Une initative de
Marie de Nazareth

Jésus dévoile les transfigurations de la Vierge

dimanche 18 février 29
Capharnaüm, Magdala, Nazareth

Dans les évangiles : Lc 9,7-9

Luc 9,7-9

Hérode, qui était au pouvoir en Galilée, entendit parler de tout ce qui se passait et il ne savait que penser. En effet, certains disaient que Jean le Baptiste était ressuscité d’entre les morts. D’autres disaient : « C’est le prophète Élie qui est apparu. » D’autres encore : « C’est un prophète d’autrefois qui est ressuscité. » Quant à Hérode, il disait : « Jean, je l’ai fait décapiter. Mais qui est cet homme dont j’entends dire de telles choses ? » Et il cherchait à le voir.

Vision de Maria Valtorta

       348.1 Quand ils posent le pied sur la petite plage de Capharnaüm, ils sont accueillis par les cris des enfants qui rivalisent avec les hirondelles affairées à la construction des nouveaux nids, tant ils courent rapidement, en gazouillant de leurs voix aigües, de la plage aux maisons, joyeux de la joie simple des enfants, pour lesquels c’est un fascinant spectacle et un objet magique qu’un petit poisson trouvé mort sur la rive, ou un petit caillou que l’eau a poli et qui par sa couleur semble être une pierre précieuse, ou la fleur découverte entre deux rochers, ou encore le scarabée aux couleurs changeantes capturé en plein vol. Ce sont autant de merveilles que l’on fait voir aux mamans pour qu’elles prennent part à la joie de leurs enfants.

       Mais maintenant que ces hirondelles humaines ont vu Jésus, tous leurs vols se dirigent vers lui, qui va poser le pied sur la plage. Et c’est toute une tiède avalanche vivante de corps d’enfants, une douce chaîne de tendres menottes, un amour de cœurs enfantins qui s’abat sur Jésus, l’enserre, l’attache, le réchauffe comme un doux feu.

       « Moi ! Moi !

       – Un baiser !

       – A moi !

       – Moi aussi !

       – Jésus ! Je t’aime !

       – Ne pars plus aussi longtemps !

       – Je venais voir tous les jours si tu arrivais.

       – Moi, j’allais chez toi.

       – Tiens cette fleur, c’était pour maman, mais je te la donne.

       – Encore un baiser pour moi, un beau, un gros. Le premier ne m’a pas touché parce que Jahel m’a poussé en arrière… »

       Et les petites voix se font entendre pendant que Jésus essaie de marcher au milieu de ce filet de tendresses.

       « Mais laissez-le un peu tranquille ! Allons ! Assez ! » crient les disciples et les apôtres, qui cherchent à desserrer l’étreinte. Eh bien, oui ! Ils ressemblent à des lianes munies de ventouses ! Quand on les détache d’un côté, ils s’attachent de l’autre.

       « Laissez ! Laissez faire ! Avec de la patience, on va y arriver » dit Jésus en souriant.

       Il fait des pas invraisemblablement petits pour pouvoir avancer sans marcher sur les pieds nus.

       348.2 Mais ce qui le libère de cette affectueuse étreinte, c’est l’arrivée de Manahen avec d’autres disciples, parmi lesquels les bergers qui étaient en Judée.

       « Paix à toi, Maître ! » lance d’une voix tonnante Manahen dans son splendide vêtement. Il n’a plus d’or au front ni aux doigts, mais au côté une imposante épée qui suscite l’admiration respectueuse des enfants qui, intimidés, s’écartent devant ce magnifique cavalier vêtu de pourpre et portant une arme superbe. Ainsi Jésus peut l’embrasser et embrasser Elie, Lévi, Matthias, Joseph, Jean, Siméon et je ne sais combien d’autres.

       « Comment se fait-il que tu sois là ? Et comment as-tu su que j’étais débarqué ?

       – Je l’ai su par les cris des enfants. Ils ont traversé les murs comme des flèches qui apportent la joie. Mais je suis venu ici en pensant que ton voyage en Judée approche et que les femmes y prendront certainement part… J’ai voulu en être moi aussi… Pour te protéger, Seigneur, si ce n’est pas trop d’orgueil de le penser. Il y a beaucoup d’effervescence en Israël contre toi. C’est douloureux à dire, mais tu ne l’ignores pas. »

       348.3 Tout en parlant, ils arrivent à la maison et y entrent. Manahen continue sa conversation après que le maître de maison et sa femme ont vénéré le Maître.

