Une initative de
Marie de Nazareth

Dans la cabane de Matthias

Mardi 27 février 29
Jabès Galaad

Vision de Maria Valtorta

       359.1 La vallée profonde et boisée où s’élève Jabès Galaad résonne du fracas d’un petit torrent très gonflé qui coule en écumant vers le Jourdain très proche. Un sombre crépuscule, qui termine une sombre journée, épaissit encore plus l’obscurité des bois, et le village apparaît dès l’abord triste et inhospitalier.

       Thomas, toujours de bonne humeur, bien que ses vêtements soient dans l’état d’un linge que l’on sort d’un baquet, de la tête à la ceinture et de la ceinture aux pieds, un ruisseau qui marche, dit :

       « Hum ! Je ne voudrais pas qu’après des siècles ce pays se venge sur nous de la mauvaise surprise que lui a faite Israël ! Assez ! Allons souffrir pour le Seigneur. »

       Les gens ne les brutalisent pas, cela non. Mais ils les chassent de partout en les traitant de voleurs et pis encore ; Philippe et Matthieu doivent même se sauver à toutes jambes pour échapper à un gros chien qu’un berger a lancé contre eux, alors qu’ils étaient allés frapper à la porte du bercail afin de demander un refuge pour la nuit “ au moins sous le toit des animaux ”.

       « Et maintenant qu’allons-nous faire ?

       – Nous n’avons pas de pain.

       – Et pas d’argent. Sans argent, on ne trouve ni pain ni logement !

       – Nous sommes trempés, gelés, affamés.

       – Et la nuit vient. Nous aurons l’air frais, demain matin, après une nuit passée dans le bois ! »

       Sur les douze, sept ronchonnent ouvertement, trois ont le mécontentement gravé sur le visage et leur silence parle de lui-même, Simon le Zélote marche la tête basse, indéchiffrable. Jean paraît être sur des charbons ardents et il tourne la tête rapidement des rouspéteurs à Jésus, et de celui-ci aux premiers. Sa peine se lit sur son visage. Jésus va personnellement, puisque les apôtres s’y refusent ou le font avec crainte, frapper de maison en maison en parcourant patiemment les ruelles, transformées en marécages glissants et fétides. Mais partout on les repousse.

       359.2 Ils sont arrivés à l’extrémité du village, là où la vallée s’élargit déjà pour faire place aux pâturages de la plaine transjordanienne. Il reste encore quelques rares maisons… Mais partout c’est la déception…

       « Cherchons dans les champs. Jean, pourrais-tu monter sur cet orme ? De là-haut, tu pourrais voir.

       – Oui, mon Seigneur.

       – La pluie rend l’orme glissant. Le garçon ne réussira pas et il va se faire mal. Comme ça, en plus, nous aurons un blessé » bougonne Pierre.

       Alors Jésus dit avec douceur :

       « C’est moi qui vais monter.

       – Cela non ! » s’écrient-ils en chœur.

       Et les pêcheurs crient plus fort que tous, en ajoutant :

       « Si c’est dangereux pour nous qui sommes pêcheurs, qu’est-ce que tu peux faire, toi qui n’as jamais grimpé aux mâts ni aux filins ?

       – C’était pour vous que je le faisais. Pour vous chercher un abri. Pour moi, cela m’est indifférent. Ce n’est pas l’eau qui m’est pénible… »

       Quelle tristesse ! Quel appel à la pitié pour lui il y a dans sa voix ! Quelques-uns s’en rendent compte et se taisent. D’autres – il s’agit de Barthélemy et de Matthieu – disent :

       « Maintenant il est trop tard pour y parer. Il fallait y penser avant.

       – Oui, et ne pas faire de caprice en voulant partir de Pella malgré la pluie. Tu as été entêté, imprudent, et nous en subissons les conséquences. Qu’est-ce que tu veux arranger, maintenant ? Si nous avions une bourse bien garnie, tu verrais que toutes les maisons se seraient ouvertes ! Mais toi !… Pourquoi ne fais-tu pas un miracle, au moins un miracle pour tes apôtres? Tu en fais même pour les indignes ! » dit Judas en gesticulant comme un fou, agressif au point que les autres, bien qu’en partie du même avis, éprouvent le besoin de le rappeler au respect.

