Une initative de
Marie de Nazareth

La mère d’Annalia et les rencontres à Jérusalem

jeudi 15 mars 29
Jérusalem

Vision de Maria Valtorta

       368.1 Je ne vois pas la distribution de la nourriture aux lépreux d’Hinnon, et j’en entends seulement parler. Mais il ne me semble pas qu’il y ait eu des miracles parmi eux, car Simon-Pierre dit :

       « Leur atroce solitude ne leur a pas donné la grâce de croire et de savoir où est le Salut. »

       Ensuite, la ville les accueille par la porte qui donne accès au bruyant et populeux faubourg d’Ophel.

       Après quelques mètres, Annalia bondit joyeusement par une porte entrouverte et vénère le Maître en disant :

       « J’ai la permission de ma mère, Seigneur, de rester avec toi jusqu’au soir.

       – Cela ne déplaira-t-il pas à Samuel ?

       – Il n’y a plus de Samuel dans ma vie, Seigneur. Que le Très-Haut en soit remercié et m’accorde seulement de ne pas te quitter, toi mon Dieu, comme mon fiancé m’a quittée. »

      Sa bouche juvénile sourit héroïquement alors qu’une larme brillante resplendit dans son regard pudique.

       Jésus la regarde fixement et lui dit pour toute réponse :

       « Rejoins tes sœurs, les disciples. »

       Et il reprend sa route. Mais la vieille mère d’Annalia, abattue par la souffrance plus que par l’âge, s’approche à son tour et salue, toute courbée par le respect et l’accablement. Elle dit :

       « Paix à toi, Maître. Quand pourrais-je te parler ? J’ai tant d’ennuis !

       – Maintenant, femme. »

       Et, s’adressant à ceux qui se trouvent là, il ordonne :

       « Restez dehors. Moi, j’entre un instant dans cette maison. »

       Au moment où il va s’éloigner derrière la femme, Annalia, du groupe des femmes disciples, le rappelle d’un seul mot :

       « Maître ! »

       Mais que n’y a-t-il pas dans ce simple mot ! En le prononçant, elle joint les mains comme pour supplier…

       « Ne crains rien. Reste en paix. Ta cause est entre mes mains, ainsi que ton secret » dit Jésus pour la rassurer.

       Puis il entre vivement par la porte entrouverte.

       Au-dehors, on commente le fait, et la curiosité des hommes rivalise avec celle des femmes pour savoir… savoir… savoir…

       368.2 A l’intérieur, on écoute et on gémit. Les épaules appuyées contre la porte qu’il a fermée de lui-même dès son entrée, les bras croisés sur la poitrine, Jésus écoute la mère de la jeune fille lui parler, en pleurant, de l’inconstance du fiancé qui a choisi un prétexte pour se libérer de tout lien….

       « Annalia est donc dans la même situation qu’une femme répudiée, et elle ne pourra plus se marier. En effet, elle a déclaré que tu n’approuves pas que l’on se marie après une répudiation. Mais ce n’est pas son cas. C’est encore une jeune fille ! Elle ne se vend pas à un autre homme, puisqu’elle n’a appartenu à aucun. Et lui est coupable de cruauté, et plus que cela : il veut faire un autre mariage, mais ce sera ma fille qui paraîtra coupable, et elle sera la risée de tous. Occupe-t’en, Seigneur, car c’est à cause de toi que cela arrive.

       – A cause de moi, femme ? En quoi ai-je péché ?