       « Désormais, l’intérêt que tu suscites et l’effervescence qui en résulte ont envahi tous les lieux, troublant les esprits et attirant l’attention même des plus obtus et de ceux qui sont trompés par des racontars très loin de la réalité. Les nouvelles de ce que tu opères ont pénétré jusqu’à l’intérieur des dégoûtantes murailles de Machéronte et des luxurieux refuges d’Hérode, que ce soit le palais de Tibériade, les châteaux d’Hérodiade ou la splendide demeure royale des Asmonéens près du Sixte. Elles franchissent comme des flots de lumière et de puissance les barrières de ténèbres et de bassesse, elles font crouler les monceaux de péchés qui recouvraient comme une tranchée et un abri les amours répugnantes de la Cour et ses crimes atroces, elles dardent comme des flèches de feu en écrivant des paroles bien plus menaçantes que celles du festin de Balthazar sur les murs souillés des alcôves, des salles du trône et des banquets. Elles crient ton nom et ta puissance, ta nature et ta mission. Hérode en est terrorisé, Hérodiade se tord sur son lit de crainte que tu ne sois le roi vengeur qui lui enlèvera ses richesses et son immunité, si ce n’est même la vie, en la jetant à la merci des foules qui tireront vengeance de ses nombreux crimes. On tremble à la Cour, et c’est à cause de toi. On tremble de peur humaine et de peur surnaturelle. Depuis que la tête de Jean est tombée, il semble qu’un feu brûle les viscères de ses meurtriers. Ils n’ont même plus leur misérable paix d’auparavant, cette paix de porcs rassasiés de ripailles, qui étouffent les reproches de leurs consciences dans l’ivresse ou la débauche. Il n’y a plus rien qui les apaise… Ils sont persécutés… Et ils se haïssent après les heures d’orgie, dégoûtés l’un de l’autre, se rejetant mutuellement la culpabilité du crime qui les trouble, un crime qui a dépassé toute mesure.

       Quant à Salomé, elle est comme possédée par un démon, et en proie à un érotisme qui serait dégradant pour une esclave. Le palais royal exhale plus de puanteur qu’un égout.

       Hérode m’a questionné plusieurs fois sur toi. Chaque fois j’ai répondu : “ Pour moi, il est le Messie, le Roi d’Israël de l’unique souche royale : celle de David. C’est le Fils de l’homme annoncé par les prophètes, c’est le Verbe de Dieu, celui qui, étant le Christ, l’Oint de Dieu, a le droit de régner sur tous les vivants. ” Et Hérode blêmit de peur en sentant en toi le Vengeur. Pour le réconforter, les courtisans lui assurent que tu es Jean que l’on a faussement cru mort – et ce faisant, ils le font plus que jamais défaillir d’horreur – ou bien Elie, ou quelque autre prophète du temps passé. Et il repousse sa peur, le cri de sa conscience que le remords déchire en disant : “ Non, ce ne peut être Jean ! Je l’ai fait décapiter et Hérodiade garde sa tête en lieu sûr. Et ce ne peut être l’un des prophètes : une fois mort, on ne revit pas. Mais ce ne peut pas être le Christ non plus. Qui le prétend ? Qui dit que c’est lui ? Qui ose me soutenir qu’il est le Roi de l’unique souche royale ? C’est moi qui suis le roi, et nul autre ! Le Messie a été tué par Hérode le Grand. Il a été noyé dès sa naissance dans une mer de sang. Il a été égorgé comme un agneau… et il n’avait que quelques mois… L’entends-tu pleurer ? Son bêlement ne cesse de résonner dans ma tête en même temps que le rugissement de Jean : ‘ Il ne t’est pas permis ’… Il ne m’est pas permis ? Si, tout m’est permis car je suis ‘ le roi ’. Qu’on m’apporte ici du vin et des femmes, si Hérodiade se refuse à mes étreintes, et que Salomé danse pour éveiller mes sens effrayés par tes récits terrifiants. ”

       Et il s’enivre au milieu des mimes de la Cour, pendant que dans ses appartements sa femme folle crie ses blasphèmes au Martyr et des menaces à ton adresse. Pendant ce temps, Salomé expérimente ce que c’est que d’être née du péché de deux débauchés et d’avoir participé à un crime obtenu en abandonnant son corps aux fantaisies lubriques d’un homme dégoûtant. Mais ensuite Hérode revient à lui-même et veut être informé sur toi ; il voudrait te voir. C’est dans ce but qu’il favorise mes venues vers toi dans l’espoir que je te conduise à lui, ce que je ne ferai jamais, pour ne pas profaner ta sainteté dans une caverne de bêtes immondes. Hérodiade également souhaiterait ta venue pour pouvoir te frapper, et elle le crie avec son stylet dans les mains… Et Salomé le voudrait elle aussi : elle t’a vu à ton insu, à Tibériade, au dernier mois d’Etanim, et elle est folle de toi…

       Voilà ce qu’est le Palais royal, Maître ! Mais j’y reste pour mieux surveiller leurs desseins sur toi.