       Jésus semble déjà être le Condamné qui regarde avec douceur ses bourreaux. Et il se tait. Ce silence qui, depuis quelque temps devient plus fréquent chez Jésus, prélude au “ grand silence ” devant le Sanhédrin, devant Pilate et Hérode. Il me fait beaucoup de peine. On dirait ces pauses de silence fréquentes dans les gémissements d’un mourant, qui ne sont pas du calme dans les douleurs, mais le prélude à la mort. Ces silences de Jésus me semblent crier plus fort que toute parole, et dire toute sa souffrance devant l’incompréhension des hommes et leur manque d’amour. Et sa douceur sans réactions, cette attitude debout, tête un peu baissée, me le font déjà apparaître comme enchaîné, livré à la haine des hommes.

       « Pourquoi ne dis-tu rien ? lui demandent-ils.

       – Parce que je dirais des paroles que votre cœur ne comprendrait pas à cette heure… Allons. Nous marcherons pour ne pas nous geler… Et pardonnez… »

       Il se tourne rapidement pour se mettre à la tête de la troupe qui éprouve quelque pitié, tout en l’accusant un peu et en donnant raison aux compagnons.

       359.3 Jean ralentit et reste en arrière, mais de manière que personne ne s’en aperçoive. Puis il se dirige vers un arbre élevé qui me semble être un peuplier ou un frêne. Il enlève son manteau et sa tunique et, à demi nu, se met à grimper non sans peine, jusqu’à ce que les premières branches lui facilitent la montée. Il monte comme un chat. Parfois aussi il glisse, mais il se reprend et le voilà presque au sommet. Il scrute l’horizon éclairé par les dernières clartés du jour. En effet, comme les nuages couleur de plomb se sont un peu éclaircis, il fait moins sombre dans la plaine que dans la vallée. Il inspecte dans toutes les directions et finalement, il fait un geste de joie. Il se laisse glisser rapidement à terre, reprend ses vêtements et se met à courir pour atteindre et dépasser ses compagnons. Il arrive à côté du Maître. Tout essoufflé par sa course, il lui dit :

       « Une cabane, Seigneur… une cabane du côté de l’orient… Mais il faut revenir en arrière… Je suis monté sur un arbre… Viens, viens…

       – Moi, je vais avec Jean de ce côté. Si vous voulez venir, venez. Sinon, continuez jusqu’au prochain village le long du fleuve. Nous nous retrouverons là » dit Jésus d’un ton sérieux et résolu.

       Tous le suivent à travers les prés détrempés.

       « Mais on retourne vers Jabès !

       – Moi, je ne vois pas de maisons…

       – Qui sait ce qu’a vu le garçon !

       – Une meule de paille peut-être.

       – Ou la cabane d’un lépreux.

       – Nous allons achever de nous tremper. Ces prés sont de vraies éponges » maugréent les apôtres.

       359.4 Mais ce n’est pas une cabane de lépreux ni une meule de paille que l’on aperçoit derrière un rideau d’arbres. C’est une cabane, cela oui. Elle est large, basse, semblable à un pauvre bercail, à moitié couverte de paille avec des murs de terre que main­tiennent péniblement aux coins des soutènements de pierre brute. Une enceinte de pilotis entoure la maisonnette et à l’intérieur, il y a des légumes trempés d’eau.

       Jean appelle. Un vieil homme paraît :

       « Qui est-ce ?

       – Des pèlerins en route pour Jérusalem. Un abri, pour l’amour de Dieu ! dit Jésus.

       – Toujours. C’est un devoir. Mais vous tombez mal. J’ai peu de place et pas de lits.

       – Peu importe. Tu auras du feu, au moins. »

       L’homme manœuvre la serrure et l’ouvre.

       « Entrez et que la paix soit avec vous. »

       Ils traversent le minuscule potager et entrent dans la pièce unique qui sert de cuisine et de chambre à coucher. Un feu brille dans la cheminée. C’est pauvre, mais bien en ordre. Comme mobilier, juste l’indispensable.

       « Voyez ! Je n’ai que le cœur qui soit grand et bien disposé, moi ! Mais si vous n’êtes pas trop exigeants… Avez-vous du pain ?