       – Oh ! tu n’as pas péché, mais Samuel dit qu’Annalia t’aime. Et il simule la jalousie. Hier soir, il est venu, or elle était chez toi. Il est entré en furie et a juré qu’il n’en voulait plus pour épouse. Arrivant alors, Annalia lui a répondu : “ Tu fais bien. Je ne regrette qu’une chose : que tu cherches à revêtir la vérité de mensonge et de calomnie. Tu sais que l’on n’aime Jésus qu’avec son âme. Mais c’est ton âme qui est maintenant corrompue, et elle quitte la Lumière pour la chair, alors que je quitte la chair pour la Lumière. Nous ne pourrions plus être une seule pensée comme deux époux doivent l’être. Va donc, et que Dieu veille sur toi. ” Pas une larme, tu comprends ? Rien qui ait touché le cœur de l’homme ! Mes espérances sont déçues ! Elle… ah ! certainement par légèreté, cause sa propre ruine. 368.3Appelle-la, Seigneur. Parle-lui. Ramène-la à la raison. Va chercher Samuel. Il est chez Abraham son parent, dans la troisième maison après la fontaine du figuier. Aide-moi ! Mais d’abord, adresse-toi à Annalia, tout de suite…

       – Pour ce qui est de parler, je parlerai. Mais tu devrais remercier Dieu qui délie un lien humain, dont on voit bien qu’il ne méritait aucune confiance. Cet homme est inconstant et injuste envers Dieu et envers sa femme…

       – Oui, mais il est atroce que le monde la croie coupable, rt te croie coupable, uniquement parce qu’elle est pour toi une disciple.

       – Le monde accuse et puis oublie. Le Ciel, au contraire, est éternel. Ta fille sera une fleur du Ciel.

       – Alors pourquoi l’as-tu fait vivre ? Elle aurait été une fleur sans devoir subir la lapidation des calomnies. Oh, toi qui es Dieu, appelle-la, ramène-la à la raison, puis fais réfléchir Samuel…

       – Souviens-toi, femme, que Dieu lui-même ne peut violer la liberté de l’homme et sa volonté. Samuel et ta fille ont le droit de suivre ce qu’ils pensent être bon pour eux, et Annalia tout particulièrement…

       – Mais pourquoi ?

       – Parce que, plus que par Samuel, elle est aimée de Dieu. Parce que, plus que Samuel, elle donne de l’amour à Dieu. Ta fille appartient à Dieu !

       – Non, en Israël, cela n’existe pas. La femme doit être une épouse… Elle est à moi, ma fille… Son mariage m’apportait la paix pour l’avenir…

       – Sans mon intervention, ta fille serait au tombeau depuis un an. Qui suis-je pour toi ?

       – Le Maître et Dieu.

       – Et comme Dieu et comme Maître, j’affirme que le Très-Haut a plus que tout autre des droits sur ses enfants, et qu’il va y avoir beaucoup de changements dans la Religion ; dorénavant, il sera possible aux vierges de le rester éternellement pour l’amour de Dieu. 368.4 Ne pleure pas, mère ! Quitte ta maison et viens avec nous, aujourd’hui. Viens ! Au-dehors, se trouvent ma Mère et les autres mères héroïques qui ont donné leurs enfants au Seigneur. Unis-toi à elles…

       – Parle à Annalia… Essaie, Seigneur ! gémit la femme en sanglotant.

       – Bon. Je vais faire ce que tu veux » dit Jésus.

       Et, ouvrant la porte, il appelle sa Mère et Annalia. Elles s’approchent rapidement et entrent.

       « Mon enfant, ta mère désire que je te conseille de réfléchir encore. Elle veut que je parle à Samuel. Que dois-je faire ? Quelle réponse me donnes-tu ?

       – Adresse-toi donc à Samuel. Je te supplie même, moi aussi, de le faire, mais seulement parce que je souhaite qu’en t’entendant, il devienne juste. En ce qui me concerne, tu sais ce qu’il en est. Je te prie de donner à ma mère la réponse la plus vraie.

       – Tu entends, femme ?

       – Quelle est donc sa réponse ? demande d’une voix brisée la femme qui, aux premières paroles de sa fille, croyait à son regret, et qui a ensuite compris que ce n’était pas le cas.

       – Voici sa réponse : depuis un an, ta fille appartient à Dieu, et son vœu est perpétuel, pour la durée de la vie.

