Une initative de
Marie de Nazareth

Pierre et Barthélemy à Béther pour une raison grave

vendredi 27 avril 29
Béther

Vision de Maria Valtorta

       401.1 Jésus se promène à travers les bosquets de roses, où s’activent les cueilleurs. Il trouve ainsi le moyen de s’entretenir avec l’un ou l’autre, et de même avec la veuve et ses enfants, que Jeanne, par amour pour lui, a prise comme servante à la Pâque, après le banquet des pauvres. Ils ont changé du tout au tout. Remis en forme, sereins, ils accomplissent joyeusement leur travail chacun selon ses capacités ; les plus petits, qui ne savent pas encore distinguer une rose d’une autre pour les trier selon leur fraîcheur ou leur couleur, jouent avec d’autres enfants à des endroits plus tranquilles et leurs cris d’oisillons humains se confondent avec ceux des oiseaux qui pépient dans le feuillage des arbres pour saluer leurs parents qui reviennent avec la becquée.

       Jésus se dirige vers eux et il se penche, s’intéresse, caresse, apaise les petites disputes, relève ceux qui sont tombés et qui pleurnichent, souillés de terre, le front ou les mains égratignés par les graviers. Et les larmes, les rixes, les jalousies s’arrêtent aussitôt grâce aux caresses et à la parole de l’Innocent aux innocents. Elles se changent en offrande du butin qui a causé la contestation ou la chute : scarabée métallique, caillou coloré ou brillant, fleur cueillie… Jésus en a les mains et la ceinture pleines, et il ne se fait pas voir quand il dépose les cétoines dorées ou les coccinelles sur les feuillages pour les rendre à la liberté.

       Combien de fois n’ai-je pas remarqué le tact parfait de Jésus même avec les tout-petits, pour ne pas les peiner, pour ne pas les décevoir ! Il a l’art et le charme de savoir les rendre meilleurs et de se faire aimer avec des riens, en apparence, qui en réalité sont des perfections d’un amour adapté à l’âge de l’enfant…

       Comme à moi, d’ailleurs. 401.2 Ah ! il m’a toujours traitée de “ bébé ” pour me perfectionner malgré ma pauvreté, pour se faire aimer ! Plus tard, quand je l’ai aimé de tout mon être, sa main s’est faite plus lourde, il m’a traitée en adulte, sourd à mes suppliques : “ Mais tu ne vois pas que je suis une bonne à rien ? ” Il a souri et m’a obligée à agir en adulte… Ah ! C’est seulement quand la pauvre Maria est complètement affligée qu’il redevient le Jésus des enfants pour ma pauvre âme, si incapable, et si contente de ses… scarabées, cailloux… petites fleurs… de ce que je réussis à lui donner… et il me montre qu’il les trouve beaux… et qu’il m’aime parce que je suis “ le néant qui se perd avec confiance dans le Tout ”.

       Mon cher Jésus ! Je l’aime, je l’aime à la folie ! Je l’aime de tout mon être ! Oui, je peux le proclamer ! A la veille de mes quarante-neuf ans, si je me scrute attentivement, à la veille de la sentence humaine sur ma mission de porte-parole, si j’examine scrupuleusement mon âme, toute ma personne pour déchiffrer les vraies paroles qui sont en moi, je peux dire aujourd’hui que j’aime, je comprends que j’aime mon Dieu de tout mon être. Il m’a fallu quarante-huit ans pour arriver à cet amour plénier, si plénier que je n’ai pas la moindre crainte humaine personnelle de condamnation. En revanche, je souffre atrocement à l’idée de la répercussion qu’elle pourrait avoir sur des âmes que j’ai amenées à Dieu, qui — j’en suis sûre — ont été rachetées par Jésus vivant en moi, et qui se détacheraient de l’Eglise, cette bague d’alliance entre l’humanité et Dieu.

       Certains diront : « N’as-tu pas honte d’avoir mis si longtemps ? » Non, pas du tout. J’étais si faible, j’étais un tel néant, qu’il m’a fallu tout ce temps. Du reste, je suis persuadée que c’est celui que Jésus a voulu : pas une minute de plus, pas une de moins. Car, je peux le dire, depuis que j’ai commencé à comprendre qui est Dieu, je ne lui ai jamais rien refusé. Et cela depuis qu’à l’âge de quatre ans, je l’ai senti tellement omniprésent que je croyais qu’il était même dans le bois du dossier du siège sur lequel j’étais assise : et je m’excusais de lui tourner le dos et de m’appuyer sur lui. Et depuis que, toujours au même âge, je méditais jusque dans mon sommeil sur nos péchés qui l’avaient blessé et tué, je bondissais sur mes pieds, sur le lit, dans ma chemise de nuit, et je suppliais, sans regarder aucun tableau sacré, mais en me tournant vers mon Dieu aimé, mort pour nous : « Pas moi ! Pas moi ! Fais moi mourir, mais ne me dis pas que, moi, je t’ai blessé ! » Et ainsi de suite…

