420.1 Jésus et les disciples marchent dans la campagne. Ici, la moisson du blé est déjà terminée et les champs montrent leurs chaumes brûlés. Jésus suit un sentier ombragé, et il parle avec des hommes qui se sont joints au groupe des apôtres.
« Oui, dit l’un d’eux, rien ne peut le guérir, il est plus que fou. Et, tu sais, il terrorise tout le monde, et les femmes en particulier, car il les poursuit avec des plaisanteries obscènes. Et malheur s’il les attrapait !
– On ne sait jamais où il est » dit un autre. « Dans la montagne, en forêt, dans les sillons des prés… il débouche à l’improviste comme un serpent… Les femmes en ont très peur. L’une d’elle, toute jeune, qui revenait du fleuve, a été saisie par le forcené, ce qui a provoqué une grande fièvre qui l’a emportée en quelques jours.
– L’autre jour, le frère de ma femme était allé à l’endroit où il a préparé un tombeau pour lui et les siens. Comme il avait perdu son beau-père, il faisait les préparatifs de la sépulture. Mais il a dû fuir car l’obsédé était à l’intérieur, nu et hurlant comme toujours, et le menaçait à coups de pierres… Il l’a suivi presque jusqu’au village, puis il est retourné au tombeau, et on a dû ensevelir le mort dans mon propre tombeau.
– Et la fois où il s’est rappelé que Tobie et Daniel l’avaient pris de force, lié et ramené chez lui ? Il les a attendus, à moitié enseveli dans les roseaux et la boue du fleuve et, quand ils sont montés dans la barque pour pêcher ou traverser, je ne sais au juste, il a soulevé l’embarcation de sa force démoniaque et l’a retournée. C’est un miracle qu’ils aient pu se sauver, mais tout ce qu’il y avait dans la barque a été perdu, et elle a fini avec la quille rompue et les rames brisées.
420.2 – Mais vous ne l’avez pas montré aux prêtres ? demande Jude.
– Si. On l’a emmené à Jérusalem, lié comme un ballot… Quel voyage ! Quel voyage !… J’y étais, et je t’assure qu’il n’est pas besoin de descendre dans l’enfer pour savoir ce qui s’y passe et ce qui s’y dit. Mais cela n’a servi à rien…
– Comme avant ?
– Pire !
– Et pourtant… le prêtre…, s’exclame Barthélemy.
– Mais que veux-tu !… Il faudrait que…
– Quoi ? Continue… »
Silence.
« Parle donc ! Ne crains pas, je ne t’accuserai pas.
– Voilà… je disais… mais je ne veux pas pécher… je disais… que… oui… le prêtre pourrait y parvenir si… si…
– S’il était saint, veux-tu dire, bien que tu ne l’oses pas. Pour ma part, je te dis : évite de juger. Néanmoins tu as raison : c’est douloureusement vrai !… »
Jésus se tait et soupire. Un bref silence gêné s’installe. Puis quelqu’un ose reprendre.
« Si nous le rencontrions, tu le guérirais ? Tu délivrerais cette contrée ?
– Tu espères que je le peux ? Pourquoi ?
– Parce que tu es saint.
– Dieu est saint.
– Et tu es son Fils.
– Comment peux-tu le savoir ?
– Hé ! on le dit… et puis nous sommes du fleuve et nous savons ce que tu as fait, il y a trois lunes. Qui arrête une crue, s’il n’est pas Fils de Dieu ?
– Et Moïse ? Et Josué ?
– Ils agissaient au nom de Dieu et pour sa gloire, et ils l’ont pu, parce qu’ils étaient saints. Or tu l’es davantage.
– Le feras-tu, Maître ?
– Je le ferai si nous le rencontrons. »
420.3 Ils poursuivent leur chemin. La chaleur qui augmente les pousse à quitter la route et à chercher quelque repos dans un bouquet d’arbres le long du fleuve, qui n’est plus troublé comme lorsqu’il était en crue. Mais bien qu’il soit encore assez haut, l’eau est paisible, bleue et scintille sous le soleil.