       – Je t’en suis reconnaissant et le Très-Haut t’en bénit. Cela aussi, c’est servir les décrets de l’Eternel.

       – C’est ce que j’ai pensé, et c’est pourquoi je suis venu.

       – Manahen, je te demande instamment ton aide, puisque tu es venu : descends vers Jérusalem, non pas avec moi, mais avec les femmes. Moi, je fais route avec les hommes par un chemin inconnu et personne ne pourra me faire aucun mal. Mais elles, ce sont des femmes sans défense, or celui qui les accompagne a l’âme douce et il a appris à présenter sa joue à celui qui l’a frappé. Ta présence sera une sûre protection. C’est un sacrifice, je le comprends, mais nous serons ensemble en Judée. Ne me le refuse pas, mon ami.

       – Seigneur, tout désir de ta part est une loi pour ton serviteur. Je suis au service de ta Mère et des femmes disciples qui l’accompagnent dès ce moment et jusqu’à quand tu voudras.

       – Merci. Cette obéissance aussi sera inscrite au Ciel.

       348.4 Maintenant, en attendant que les barques arrivent pour tous, consacrons notre temps à guérir les malades qui m’attendent. »

       Et Jésus descend dans le jardin où se trouvent les brancards ou les infirmes et il les guérit rapidement, tout en recevant l’hommage de Jaïre et des amis, peu nombreux, de Capharnaüm.

       Parmi les femmes, il y a Porphyrée et Salomé et en outre la femme âgée de Barthélemy, ainsi que celle, moins âgée, de Philippe avec ses filles encore très jeunes. Elles s’occupent des vivres pour la troupe nombreuse des disciples que l’on va rassasier avec les paniers de poissons offerts par Bethsaïde et Capharnaüm. On assiste alors à une grande éventration de poissons argentés qui frétillent encore, à un grand rinçage de poissons dans les chaudrons, à un grand grésillement sur les grils qui s’opère dans la cuisine, pendant que Marziam, avec d’autres disciples, alimente les feux et porte des brocs d’eau pour aider les femmes.

       Le repas est vite prêt et vite consommé. Et comme les barques sont maintenant réunies pour transporter tout ce monde, il ne reste qu’à s’embarquer pour Magdala sur un lac enchanté, tant il est serein, angélique, dans le chaton d’émeraude de ses rives.

       Hospitaliers, les jardins et la maison de Marie de Magdala s’ouvrent dans le midi ensoleillé pour accueillir le Maître et ses disciples, et Magdala tout entière vient saluer le Rabbi en route pour Jérusalem.

       348.5 Et les pentes fraîches des collines de Galilée entendent la marche agile et joyeuse de la troupe fidèle, suivie d’un char commode où se trouvent Jeanne, Porphyrée, Salomé, la femme de Barthélemy et celle de Philippe avec ses deux filles, ainsi que Marie et Matthias, tout souriants, difficiles à reconnaître tant ils ont changé depuis cinq mois. Marziam marche bravement avec les adultes et même, comme le veut Jésus, il est justement dans le groupe des apôtres, entre Pierre et Jean, et ne perd pas un mot de ce que dit Jésus.

       Le soleil brille dans un ciel très pur et des rafales tièdes apportent des senteurs de bois, de menthe, de violette, des premiers muguets, des rosiers toujours plus fleuris et, par-dessus tout, cette odeur fraîche, légèrement amère des fleurs d’arbres fruitiers qui répandent partout une neige de pétales sur l’herbe. Tous en ont dans les cheveux pendant qu’ils avancent au milieu d’un continuel gazouillis d’oiseaux, au milieu des chants de séduction et des appels trépidants d’un buisson à l’autre entre les mâles audacieux et les femelles pudiques, tandis que les brebis broutent, grossies par leur maternité, et que les premiers agneaux heurtent leurs museaux roses contre les mamelles arrondies pour augmenter la sécrétion du lait, ou bien gambadent dans les prés d’herbe tendre comme des enfants heureux.

