qu’il devait taire. Ce n’était pas une désobéissance volontaire, ce n’était pas une médisance, rien de susceptible de faire tort au prochain. Simon-Pierre l’avait dit à un cœur honnête et à un homme sérieux. Ce dernier, se voyant amené à connaître un secret sans que lui-même ou Pierre l’aient voulu, jura qu’il ne le répéterait à personne. Simon pouvait être tranquille… Mais il ne le devint que lorsqu’il m’eut fait l’aveu de la faute. Immédiatement… Pauvre Simon ! Il appelait cela une faute ! Mais si, dans le cœur de mes disciples, il n’y avait que des fautes comme celle-là, et autant d’humilité, de confiance, d’amour que Pierre, je devrais me proclamer Maître d’une troupe de saints !…

       – Tu veux me dire par là que Pierre est saint et que je ne le suis pas. C’est vrai. Je ne suis pas un saint. Dans ce cas, chasse-moi…

       – Tu n’es pas humble, Judas. L’orgueil te mine. Et tu ne me connais pas encore… » termine Jésus avec une immense tristesse.

       Judas se rend compte de cette peine, et il murmure :

       « Pardonne-moi, Maître !…

       – Toujours. Mais sois bon, mon fils ! Sois bon ! Pourquoi veux-tu te faire du mal à toi-même ? »

       Judas a des larmes sur les cils — vraies ou fausses je ne sais —, et il se réfugie dans les bras de Jésus en pleurant sur son épaule. Jésus lui caresse les cheveux en murmurant :

       « Pauvre Judas ! Pauvre, pauvre Judas qui va chercher ailleurs là où il ne peut la trouver, sa paix et quelqu’un qui puisse le comprendre…

       – Oui, c’est vrai. Tu as raison, Maître. La paix est ici… Dans tes bras… Je suis un malheureux… Toi seul me comprends et m’aimes… Toi seul… Je suis un pauvre type… Pardonne-moi, Maître.

       – Oui, sois bon, sois humble. Si tu tombes, viens vers moi et je te relèverai. Si tu es tenté, accours vers moi. Je te défendrai contre toi-même, contre ceux qui te haïssent, contre tout… 445.6Mais relève-toi. Les autres arrivent…

       – Un baiser, Maître… Un baiser… »

       Jésus l’embrasse… et Judas se reprend… En attendant, je me dis qu’il n’a nullement avoué ses fautes…

       « Nous avons tardé un peu, car Jeanne était déjà levée et le portier a voulu l’avertir. Elle passera dans la journée chez Joseph, pour te vénérer, annonce Jude.

       – Chez Joseph ? S’il tombe la masse d’eau que le ciel promet, ces rues seront un vrai bourbier. Jeanne ne viendra sûrement pas dans ce taudis et par ces rues. Il vaudrait mieux que nous allions chez elle » dit Judas, qui a déjà repris son assurance.

       Jésus ne lui répond rien, mais il demande à son cousin :

       « Est-ce qu’aucun des nôtres ne nous a cherchés chez Jeanne ?

       – Personne encore.

       – C’est bien. Allons chez Joseph. Les autres nous y rejoindront.

       – Si j’étais sûr que nos mères sont en route, j’irais bien à leur rencontre, dit Jude.

       – Ce serait une bonne idée, mais plusieurs routes mènent à Tibériade, et elles n’ont peut-être pas pris la principale.

       – C’est vrai, Jésus. Allons… »

       445.7 Ils marchent rapidement au milieu des éclairs qui sillonnent le ciel blême et les premiers grondements de tonnerre qui résonnent brutalement dans les gorges des collines qui entourent le lac presque de tous côtés. Ils entrent dans la pauvre maison de Joseph qui, dans la tempête, paraît encore plus misérable et plus sombre. De lumineux, il n’y a que le visage du disciple et des siens, tout à la joie d’avoir le Maître chez eux.

       « Mais tu tombes mal, Seigneur » s’excuse le batelier. « Je n’ai pas pu pêcher dans ce lac, et… je n’ai que des légumes…

       – Et ton bon cœur. Mais j’y ai veillé. Mes compagnons vont venir avec tout ce qu’il faut. Ne te fatigue pas, Anne… Nous pouvons bien nous asseoir par terre. C’est si propre ! Tu es une brave femme, je le sais, et l’ordre que je vois ici le confirme.