Le sentier s’élargit, et l’on aperçoit un groupe de maisons blanches. Ils doivent s’approcher d’un village. Aux abords se trouvent de petites constructions très blanches et avec une seule ouverture dans le mur ; certaines sont ouvertes, les autres sont fermées hermétiquement. On ne voit personne aux alentours. Elles sont éparses sur un terrain aride et inculte qui semble abandonné. Il n’y a là que mauvaises herbes et cailloux.
« Va-t’en ! Va-t’en ! Recule ou je te tue !
– Le possédé nous a vus ! Moi, je m’en vais !
– Moi aussi !
– Et moi, je vous suis.
– Ne craignez rien. Restez et voyez. »
Jésus montre tant d’assurance que les hommes… courageux obéissent, mais en restant derrière lui. Les disciples font de même. Jésus s’avance seul, l’air solennel, comme s’il ne voyait et n’entendait rien.
« Va-t’en ! »
Le cri est déchirant : il tient du grondement et du hurlement. Il paraît impossible qu’il puisse sortir d’une gorge humaine.
« Va-t’en ! Arrière ! Je vais te tuer ! Pourquoi me poursuis-tu ? Je ne veux pas te voir ! »
Le possédé bondit, complètement nu, brun. Sa barbe et ses cheveux sont longs et ébouriffés, et des mèches noires et hirsutes remplies de feuilles sèches et de poussière, retombent sur ses yeux torves, injectés de sang, qui roulent dans leurs orbites, jusque sur la bouche ouverte dans ses hurlements et ses éclats de rire de fou, qui semblent être un cauchemar, sur la bouche qui écume et saigne, car le forcené la frappe avec une pierre pointue. Il dit :
« Pourquoi est-ce que je ne peux pas te tuer ? Qui lie ma force ? C’est toi ? Toi ? »
420.4 Jésus le regarde et s’avance.
Le fou se roule sur le sol, il se mord, écume encore davantage, se frappe avec son caillou, se redresse, pointe son index vers Jésus, qu’il examine d’un air bouleversé. Il lance :
« Ecoutez ! Ecoutez ! Celui qui vient, c’est…
– Tais-toi, démon de l’homme ! Je te l’ordonne.
– Non ! Non ! Non ! Je ne me tais pas, non, je ne me tais pas. Qu’y a-t-il entre toi et nous ? Pourquoi ne nous traites-tu pas bien ? Il ne t’a pas suffi de nous avoir confinés dans le royaume de l’enfer ? Il ne te suffit pas de venir, d’être venu pour nous arracher l’homme ? Pourquoi nous repousses-tu là-bas ? Laisse-nous habiter dans nos proies ! Toi, qui est grand et puissant, passe et conquiers, si tu le peux, mais laisse-nous jouir et nuire. C’est pour cela que nous existons. Oh ! mau… Non ! Je ne peux pas dire cela ! Ne te le fais pas dire ! Ne te le fais pas dire ! Je ne peux te maudire ! Je te hais ! Je te persécute ! Je t’attends pour te torturer ! Je te hais, toi et Celui de qui tu procèdes, et je hais Celui qui est votre Esprit. L’Amour, je le hais, moi qui suis la Haine ! Je veux te maudire ! Je veux te tuer ! Mais je ne peux pas. Je ne peux pas ! Je ne peux pas encore ! Mais je t’attends, ô Christ, je t’attends. Je te verrai mort ! Ah ! quelle heure de joie ! Non ! Pas de joie ! Toi, mort ? Non, pas mort. Et moi je serai vaincu ! Vaincu ! Toujours vaincu !… Ah ! ! !… »
Le paroxysme est atteint.