       – Non. Une poignée d’olives…

       – Moi, je n’ai pas de pain pour tout le monde. Mais je vais vous faire un plat avec du lait. J’ai deux brebis. Elles me suffisent. Je vais les traire. Voulez-vous me donner vos manteaux ? Je vais les étendre dans le bercail, là derrière. Ils vont sécher un peu, et demain, près du feu, on fera le reste. »

       L’homme sort, chargé d’étoffes humides. Tout le monde entoure le feu et se réjouit de sa chaleur.

       L’homme revient avec une natte grossière. Il l’étend.

« Enlevez vos sandales. Je les débarrasserai de la boue et je les pendrai pour qu’elles sèchent. Et je vais vous donner de l’eau chaude pour vous laver les pieds. La natte est rustique, mais propre et épaisse. Ce sera plus agréable pour vous que le sol humide et froid. »

       Il détache un chaudron rempli d’eau verdâtre — car il y fait bouillir des légumes —, et il en verse la moitié dans une bassine et la moitié dans une cuvette. Il y ajoute de l’eau froide et dit :

       « Voilà pour vous remettre en forme. Lavez-vous. Voici un linge propre. »

       Tout en parlant, il s’occupe du feu et le ravive, verse le lait dans un chaudron, le met sur le feu. Dès qu’il bout, il y jette des graines qui me semblent être de l’orge écrasé ou du mil broyé. Puis il remue sa bouillie.

       359.5 Jésus, qui a été l’un des premiers à se laver, s’approche de lui :

       « Que Dieu te fasse grâce pour ta charité.

       – Je ne fais que rendre ce que j’ai eu de lui. J’ai été lépreux. De trente-sept à cinquante et un ans. Puis j’ai été guéri. Mais, au village, j’ai trouvé mes parents morts, ainsi que ma femme, et ma maison dévastée. Et puis, j’étais “ le lépreux ”… Je suis venu ici, et je me suis fait un nid. Par mes propres moyens et avec l’aide de Dieu. D’abord une cabane de jonc, puis une de bois, puis des murs… Tous les ans, j’ajoute quelque chose de nouveau. L’an dernier, j’ai fait le local des brebis. Je les ai achetées en fabriquant des nattes que je vends et de la vaisselle de bois. J’ai un pommier, un poirier, un figuier, une vigne. Par derrière, j’ai un petit champ d’orge, par devant les légumes. Quatre couples de colombes, deux brebis. Dans quelque temps, je vais avoir des agneaux. Espérons que ce sera des agnelles cette fois. Je bénis le Seigneur et je ne demande pas davantage. Et toi, qui es-tu ?

       – Un Galiléen. Tu as des préventions ?

       – Aucune, bien que je sois de race judéenne. Si j’avais eu des fils, j’aurais pu en avoir un comme toi… Je sers de père aux pigeons… Je me suis habitué à rester seul.

       – Et pour les fêtes ?

       – Je remplis les mangeoires et je m’en vais. Je loue un âne. Je cours, je fais ce que j’ai à faire, et je reviens. Il ne m’a jamais manqué une feuille. Dieu est bon.

       – Oui, avec ceux qui sont bons et ceux qui le sont moins. Mais les bons sont sous son aile.

       – Oui, c’est ce que dit Isaïe… Moi, il m’a protégé.

       – Tu as été lépreux, cependant, remarque Thomas.

       – Et je suis devenu pauvre et seul. Mais voilà, c’est une grâce de Dieu d’être redevenu un homme et d’avoir un toit et du pain. Mon modèle dans le malheur, c’est Job. J’espère mériter comme lui la bénédiction de Dieu, non en richesses mais en grâce.

       – Tu l’auras, tu es un juste. 359.6 Comment t’appelles-tu?

       – Matthias. »

       Il détache son chaudron, le dépose sur la table, y ajoute du beurre et du miel, remue, remet le tout au feu et dit :

       « Je n’ai que six récipients en comptant les assiettes et les écuelles. Vous les prendrez à tour de rôle.

       – Et toi ?

       – Celui qui offre l’hospitalité se sert en dernier. Les frères que Dieu envoie passent en premier. Voici, c’est prêt. Et ça vous fera du bien. »

       Il verse des cuillerées de bouillie fumante dans les quatre assiettes et les deux écuelles. Il y a des cuillères de bois.

       Jésus invite les plus jeunes à manger.

       « Non. Toi, Maître, dit Jean.

       – Non, non. Il est bon que Judas se rassasie et qu’il voie qu’il y a toujours de la nourriture pour les fils. »

       Judas change de couleur, mais il mange.

