Une initative de
Marie de Nazareth

Les conséquences néfastes d’un entretien de Judas avec Claudia

jeudi 26 avril 29
Béther

Vision de Maria Valtorta

       400.1 Jésus, suivi de Simon le Zélote qui tient par la bride l’âne monté par Elise, frappe à la porte du gardien de Béther. Ils n’ont pas pris la même route que la dernière fois et ils sont arrivés à la propriété de Jeanne par le petit village qui s’étale sur les pentes occidentales de la montagne sur laquelle s’élève le château.

       Le gardien, qui reconnaît le Seigneur, s’empresse d’ouvrir toute grande la grille qui est à côté de la conciergerie et donne accès au jardin qui précède l’habitation. Ici commence ce vrai lieu de rêve que sont les roseraies de Jeanne. Une odeur pénétrante de roses fraîches et d’essence de rose flotte dans l’air chaud du crépuscule et, quand la brise du soir venant de l’orient passe en faisant onduler les arbustes en fleurs, le parfum se fait encore plus pénétrant, plus frais, plus vrai, car il provient des coteaux plantés de rosiers et triomphe des lourdes senteurs qui proviennent d’un appentis bas et large appuyé contre le mur occidental de la propriété.

       Le gardien explique :

       « Ma maîtresse est là. Elle y vient chaque soir, à l’heure où se rassemblent ceux qui s’occupent de la cueillette et de l’essence. Elle leur parle, les interroge, les soigne, les réconforte. Ah ! Elle est bonne, notre maîtresse ! Elle l’a toujours été. Mais depuis qu’elle est ta disciple !… Je l’appelle tout de suite. C’est une période de gros travaux et les cueilleurs habituels ne suffisent pas à la tâche, bien qu’elle ait engagé depuis la Pâque de nouveaux serviteurs et de nouvelles servantes. Attends-moi, Seigneur…

       – Non, j’y vais moi-même. Que Dieu te bénisse et te donne la paix » dit Jésus en levant la main pour bénir le vieux gardien que, jusqu’alors, il a écouté patiemment.

       Après l’avoir quitté, il se dirige vers l’appentis.

       400.2 Mais le bruit des pas sur la terre dure du sentier fait lever la tête à Mathias, quelque peu curieux. L’enfant pousse un cri et se précipite dehors, les bras déjà ouverts et levés pour inviter à l’embrassement qu’il désire.

       « Jésus est là ! Jésus est là ! » s’écrie-t-il en courant.

       Il est déjà dans les bras du Seigneur qui lui donne un baiser, quand Jeanne s’avance au milieu de ses serviteurs.

       « Le Seigneur ! » s’écrie-t-elle à son tour, tombant à genoux pour le vénérer aussitôt de l’endroit où elle se trouve.

       Elle se prosterne puis se relève, avec un visage que l’émotion colore d’une teinte pourpre semblable aux pétales d’une rose épanouie. Puis elle vient à Jésus et se prosterne encore pour lui baiser les pieds.

       « Paix à toi, Jeanne. Tu voulais me voir ? Je suis venu. 

       – Je voulais te voir… Oui, Seigneur… »

       Jeanne devient pâle et sérieuse, et Jésus le remarque.

       « Lève-toi, Jeanne. Kouza se porte-t-il bien ?

       – Oui, mon Seigneur.

       – Et la petite Marie, que je ne vois pas ici ?

       – Elle aussi, Seigneur… Elle est allée avec Esther apporter des remèdes à un serviteur malade.

       – C’est pour ce serviteur que tu m’as appelé ?

       – Non, Seigneur… Pour… toi. »

       Jeanne, c’est bien visible, ne veut pas parler en présence de tous ceux qui les ont entourés. Jésus le comprend :

       « C’est bien. Allons voir tes rosiers…

       – Tu dois être épuisé, Seigneur… Tu as sûrement faim et soif…

       – Non. Nous nous sommes arrêtés pendant les heures chaudes dans une maison des bergers disciples. Je ne suis pas fatigué…

       – Dans ce cas, allons-y… Jonathas, tu prépareras tout ce qu’il faut pour le Seigneur et ses compagnons… Descends, Mathias… » ordonne-t-elle à l’intendant, qui se tient respectueusement près d’elle et à l’enfant qui s’est fait un nid dans les bras de Jésus et, caressant, tient sa petite tête brune dans le creux du cou de Jésus comme un tourtereau sous l’aile de son père. L’enfant soupire de peine, mais s’apprête à obéir.

