Une initative de
Marie de Nazareth

Les huit apôtres retrouvent Jésus près d’Aczib

vendredi 5 janvier 29
Aczib

Vision de Maria Valtorta

       325.1 Jésus – un Jésus très maigre et pâle, très triste, je dirais même souffrant – se tient très précisément au plus haut sommet d’une petite montagne sur laquelle il y a aussi un village. Mais Jésus n’est pas dans le village qui se trouve au sommet, tourné du côté de la pente sud-est. Jésus se tient au contraire sur un petit éperon, le plus élevé, tourné vers le nord-ouest, en réalité plus ouest que nord.

 

       Jésus, en regardant comme il le fait de plusieurs côtés, voit donc une chaîne ondulée de montagnes dont les extrémités nord-ouest et sud-ouest plongent leurs derniers contrefort dans la mer, au sud-ouest avec le mont Carmel, qui s’estompe au loin, dans la journée sereine, et au nord-ouest avec un cap tranchant comme un éperon de navire qui ressemble beaucoup aux Alpes apuanes italiennes avec ses veines rocheuses qui blanchissent au soleil. De cette chaîne ondulée de montagnes descendent des torrents et des ruisseaux – tous en crue à cette saison – qui, à travers la plaine côtière, courent se jeter dans la mer. Près de la large baie de Sycaminon, le plus abondant d’entre eux, le Kishon, débouche dans la mer après avoir fait une sorte de miroir d’eau au confluent d’un autre ruisselet, près de son embouchure. Le soleil, au midi d’une journée sereine, produit des scintillements de topaze ou de saphir sur la surface de leurs eaux, tandis que la mer n’est qu’un immense saphir veiné de légers colliers de perles.

       Le printemps du sud se manifeste déjà par les feuilles nouvelles qui sortent des bourgeons éclos, tendres, brillantes, je dirais même virginales tant elles sont fraîches, ignorantes de la poussière et des tempêtes, de la morsure des insectes et des contacts humains. Les branches des amandiers sont déjà des flocons d’écume blanche rosée, si soyeux, si aériens, qu’ils donnent l’impression qu’ils vont se détacher des rameaux sur lesquels ils sont nés pour voyager dans l’air serein comme de petits nuages. Et même les champs de la plaine, étroite mais fertile, qui s’étend du cap du nord-ouest à celui du sud-ouest, présente l’aspect légèrement verdoyant de blés en herbe, ce qui enlève toute tristesse aux champs dénudés encore il y a peu.

       Jésus regarde. De l’endroit où il est, il voit trois chemins : celui qui vient du village et qui aboutit là, un sentier pour les piétons seulement, et deux autres qui descendent du village en bifurquant dans deux directions opposées : vers le nord-ouest et vers le sud-ouest.

       Combien Jésus a dû souffrir ! Il est marqué par la pénitence beaucoup plus que lorsqu’il a jeûné au désert. C’était alors un homme qui avait pâli, mais encore jeune et fort ; maintenant, c’est un homme épuisé par un ensemble de souffrances qui accablent à la fois les forces physiques et les forces morales. Son regard est très triste, d’une tristesse tout à la fois douce et sévère. Ses joues amaigries font ressortir encore davantage la spiritualité de son profil, de son front haut, de son nez long et droit, de ses lèvres absolument exemptes de sensualité. Un visage angélique tant il exclut la matérialité. Il a la barbe plus longue qu’à l’ordinaire. Elle a poussé jusque sur les joues, jusqu’à se confondre avec les cheveux qui tombent sur les oreilles, de sorte que dans son visage il n’y a de visible que le front, les yeux, le nez et les pommettes fines et d’une couleur d’ivoire sans la moindre trace de rose. Ses cheveux sont peignés d’une manière rudimentaire, ils sont ternes et gardent, en souvenir de la caverne où il est resté, des débris de feuilles sèches et de brindilles accrochées dans ses longues mèches. Sa tunique et son manteau, chiffonnés et salis, indiquent, eux aussi, l’endroit sauvage où ils ont été portés et où ils ont servi sans arrêt.

       325.2 Jésus regarde… Le soleil de midi le réchauffe et il semble en éprouver du plaisir car il fuit l’ombre de quelques rouvres pour se mettre en plein soleil, mais bien que celui-ci soit net, resplendissant, il n’allume aucun éclat sur ses cheveux poussiéreux, dans ses yeux fatigués, et ne donne pas de couleur à ses joues creuses.