       – Ah ! mon épouse est une vraie femme forte ! Elle fait ma joie, notre joie » proclame le batelier, ravi de l’éloge du Seigneur qui s’est assis tranquillement au bord du foyer éteint, presque par terre, en prenant sur ses genoux un petit enfant qui l’observe d’un air étonné.

       Au moment de la première averse, ceux qui sont allés faire les achats entrent, et, sur le seuil, ils secouent manteaux et sandales pour ne pas apporter d’eau ni de boue dans la maison.

       C’est une fin du monde de tonnerre, d’éclairs, de pluie, de vent. Le mugissement du lac accompagne les solos des éclairs et les hurlements du vent.

       « Salut ! L’été se baigne les plumes et arrose le foyer… Après, cela ira mieux… Pourvu que cela n’endommage pas les vignes…

       445.8 Puis-je aller là-haut, pour regarder le lac ? Je veux voir quelle humeur il a…

       – Va, va. La maison est à vous » répond le disciple à Pierre.

       Tout heureux, ce dernier sort avec sa seule tunique pour profiter de la tempête, il monte l’escalier extérieur et reste sur la terrasse pour se rafraîchir, et il donne son avis à ceux de l’intérieur comme s’il était sur le pont de sa barque à commander les manœuvres.

       Les autres sont assis çà et là dans la cuisine, où l’on y voit à peine : on doit en effet tenir la porte à moitié fermée à cause de la pluie et, par la fente, il entre un filet de lumière verdâtre qu’interrompt la brève et éblouissante lueur des éclairs…

       Pierre revient, trempé comme s’il était tombé dans le lac, et déclare :

       « L’orage est en ce moment au-dessus de notre tête. Il s’éloigne vers la Samarie. Ça va mouiller là-bas…

       – Il t’a déjà bien douché ! Tu coules comme une fontaine, remarque Thomas.

       – Oui, mais je me sens bien après une pareille chaleur.

       – Entre. Ainsi ruisselant, tu vas tomber malade en restant à la porte, lui conseille Barthélemy.

       – Non ! Je suis comme du bois à l’épreuve de l’eau… J’ai commencé alors que je ne savais pas encore dire “ papa ” à rester à l’humidité. Ah ! comme on respire facilement !… Pourtant… la rue… est un fleuve… Si vous voyiez le lac ! Il a toutes les couleurs et il bout comme une marmite. On ne comprend même plus dans quelle direction vont les vagues. Elles bouillonnent sur place… Il fallait cela, pourtant…

       – Oui, il fallait cela. Les murs ne se refroidissaient plus tant ils étaient brûlés par le soleil. 445.9Ma vigne avait les feuilles recroquevillées, poussiéreuses… Je l’arrosais au pied… mais que fait un peu d’eau quand tout le reste est en feu ? dit Joseph.

       – Plus de mal que de bien, mon ami » déclare Barthélemy. « Les plantes ont besoin de l’eau du ciel, car elles boivent même par les feuilles ! On pourrait croire que non, mais il en est ainsi. Les racines, les racines ! C’est bien, mais les feuillages aussi y sont pour quelque chose, et ils ont leurs droits…

       – Tu n’as pas l’impression, Maître, que Barthélemy propose le sujet d’une belle parabole ? » demande Simon le Zélote pour l’encourager à parler.

       Jésus, qui est en train de bercer le petit enfant effrayé par les éclairs, ne dit pas la parabole, mais donne son accord :

       « Comment la proposerais-tu, toi ?