       Mais Jésus dit :

       « Non. Il va venir avec nous et ne nous dérangera pas. Ce sera le petit ange devant lequel il ne peut y avoir d’actes ou d’entretiens scandaleux, et qui empêchera le moindre soupçon de naître dans les cœurs. Allons…

       – Maître, Elise et moi, nous entrons dans la maison ou bien veux-tu que nous restions près de toi ? demande Simon le Zélote.

       – Allez, vous aussi. »

       400.3 Jeanne conduit Jésus par une large allée qui traverse le jardin. Ils se dirigent vers les roseraies qui descendent et remontent les versants opposés qui constituent le domaine fleuri de la disciple. Et Jeanne continue. On dirait qu’elle veut vraiment s’isoler là où il ne se trouve que des rosiers, des arbres et des oiseaux dans les branches, qui se disputent une place pour dormir ou font un dernier tour à leurs nids.

       Les roses, ce soir encore en boutons entrouverts, et qui, épanouies demain, tomberont sous les ciseaux, exhalent un puissant parfum avant de se reposer sous la rosée. Ils s’arrêtent dans une petite vallée entre deux replis de terrain sur lesquels, d’un côté des roses carnées, et de l’autre des roses aussi rouges que des taches de sang en train de se coaguler, forment de riants festons. Il y a là un rocher qui peut servir de siège ou d’appui pour poser les paniers des cueilleurs. Dans l’herbe et sur ce rocher, des roses et des pétales froissés témoignent du travail de la journée.

       Jeanne, de sa main ornée de bagues, dégage le siège de ces débris et dit :

       « Assieds-toi, Maître. Je dois te parler… longuement. »

       Jésus s’assied et Mathias se met à courir çà et là sur l’herbe, jusqu’à ce qu’il s’intéresse grandement à la poursuite d’un gros crapaud venu chercher la fraîcheur du soir, et il s’éloigne en criant et en sautant de joie, allant et venant derrière le pauvre crapaud, jusqu’à ce qu’il soit distrait par le gîte d’un grillon dans lequel il se met à fouiller avec une petite brindille.

       « Jeanne, je suis ici pour t’écouter… Tu ne dis rien ? » demande Jésus après un moment de silence.

       Et il cesse d’observer l’enfant pour regarder la femme disciple qui se tient debout devant lui, sérieuse et muette.

       « Oui, Maître. Mais… c’est très difficile… et je crois que ce sera pénible à entendre…

       – Parle en toute simplicité et confiance… »

       400.4 Jeanne se laisse glisser sur l’herbe, et s’assied sur les talons un peu plus bas que Jésus qui, lui, est assis sur le rocher dans une pose austère et raide. Il est distant en tant qu’homme plus que s’il était séparé par plusieurs mètres et de nombreux obstacles, mais voisin en tant que Dieu et Ami grâce à la bonté du regard et du sourire. Et Jeanne le regarde longuement dans la douceur du crépuscule d’un soir de mai. Enfin, elle dit :

       « Mon Seigneur… avant de parler… j’ai besoin de t’interroger… de connaître ta pensée… de comprendre si je me suis toujours trompée sur le sens de tes paroles… Je suis une femme, une femme sotte… peut-être ai-je rêvé… Il est possible que je comprenne seulement maintenant… les choses comme tu les as dites, comme tu les as préparées, comme tu les veux pour ton Royaume… Peut-être Kouza a-t-il raison et moi tort…

       – Kouza t’a fait des reproches ?

       – Oui et non, Seigneur. Il m’a seulement dit, au nom de sa puissance maritale, que si ce que les derniers faits laissent croire est exact, je dois te quitter. Car lui, un dignitaire d’Hérode, ne peut permettre que son épouse conspire contre le Tétrarque.

       – Et quand donc as-tu été conspiratrice ? Qui pense à nuire à Hérode ? Son pauvre trône si sordide ne vaut pas ce siège au milieu des rosiers. Je m’assieds ici, mais je ne m’assiérai pas sur son siège. Que Kouza se rassure ! Ni le trône d’Hérode, ni même celui de César ne me font envie. Ce ne sont pas les miens et ce ne sont pas mes royaumes.