       Ce n’est pas le soleil qui le revigore et avive ses couleurs, mais c’est la vue de ses chers apôtres qui montent en gesticulant et en regardant vers le village, de la route qui vient du nord-ouest, la plus plate. Alors se produit la métamorphose. Son regard redevient vivant et son visage paraît moins émacié sous l’effet d’une trace de rose qui s’étend sur les joues et plus encore par le sourire qui l’illumine. Il desserre ses bras, qui étaient croisés, et s’écrie : « Mes chers amis ! » Il le dit en levant la tête, en tournant les yeux sur ce qui l’entoure, comme pour communiquer sa joie aux plantes, aux arbres, au ciel serein, à l’air qui déjà se ressent du printemps.

       Il resserre étroitement son manteau autour du corps pour qu’il ne s’accroche pas aux buissons et descend rapidement par un raccourci à la rencontre de ceux qui montent et qui ne l’ont pas encore aperçu. Lorsqu’il est à portée de voix, il les appelle pour les arrêter dans leur marche vers le village.

       Ils entendent l’appel lointain. Peut-être que, de l’endroit où ils se trouvent, ils ne peuvent voir Jésus, dont l’habit foncé se confond avec le feuillage du bois qui couvre la pente. Ils regardent autour d’eux, font des gestes… Jésus les appelle de nouveau… Finalement, dans une clairière du bois, il se présente à leurs yeux dans le soleil, les bras légèrement tendus comme si déjà il voulait les embrasser.

       C’est alors un grand cri qui se répercute sur la côte :

       « Le Maître ! »

       Une course rapide s’engage sur la pente en dehors du chemin. On s’égratigne, on trébuche, on s’essouffle, sans plus sentir le poids des sacs, la fatigue de la marche, emporté par la joie de le revoir…

       325.3 Naturellement, les premiers à arriver sont les plus jeunes et les plus agiles, c’est-à-dire les deux fils d’Alphée, au pas assuré des gens nés sur les collines, puis Jean et André qui courent comme deux faons, en riant de bonheur. Et ils tombent à ses pieds, à la fois affectueux et respectueux, heureux, heureux, heureux… Puis arrive Jacques, fils de Zébédée, et enfin, presque ensemble, les trois qui sont les moins entraînés à la course et à la montagne, Matthieu, Simon le Zélote et, en bon dernier, Pierre.

       Mais il se fraie un chemin – ah, oui ! Comme il se fraie un chemin ! – pour arriver au Maître qu’entourent à genoux les premiers arrivés, qui ne se lassent pas de baiser les vêtements ou les mains qu’il leur a abandonnées. Tout essoufflé, il attrape énergiquement Jean et André, attachés aux vêtements de Jésus comme des huîtres à un rocher, et les écarte pour pouvoir tomber aux pieds de Jésus :

       « Oh, mon Maître ! Je reviens enfin à la vie ! Je n’en pouvais plus. J’ai vieilli et je suis amaigri comme si j’avais été très malade. Regarde si ce n’est pas vrai, Maître… »

       Et il lève la tête pour que Jésus le regarde. Mais, ce faisant, il voit combien Jésus est changé et il se lève en s’écriant :

       « Maître ! Mais qu’as-tu fait ? Abrutis ! Mais regardez ! Vous ne voyez rien, vous ? Jésus a été malade !… 325.4 Maître, mon Maître, qu’est-ce que tu as eu ? Dis-le à ton Simon !

       – Rien, mon ami.

       – Rien ? Avec ce visage ? Alors on t’a fait du mal ?

       – Mais non, Simon.

       – Ce n’est pas possible ! Tu as été souffrant ou persécuté ! Moi, j’ai l’œil !…

       – Moi aussi. Et je te vois émacié et vieilli, en effet. Pourquoi donc l’es-tu ? » demande en souriant le Seigneur à son Pierre qui le scrute comme s’il voulait lire la vérité sur les cheveux, la peau, la barbe de Jésus.

       « Mais j’ai souffert, moi ! Et je ne le nie pas. Crois-tu qu’il m’ait été agréable de voir tant de douleur ?

       – Tu l’as dit ! Moi aussi, j’ai souffert pour la même raison…

       – Rien que pour cela, Jésus ? demande Jude, apitoyé et affectueux.

       – A cause de la douleur, oui, mon frère, la douleur causée par la nécessité de renvoyer…

       – Et à cause de la douleur d’y avoir été contraint par…

       – Je t’en prie !… Silence ! Sur ma blessure, le silence m’est plus cher que toute parole qui veut me consoler en disant : “ Moi, je sais pourquoi tu as souffert. ” D’ailleurs, sachez-le tous, j’ai souffert de beaucoup de choses, pas de celle-là seulement. Et si Jude ne m’avait pas interrompu, je vous l’aurais dit. »

       Jésus est austère à ces mots. Tous en restent interdits. Mais Pierre est le premier à se reprendre :

       « Et où es-tu allé, Maître ? Qu’as-tu fait ?