       O mon Amour, tu connais mes ardeurs. Aucune ne t’est inconnue… Tu sais qu’il suffisait de l’éclair d’une proposition de ta part pour que ta Maria l’accepte aussitôt, même lorsque tu me suggérais de te donner une affection de fiancée — mieux, en ce Noël 1921, mon amour pour toi s’est affermi —, ou à l’égard de mes parents, ou encore ma vie, ma santé, mon bien-être… et de ne cesser dans la vie sociale, jusqu’à devenir “ rien ”, d'être un délit que le monde regarde avec compassion ou mépris, une femme qui ne peut attraper un verre d’eau si elle a soif et si nul n’est là pour le lui tendre, une femme clouée comme toi… Ah ! j’ai tant désiré l’être, au point de vouloir le redevenir aussitôt si tu me guérissais. Tout ! Le “ rien ” que je suis a tout donné de ce que possède une créature. Eh bien, même aujourd’hui, alors que je peux être mal jugée et interdite, atteinte, qu’est-ce que je te dis ? « Reste avec moi, laisse-moi ta grâce. Tout le reste est insignifiant. Je te prie seulement de ne pas me retirer ton amour et de ne pas permettre que ceux que je t’ai donnés retombent dans les ténèbres. »

       Mais où suis-je donc partie, ô mon Soleil, pendant que tu te promènes au milieu des rosiers ? Là où mon cœur, poussé par l’amour de toi, me porte. Il bat, et embrase mon sang dans mes veines. Les gens diront : «  Elle a de la fièvre et des palpitations. » Non, c’est parce que, ce matin, tu te déverses en moi avec la force d’un divin ouragan d’amour, et moi… moi, je m’anéantis en toi qui me pénètres. Je n’arrive plus à raisonner logiquement comme une créature, mais j’éprouve ce que doit être la vie des séraphins… et je brûle, je délire, je t’aime, je t’aime, je t’aime. Pitié, dans ton amour ! Pitié, si tu veux que je vive encore pour te servir, ô Amour très divin, éternel, ô Amour très doux, ô Amour des Cieux et de la Création, Dieu, Dieu, Dieu…

       Mais non ! Pas de pitié ! Au contraire, plus encore ! Plus encore ! jusqu’à mourir sur le bûcher de l’amour ! Fondons-nous ensemble ! Aimons-nous ! Afin d’être dans le Père, comme tu l’as dit en priant pour nous : “ Qu’ils soient un (ceux qui m’aiment), un seul cœur ! ” Voilà une parole de l’Evangile qui m’a toujours plongée dans un abîme d’adoration amoureuse. Qu’as-tu demandé là pour nous, ô mon divin Maître et Rédempteur ! Qu’as-tu demandé, ô mon divin fou d’amour ! Que nous ne fassions qu’un avec toi, avec le Père, avec l’Esprit Saint, puisque qui est en Un est dans les Trois, ô inséparable et pourtant libre Trinité du Dieu un et trine ! Béni, béni, béni sois-tu, de chacun de mes battements de cœur, de chacun de mes souffles…

       401.3 Mais reprenons la vision : je vois Pierre s’avancer d’un pas rapide, au point que ses vêtements s’agitent comme une voile remuée par le vent. Il est suivi de Barthélemy qui marche plus lentement. Il arrive à l’improviste derrière le Maître penché sur des bébés qu’il caresse, certainement les enfants des cueilleuses, installés sur leurs nattes à l’ombre des arbres.

       « Maître !

       – Simon, comment donc es-tu ici ? Et toi, Barthélemy ? Vous deviez partir demain soir après le crépuscule du sabbat…

       – Maître, ne nous fais pas de reproches… Ecoute-nous d’abord.

       – Je vous écoute. Et je ne vous fais pas de reproches, car je pense que c’est pour un motif grave que vous m’avez désobéi. Donnez-moi seulement l’assurance qu’aucun de vous n’est malade ou blessé.

       – Non, non, Seigneur, aucun mal ne nous est arrivé » s’empresse de dire Barthélemy.

       Mais Pierre, sincère et toujours impétueux, intervient :

       « Hum ! Moi, je dis qu’il vaudrait mieux que nous ayons tous la jambe cassée, et même la tête, plutôt que…

       – Que s’est-il donc passé ?

       – Maître, nous avons pensé qu’il valait mieux venir pour mettre fin à… » commence à dire Barthélemy, quand Pierre l’interrompt :

       – Parle, dépêche-toi ! »

       Et il achève :

       « Judas est devenu un démon, depuis que tu es parti. On ne pouvait plus parler, plus discuter. Il s’est disputé avec tout le monde… Et il a scandalisé les serviteurs d’Elise, et d’autres encore…

       – Peut-être est-il devenu jaloux parce que tu as pris Simon avec toi… » dit Barthélemy pour l’excuser en voyant que le visage de Jésus devient très sévère.