       – Ah ! c’est vrai, Seigneur ? Béni es-tu ! Quelle paix tu me donnes ! Cela fait des jours que j’en souffre ! Mon Maître, saint et divin, mon cher Maître, mon Maître de toujours, tel que je t’ai compris, vu, aimé, auquel j’ai cru, si élevé au-dessus de la terre, si… si divin, ô mon Seigneur et Roi céleste ! »

       Jeanne saisit la main de Jésus et en baise respectueusement le dos, en restant à genoux comme en adoration.

       « Mais que s’est-il donc passé ? Une chose que j’ignore, capable de te troubler ainsi, de brouiller en toi la limpidité de ma figure morale et spirituelle ? Parle !

       – Quoi ? Maître, les fumées de l’erreur, de l’orgueil, de la cupidité, de l’entêtement se sont élevées comme de puants cratères et ont brouillé ton image dans la pensée de certains, de certaines… et ont essayé d’en faire autant en moi. Mais moi, je suis ta Jeanne, ta grâce, mon Dieu ! Et je ne me serais pas perdue. Du moins je l’espère, sachant combien le Seigneur est bon. Mais celui qui n’a qu’un embryon d’âme qui lutte pour se former, peut mourir des suites d’une déception. L’homme qui essaie de sortir d’une mer boueuse, troublée par des courants violents, pour gagner le rivage et le port, se purifier et connaître d’autres lieux de paix, de justice, peut être vaincu par la fatigue s’il perd la confiance en ce rivage, en ces lieux, et il peut se laisser reprendre par les courants, par la fange. Or moi, j’étais affligée, torturée, par cette ruine des âmes, pour lesquelles j’implore ta lumière. Les âmes que nous formons pour la lumière éternelle nous sont encore plus chères que les corps que nous donnons à la lumière terrestre. Je comprends maintenant ce que signifie être mère d’une chair et être mère d’une âme. On pleure pour notre petit enfant qui est mort, mais c’est seulement notre propre douleur. Pour une âme que nous avons essayé de faire grandir dans ta lumière et qui meurt, nous ne souffrons pas pour nous seuls, mais avec toi, avec Dieu… car notre peine devant la mort spirituelle d’une âme est aussi ta douleur, l’infinie douleur de Dieu… Je ne sais pas si je m’explique bien…

       – Oh ! très bien. 400.5 Mais fais un récit ordonné, si tu veux que je te console.

       – Oui, Maître. Tu as envoyé à Béthanie Simon le Zélote et Judas de Kérioth, n’est-ce pas ? Pour cette jeune fille hébraïque que les Romaines t’ont donnée et que tu as confiée à Nikê…

       – Oui. Eh bien ?…

       – Elle a voulu saluer ses bonnes maîtresses, et Simon et Judas l’ont accompagnée à l’Antonia. Tu sais cela ?

       – Oui. Et alors ?

       – Maître… je dois te faire de la peine… Maître, tu n’es vraiment qu’un Roi de l’esprit ? Tu ne penses pas à quelque royaume terrestre ?

       – Mais non, Jeanne ! Comment peux-tu encore penser cela ?

       – Maître, pour avoir la joie de te voir une fois de plus divin, seulement divin. Mais précisément parce que tu l’es, je dois te faire de la peine… Maître, l’homme de Kérioth ne te comprend pas, et il ne comprend pas celle qui te respecte comme un sage, comme un grand philosophe, comme une Vertu sur la terre, mais t’admire et se fait ta protectrice pour cette seule raison. Il est étrange que des païennes saisissent ce que ne saisit pas un de tes apôtres, après être resté si longtemps en ta compagnie…

       – Il est aveuglé par l’humanité, l’amour humain.