Jésus s’avance vers le possédé en le tenant sous le rayonnement de ses yeux magnétiques. Il est tout seul, maintenant. Tous sont restés en arrière, le peuple derrière les apôtres, et ceux-ci à une trentaine de mètres au moins de Jésus.
Attirés par les cris, des habitants du village, qui paraît très peuplé et riche, me semble-t-il, sont sortis pour regarder la scène, aussi prêts à s’enfuir que l’autre groupe. Voici la disposition des lieux : au centre le possédé et Jésus, à quelques mètres désormais l’un de l’autre ; à gauche, derrière Jésus, les apôtres et des gens du peuple ; à droite les citadins, derrière le possédé.
420.5 Jésus, après lui avoir ordonné de se taire, n’a plus rien dit. Il le fixe seulement des yeux. Puis il s’arrête et lève les bras, les tend vers le possédé, et s’apprête à parler. Les hurlements deviennent vraiment infernaux. L’homme se contorsionne, saute à droite, à gauche, en l’air. Il semble vouloir s’enfuir ou se précipiter, mais il ne le peut. Il est cloué sur place et, en dehors de son continuel tortillement, aucun mouvement ne lui est permis.
Quand Jésus lève les bras, les mains tendues comme s’il faisait un serment, le fou crie plus fort et après avoir fait tant d’imprécations, ri et blasphémé, il se met à pleurer et à supplier.
« Pas en enfer ! Non, pas en enfer ! Ne m’y envoie pas ! Même ici, dans cette prison d’homme, ma vie est horrible car je voudrais parcourir le monde et mettre en pièces tes créatures. Mais là-bas…! Non ! Non ! Non ! Laisse-moi dehors !…
– Sors de lui. Je te le commande.
– Non !
– Sors !
– Non !
– Sors !
– Non !
– Au nom du Dieu vrai, sors !
– Oh ! Pourquoi es-tu victorieux de moi ? Mais je ne sors pas, non. Tu es le Christ, le Fils de Dieu, mais moi je suis…
– Qui es-tu ?
– Je suis Belzébuth, je suis Belzébuth, le maître du monde, et je ne me soumets pas. Je te défie, ô Christ ! »
Le possédé s’immobilise tout à coup, raide, presque hiératique, et il fixe Jésus de ses yeux phosphorescents, remuant à peine les lèvres pour prononcer des paroles inintelligibles. Les mains levées vers les épaules, les coudes pliés, il fait de légers mouvements.
Jésus, lui aussi, s’est arrêté ; maintenant, les bras croisés sur la poitrine, il le fixe. Lui aussi remue à peine les lèvres, mais je n’entends pas de mots.
420.6 Les spectateurs attendent, mais tous ne sont pas du même avis :
« Il n’y parvient pas !
– Si, le Christ va y arriver.
– Non, c’est l’autre qui a le dessus.
– Il est vraiment fort !
– Oui.
– Non. »
Jésus desserre les bras. Son visage est un flamboiement impérieux, sa voix est un tonnerre.
« Sors. Pour la dernière fois, sors, Satan ! C’est moi qui commande !