       – Ah ! pauvre de moi ! Quelle mère est plus malheureuse que moi ! »

       Marie lâche la main de la jeune fille pour embrasser la femme et lui dire doucement :

       « Ne pèche pas en pensée et en paroles. Ce n’est pas un malheur que de donner à Dieu un enfant, mais une gloire bien grande. Tu m’as confié un jour que tu souffrais de n’avoir eu qu’une fille, car tu aurais aimé avoir un garçon consacré au Seigneur. Ce n’est pas un garçon, mais un ange que tu as, un ange qui précédera le Sauveur dans son triomphe. Et tu veux te dire malheureuse ? Ma mère m’a consacrée spontanément au Seigneur dès le premier battement qu’elle a perçu dans son sein, moi qu’elle avait conçue tardivement. Elle ne m’a gardée que trois ans. Et moi, je ne l’ai possédée que dans mon cœur. Ce fut néanmoins sa paix, au moment de sa mort, de m’avoir donnée à Dieu… Allons, viens au Temple chanter les louanges de Celui qui t’a aimée au point de choisir ta fille pour épouse. Aie dans ton cœur une véritable sagesse : or la vraie sagesse, c’est de ne pas mettre de limites à sa générosité envers le Seigneur. »

       La femme ne pleure plus, elle écoute… Puis elle se décide. Elle prend son manteau et s’en entoure. Mais en passant devant sa fille, elle soupire :

       « D’abord la maladie, puis le Seigneur… Ah ! je ne devais pas te posséder…

       – Non, maman. Ne dis pas cela ! Jamais tu ne m’as possédée comme maintenant. Toi et Dieu, Dieu et toi, vous seuls, jusqu’à la mort… »

       Et elle l’embrasse doucement en lui demandant :

       « Une bénédiction, mère ! Une bénédiction… parce que j’ai tant souffert de devoir te faire de la peine. Mais je suis ce que Dieu voulait… »

       Elles s’embrassent en pleurant. Puis elles sortent, précédées de Jésus et de Marie, et ferment la maison pour se joindre aux femmes disciples…

       368.5 …« Pourquoi entrons-nous par ici, Seigneur ? Ne valait-il pas mieux entrer de l’autre côté ? demande Jacques, fils de Zébédée.

       – Parce que, en prenant par ici, nous passons devant l’Antonia.

       – Et tu espères… Fais attention, Maître !… Le Sanhédrin t’espionne, dit Thomas.

       – Comment le sais-tu ? demande Barthélemy.

       – Il suffit de réfléchir à l’intérêt des pharisiens pour comprendre. Vous me dites qu’avec mille excuses, ils viennent continuellement surveiller ce que nous faisons ! Dans quel but, si ce n’est pour prendre le Maître en faute ?

       – Tu as raison. Alors, Maître, ne passons pas par l’Antonia. Si les Romains ne te voient pas, tant mieux.

       – Mais cette bonne raison est moins due à quelque préoccupation pour moi qu’à ton mépris pour eux, n’est-ce pas, Barthélemy ? Comme tu serais plus sage si tu ôtais de ton cœur ces misères ! » répond Jésus qui poursuit sa route sans écouter personne.

       Pour aller à l’Antonia, ils doivent passer par le Siste où se trouvent le palais de Jeanne et celui d’Hérode, peu éloignés l’un de l’autre. Jonathas se tient à la porte du palais de Kouza et, dès qu’il voit Jésus, il le signale à ceux de la maison. Kouza sort aussitôt et s’incline. Jeanne le suit, déjà prête à rejoindre le groupe des femmes disciples.

       Kouza prend la parole :

       « J’ai appris que tu es aujourd’hui chez Jeanne. Accorde à ton serviteur de t’avoir comme hôte dans un banquet.

       – Oui, mais à condition que tu me permettes d’en faire un banquet de charité pour les pauvres et les malheureux.

       – Comme tu veux, Seigneur. Ordonne et je ferai ce que tu désires.

       – Merci. Que la paix soit avec toi, Kouza. »

       Jeanne demande :

       « As-tu des ordres pour Jonathas ? Il est à ta disposition.