       348.6 Nazareth va vite arriver après Cana, où Suzanne s’est jointe aux autres femmes en apportant les produits de sa terre dans des paniers et des vases, et une branche entière de roses rouges en boutons prêts à s’ouvrir, “ pour les offrir à Marie ”, dit-elle.

       « Moi aussi, tu vois ? » dit Jeanne, en ouvrant une espèce de boite où sont rangées de nombreuses roses dans de la mousse humide : « Les premières et les plus belles, c’est toujours peu de choses pour elle, qui nous est si chère ! »

       Je vois que chaque femme a apporté des vivres pour le voyage pascal et avec eux, qui une fleur, qui une plante pour le jardin de Marie ; Porphyrée s’excuse de n’avoir apporté qu’un pot de camphrier magnifique aux feuilles verdâtres minuscules qui exhalent leur arôme rien qu’à les approcher.

       « Marie désirait cette plante balsamique… » dit-elle.

       Et toutes la louent pour la beauté vigoureuse de l’arbuste.

       « Ah ! J’en ai pris soin tout l’hiver, en le gardant à l’abri de la gelée et de la grêle dans ma pièce. Marziam m’aidait à le porter au soleil chaque matin, et à le rentrer chaque soir… Et, s’il n’y avait pas eu la barque et maintenant le char, ce cher enfant l’aurait chargée sur ses épaules pour l’apporter à Marie, et lui faire plaisir, à elle ainsi qu’à moi. »

       Ainsi parle cette humble femme qui s’enhardit de plus en plus grâce à la bonté de Jeanne et ne se tient plus de joie d’être en voyage pour Jérusalem, et avec le Maître, son mari et son Marziam.

       « Tu n’y es jamais allée ?

       – Tant que mon père vivait, chaque année. Mais ensuite… Ma mère n’y allait plus… Mes frères m’y auraient bien emmenée, mais je rendais service à ma mère et elle ne me laissait pas partir. Ensuite, j’ai épousé Simon… et ma santé n’a plus été très bonne. Simon aurait dû rester longtemps en voyage, et il s’ennuyait… Aussi je restais à la maison à l’attendre… Le Seigneur voyait mon désir… et c’était comme si j’avais fait le sacrifice au Temple… » dit la douce femme.

       Jeanne, qui l’a pour voisine, pose la main sur ses splendides tresses en lui disant :

       « Ma chérie ! »

       Il y a dans ce mot tant d’amour, tant de compréhension, tant de sens…

       348.7 Et voilà Nazareth… voilà la maison de Marie, femme d’Alphée, qui est déjà dans les bras de ses fils, et de ses mains mouillées et rougies par la lessive qu’elle est en train de faire, elle les caresse puis, essuyant ses mains sur son tablier grossier, elle court vers Jésus pour l’embrasser… Voilà ensuite la maison d’Alphée, fils de Sarah, qui précède immédiatement celle de Marie. Alphée ordonne au plus grand de ses petits-fils de courir avertir Marie, et en attendant, il se dirige à pas de géant vers Jésus, avec un tas de petits-enfants dans les bras et il le salue avec toute cette nichée serrée contre sa poitrine, qu’il lui offre comme un bouquet de fleurs.

       Enfin, voici Marie qui se présente sur le seuil de la porte, en plein soleil, avec son vêtement d’intérieur d’un bleu clair un peu déteint ; l’or vaporeux de ses cheveux resplendit sur son front virginal et descend en lourdes tresses sur la nuque. Elle tombe sur la poitrine de son Fils, qui l’embrasse avec tout son amour. Les autres s’arrêtent prudemment pour les laisser libres à leur première rencontre.

       Mais elle se détache aussitôt et tourne son visage que l’âge n’a pas altéré, maintenant tout rose de surprise, illuminé par son sourire, et elle salue de sa voix angélique :

       « Paix à vous, serviteurs du Seigneur et disciples de mon Fils. Paix à vous, mes sœurs dans le Seigneur. »

       Elle échange un baiser fraternel avec les femmes descendues du char.

       « Oh ! Marziam ! Désormais je ne pourrai plus te tenir dans mes bras ! Tu es un homme, maintenant. Mais viens à la Mère de tous ceux qui sont bons, que je te donne encore un baiser. Mon chéri ! Que Dieu te bénisse et te fasse grandir dans ses voies, robuste comme croît ton corps de jeune, et davantage encore. Mon Fils, nous devrons l’amener à son grand-père. Il sera heureux de le voir ainsi » dit-elle ensuite en se tournant vers Jésus.