       – Je suis resté dans une grotte… à prier … à méditer … à fortifier mon esprit, pour vous obtenir la force, à vous dans votre mission, à Jean et à Syntica dans leurs souffrances.

       – Mais où, où ? Sans vêtement, sans argent ! Comment as-tu fait ? »

       Simon est agité.

       « Dans une grotte, on n’a besoin de rien.

       – Mais la nourriture, le feu, le lit ? Tout en somme ! J’espérais qu’au moins on t’aurait donné l’hospitalité comme à un voyageur égaré, à Jiphtaël ou ailleurs, bref dans une maison. Et cela me tranquillisait un peu. Pourtant, hein ? Dites-le, vous, si ce n’était pas pour moi un tourment de penser qu’il était sans vêtement, sans nourriture, sans moyen de s’en procurer, et surtout sans le désir de s’en procurer. Ah ! Mon Jésus ! Tu ne devais pas faire ça ! Et tu ne le feras plus jamais ! Je ne te quitterai plus une seule heure. Je vais me coudre à ton vêtement pour te suivre comme ton ombre, que tu le veuilles ou non. Je serai séparé de toi seulement si je meurs.

       – Ou si moi, je meurs.

       – Ah non ! Pas toi ! Tu ne dois pas mourir avant moi. Ne me dis pas cela. Tu veux m’attrister tout à fait ?

       – Non. Au contraire, je veux me réjouir avec toi, avec tous, en cette belle heure qui me ramène mes chers amis, mes amis préférés. Voyez : je suis déjà mieux, car votre amour sincère me nourrit, me réchauffe, me console de tout. »

       Et il les caresse, un par un, tandis que leurs visages resplendissent d’un sourire bienheureux, leurs yeux luisent, et leurs lèvres tremblent d’émotion en entendant ces mots, et ils demandent :

       « Vraiment, Seigneur ?

       – Il en est vraiment ainsi, Maître ?

       – Nous te sommes si chers ?

       – Oui, si chers ! 325.5 Avez-vous de la nourriture avec vous ?

       – Oui. J’avais le sentiment que tu serais à bout, et j’en ai pris en chemin. J’ai du pain et de la viande rôtie, j’ai du lait, des fromages et des pommes, et en plus une gourde de vin généreux et des œufs pour toi. Pourvu qu’ils ne soient pas cassés…

       – Eh bien ! Asseyons-nous ici, sous ce beau soleil, et mangeons. Et tout en mangeant, vous me raconterez… »

       Ils s’asseyent au soleil, sur un talus. Pierre ouvre son sac, regarde ses trésors :

       « Tout est intact ! » s’écrie-t-il. « Même le miel d’Antigonée. Mais non ! Je l’avais bien dit ! Même si, au retour, on nous avait mis dans un tonneau qu’un fou aurait roulé, ou sur une barque sans rames, trouée par dessus le marché, en une heure de tempête, nous serions arrivés sains et saufs… Mais à l’aller ! Je suis de plus en plus convaincu que c’était le démon qui nous faisait d’abord obstacle. Pour nous empêcher d’aller avec ces malheureux…

       – Bien sûr ! Au retour, il n’avait plus de but…, explique Simon le Zélote.

       – Maître, tu as fait pénitence pour nous ? demande Jean, qui oublie de manger pour contempler Jésus.

       – Oui, Jean. Je vous ai suivis par la pensée : j’ai eu conscience de vos dangers et de vos peines. Je vous ai aidés comme je l’ai pu…

       – Ah moi ! Je l’ai senti ! Je vous l’ai même dit. Vous vous en souvenez ?

       – Oui, c’est vrai, approuvent-ils tous.

       – Eh bien ! Maintenant vous me rendez ce que je vous ai donné.

       – Tu as jeûné, Seigneur ? demande André.

       – Forcément ! Même s’il avait voulu manger, sans argent, dans une grotte, comment voulais-tu qu’il fasse ? lui répond Pierre.

       – A cause de nous ! Comme j’en ai de la peine ! Dit Jacques.