       – Je les donnerai après être passé au Temple. Allons, parce que nous sommes attendus. »

       Les voilà bientôt à proximité du beau et cruel palais d’Hérode. Mais il est fermé comme s’il était inhabité. Ils longent l’Antonia. Les soldats regardent passer le petit cortège du Nazaréen.

       368.6 Ils entrent dans le Temple ; et alors que les femmes s’arrêtent à la partie inférieure, les hommes continuent vers le lieu qui leur est réservé.

       Ils arrivent à l’endroit où les enfants sont présentés et les femmes purifiées. Un petit groupe de gens accompagne une jeune mère et s’arrête pour observer les cérémonies rituelles.

       « Un enfant consacré au Seigneur, Maître ! dit André qui contemple la scène.

       – Si je ne me trompe, c’est la femme de Césarée de Philippe, celle du château. Elle est passée devant moi pendant que nous t’attendions à la porte Dorée, dit Jacques, fils d’Alphée.

       – Oui. Il y a aussi sa belle-mère et l’intendant de Philippe. Ils ne nous ont pas vus, mais, nous, nous les avons vus » renchérit Jude.

       Et Matthieu ajoute :

       « Nous deux, d’autre part, nous avons vu Marie, femme de Simon, avec un vieil homme. Mais Judas n’y était pas. Elle semblait très triste. Elle regardait autour d’elle avec anxiété.

       – Nous la chercherons plus tard. Maintenant, prions. Et toi, Simon, fils de Jonas, fais l’offrande au Trésor pour tout le monde. »

       Ils prient longuement, très remarqués par les gens qui se montrent le Maître les uns aux autres.

       368.7 Une brève altercation, où domine la note aiguë d’une voix féminine, fait tourner la tête à ceux qui prient avec moins de recueillement.

       « Si je suis venue ici pour offrir un garçon à Dieu, je peux rester un peu pour l’offrir à Celui qui l’a sauvé pour le Seigneur » dit la voix aiguë.

       Et des voix nasales d’hommes insistent :

       « Il n’est pas permis à une femme de rester ici après la cérémonie rituelle. Va-t’en.

       – Je vais partir, mais derrière lui.

       – Alors, appelle-le et sors avec lui.

       – Doucement ! Doucement ! Laissez la femme parler : qu’elle dise comment elle peut prétendre que le Nazaréen a sauvé l’enfant pour Dieu, dit une voix traînante d’homme.

       – En quoi cela t’intéresse-t-il, Jonathas, fils d’Uriel ?

       – Si cela m’intéresse ? Il y a certainement là un nouveau péché, une nouvelle preuve. Ecoute-moi, femme. Comment cet individu a-t-il sauvé ton fils ? Veux-tu le dire à ceux qui cherchent avec ardeur la vérité ? demande d’un ton mielleux ce pharisien que j’ai déjà vu.

       – Oh, oui ! C’est avec reconnaissance que j’en parle. J’étais désespérée parce que l’enfant était mort-né. Je suis veuve, et cet enfant est tout pour moi. Le Maître est venu et il lui a donné la vie.

       – Quand ? Où ?

       – A Césarée de Philippe. Je suis au château de Césarée.

       – La vie ! Sans doute une défaillance de l’enfant…

       – Non. Il était mort. Ma mère peut le dire, et aussi l’intendant du château. Le Sauveur est venu, il lui a soufflé dans la bouche, et le bébé a remué et vagi.

       – Et toi, où étais-tu ?

       – Au lit, Seigneur. J’avais à peine accouché.

       – Quelle horreur !

       – Quel anathème !

       – Impureté !

       – Sacrilège !

       – Vous voyez bien que j’avais raison de l’interroger !

       – Tu es sage, Jonathas, fils d’Uriel ! Comment as-tu deviné ?

       – Je connais l’homme. Je l’ai vu violer le sabbat sur mes terres de la plaine pour rassasier sa faim.

       – Chassons-le d’ici !

       – Allons rapporter l’abomination aux Princes des prêtres.