       Elle embrasse ensuite Jacques et Jude, et elle leur donne la nouvelle qui leur fait certainement plaisir :

       « Cette année, Simon vient avec moi, comme disciple du Maître. Il me l’a dit. »

       Et, l’un après l’autre, elle salue les plus connus, les plus influents, accompagnant pour tous sa salutation d’une parole de grâce. Manahen lui est amené et présenté comme devant l’escorter pendant son voyage vers Jérusalem.

       « Tu ne viens pas avec nous, mon Fils ?

       – Mère, j’ai d’autres endroits à évangéliser. Nous nous verrons à Béthanie.

       – Que ta volonté soit faite maintenant et toujours. Merci, Manahen. Avec toi, notre ange humain, et avec nos gardiens les anges du Ciel, nous serons en sécurité comme si nous étions dans le Saint des Saints. »

       Et elle présente sa main à Manahen en signe d’amitié. Alors le cavalier, qui a grandi dans le faste, met un genou par terre pour baiser la main délicate qu’elle lui tend.

       348.8 Pendant ce temps, on a déchargé les fleurs et ce qui doit rester à Nazareth. Puis le char est remisé dans quelque écurie de la ville.

       La petite maison ressemble à une roseraie à cause des roses répandues partout par les femmes disciples. Mais la plante de Porphyrée, posée sur la table, suscite la plus vive admiration de Marie qui la fait porter dans un endroit favorable d’après les indications de l’épouse de Pierre.

       Bien sûr, tout le monde ne peut pas entrer dans la maison minuscule, ni dans le jardin qui n’est pas un domaine, mais qui semble monter vers le ciel serein, se faire aérien tant il y a de nuages de fleurs sur les arbres du jardin. Et Jude demande en souriant à Marie :

       « As-tu cueilli aujourd’hui aussi le rameau pour ton am­phore ?

       – Bien sûr, Jude. Et quand vous êtes venus, je le contemplais…

       – Et tu songeais, Maman, à ton lointain mystère » dit Jésus en la prenant de son bras gauche pour l’attirer sur son cœur.

       Marie lève son visage empourpré et soupire :

       « Oui, mon Fils… et je songeais à ton premier battement de cœur en moi… »

       Jésus dit :

       « Que restent les sœurs disciples, les apôtres, Marziam, les bergers disciples, le prêtre Jean, Etienne, Hermas et Manahen. Que les autres se dispersent pour chercher un logement…

       – Je peux en loger plusieurs chez moi… » crie Simon, fils d’Alphée, du seuil de sa maison sur lequel il est bloqué. « Je suis leur condisciple et je les réclame.

       – Oh ! Mon frère, avance, que je t’embrasse, s’exclame Jésus, expansif, alors qu’Alphée, fils de Sarah, ainsi qu’Ismaël et Aser, les deux disciples ex-âniers de Nazareth, disent à leur tour :

       « Chez nous ! Venez, venez ! »

       Les disciples qui n’ont pas été choisis s’en vont et on peut fermer la porte… pour la rouvrir cependant, tout de suite après, à la venue de Marie, femme d’Alphée, qui ne peut rester loin, même occupée par sa lessive. Il y a environ quarante personnes, aussi se répandent-elles dans le jardin tiède et tranquille jusqu’à ce que l’on partage les aliments auxquels tout le monde trouve une saveur céleste, tant il y a d’agrément à les consommer dans la maison du Seigneur, distribués par Marie.

       Simon revient après avoir installé les disciples et il dit :

       « Tu ne m’as pas appelé comme les autres, mais moi je suis ton frère et je reste quand même.

       – Tu arrives à propos, Simon.

       348.9 Je vous ai voulus ici pour vous faire connaître Marie. Pour beaucoup d’entre vous, vous connaissez Marie comme “ mère ”, certains comme “ épouse ”. Mais personne ne connaît Marie comme “ vierge ”. Moi, je veux vous la faire connaître dans ce jardin en fleurs dans lequel votre cœur vient plein de désir dans les séparations forcées et comme pour se reposer des fatigues de l’apostolat.

       Je vous ai écouté parler, vous, apôtres, disciples et parents, et j’ai perçu vos impressions, vos souvenirs, vos jugements sur ma Mère. Je vais vous transfigurer tout cela – qui est très admirable mais encore très humain – en une connaissance surnaturelle. Car ma Mère, avant moi, doit être transfigurée aux yeux de ceux qui le méritent le plus, pour la montrer telle qu’elle est. Vous, vous voyez une femme. Une femme qui, par sa sainteté, vous paraît différente des autres, mais que vous voyez en réalité comme une âme enveloppée de chair, comme celle de toutes les femmes, ses sœurs. Mais je veux maintenant vous dévoiler l’âme de ma Mère, sa véritable et éternelle beauté.