       « Tu es un rabbi ?

       – Oui, et eux sont mes disciples.

       – Moi, j’allais trouver Jean-Baptiste quand il était à Béthabara. Sais-tu quelque chose sur le Messie ? On dit qu’il est venu et que Jean l’a montré. Quand je vais à Jérusalem, j’ai toujours l’espoir de le voir, mais je n’y suis pas arrivé. J’accomplis le rite et je m’en vais. C’est à cause de cela que je ne le vois pas. Ici, je suis isolé et puis… Les gens ne sont pas bons en Pérée. J’ai parlé à des bergers. Ils viennent ici pour les pâturages. Eux savaient. Ils m’ont raconté. Quelles paroles ! Qu’est-ce que ce doit être quand c’est lui qui les dit !… »

       Jésus ne se dévoile pas. C’est à son tour de manger, et il le fait avec sérénité près du bon vieillard.

       « Et maintenant ? Comment allons-nous faire pour dormir ? Je vous cède mon lit, mais je n’en ai qu’un… Moi, j’irai avec les brebis.

       – Non, c’est nous qui irons avec elles. Le foin est bon quand on est fatigué. »

       Le souper est fini et ils pensent à se coucher pour partir à l’aurore. Mais le vieil homme insiste et c’est Matthieu, très enrhumé, qui prend son lit.

       359.7 Mais à l’aurore, c’est un vrai déluge. Comment partir sous ces cataractes ? Ils écoutent le vieillard et restent. Pendant ce temps, les vêtements sont brossés, séchés, on graisse les sandales, on se repose. Le vieil homme cuit à nouveau de l’orge dans le lait pour tout le monde, puis il met des pommes dans la cendre. Voilà leur repas. Et ils sont en train de le consommer quand du dehors arrive une voix.

       « Un autre pèlerin ? Comment allons-nous faire ? » dit le vieillard.

       Mais il sort, enveloppé dans une couverture de laine brute, imperméable. Dans la cuisine, on se chauffe au feu, mais on n’est pas de bonne humeur. Jésus se tait.

       Le vieil homme revient, les yeux écarquillés. Il regarde Jésus, il regarde les autres. Il semble avoir peur… Il paraît incertain et inquisiteur. Enfin il dit :

       « Le Messie est-il parmi vous ? Dites-le-moi. Les habitants de Pella le cherchent pour l’adorer, à cause d’un grand miracle qu’il a fait. Ils ont frappé depuis hier soir à toutes les maisons jusqu’au fleuve, jusqu’au premier village… Maintenant, en revenant, ils ont pensé à moi. Quelqu’un leur a indiqué ma maison. Ils sont dehors avec des chars. Une foule ! »

       Jésus se lève. Les Douze le supplient :

       « N’y va pas. Puisque tu as dit qu’il était plus prudent de ne pas s’arrêter à Pella, il est inutile de te montrer maintenant.

       – Mais alors !… Oh ! béni, béni es-tu, ainsi que Celui qui t’a envoyé ! Et moi qui t’ai accueilli ! Tu es le Rabbi Jésus, lui… Oh ! »

       L’homme est à genoux, front à terre.

       « Oui, c’est moi. Mais laisse-moi aller vers ceux qui me cherchent. Puis je viendrai à toi, brave homme. »

       Il dégage ses chevilles serrées par les mains de son hôte et sort dans le potager inondé.

       359.8 « Le voilà ! Le voilà ! Hosanna ! »

       Ils sautent des chars. Il y a là des hommes et des femmes, le petit aveugle d’hier et sa mère ainsi que la Gérasénienne. Sans se soucier de la boue, ils s’agenouillent et le supplient :

       « Reviens, retourne sur tes pas ! Chez nous, à Pella !

       – Non, à Jabès » crient d’autres, certainement originaires de là-bas. « Nous te voulons ! Nous regrettons de t’avoir chassé ! crient les habitants de Jabès.

       – Non, chez nous ! A Pella, où ton miracle est vivant ! Pour eux les yeux, pour nous la lumière de l’âme.

       – Je ne peux pas. Je vais à Jérusalem. C’est là que vous me trouverez.

       – Tu es fâché parce que nous t’avons chassé.

       – Tu es dégoûté parce que tu sais que nous avons cru aux calomnies d’un pécheur. »

       La mère de Marc se couvre le visage en pleurant.