       – Non. Demandons-lui s’il s’est purifié. Nous ne pouvons l’accuser sans savoir…

       – Tais-toi, Eléazar. Ne te souille pas par une sotte défense. »

       Au milieu de cette scène, la jeune Dorca, cause de cette bagarre, éclate en sanglots et s’écrie :

       « Ah ! ne lui faites pas de mal à cause de moi ! »

       368.8 Mais quelques forcenés ont rejoint le Seigneur et lui disent d’un ton autoritaire :

       « Viens ici et réponds. »

       Les apôtres et les disciples s’agitent de colère et de crainte. Jésus, calme et solennel, suit celui qui l’appelle.

       « Reconnais-tu cette femme ? crient-ils en le poussant au milieu du cercle qui s’est formé autour de Dorca, qu’ils montrent du doigt comme si elle était lépreuse.

       – Oui, c’est une jeune mère qui est veuve, de Césarée de Philippe. Cette autre femme est sa belle-mère, et cet homme, l’intendant du château. Eh bien ?

       – Elle t’accuse d’être entré chez elle pendant qu’elle accouchait.

       – Ce n’est pas vrai, Seigneur ! Je n’ai pas dit cela. J’ai dit que tu as ranimé mon fils. Rien d’autre ! Je voulais te faire honneur, et je te fais du mal. Ah ! pardon, pardon !  »

       L’intendant de Philippe vient à son secours :

       « Ce n’est pas vrai. Vous mentez. La femme n’a pas dit cela, et j’en suis témoin. Je suis prêt à le jurer, et aussi que le Rabbi n’est pas entré dans la pièce, mais que c’est du seuil qu’il a opéré ce miracle.

       – Tais-toi, serviteur.

       – Non, je ne me tairai pas ! Et je le rapporterai à Philippe, qui vénère le Rabbi plus que vous, faux dévots du Dieu très-haut. »

       L’altercation glisse de la femme au terrain religieux et politique. Jésus se tait. Dorca pleure.

       368.9 Eléazar, l’hôte juste du banquet chez Ismaël, intervient :

       « Je crois que le doute est éclairci. L’accusation tombe, et le Rabbi, justifié, est libre d’aller où il veut.

       – Non. Je veux savoir s’il s’est purifié d’avoir touché le mort. Qu’il le jure sur Yahvé ! crie Jonathas, fils d’Uriel.

       – Je ne me suis pas purifié car l’enfant n’était pas mort, mais il avait du mal à respirer.

       – Ah ! cela t’arrange maintenant de dire qu’il n’est pas ressuscité, hein ! s’écrie un pharisien.

       – Pourquoi ne t’en vantes-tu pas, comme tu l’as fait à Cédés ? demande un autre.

       – Mais ne perdons pas notre temps à parler ! Chassons-le et transmettons au Sanhédrin cette nouvelle accusation. Cela en fait un paquet !

       – Quelles sont les autres ? demande Jésus.

       – Les autres ? Et d’avoir touché une lépreuse sans te purifier ? Peux-tu le nier ? Et d’avoir blasphémé à Capharnaüm, au point que les plus justes t’ont abandonné ? Peux-tu le nier ?

       – Je ne nie rien. Mais je suis sans péché. En effet, Sadoq, toi qui m’accuses, tu sais par le mari d’Anastasica qu’elle n’était pas lépreuse ; tu le sais, toi, l’entremetteur de l’adultère de Samuel, toi qui as menti devant tout le monde avec lui, pour favoriser la débauche d’un homme dégoûtant en qualifiant de lépreuse celle qui ne l’était pas, et en condamnant une femme à cette torture qu’est le fait d’être traité de “ lépreux ” en Israël, uniquement parce que tu es complice du mari coupable. »

       Le scribe Sadoq, l’un de ceux qui se trouvaient à Giscala, puis à Cédés, frappé de plein fouet, s’esquive sans rien dire. Les gens le poursuivent de leurs railleries.

       « Silence ! Ce lieu est sacré » dit Jésus.

       Il ordonne à la femme et à ceux qui l’accompagnent :

       « Allez, venez avec moi là où je suis attendu. »

       Et il s’éloigne, sévère et majestueux, suivi de ses disciples.