       – Tu l’excuses… Mais il te nuit, Maître. Pendant que Simon parlait avec Plautina, Lydia et Valéria, Judas s’est entretenu avec Claudia en ton nom, comme ton ambassadeur. Il voulait lui arracher des promesses pour une restauration du royaume d’Israël. Claudia l’a longuement interrogé… Lui a beaucoup parlé. Il pense certainement être parvenu au seuil de son rêve fou, là où le rêve se change en réalité. Maître, Claudia en est indignée. C’est une fille de Rome… Elle a l’empire dans le sang… Comment veux-tu qu’elle, justement elle, une descendante de la gens Claudia, marche contre Rome ? Elle en a été si profondément choquée qu’elle a douté de toi et de la sainteté de ta doctrine. Elle ne peut encore concevoir, comprendre la sainteté de ton origine… Mais elle y arrivera, parce qu’elle y met de la bonne volonté, et lorsqu’elle sera rassurée sur ton compte. Pour l’instant, tu lui sembles être un rebelle, un usurpateur, avide, faux… Plautina et les autres ont essayé de la tranquilliser… Mais elle veut de toi une réponse immédiate.

       400.6 – Dis-lui de ne pas craindre. Je suis le Roi des rois, Celui qui les crée et qui les juge, mais je n’aurai pas d’autre trône que celui de l’Agneau, d’abord immolé, ensuite triomphant au Ciel. Fais-le-lui savoir sans tarder.

       – Oui, Maître. Je vais y aller personnellement avant qu’elles ne quittent Jérusalem, car Claudia est tellement scandalisée qu’elle ne restera pas davantage à l’Antonia… pour ne pas… voir les ennemis de Rome, à ce qu’elle dit.

       – Qui t’a rapporté cela ?

       – Plautina et Lydia. Elles sont venues… Kouza était présent… et depuis… il m’a posé ce dilemme : soit tu es le Messie spirituel, soit je te quitte pour toujours. »

       Jésus, qui a pâli de douleur au récit de Jeanne, a un sourire las et demande :

       « Kouza ne vient-il pas ici ?

       – Demain, c’est le sabbat, et il sera présent.

       – Je le rassurerai donc moi-même. N’aie pas peur. Que personne ne craigne : ni Kouza pour sa place à la Cour, ni Hérode devant d’éventuelles usurpations, ni Claudia par amour pour Rome, ni toi par peur de t’être trompée, de devoir être séparée… Que personne ne craigne… Moi seul, je dois redouter… et souffrir…

       – Maître, j’aurais voulu ne pas te peiner. Mais garder le silence aurait été une tromperie… Comment te comporteras-tu avec Judas ? J’appréhende ses réactions… pour toi, toujours pour toi…

       – Avec vérité. Je lui ferai comprendre que je connais et que je désapprouve son acte et son obstination.

       – Il me haïra, car il comprendra que c’est par moi que tu le sais…

       – Tu en souffres ?

       – Ta haine serait pour moi une douleur, mais pas la sienne. Je suis une femme, mais plus virile que lui quand il s’agit de te servir. Je te sers parce que je t’aime, non pour obtenir de toi des honneurs. Si demain, à cause de toi, je perdais mes richesses, l’amour de mon époux et même la liberté et la vie, je ne t’en aimerais que davantage, car alors, je n’aurais que toi à aimer et pour m’aimer » dit Jeanne impétueusement en se levant.

       400.7 Jésus se lève lui aussi :

       « Sois bénie, Jeanne, pour cette parole. Et reste en paix. Ni la haine ni l’amour de Judas ne peuvent changer ce qui est écrit dans le Ciel. Ma mission sera accomplie comme c’est décidé. N’aie aucun remords, jamais. Sois tranquille comme le petit Mathias qui, après avoir travaillé à faire une maison — selon lui plus belle — à son grillon, s’est endormi le front sur des pétales de roses et sourit… en croyant l’avoir sur les roses. Car la vie est belle quand on est innocent. Moi aussi, je souris, même si ma vie humaine n’a pas de fleurs, mais des pétales effeuillés, fanés. Mais au Ciel, j’aurai toutes les roses des sauvés… Viens, la nuit tombe. Bientôt nous n’allons plus voir le sentier. »

       Jeanne va prendre l’enfant dans ses bras.

       « Laisse-moi faire… Je le prends. Regarde comme il sourit ! il rêve sûrement au Ciel, à sa maman, et à toi… Moi aussi, dans mes peines de toutes les heures, je rêve au Ciel, à Maman et aux bonnes disciples. »

       Et, lentement, ils se dirigent vers la maison…

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