       Viens ici, ma Mère. Ne rougis pas, ne te retire pas, intimidée, douce colombe de Dieu. Ton Fils est la Parole de Dieu, et il peut parler de toi et de ton mystère, de tes mystères, ô sublime Mystère de Dieu. Asseyons-nous ici, à l’ombre légère des arbres en fleurs, près de la maison, près de ta sainte demeure. Voilà ! Levons cette tenture ondoyante et qu’il sorte des flots de sainteté et de paradis de cette demeure virginale, pour nous combler tous de toi… Oui, moi aussi. Que je me parfume de toi, Vierge parfaite, pour que je puisse supporter les puanteurs du monde, pour que je puisse voir la pureté, de mes yeux débordants de ta pureté. Venez ici, Marziam, Jean, Etienne, et vous sœurs disciples, bien en face de la porte ouverte sur la chaste demeure de celle qui est la Chaste entre toutes les femmes. Quant à vous, mes amis, derrière. Et ici, à mes côtés, toi, ma Mère bien-aimée.

       348.10 Je viens de vous parler de “ l’éternelle beauté de l’âme de ma Mère ”. Je suis la Parole et par conséquent je sais employer les mots exacts. J’ai dit “ éternelle ”, pas “ immortelle ”. Et ce n’est pas sans intention que je l’ai dit. Est immortel celui qui, une fois né, ne meurt plus. Ainsi l’âme des justes est immortelle au Ciel, l’âme des pécheurs est immortelle en enfer, car l’âme, une fois créée, ne meurt plus qu’à la grâce. Mais l’âme vit, existe à partir du moment où Dieu la pense. C’est la Pensée de Dieu qui la crée. L’âme de ma Mère est depuis toujours pensée par Dieu. De ce fait, elle est éternelle dans sa beauté, à laquelle Dieu a octroyé toute perfection pour en tirer délice et réconfort.

       Il est dit dans le Livre de notre aïeul Salomon qui t’a vue à l’avance et qui est par conséquent ton prophète : “ Dieu m’a possédée au commencement de ses œuvres, dès le principe, avant la Création. Dès l’éternité je fus établie, dès le principe, avant l’origine de la terre. Quand les abîmes n’étaient pas, je fus enfantée. Avant que les sources ne jaillissent, avant que la lourde masse des montagnes ne soit constituée, j’étais là. Avant les collines, je fus enfantée. Avant qu’il eût fait la terre, les fleuves, et les premiers éléments du monde, j’existais déjà. Quand il préparait les cieux et le ciel, j’étais présente. Quand, par des lois inviolables, il renferma l’abîme sous la voûte, quand il rendit stable dans les hauteurs la voûte céleste et y suspendit les sources des eaux, quand il fixa son terme à la mer et donna comme loi aux eaux de ne pas dépasser leurs limites, quand il traça les fondements de la terre, j’étais à ses côtés comme le maître d’œuvre. Toujours dans la joie, je jouais continuellement en sa présence. Je jouais dans l’univers. ”

       Oui, ô Mère, Dieu, l’Immense, le Sublime, le Vierge, l’Incréé, était enceint de toi et il te portait comme son très doux fardeau, se réjouissant de te sentir t’agiter en lui, en lui donnant les sourires dont il a fait la Création ! Toi qu’il a douloureusement enfantée pour te donner au Monde, âme très suave, née de Celui qui est vierge pour être la “ Vierge ”, perfection de la création, lumière du Paradis, conseil de Dieu, telle qu’en te regardant il put pardonner la Faute, car toi seule et de toi-même tu sais aimer comme toute l’humanité rassemblée ne sait pas aimer. En toi est le Pardon de Dieu ! En toi le Remède de Dieu, toi qui es la caresse de l’Eternel sur la blessure que l’homme a faite à Dieu ! En toi, le Salut du monde, Mère de l’Amour incarné et du Rédempteur qui a été accordé !

       L’âme de ma Mère ! Uni au Père dans l’Amour, je te regardais en moi, ô âme de ma Mère !… Et ta splendeur, ta prière, la pensée que tu allais me porter me consolaient pour toujours de mon douloureux destin et des expériences inhumaines de ce qu’est le monde corrompu pour le Dieu absolument parfait. Merci, Mère ! Je suis venu déjà comblé de tes consolations. Je suis descendu en te sentant toi seule, ton parfum, ton chant, ton amour… Joie, ma joie !

