386.1 Jésus a repris la route. Tournant le dos au nord, il longe les méandres du fleuve à la recherche d’un passeur. Tous les disciples l’entourent et évoquent les événements des quelques jours passés dans le hameau et la maison de Salomon. D’après ce que je comprends, ils y sont restés jusqu’à ce que la rumeur de la présence du Maître se répande dans les milieux hostiles. Quand cela s’est produit, ils sont partis, laissant, pour garder la maisonnette remise en ordre, le vieil Ananias, désormais paisible, que la pauvreté n’afflige plus.
« Espérons que les âmes resteront dans leurs dispositions actuelles, dit Barthélemy.
– Si nous allons et venons comme le veut le Maître, nous les y garderons, répond Jude, fils d’Alphée.
– Comme il pleurait, ce pauvre vieillard ! Il s’était attaché…, ajoute André, encore tout ému.
386.2 – Et ses dernières paroles m’ont plu. Il a parlé en sage, n’est-ce pas, Maître ? demande Jacques, fils de Zébédée.
– Moi, j’affirme qu'il a parlé en saint ! s’exclame Thomas.
– Oui. Et je n’oublierai pas son désir, répond Jésus.
– Mais qu’a-t-il dit exactement ? Je m’étais éloigné avec Jean pour rappeler à la mère de Mikaël d’agir conformément aux recommandations du Maître, et je ne sais rien de précis, reconnaît Judas.
– Il a dit : “ Seigneur, si tu passes par le village de ma bru, fais-lui part que je ne lui garde pas rancune, et que je suis content de n’être plus délaissé, de sorte que le jugement de Dieu sera moins sévère pour elle. Conseille-lui de faire grandir les enfants dans la foi au Messie afin je les aie avec moi au Ciel ; dès que je serai dans la paix, je prierai pour eux et pour leur salut. ” Et je le ferai. Je vais rechercher la femme pour le lui dire, car c’est une bonne intention, dit Jésus.
– Pas un mot de reproche ! Mieux, comme il ne meurt plus de faim et d’abandon, il se réjouit que le péché de la femme en soit diminué. C'est admirable ! observe Jacques, fils d’Alphée.
– Mais aux yeux de Dieu, cela diminuera-t-il vraiment la faute de la bru ? Va savoir ! » dit Jude.
Les avis sont opposés. Matthieu se tourne vers Jésus :
« Quel est ton jugement, Maître ? Les choses resteront-elles comme elles étaient avant, ou bien changeront-elles ?
– Elles changeront…
– Tu vois que j'ai raison !… » dit Thomas, triomphant.
Mais Jésus fait signe de le laisser parler :
« Elles changeront pour le vieillard, elles changeront au Ciel comme sur la terre en raison de son indulgente douceur. Mais pas pour la femme. Sa faute crie toujours aux yeux de Dieu. Seul, son repentir pourrait changer la sévérité du jugement. Et je le lui dirai.
– A Massada, auprès de ses frères.
– Et tu veux aller jusque là ?
– Ces lieux aussi doivent être évangélisés…
– Et à Kérioth ?
– Nous remonterons de Massada à Kérioth, puis nous irons à Yutta, Hébron, Beth-Çur et Béther, pour revenir à Jérusalem à la Pentecôte.
– Massada est un lieu qui appartient à Hérode…
– Qu'importe ? C’est une forteresse, mais il ne s’y trouve pas. Et quand bien même il y serait !… Ce n’est pas la présence d’un homme qui m’empêchera d’être le Sauveur.
– Mais où passons-nous le fleuve ?
– Vers Galgala. De là, nous le longerons en suivant les montagnes. Les nuits sont fraîches, et la nouvelle lune de Ziv éclaire le ciel serein.
– Si nous allons dans cette région, pourquoi ne pas nous rendre à la montagne où tu as jeûné ? Il est juste que tous aient la possibilité de bien la connaître, suggère Matthieu.
– Nous irons là aussi. Mais voici une barque. Négociez le trajet pour que nous puissions passer sur l’autre rive. »