       – Mal, assurément, Maître. Je ne suis pas toi…

       – Raconte-la comme tu peux. Il vous sera très utile de prêcher en paraboles. Habituez-vous. Je t’écoute, Simon…

       – Oh !… Toi, tu es le Maître, moi… un novice ! Mais j’obéis. Je dirais ceci : “ Un homme avait un beau pied de vigne. Mais comme il n’était pas propriétaire d’un vignoble, il avait planté sa vigne dans le petit jardin de sa maison, pour la faire monter sur la terrasse où elle donnerait de l’ombre et des grappes de raisin ; il veillait soigneusement sur elle. Mais elle poussait au milieu des maisons, près de la rue, de sorte que la fumée des cuisines et des fours tout comme la poussière de la route montaient et l’abîmaient. Et encore, tant que tombaient du ciel les pluies du mois de Nisan, les feuilles de la vigne se débarrassaient des impuretés et elles profitaient du soleil et de l’air sans avoir à leur surface une couche de saletés pour l’en empêcher. Mais quand vint l’été et que les pluies cessèrent, la fumée, la poussière, les excréments des oiseaux se déposèrent en couches épaisses sur les feuilles pendant que le soleil trop brûlant les desséchait. Le maître de la vigne arrosait les racines enfouies dans le sol, de sorte que la vigne ne mourait pas mais végétait péniblement, car l’eau absorbée par les racines ne montait que par le tronc et les branches, et le pauvre feuillage n’en profitait pas. Au contraire, du sol desséché, mouillé par un peu d’eau, montaient des fermentations et des exhalaisons qui abîmaient les feuilles en les tachant de sortes de pustules malignes. Enfin il tomba du ciel une grande pluie qui descendit sur les feuillages, courut le long des branches, des grappes, du tronc, éteignit la chaleur des murs et du sol. Une fois la tempête passée, le maître de la vigne la vit nettoyée, fraîche, toute pimpante sous le ciel serein. ” Voilà la parabole.

       – C’est bien. 445.10 Mais comment l’appliques-tu à l’homme ?…

       – Maître, c’est à toi qu’il revient de le faire.

       – Non, à toi. Nous sommes entre frères. Tu ne dois pas craindre de faire piètre figure.

       – Je ne crains pas de faire piètre figure : cela ne me serait pas pénible, mais au contraire, servirait à me garder humble. Mais c’est que je ne voudrais pas dire des choses inexactes…

       – Je te les corrigerai.

       – Dans ce cas, je dirais : “ Voilà ce qui arrive à l’homme qui ne vit pas à l’abri dans les jardins de Dieu, mais au milieu de la poussière et de la fumée des souillures du monde. Elles le recouvrent, presque sans qu’il s’en aperçoive, et il trouve son esprit stérilisé sous une croûte d’humanité si épaisse que la brise de Dieu et le soleil de la Sagesse ne peuvent lui être utiles. Et c’est en vain qu’il cherche à y suppléer par un peu d’eau qu’il puise dans les pratiques et qu’il donne avec tant d’humanité à la partie inférieure de sorte que la partie supérieure n’en profite pas… Malheur à l’homme qui ne se purifie pas avec l’eau du Ciel qui lave des impuretés, éteint l’ardeur des passions, et nourrit vraiment le moi tout entier. ” J’ai fini.

       – Tu as bien parlé. J’ajouterais qu’à la différence de l’arbre, créature privée du libre arbitre et attachée à la terre, et qui par conséquent n’est pas en mesure de trouver ce qui lui est utile et de fuir ce qui lui nuit, l’homme peut aller à la recherche de l’eau du Ciel, et éviter la poussière, la fumée, et l’ardeur de la chair, du monde et du démon. L’enseignement serait plus complet.

       – Merci, Maître. Je m’en souviendrai, dit Simon le Zélote.

       445.11 – On n’est pas solitaire… Nous vivons dans le monde… Par conséquent… intervient Judas.

       – Pourquoi ce : par conséquent ? Veux-tu dire que Simon a parlé comme un sot ? lui demande Jude.

       – Je ne dis pas cela. Je dis que, ne pouvant nous isoler… nous devons forcément être contaminés par ce qui est du monde.

       – Le Maître et Simon exposent justement que l’on doit chercher l’eau du Ciel pour se garder propre en dépit du monde qui nous entoure, dit Jacques, fils d’Alphée.

       – Bon ! Mais l’eau du Ciel est-elle toujours à notre disposition, pour nous nettoyer ?

       – Oui, répond Jean avec assurance.

       – Oui ? Et où la trouves-tu ?

       – Dans l’amour.

       – L’amour, c’est du feu. Il te brûle davantage.

       – C’est du feu, oui, mais c’est aussi l’eau qui lave. Car il éloigne tout ce qui est de la terre et apporte tout ce qui est du Ciel.