       – Oh, non ! Ne vous en affligez pas ! Ce n’est pas pour vous seuls, c’est aussi pour le monde entier. 325.6 Ce que j’ai fait quand j’ai commencé ma mission, je l’ai refait maintenant. A cette époque, à la fin, j’ai été secouru par les anges. Maintenant, je le suis par vous. Et, croyez-le, cela m’est une double joie. Car, chez les anges, la charité s’impose, mais chez les hommes, il est moins facile de la trouver. Vous, vous en faites preuve. Et, d’hommes que vous étiez, vous êtes devenus des anges par amour pour moi, ayant choisi la sainteté à l’encontre de tout. Pour cela, vous faites ma joie à la fois comme Dieu et comme Homme-Dieu, car vous me donnez ce qui est de Dieu : la charité, et ce qui est du Rédempteur : votre élévation à la perfection. Cela me vient de vous, et c’est plus nourrissant que tout autre aliment. A cette époque aussi, dans le désert, j’ai été nourri par l’amour après avoir jeûné, et j’en ai été restauré. C’est la même chose maintenant, la même chose ! Nous avons tous souffert, vous comme moi. Mais la souffrance n’a pas été inutile. Je crois, je sais qu’elle vous a davantage servi qu’une année entière d’enseignement. La souffrance, la méditation du mal que peut faire l’homme à son semblable, la pitié, la foi, l’espérance, la charité dont vous avez dû faire preuve, et tout seuls, vous ont mûris comme des enfants qui deviennent hommes…

       – Oh, oui ! Je suis devenu vieux, moi. Je ne serai jamais plus le Simon, fils de Jonas, que j’étais au départ. J’ai compris combien notre mission est douloureuse dans sa beauté… soupire Pierre.

       325.7 – Eh bien ! Maintenant nous sommes ici, ensemble, racontez donc…

       – Parle, toi, Simon. Tu sauras mieux parler que moi, dit Pierre à Simon le Zélote.

       – Non. Toi, en brave chef, fais le rapport au nom de tous » répond l’autre.

       Et Pierre commence, en disant :

       « Mais vous, vous allez m’aider. »

       Il fait un récit ordonné des faits jusqu’au départ d’Antioche. Puis il raconte le retour :

       « Nous souffrions tous, tu sais ? Je n’oublierai jamais les dernières paroles des deux disciples… »

       Pierre essuie du dos de la main deux grosses larmes qui coulent à l’improviste…

       « Cela m’a paru être le dernier cri de quelqu’un qui se noie… Mais… Allez, à vous de continuer… moi, je ne peux pas… »

       Il se lève et s’écarte un peu pour dominer son émotion.

       Simon le Zélote prend la parole :

       « Aucun de nous n’a parlé pendant une grande partie de la route… Nous ne le pouvions pas. Nous avions mal à la gorge tant elle était gonflée par les larmes… Et nous ne voulions pas pleurer… parce que si nous avions commencé, même un seul, c’en aurait été fini. Moi, j’avais pris les rênes parce que Pierre, pour ne pas montrer qu’il souffrait, s’était mis au fond du char en fouillant les sacs. Nous nous sommes arrêtés à un petit village à mi-chemin entre Antioche et Séleucie. Même si le clair de lune augmentait à mesure que la nuit avançait, nous nous sommes arrêtés là parce que nous ne connaissions pas le lieu. Et nous avons sommeillé au milieu de nos affaires. Nous n’avons pas mangé, personne, parce que… nous ne le pouvions pas. Nous pensions à Jean d’En-Dor et à Syntica… A la première lueur de l’aube, nous avons passé le pont et nous sommes arrivés avant l’heure de tierce à Séleucie. Nous avons ramené le char et le cheval à l’hôtelier et – c’était vraiment un brave homme – nous avons profité de ses conseils pour le navire. Il a dit : “ Je vais venir au port moi-même. Je connais et on me connaît. ” Et il l’a fait. Il a trouvé trois bateaux en partance pour ces ports-ci. Mais sur l’un, il y avait certains… individus que nous n’avons pas voulu avoir comme voisins. L’homme, qui l’avait appris par le maître du navire, nous l’a dit. L’autre était d’Ascalon, mais il ne voulait pas faire escale pour nous à Tyr, à moins de payer une somme que nous n’avions plus. Le troisième était une petite embarcation chargée de bois brut, une pauvre barque avec un équipage réduit et, je crois, très misérable. C’est pourquoi, bien qu’il aille à Césarée, il a consenti à s’arrêter à Tyr, moyennant le paiement d’une journée de vivres et de salaire pour tout l’équipage. Cela nous convenait. Pour être franc, Matthieu et moi nous avions un peu peur. C’est une époque de tempêtes… et tu sais ce qui s’est passé à l’aller. Mais Simon-Pierre a dit : “ Il n’arrivera rien ” et nous y sommes montés. On avait l’impression que les voiles du bateau étaient des anges, tant la marche était régulière et rapide. Il nous a fallu deux fois moins de temps qu’à l’aller pour arriver à Tyr, et le patron fut si aimable qu’il nous a permis de mettre notre barque à la remorque jusqu’aux environs de Ptolémaïs. Pierre, André et Jean y sont descendus pour les manœuvres, mais c’était très simple… pas comme à l’aller… A Ptolémaïs, nous nous sommes séparés, et nous étions si contents que nous lui avons donné de l’argent en plus de ce qui était convenu avant de descendre tous dans la barque où étaient déjà nos affaires. Nous sommes restés un jour à Ptolémaïs, puis nous sommes venus ici… Mais nous n’oublierons jamais ce que nous avons souffert. Pierre a raison.