– Aaaaah ! »
(c’est le long hurlement d’un déchirement infini, bien plus que si on transperçait lentement l’homme d’une épée). Et puis le cri se transforme en paroles :
« Je sors, oui, tu m’as vaincu. Mais je me vengerai. Tu me chasses, mais tu as un démon à côté de toi, et j’entrerai en lui pour le posséder, en l’assaillant de tout mon pouvoir. Et ce ne sera pas ton commandement qui l’arrachera à moi. En tout temps, en tout lieu, je m’engendre des fils, moi, l’auteur du Mal. Et comme Dieu s’est engendré de lui-même, moi, je m’engendre tout seul. Je me conçois dans le cœur de l’homme, et lui m’enfante, il enfante un nouveau Satan qui est lui-même. J’en jubile, je jubile d’avoir une pareille descendance ! Toi et les hommes, vous trouverez toujours mes créatures, qui sont autant d’autres moi-même. Je vais, ô Christ, prendre possession de mon nouveau royaume, comme tu veux, et je te laisse cette loque maltraitée par moi. En échange de celui que je te laisse, en guise d’aumône que Satan te fait à toi, Dieu, j’en prends d’ores et déjà des milliers pour moi : tu les trouveras quand tu seras toi-même une loque dégoûtante de chair exposée aux crocs des chiens. Au cours des siècles, j’en prendrai des centaines de milliers pour en faire mon instrument et ton tourment. Tu crois me vaincre en levant ton Signe ? Les miens l’abattront et je vaincrai… Ah ! non, je ne te vaincs pas ! Mais je te torture en toi et en tes disciples !… »
On entend un fracas semblable à un coup de foudre, mais il n’y a ni lueur d’éclair ni grondement de tonnerre, seulement un claquement sec et déchirant et, alors que le possédé gît comme mort sur le sol et y reste, un gros tronc d’arbre s’abat par terre près des disciples, comme s’il avait été sectionné à environ un mètre du sol par une scie foudroyante. Le groupe des apôtres a juste le temps de s’écarter, puis les gens du peuple s’enfuient de tous côtés.
420.7 Jésus s’est penché sur l’homme jeté à terre et l’a pris par la main, puis il se retourne, restant ainsi penché, la main de l’homme délivré dans la sienne, et il dit :
« Venez. Ne craignez rien ! »
Craintifs, les gens s’approchent.
« Il est guéri. Allez lui chercher un vêtement. »
Quelqu’un part en courant.
L’homme revient à lui tout doucement. Il ouvre les yeux et rencontre le regard de Jésus. Il s’assied. De sa main libre, il s’essuie la sueur, le sang et la bave, rejette en arrière ses cheveux, se regarde, se rend compte qu’il est nu devant tant de gens, et il a honte de lui. Il se recroqueville sur lui-même et demande :
« Que s’est-il passé ? Qui es-tu ? Pourquoi suis-je ici, nu ?
– Rien, mon ami. On va t’apporter des vêtements et tu vas rentrer chez toi.
– D’où est-ce que je viens ? Et toi, d’où viens-tu ? »
Il parle avec la voix fatiguée et blanche d’un malade.
« Je viens de la mer de Galilée.
– Comment me connais-tu ? Pourquoi me secours-tu ? Comment t’appelles-tu ? »
Des hommes arrivent avec une tunique qu’ils présentent au miraculé. Une pauvre vieille femme en pleurs accourt et serre l’homme guéri sur son cœur.
« Mon fils !
– Maman ! pourquoi m’as-tu laissé si longtemps ? »
La pauvre vieille redouble de larmes, l’embrasse et le caresse. Peut-être voudrait-elle lui en dire plus, mais Jésus la domine du regard et lui inspire d’autres mots, plus affectueux :
« Tu as été si malade, mon fils ! Loue Dieu qui t’a guéri, et son Messie qui a agi au nom de Dieu.
– Lui ? Comment s’appelle-t-il ?
– Jésus de Galilée, mais son nom est Bonté. Baise-lui les mains, mon fils, demande-lui de te pardonner pour ce que tu as fait ou dit… Tu as sûrement parlé dans ta… »
Jésus l’interrompt pour arrêter les paroles imprudentes.
« Oui, il a parlé dans sa fièvre. Mais ce n’était pas lui qui parlait et moi, je ne suis pas sévère envers lui. Sois bon, maintenant. Sois continent. »
Jésus appuie sur ces mots. Confus, l’homme baisse la tête.
420.8 Mais ce que Jésus lui épargne, va être servi par les riches citadins qui se sont maintenant approchés. Il y a parmi eux les inénarrables pharisiens.
« Tu as eu de la chance ! Heureusement que tu l’as rencontré, lui, le maître des démons.