       – …Voilà des opérations que je ne comprends pas : il éloigne, il apporte…

       – Oui, je ne suis pas fou. Je dis qu’il t’enlève ce qui est humanité et te donne ce qui vient de Dieu, et qui par conséquent est divin. Or une chose divine ne peut que nourrir et sanctifier. Jour après jour, l’amour te nettoie de ce que le monde a déposé en toi. »

       445.12 Judas est sur le point de répliquer, quand l’enfant qui est sur le sein de Jésus, dit :

       « Une autre parabole, belle, belle… pour moi… »

       Cela apporte une diversion à la discussion.

       « Sur quoi, mon petit ? » demande Jésus avec bienveillance.

       L’enfant regarde autour de lui, et trouve. Il dirige un doigt vers sa mère, et dit :

       « Sur maman.

       – Une maman est pour l’âme et pour le corps ce que Dieu est pour eux. Que fait ta maman pour toi ? Elle veille sur toi, elle te soigne, elle t’apprend tout, elle t’aime, elle fait attention à ce que tu ne te fasses pas mal, elle te protège, comme le fait la colombe avec ses petits, sous les ailes de son amour. Il faut obéir à sa mère et l’aimer, parce que tout ce qu’elle fait, elle le fait pour notre bien. Le bon Dieu aussi, et bien plus parfaitement que la plus parfaite des mères, garde ses enfants sous les ailes de son amour, les protège, les instruit, les aide, pense à eux nuit et jour. Mais le bon Dieu aussi doit être obéi et aimé, et beaucoup plus qu’une mère — elle est en effet le plus grand amour de la terre, mais Dieu est le plus grand et l’éternel amour de la terre et du Ciel — car tout ce qu’il fait, il le fait pour notre bien…

       – Même les éclairs ? interrompt l’enfant qui en a une grande peur.

       – Eux aussi.

       – Pourquoi ?

       – Parce qu’ils nettoient le ciel et l’air et…

       – Et après arrive l’arc-en-ciel !… » s’écrie Pierre qui, moitié dehors moitié dedans, a écouté et s’est tu. Et il ajoute : « Viens, mon poulet, que je te le montre. Regarde comme c’est beau!… »

       Et, en effet, le soleil est de retour, car la tempête est passée, et un immense arc-en-ciel, qui part des rives d'Hippos, lance le ruban de son demi-cercle par dessus le lac pour aller se perdre au-delà des montagnes en arrière de Magdala.

       Tout le monde se rend sur le seuil, mais pour voir le lac il faut se déchausser, car la cour s’est transformée en un marécage boueux qui décroît lentement. Comme souvenir de la tempête, il reste le lac devenu jaunâtre avec des vagues encore agitées, mais qui tendent à se calmer. Mais le ciel est serein, l’air léger, et les feuillages ont repris leur couleur.

       445.13 Tibériade reprend vie… Et bientôt on voit, par la rue encore pleine d’eau et de boue, arriver Jeanne avec Jonathas. Elle lève les yeux pour saluer le Maître, debout sur la terrasse. Tout à sa joie, elle monte vivement pour se prosterner… Les apôtres parlent entre eux et Judas seul, à mi-chemin entre Jésus et Jeanne d’une part et les apôtres de l’autre, reste à part, tout pensif. Je parie qu’il écoute avec la plus grande attention les paroles de Jeanne dont la pensée, en ce qui le concerne, est restée indéchiffrable, car elle a salué tous les apôtres d’un unique : “ Paix à vous. ”

       Mais Jeanne parle uniquement des enfants et de la permission que Kouza lui a donnée d’aller en barque à Capharnaüm pendant que le Maître s’y trouve. Alors les soupçons de Judas se calment, et il rejoint ses compagnons…

       Avec leurs vêtements ourlés de boue, mais secs par ailleurs, voici que s’avancent la Vierge Marie et Marie, femme d’Alphée, avec les cinq hommes qui sont allés les chercher. Le sourire de Marie, pendant qu’elle monte le court escalier, est plus merveilleux que l’arc-en-ciel toujours présent.

       « Ta Mère, Maître ! » annonce Thomas.