       – N’avons-nous pas raison aussi de dire que le démon ne nous a gênés qu’à l’aller ? demandent plusieurs.

       – Vous avez raison.

       325.8 A présent, écoutez : votre mission est terminée. Nous allons maintenant retourner à Jiphtaël pour attendre Philippe et Nathanaël ; et il faut faire vite. Puis les autres arriveront… En attendant, nous évangéliserons ici, aux confins de la Phénicie, et en Phénicie même. Mais quant à ce qui est arrivé, c’est enseveli pour toujours dans nos cœurs. On ne donnera de réponse à aucune question.

       – Même pas à Philippe et à Nathanaël ? Ils savent que nous sommes venus avec toi…

       – C’est moi qui parlerai. J’ai beaucoup souffert, mes amis, vous l’avez vu. J’ai payé de ma souffrance la paix de Jean et de Syntica. Faites que ma souffrance ne soit pas inutile. Ne mettez pas un fardeau de plus sur mes épaules. J’en ai déjà tant !… Et leur poids croît, jour après jour, heure après heure… Confiez à Nathanaël que j’ai beaucoup souffert, ainsi qu’à Philippe. Et qu’ils soient bons. Dites-le aux deux autres. Mais n’ajoutez rien. Dire que vous avez compris que j’ai souffert et que je vous l’ai confirmé, c’est la vérité. Il ne faut pas en raconter davantage. »

       Jésus parle avec peine… Les huit apôtres le regardent avec tristesse et Pierre se permet de caresser sa tête, en restant derrière lui. Jésus lève la tête et regarde son honnête Simon avec un sourire d’affectueuse tristesse. Pierre dit :

       « Ah ! Je ne peux pas te voir comme ça ! J’ai l’impression que la joie de notre réunion a disparu, et qu’il n’en reste que la sainteté, et elle seule ! Pour le moment… allons à Aczib. Tu changeras de vêtement, tu te raseras les joues, et tu te peigneras les cheveux. Mais pas comme ça ! Je ne peux pas te voir comme ça… Tu sembles être… quelqu’un qui a échappé à des mains cruelles, que l’on a poursuivi, qui n’en peut plus… Tu me rappelles Abel de Bethléem de Galilée, arraché à ses ennemis…

       – Oui, Pierre. Mais c’est le cœur de ton Maître que l’on a malmené… et il ne guérira jamais plus… De plus en plus, au contraire, il sera blessé. Partons… »

       325.9 Jean soupire :

       « Cela ne me plaît pas… J’aurais voulu raconter à Thomas, qui aime tant ta Mère, le miracle de la chanson et de l’onguent…

       – Tu le diras un jour… Pas maintenant. Un jour, vous rapporterez tout. Alors vous pourrez parler. Moi-même, je vous dirai : “ Allez dire tout ce que vous savez. ” Mais en attendant, sachez voir dans le miracle la vérité : la puissance de la foi. Aussi bien Jean que Syntica ont calmé la mer et guéri l’homme, pas par les paroles, pas par l’onguent, mais par la foi avec laquelle ils ont mis en œuvre le nom de Marie et l’onguent qu’elle avait préparé. Et aussi : cela est arrivé parce qu’autour de leur foi, il y avait la vôtre, à vous tous, et votre charité. Charité envers le blessé, charité envers le Crétois. Vous vouliez garder l’un en vie, donner la foi à l’autre. Mais s’il est encore facile de guérir les corps, il est plus difficile de guérir les âmes… Il n’y a pas de maladies plus difficiles à vaincre que celles de l’esprit… »

       Et Jésus soupire profondément.

       Ils arrivent en vue d’Aczib. Pierre part en avant avec Matthieu pour trouver un logement. Les autres le suivent, groupés autour de Jésus. Le soleil descend rapidement au moment où ils entrent dans le village…

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