       368.10 Pendant ce temps, la femme, interrogée par plusieurs, ne cesse de raconter, en répétant à chaque fois :

       « Mon fils lui appartient, et je le lui consacre. »

       De son côté, l’intendant s’approche de Jésus :

       « Maître, j’ai raconté ce miracle à Philippe. Il m’a envoyé te dire qu’il t’aime. Aie recours à lui lors des embûches d’Hérode… et des autres. Mais il voudrait te voir lui aussi et t’entendre. Ne viendrais-tu pas aujourd’hui chez lui ? Il te garderait volontiers, même dans la Tétrarchie.

       – Je ne suis pas un histrion, ni un mage. Je suis le Maître de la vérité. Qu’il vienne à la vérité, et je ne le repousserai pas. »

       Les voilà dans la cour des femmes.

       « Le voilà ! Le voilà ! » disent les femmes disciples à Marie, qui s’inquiète du retard.

       Ils se réunissent, et Jésus voudrait congédier ceux de Césarée pour aller à la recherche de Marie, mère de Judas, mais Dorca s’agenouille et lui dit :

       « Je t’ai cherché avant elle, avant celle que tu cherches et qui est la mère d’un disciple. Je t’ai cherché pour te dire : “ Ce fils t’appartient. Fils unique, je te le consacre. Tu es le Dieu Vivant. Qu’il soit ton serviteur.”

       – Sais-tu ce que cela signifie ? Cela veut dire consacrer ton fils à la souffrance, le perdre comme mère et l’avoir comme martyr au Ciel. Es-tu capable d’être martyre en ton enfant ?

       – Oui, mon Seigneur. Sa mort aurait fait de moi une martyre, et d’un martyre de pauvre mère. Je le serai pour toi, d’une manière parfaite, agréable au Seigneur.

       – Qu’il en soit ainsi ! 368.11 Oh ! Marie, femme de Simon, quand es-tu arrivée ?

       – A l’instant. Avec Ananias, mon parent… Moi aussi, je te cherchais, Seigneur…

       – Je sais. J’ai envoyé Judas te dire de venir. N’est-il pas arrivé ? »

       La mère de Judas baisse la tête et murmure :

       « Je suis sortie tout de suite après lui pour me rendre à Gethsémani. Mais tu étais parti de là ! J’ai couru au Temple… Maintenant je te trouve… à temps pour entendre cette enfant, déjà mère, et si heureuse ! Ah ! comme je voudrais pouvoir parler ainsi, Seigneur, et d’un Judas nouveau-né… doux, doux… comme l’un de ces agneaux… »

       Elle montre en pleurant les agneaux bêlants qui marchent vers le sacrificateur. Elle s’enveloppe dans son manteau pour cacher ses larmes.

       « Viens avec moi, mère. Nous parlerons chez Jeanne. Ici, ce n’est pas l’endroit qui convient. »

       Les femmes prennent avec elles Marie, mère de Judas, tandis que son parent Ananias se mêle aux disciples. Dorca et sa belle-mère rejoignent elles aussi les femmes, tandis que Marie, femme d’Alphée, et Salomé en s'extasiant cajolent le bébé.

       Ils se dirigent vers la sortie. Mais avant d’y arriver, un esclave romain apporte à Jeanne une tablette de cire. Elle la lit et lui dit :

       « Tu diras que oui. Dans l’après-midi, chez moi, au palais. »

       Puis c’est le cri de Jaia et de sa mère à la vue du Sauveur :

       « Le voilà, le voilà, celui qui donne la lumière ! Béni sois-tu, Lumière de Dieu ! »

       Ils sont le front contre terre, heureux. Les gens se pressent, interrogent, comprennent, crient des hosannas. C’est ensuite le vieux Matthias, l’homme qui, une nuit de tempête, a hébergé Jésus et ses disciples près de Jabès Galaad, qui vénère et bénit Jésus.