– Possédé, moi ? »
L’homme est terrorisé.
La petite vieille s’emporte :
« Maudits ! Vous n’avez ni pitié, ni respect ! Vipères odieuses et cruelles que vous êtes ! Et toi aussi, ministre inutile de la synagogue. En plus, vous prétendez que le Saint est le maître des démons ?
– Et qui veux-tu qui ait du pouvoir sur eux, sinon leur roi et père ?
– Oh ! sacrilèges ! Blasphémateurs ! Soyez m…
– Silence, femme. Sois heureuse avec ton fils. Pas d’imprécations. Les leurs ne me causent ni chagrin, ni angoisse. Allez tous en paix. Je bénis les bons. Allons, mes amis.
– Puis-je te suivre ? »
C’est l’homme guéri qui parle.
« Non, reste. Porte-moi témoignage et sois la joie de ta mère. Va ! »
Et, au milieu des acclamations et des murmures méprisants, Jésus traverse en partie la petite ville puis rentre à l’ombre des arbres le long du fleuve. 420.9 Les apôtres se pressent autour de lui.
Pierre demande :
« Pourquoi, Maître, l’esprit immonde a-t-il fait tant de résistance ?
– Parce que c’était un esprit complet.
– Qu’est-ce que cela veut dire ?
– Ecoutez-moi. Il en est qui se donnent à Satan en ouvrant une porte à un vice principal. Il en est qui se donnent deux, trois, sept fois. Quand quelqu’un ouvre son esprit aux sept vices, alors il entre en lui un esprit complet. C’est Satan qui entre, le prince noir.
– Comment cet homme, jeune encore, pouvait-il être pris par Satan ?
– Mes amis ! Savez-vous par quelle voie vient Satan ? Il y a trois chemins qu’il emprunte généralement, et l’un d’eux ne fait jamais défaut. Il s’agit de la volupté, de l’argent, et de l’orgueil de l’esprit. La volupté, elle, est toujours présente. Pilote des autres concupiscences, elle passe en semant son poison, et suscite toute une floraison de fleurs sataniques. C’est pour cela que je vous dis : “ Soyez maîtres de votre chair. ” Que cette maîtrise marque le début de toute autre, comme cet esclavage est le premier de tout autre. L’esclave de la luxure devient voleur et prévaricateur, cruel, homicide, pour servir sa maîtresse. La soif de puissance est elle-même apparentée à la chair. Vous n’en avez pas l’impression ? C’est ainsi. Méditez, et vous verrez si je me trompe. C’est par la chair que Satan est entré dans l’homme et, heureux s’il le peut faire, c’est par la chair qu’il y rentre, lui, qui est un et septuple, avec la prolifération de ses légions de démons inférieurs.
– Tu disais de Marie de Magdala qu’elle avait sept démons, tu l’as dit. C’étaient certainement des démons de luxure. Et pourtant, tu l’as délivrée avec beaucoup de facilité.
– Oui, Judas, c’est vrai.
– Et alors ?
– Et alors, tu penses que ma théorie ne tient pas debout ? Non, mon ami. Cette femme voulait désormais être délivrée de sa possession. Elle le voulait. La volonté, c’est tout.
420.10 – Pourquoi, Maître, voyons-nous beaucoup de femmes être prises par le démon et, on peut le dire, par ce démon-là ?
– Tu vois, Matthieu, la femme n’est pas pareille à l’homme dans sa constitution et dans ses réactions à la faute originelle. L’homme a d’autres buts pour ses désirs plus ou moins bons. La femme a un but : l’amour. L’homme a une autre vocation. La femme a celle-là : sensible, encore plus parfaite parce qu’elle est destinée à engendrer. Tu sais que toute perfection produit une augmentation de sensibilité. Une ouïe parfaite entend ce qui échappe à une oreille moins parfaite et en tire profit. Il en est ainsi de l’œil, du goût et de l’odorat.