       Jésus va à sa rencontre, et tous les autres avec lui. Et ils se félicitent de ce que les femmes n’aient pas eu d’autre ennui qu’un peu de boue en bas de leurs manteaux.

       « Nous nous sommes arrêtés aux premières gouttes chez un maraîcher » explique Matthieu, et il demande : « Vous nous attendiez depuis longtemps ?

       – Non. Nous sommes arrivés à l’aurore.

       – Nous avons tardé à cause d’un malheureux… dit André.

       445.14 – Bien. Maintenant que vous êtes tous ici et que le beau temps est revenu, je serais d’avis de partir ce soir pour Capharnaüm » dit Pierre.

       Marie, qui consent toujours, dit cette fois :

       « Non, Simon. Nous ne pouvons pas partir si…d’abord… : mon Fils, une mère s’est recommandée à moi pour que toi, toi seul, qui peux le faire, tu convertisses l’âme de son unique garçon. Je t’en prie, écoute-moi, car je l’ai promis… Pardonne-lui… Ton pardon…

       – Il est déjà accordé, Marie. Moi, j’ai déjà parlé au Maître… interrompt Judas, croyant que Marie parle de lui.

       – Je ne parle pas de toi, Judas. Je parle d’Esther, femme de Lévi, une Nazaréenne, une mère tuée par le comportement de son fils. Jésus, elle est morte dans la nuit où tu es parti. Elle ne cessait de t’invoquer, mais ce n’était pas pour elle, cette pauvre mère martyre à cause d’un fils infâme, mais pour son fils… car nous autres, vos mères, nous ne nous inquiétons guère pour nous… Elle veut que son Samuel soit sauvé… Mais maintenant qu’elle est morte, Samuel, en proie aux remords, paraît fou et il ne veut absolument pas entendre raison… Mon Fils, tu peux sauver son intelligence et son esprit…

       – S’est-il repenti ?

       – Comment veux-tu qu’il le soit s’il est désespéré ?

       – En effet, le fait d’avoir tué sa mère en la faisant continuellement souffrir doit le rendre désespéré. On ne viole pas impunément le premier des commandements de l’amour envers le prochain. Mère, comment veux-tu que, moi, je pardonne et que Dieu donne la paix à ce matricide impénitent ?

       – Mon Fils, cette mère demande la paix de l’autre vie… Elle était bonne… elle a tant souffert…

       – Elle aura la paix pour elle…

       – Non, Jésus. L’âme d’une mère ne peut être en paix si elle voit son enfant privé de Dieu…

       – Il est juste qu’il en soit privé.

       – Oui, mon Fils, oui. Mais pour la pauvre Esther… Ses derniers mots ont été une prière pour son fils… Et elle m’a demandé de te le rapporter. Jésus, Esther n’a jamais connu la moindre joie de toute sa vie, tu le sais. Donne-lui celle-là, maintenant qu’elle est morte, donne-la à son âme qui souffre à cause de son fils.

       – Mère, j’ai cherché à convertir Samuel pendant mes séjours à Nazareth. Mais c’était en vain, car en lui l’amour était éteint …

       – Je le sais. Mais Esther a offert son pardon, ses souffrances, pour que l’amour renaisse en Samuel. Et qui sait ? Ce tourment qu’il souffre actuellement ne pourrait-il pas être un amour qui revit ? Un douloureux amour, on pourrait même dire : un inutile amour, puisque sa mère ne peut en profiter. Mais toi et moi, nous savons que la charité des trépassés est attentive et toute proche. Nous le savons, moi par la foi, toi directement. Les morts ne se désintéressent pas de nous, et ils n’ignorent pas ce qui arrive aux êtres aimés qu’ils ont quittés… Donc Esther peut encore profiter de ce tardif amour de son fils ingrat, et maintenant bouleversé par le remords. Mon Jésus, je le sais, cet homme t’inspire du dégoût à cause de l’énormité de sa faute. Un fils qui hait sa mère est un monstre pour toi, qui es tout amour pour la tienne ! Mais justement parce que tu es tout amour pour moi, écoute-moi. Retournons ensemble à Nazareth, tout de suite. La route ne me pèse pas, rien ne me pèse, si cela sert à sauver une âme…

       – C’est bien. Tu as gagné, Mère… 445.15 Judas, prends avec toi Joseph et va à Nazareth. Tu m’amèneras Samuel à Capharnaüm.