       348.11 Mais écoutez, vous qui savez maintenant combien est unique la Femme en laquelle il n’y a pas de tache, la seule et unique Créature qui n’a pas coûté de blessure au Rédempteur, écoutez la seconde transfiguration de Marie, l’Elue de Dieu.

       C’était un paisible après-midi du mois d’Adar et les arbres étaient en fleurs dans le jardin silencieux ; Marie, l’épouse de Joseph, avait cueilli le rameau d’un arbre en fleurs pour remplacer celui qui était dans sa chambre. Eduquée au Temple pour orner une maison de saints, Marie était arrivée depuis peu à Nazareth. Elle avait l’âme partagée entre le Temple, la maison et le Ciel. En regardant le rameau en fleurs, elle pensait que c’était par un rameau pareil que Dieu lui avait signifié sa volonté, un rameau qui avait fleuri d’une manière insolite, un rameau coupé dans ce jardin en plein hiver et qui avait fleuri comme pour le printemps devant l’Arche du Seigneur – peut-être le Soleil-Dieu l’avait-il réchauffé en rayonnant sur lui sa gloire… – Et elle pensait encore qu’au jour de ses noces, Joseph lui avait apporté d’autres fleurs, mais jamais semblables à la première qui portait, inscrite sur ses pétales légers : “ Je veux que tu sois unie à Joseph. ” Elle pensait à tant de choses… Et ce faisant, elle s’élevait vers Dieu. Ses mains étaient agiles entre la quenouille et le fuseau et elle filait un fil plus fin que l’un des cheveux de sa jeune chevelure…

       Son âme tissait un tapis d’amour en passant, agile comme la navette sur le métier, de la terre au Ciel, des besoins de la maison et de son époux à ceux de l’âme, de Dieu. Elle chantait, elle priait. Et le tapis se formait sur le métier mystique, il se déroulait de la terre au Ciel, il s’élevait jusqu’à se perdre là-haut… Formé de quoi ? Des fils fins, solides, parfaits, de ses vertus, du fil qui volait de la navette, qu’elle croyait à elle alors qu’elle appartenait à Dieu : c’était la navette de la volonté de Dieu sur laquelle était enroulée la volonté de la petite, grande Vierge d’Israël, celle que le monde ne connaissait pas mais que Dieu connaissait, sa volonté enveloppée par celle du Seigneur et qui ne faisait qu’un avec elle. Et le tapis s’ornait des fleurs de l’amour, de la pureté, des palmes de la paix, des lauriers de la gloire, des humbles violettes, des jasmins odorants… Toutes les vertus fleurissaient sur le tapis de l’amour que la Vierge déroulait de la terre au Ciel comme une invitation. Et comme le tapis ne suffisait pas, elle offrait son cœur en chantant : “ Que mon Bien-Aimé entre dans son jardin et qu’il goûte du fruit de ses arbres… Que mon Bien-Aimé descende au parterre des arômes, pour se rassasier dans les jardins et pour cueillir des lys. Je suis à mon Bien-Aimé, et mon Bien-Aimé est à moi, lui qui se repaît parmi les lys ! ”

       Et des lointains infinis, parmi des torrents de lumière, arrivait une voix qu’aucune oreille humaine ne peut entendre, ni aucune gorge humaine exprimer. Elle disait : “ Que tu es belle, ma bien-aimée, que tu es belle ! Tes lèvres distillent du miel… Tu es un jardin bien clos, une source scellée, ô ma sœur, mon épouse…” et ces deux voix s’unissaient pour chanter l’éternelle vérité : “ L’amour est plus fort que la mort. Rien ne peut éteindre ou submerger ‘ notre ’ amour. ” Et la Vierge se transfigurait ainsi… ainsi… ainsi… pendant que Gabriel descendait et la rappelait, avec son ardeur, à la terre, réunissait son âme à sa chair pour qu’elle puisse entendre et comprendre la demande de Celui qui l’avait appelée “ Sœur ” mais qui la voulait “ Epouse ”.