       Pierre intervient :

       « Bien sûr, de la jalousie ! Vas-tu finir de l’excuser ? Ou bien je me querelle avec toi pour me défouler de n’avoir pu le faire avec lui… Parce que, Maître, j’ai réussi à me taire ! Imagine-toi donc ! A me taire ! Justement par obéissance et par amour pour toi… Mais quel mal pour y arriver ! Bon ! A un moment où Judas s’est éloigné en claquant les portes, nous nous sommes consultés… Et nous avons pensé qu’il valait mieux partir pour mettre fin au scandale à Beth-Çur et… éviter de… de le gifler… J’ai aussitôt pris la route avec Barthélemy. J’ai prié les autres de me laisser partir sans tarder avant son retour… car… car je sentais que je ne me serais plus contenu… Voilà. J’ai parlé. Maintenant, fais-moi des reproches s’il te paraît que je me suis trompé.

       – Tu as bien fait. Vous avez tous bien fait.

       – Même Judas ? Ah ! non, mon Seigneur ! Ne dis pas cela ! Il a donné un indigne spectacle !

       – Non. Lui n’a pas bien agi. Mais toi, ne le juge pas.

       – …Non, Seigneur… »

       Le “ non ” a du mal à sortir.

       401.4 Après un temps de silence, Pierre demande :

       « Mais au moins, dis-moi pourquoi Judas a changé d’un seul coup ? Il semblait devenu si bon ! On était si bien ! J’avais fait des prières et des sacrifices pour que cela dure… Car je ne peux pas te voir affligé. Or tu es affligé quand nous agissons mal… Et depuis les Encénies, je sais que même le sacrifice d’une cuillerée de miel a de la valeur… Il a fallu que ce soit un disciple, le plus petit de tous, un pauvre enfant, qui m’enseigne cette vérité, à moi, ton stupide apôtre. Mais je ne l’ai pas négligée, car j’en ai vu le fruit. Moi aussi, malgré ma tête dure, j’ai compris quelque chose grâce à la lumière de la Sagesse qui s’est penchée avec bonté sur moi, qui est descendue jusqu’à moi, le grossier pêcheur, l’homme pécheur. J’ai compris qu’il ne faut pas seulement t’aimer en paroles, mais en sauvant les âmes pour toi par nos sacrifices. Et cela pour te donner de la joie, pour ne pas te voir comme tu es maintenant, ou comme tu étais au mois de Shebat. Tu es si pâle et si affligé, mon Maître et Seigneur que nous ne sommes pas dignes d’avoir, nous qui ne te comprenons pas, nous qui sommes des vers de terre à côté de toi, Fils de Dieu, de la fange à côté de toi, Etoile, des ténèbres à côté de toi, Lumière. Mais cela n’a servi à rien ! A rien ! C’est vrai. Mes pauvres offrandes… si pauvres… si mal faites… A quoi devaient-elles contribuer ? J’ai été orgueilleux de croire qu’elles pouvaient être utiles… Pardonne-moi. Mais je t’ai donné ce que j’avais. Je me suis offert pour te donner tout ce que je possède. Et je m’imaginais être justifié, parce que je t’ai aimé, mon Dieu, de tout mon être, de tout mon cœur, de toute mon âme, de toutes mes forces, comme il est dit. Et maintenant je comprends cela aussi, et je l’affirme comme le fait toujours Jean, notre ange, et je te prie (il s’agenouille aux pieds de Jésus) d’augmenter ton amour en ton pauvre Simon, pour augmenter mon amour pour toi, mon Dieu. »

       Pierre se penche pour baiser les pieds de Jésus et reste ainsi. Barthélemy qui a écouté avec admiration et assentiment, l’imite.

       « Relevez-vous, mes amis. Mon amour ne cesse de croître en vous et il grandira de plus en plus. Et soyez bénis pour le cœur que vous avez. 401.5 Quand les autres vont-ils arriver ?

       – Avant le crépuscule.

       – C’est bien. Jeanne aussi reviendra avant le crépuscule, accompagnée d’Elise et de Kouza. Nous passerons le sabbat ici, puis nous partirons.

       – Oui, Seigneur. Mais pourquoi Jeanne t’a-t-elle appelé d’une manière si pressante ? Ne pouvait-elle pas attendre ? Il était décidé que l’on venait ici ! Par son imprudence, elle a été cause de toute cette histoire !…

       – Ne lui fais aucun reproche, Simon-Pierre. Elle a agi par prudence et par amour. Elle m’a appelé parce qu’il y avait des âmes dont il fallait raffermir la bonne volonté.

       – Ah ! Alors je ne dis plus rien… Mais, Seigneur, pourquoi Judas a-t-il ainsi changé ?

       – N’y pense pas ! N’y pense pas ! Profite de cet Eden tout fleuri et paisible. Profite de ton Seigneur. Laisse et oublie l’humanité sous ses pires formes, dans les assauts qu’elle livre à l’âme de ton pauvre compagnon. Rappelle-toi seulement de prier pour lui, beaucoup. Venez. Allons trouver ces petits qui nous regardent avec étonnement. Je leur parlais de Dieu, il y a un instant, d’âme à âme, avec amour, et aux plus grands avec les beautés de Dieu… »

       Il prend par la taille ses deux apôtres et ils se dirigent vers un groupe d’enfants qui l’attendent.

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