       Puis vient le tour du grand-père de Marziam et des autres paysans auxquels Jésus, après avoir parlé à Jeanne, dit : “ Venez avec moi ”, comme il l’a déjà dit à Dorca, à Jaia, à Matthias.

       368.12 Mais, près de la porte Dorée, voici Marc, fils de Josias, le disciple traître, qui discute avec animation avec Judas. Celui-ci voit venir le Maître et avertit son interlocuteur. Quand celui-ci se retourne, Jésus est déjà derrière lui. Leurs regards se croisent. Quel regard a le Christ ! Mais l’autre est désormais sourd à tout pouvoir saint. Pour fuir plus vite, il repousse presque Jésus contre une colonne et Jésus, pour toute réaction, dit :

       « Marc, arrête-toi. Par pitié pour ton âme et pour ta mère !

       – Satan ! lance l’autre, en s’en allant.

       – Horreur ! » s’écrient les disciples. « Maudis-le, Seigneur ! »

       Et le premier à le dire, c’est Judas.

       « Non. Je ne serais plus Jésus… Allons.

       – Mais comment, comment a-t-il pu devenir ainsi ? Il était si bon ! s’interroge Isaac, qui paraît transpercé par une flèche, tant il est affligé du changement de Marc.

       – C’est un mystère. Une chose inexplicable ! » disent plusieurs.

       Judas intervient :

       « Oui. Je le faisais parler : une véritable hérésie ! Mais comme il l’explique bien ! Il vous persuade presque. Il n’était pas si sage quand il était juste.

       – Tu devrais dire qu’il n’était pas si fou, quand il était possédé près de Gamla ! » dit Jacques, fils de Zébédée.

       Jean demande :

       « Pourquoi, Seigneur, te nuisait-il moins quand il était possédé que maintenant ? Ne pourrais-tu pas le guérir, pour qu’il ne te porte pas tort ?

       – Parce que, maintenant, il a accueilli en lui un démon ingénieux. C’était d’abord une auberge prise de force par une légion de démons, mais il ne consentait pas à les loger. Maintenant, sa raison a voulu Satan, et Satan a mis en lui une force démoniaque intelligente. Contre cette seconde possession, je ne puis rien. Je devrais violenter la libre volonté de l’homme.

       – Tu souffres, Maître ?

       – Oui. Ce sont mes angoisses… mes défaites… Et je m’en afflige, car ce sont des âmes qui se perdent. Cela seulement me peine, non pas le mal qu’ils me font, à moi. »

       368.13 Ils se sont arrêtés pour attendre que le chemin soit dégagé d’un engorgement d’hommes et de montures, et ils se trouvent tous groupés. Le regard de la mère de Judas est si perçant que son fils lui demande :

       « Mais, enfin, qu’as-tu ? Est-ce la première fois que tu vois mon visage ? En vérité, tu es malade et je dois te faire soigner…

       – Je ne suis pas malade, mon fils ! Et ce n’est pas la première fois que je te vois !

       – Alors ?

       – Alors… rien. Je voudrais seulement que tu ne mérites jamais ces paroles du Maître.

       – Moi, je ne l’abandonne pas et je ne l’accuse pas. Je suis son apôtre, moi ! »

       Ils reprennent la route jusqu’à ce que Jésus s’arrête pour saluer Jeanne et les femmes disciples qui vont avec elle dans son palais. Les hommes, de leur côté, vont tous à Gethsémani.

       « Nous pouvions tous nous rendre là-bas. J’aurais voulu entendre ce que disait Elise, grommelle Pierre.

       – Tu le sauras. Car c’est aujourd’hui seulement qu’elle apprendra, et par moi, que je lui confie Anastasica.

       – Et le repas, ce soir ?

       – Oui. J’ai dit à Jeanne ce qu’elle doit faire.

       – Qu’est-ce qu’elle doit faire ? Quand le lui as-tu dit ? demandent plusieurs.

       – Vous le verrez. Avant de la quitter, pendant que je la saluais. Dépêchons-nous pour être de bonne heure dans le jardin de Jeanne.

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