       « Dis-lui de revenir, Jaias, à lui qui t’a aimé.

       – Vous me trouverez à Jérusalem. Allez et persévérez. Ne ressemblez pas aux vents qui soufflent dans toutes les directions. Adieu.

       – Non. Viens. Nous te prendrons de force, si tu ne viens pas.

       – Vous ne lèverez pas la main sur moi. C’est de l’idolâtrie, pas de la vraie foi. La foi croit même si elle ne voit pas. Elle persévère même si on la combat. Elle grandit même sans miracles. Je reste chez Matthias qui a su croire sans rien voir, et qui est un juste.

       – Accepte au moins nos dons : de l’argent, du pain. On nous a dit que vous avez donné tout ce que vous aviez à Jaias et à sa mère. Prends un char. Tu t’en serviras pour le trajet. Tu le laisseras à Jéricho chez l’hôtelier Timon. Prends-le. Il pleut et il va encore pleuvoir. Tu seras à l’abri. Tu iras plus vite. Montre-nous que tu ne nous hais pas. »

       Jésus d’un côté de la palissade et eux de l’autre, en effervescence, ils se regardent. Derrière Jésus se tiennent le vieux Matthias, à genoux, bouche bée, et les apôtres, debout.

       Jésus tend la main en disant :

       « J’accepte pour les pauvres, mais je ne veux pas du char. Je suis le Pauvre entre les pauvres. N’insistez pas. Jaias, sa mère, et toi, femme de Gerasa, venez que je vous bénisse en particulier. »

       Et quand ils sont près de lui — Matthias leur a ouvert la clô­ture —, il les caresse, les bénit et les congédie. Puis il bénit les autres qui se sont groupés sur le seuil, en donnant aux apôtres de l’argent et des vivres, et il les congédie.

       359.9 Il rentre dans la maison…

       « Pourquoi ne leur as-tu pas parlé ?

       – Le miracle des deux aveugles est parlant par lui-même.

       – Pourquoi n’as-tu pas pris le char ?

       – Parce qu’il est bon de marcher.

       Et il se tourne vers Matthias :

       « Je t’aurais récompensé par ma bénédiction. Maintenant, je peux y ajouter un peu d’argent pour les frais que nous t’avons causés…

       – Non, Seigneur Jésus… Je n’en veux pas. Je l’ai fait de bon cœur. Et maintenant, maintenant, je le fais pour servir le Seigneur. Le Seigneur ne paie pas. Il n’y est pas tenu. C’est moi qui ai reçu, pas toi ! Ah ! quelle journée ! Son souvenir durera pour moi jusqu’à l’autre vie !

       – Tu as raison. Tu trouveras ta miséricorde envers les pèlerins inscrite dans le Ciel, et de même ta promptitude à croire… Dès que le temps va un peu s’éclaircir, je te quitterai. Eux pourraient revenir. Ils insistent, tant que le miracle les frappe, puis… redeviennent aussi engourdis qu’avant, sinon même ennemis. Je m’en vais. Jusqu’à présent je suis resté pour essayer de les convertir. Maintenant, je viens et je passe sans m’arrêter. Je vais vers mon destin qui me presse. Dieu et l’homme m’éperonnent, et je ne puis m’arrêter. L’amour m’aiguillonne et leur haine aussi. Celui qui m’aime peut me suivre. Mais le Maître ne court plus après les brebis récalcitrantes.

       – Ils ne t’aiment pas, Maître divin ? demande Matthias.

       – Ils ne me comprennent pas.

       – Ils sont méchants.

       – Ils sont appesantis par les concupiscences. »

       L’homme n’ose plus être en confiance comme avant. Il semble être devant un autel. Jésus, au contraire, maintenant qu’il n’est plus l’Inconnu, est moins réservé, et il parle au vieil homme comme à un parent.

       Et les heures passent ainsi jusqu’au début de l’après-midi. Le nuage qui a crevé annonce l’arrêt de la pluie. Jésus ordonne le départ. Et, pendant que le vieillard va prendre les manteaux qui ont séché, il dépose de la monnaie dans un tiroir et fait mettre des pains et des fromages dans une maie.

       Matthias revient et Jésus le bénit. Puis il reprend la route, en se retournant encore pour regarder la tête blanche qui dépasse de l’enceinte sombre.

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