       C’est ici que le Mystère survint… Et une femme pudique, la plus pudique de toutes les femmes, celle qui ne connaissait même pas la poussée instinctive de la chair, fut bouleversée devant l’Ange du Seigneur, parce que même un ange trouble l’humilité et la pudeur de la Vierge. Elle ne se tranquillisa qu’en l’entendant parler. Elle crut, et elle dit la parole par laquelle “ leur ” amour devint chair et vaincra la mort ; et il n’existe pas d’eau qui puisse l’éteindre ni de perversion qui puisse le submerger… »

       348.12 Jésus s’incline doucement vers Marie qui a glissé à ses pieds, comme en extase, à ce rappel d’une heure lointaine, lumineuse d’une lumière spéciale que son âme paraît exhaler, et il lui demande doucement :

       « Quelle fut ta réponse, ô Vierge très pure, à celui qui t’assurait qu’en devenant la Mère de Dieu tu n’allais pas perdre ta parfaite virginité ? »

       Et Marie, comme en un rêve, lentement, en souriant, les yeux dilatés par des larmes de joie :

       « Voici la Servante du Seigneur ! Qu’il me soit fait selon sa parole. »

       Puis elle repose sa tête sur les genoux du Fils, en adoration.

       Jésus la voile de son manteau pour la cacher aux yeux de tous puis il reprend :

       « Et ce fut fait et cela se fera jusqu’à la fin, jusqu’à chacune de ses transfigurations. Elle sera toujours “ la Servante de Dieu ”. Elle fera toujours ce que “ la Parole ” dira. Ma Mère ! Telle est ma Mère. Et il est bon que vous commenciez à la connaître dans la plénitude de sa sainte figure… Mère ! Mère ! Relève la tête, mon Aimée… Rappelle tes sentiments à la terre sur laquelle nous sommes pour le moment… » dit-il en découvrant Marie après un certain temps durant lequel il n’y avait d’autre bruit que le bourdonnement des abeilles et le clapotis de la petite source.

       Marie lève son visage trempé de larmes et murmure :

       « Pourquoi, mon Fils, m’as-tu fait cela ? Les secrets du Roi sont sacrés…

       – Mais le Roi peut les dévoiler quand il le veut. Mère, je l’ai fait pour que la parole d’un prophète soit comprise : “ Une Femme enfermera l’Homme en elle ”, ainsi que cette autre parole d’un autre prophète : “ La Vierge concevra et enfantera un Fils. ” Et c’est aussi pour que ceux qui souffrent de trop de vexations, qui sont humiliantes pour eux, concernant le Verbe de Dieu, aient en compensation bien d’autres consolations qui les confirment dans la joie de m’appartenir. De cette façon, ils ne se scandaliseront jamais plus, et c’est même pourquoi ils conquerront le Ciel…

       348.13 Maintenant, que ceux qui doivent aller dans des maisons hospitalières s’y rendent. Moi, je reste avec les femmes et Marziam. Demain à l’aube, que tous les hommes soient présents, parce que je veux vous amener près d’ici. Puis nous reviendrons saluer les femmes disciples pour retourner ensuite à Capharnaüm afin de rassembler d’autres disciples et les envoyer à leur suite. »

Observation

L’Annonciation et les fils de la Vierge

Nous connaissons tous ces filaments très fins, qui se balancent lentement dans l’air matinal, lors des premiers brouillards d’automne. Dans toutes les campagnes françaises, ils portent un nom gracieux : ce sont « les fils de la Vierge ». Une ancienne tradition populaire rapporte en effet que la Vierge Marie filait de ses doigts menus au bout de son fuseau un lin très fin, et laissait quelques filaments s’éparpiller dans l’air, pour rendre plus chaud durant l’hiver le nid des oiseaux. Le récit de Maria Valtorta pourrait nous éclairer sur l’origine de cette pieuse légende. Maria Valtorta présente en effet, en diverses occasions, la Vierge Marie filant le lin pour le trousseau de Jean-Baptiste, puis pour celui de son Jésus, et dans la maison de Nazareth, son métier à tisser n’est jamais bien loin !

Jésus évoquant, devant ses disciples réunis, Marie au matin de l’Annonciation, leur déclare : « Ses mains étaient agiles entre la quenouille et le fuseau et elle filait un fil plus fin que l'un des cheveux de sa jeune chevelure » (EMV 348.11). Faut-il voir dans ce témoignage l'origine des « fils de la Vierge ? ».

Au 4ème siècle saint Epiphane confirme que la Vierge excellait dans l’art de la broderie. Son adresse sans égale à filer le lin de Péluse était traditionnelle en Orient, et les chrétiens d’Occident, pour en perpétuer la mémoire, ont donné le nom de fils de la Vierge à ces réseaux éclatants de blancheur qui planent au creux des vallons pendant les humides matinées d'automne… Au Moyen Age, en souvenir des ouvrages en lin de la Vierge, et pourquoi pas, parce que ce récit de l’Annonciation était parvenu jusqu’à eux, les tisserands et les drapiers se rangeaient sous la bannière de l’Annonciation !

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