La femme devait être la douceur de Dieu sur la terre, elle devait être l’amour, l’incarnation de ce feu, signe de Celui qui est, la manifestation, le témoignage de cet amour. Dieu l’avait donc douée d’un esprit éminemment sensible pour que, devant être mère un jour, elle sache et puisse ouvrir à ses enfants les yeux du cœur à l’amour de Dieu et de leurs semblables, de même que l’homme leur aurait ouvert les yeux de l’intelligence pour comprendre et agir.
Réfléchis au commandement que Dieu se donna à lui-même : “ Faisons à Adam une compagne. ” Dieu-Bonté ne pouvait que vouloir faire une bonne compagne à Adam. Qui est bon, aime. La compagne d’Adam devait donc être capable d’aimer, pour finir de rendre bienheureux le jour de l’homme dans le jardin d’Eden. Elle devait aimer assez pour être aide, collaboratrice et remplaçante de Dieu dans l’amour de l’homme, sa créature : ainsi, même aux heures où la Divinité ne se manifestait pas à sa créature avec sa voix d’amour, l’homme ne se sentirait pas malheureux par manque d’amour.
Satan connaissait cette perfection. Satan sait tant de choses ! C’est lui qui parle par les lèvres des pythons en disant des mensonges mêlés à des vérités. Comme il est Mensonge, il déteste ces vérités, mais il les dit uniquement — retenez bien cela, vous tous et vous qui viendrez plus tard — pour vous séduire par l’illusion que ce ne sont pas les Ténèbres qui parlent, mais la Lumière. Satan, qui est rusé, sournois et cruel, s’est insinué dans cette perfection, il y a mordu et y a laissé son poison. La perfection de la femme en amour est ainsi devenue pour Satan un instrument pour dominer la femme et l’homme, et propager le mal…
420.11 – Mais nos mères, alors ?
– Jean, tu crains pour elles ? Toutes les femmes ne sont pas des instruments de Satan. Parfaites dans le sentiment, elles sont toujours excessives dans l’action : anges si elles veulent appartenir à Dieu, démons si elles veulent appartenir à Satan. Les femmes saintes — et ta mère est de celles-là — veulent appartenir à Dieu, et elles sont des anges.
– La punition de la femme ne te semble-t-elle pas injuste, Maître ? L’homme aussi a péché.
– Et la récompense, alors ? Il est dit que c’est par la Femme que le Bien reviendra dans le monde et que Satan sera vaincu.
– Pour commencer, ne jugez jamais les œuvres de Dieu. Mais pensez que, comme c’est par la femme que le Mal est entré, il est juste que ce soit par la femme que le Bien vienne dans le monde. Il s’agit d’effacer une page écrite par Satan, et ce seront les larmes d’une femme qui le feront. Et puisque Satan poussera éternellement ses cris, une voix de femme chantera pour les couvrir.
– Quand ?
– En vérité, je vous dis que sa voix est déjà descendue des Cieux où elle chantait éternellement alléluia.
– Elle sera plus grande que Judith ?
– Plus grande que toute autre femme.
– Que fera-t-elle ? Que fera-t-elle donc ?
– Elle renversera Eve et son triple péché : par son obéissance absolue, sa pureté absolue, son humilité absolue, elle se dressera, reine et victorieuse…
– Mais n’est-ce pas ta Mère, Jésus, qui est la plus grande, puisqu’elle t’a engendré ?
– Grand est celui qui fait la volonté de Dieu, c’est pour cela que Marie est grande. Tout autre mérite vient de Dieu, mais celui-là lui est entièrement personnel. Qu’elle en soit bénie ! »
Et tout prend fin.
« Tu as vu un “ possédé ” de Satan. Il y a beaucoup de réponses dans mes paroles. Moins pour toi que pour les autres. Serviront-elles ? Non. Elles ne serviront pas à ceux qui en ont le plus besoin. Repose dans ma paix. »