       – Moi ? Pourquoi moi ?

       – Parce que tu n’es pas fatigué. Les autres, si. Ils ont tant marché pendant que tu te reposais…

       – J’ai marché, moi aussi. Je suis allé à Nazareth te chercher. Ta Mère peut le dire.

       – Tes compagnons sont allés à Nazareth tous les sabbats et maintenant ils reviennent d’un long voyage. Va et ne discute pas…

       – C’est que… A Nazareth on ne m’aime guère… Pourquoi m’envoies-tu, justement moi ?

       – Moi aussi, ils ne m’aiment pas, et pourtant je vais là-bas. Il n’est pas nécessaire d’être aimé dans un lieu pour y aller. Va et ne discute pas, je te le répète.

       – Maître… j’ai peur des déments…

       – L’homme est bouleversé par le remords, mais il n’est pas dément.

       – Ta Mère l’a dit…

       – Et moi, je te dis pour la troisième fois : va et ne discute pas. Cela ne peut te faire que du bien de méditer à quoi cela peut amener de faire souffrir une mère…

       – Tu me compares à Samuel ? Ma mère est reine dans sa maison. Moi, je ne suis même pas près d’elle pour la surveiller et lui être une charge à cause de mon entretien…

       – Ce ne sont pas ces choses qui sont une charge pour les mères. Mais c’est un lourd fardeau qui les écrase que le manque d’amour de leurs enfants, leur conduite imparfaite aux yeux de Dieu et des hommes. Va, te dis-je.

       – Je pars. Et que vais-je dire à l’homme ?

       – De venir à Capharnaüm, chez moi.

       – S’il n’a jamais obéi, pas même à sa mère, comment veux-tu qu’il m’obéisse à moi maintenant, puisqu’il est si désespéré ?

       – Tu n’as pas encore compris que, si je t’envoie, c’est signe que j’ai déjà travaillé l’âme de Samuel en le faisant sortir du délire de son remords désespéré ?

       – J’y vais. Adieu, Maître. Adieu, Mère. Adieu, mes amis. »

       A ces mots, il part, rien moins qu’enthousiaste, suivi de Joseph qui, au contraire, est tout heureux d’avoir été choisi pour cette mission.

       445.16 Pierre chantonne…

       Jésus lui demande :

       « Que chantes-tu, Simon ?

       – Un vieil air du lac…

       – Lequel ?

       – Voici : “ C’est toujours la même chose ! La pêche plaît au cultivateur, mais le pêcheur n’aime pas pêcher ! ” Et en vérité, ici on a vu que c’était le disciple qui avait le désir de pêcher plutôt que l’apôtre… »

       Plusieurs rient. Jésus, lui, soupire.

       « Je t’ai peiné, Maître ? demande Pierre.

       – Non. Mais ne critique pas sans cesse.

       – C’est à cause de Judas que mon Frère est affligé, dit Jude.

       – Toi aussi, tais-toi et surtout au fond de ton cœur.

       – Mais, vraiment, Samuel a-t-il déjà obtenu le miracle ? demande Thomas, curieux et un peu incrédule.

       – Oui.

       – Alors il est inutile qu’il vienne à Capharnaüm.

       – C’est nécessaire. Je n’ai pas guéri complètement son cœur. C’est à lui, de lui-même, de chercher la guérison, c’est-à-dire le pardon par un saint repentir. Mais j’ai fait en sorte qu’il puisse raisonner de nouveau. A lui, maintenant, d’obtenir le reste par sa libre volonté. Descendons. Nous allons parmi les humbles…

       – Pas chez moi, Maître ?

       – Non, Jeanne. Tu pourras venir quand tu voudras chez moi, mais eux sont retenus par leurs travaux, et c’est moi qui vais à eux… »

       Jésus descend de la terrasse et sort dans la rue, suivi des autres, et aussi de Jeanne qui a envoyé Jonathas à la maison et qui est bien décidée à ne pas se séparer de Jésus, puisque Jésus n’est pas disposé à aller chez elle.

       Ils marchent vers des endroits de plus en plus pauvres et périphériques, en direction des misérables maisonnettes… Et la vision cesse ainsi.

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