Une initative de
Marie de Nazareth

Signes des temps

lundi 12 février 29
Cédès
Viktor Mikhaylovich Vasnetsov

Dans les évangiles : Mt 16,1-4 ; Mc 8,11-13 ; Lc 12,54-56

Matthieu 16,1-4

Les pharisiens et les sadducéens s’approchèrent pour mettre Jésus à l’épreuve ; ils lui demandèrent de leur montrer un signe venant du ciel. Il leur répondit : « Quand vient le soir, vous dites : “Voici le beau temps, car le ciel est rouge.” Et le matin, vous dites : “Aujourd’hui, il fera mauvais, car le ciel est d’un rouge menaçant.” Ainsi l’aspect du ciel, vous savez en juger ; mais pour les signes des temps, vous n’en êtes pas capables. Cette génération mauvaise et adultère réclame un signe, mais, en fait de signe, il ne lui sera donné que le signe de Jonas. » Alors il les abandonna et partit.

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Marc 8,11-13

Les pharisiens survinrent et se mirent à discuter avec Jésus ; pour le mettre à l’épreuve, ils cherchaient à obtenir de lui un signe venant du ciel. Jésus soupira au plus profond de lui-même et dit : « Pourquoi cette génération cherche-t-elle un signe ? Amen, je vous le déclare : aucun signe ne sera donné à cette génération. » Puis il les quitta, remonta en barque, et il partit vers l’autre rive.

Luc 12,54-56

S’adressant aussi aux foules, Jésus disait : « Quand vous voyez un nuage monter au couchant, vous dites aussitôt qu’il va pleuvoir, et c’est ce qui arrive. Et quand vous voyez souffler le vent du sud, vous dites qu’il fera une chaleur torride, et cela arrive. Hypocrites ! Vous savez interpréter l’aspect de la terre et du ciel ; mais ce moment-ci, pourquoi ne savez-vous pas l’interpréter ?

Vision de Maria Valtorta

 

       342.1 La ville de Cédès est située sur une petite montagne un peu isolée, à l’est d’une longue chaîne orientée du nord au sud, alors qu’à l’ouest une chaîne de collines presque parallèle va également du nord au sud. Ce sont deux lignes parallèles qui se rapprochent en formant une sorte de X. A l’endroit le plus resserré et plutôt appuyé à la chaîne orientale qu’à l’occidentale s’élève le mont sur les pentes duquel se trouve Cédès. La ville s’étend en pente douce du sommet à ses côtés, et l’ensemble domine la vallée fraîche et verte, très étroite à l’est, plus large à l’ouest.

       C’est une jolie cité entourée de murs, avec de belles maisons et une synagogue imposante, comme l’est aussi la fontaine aux multiples orifices qui laissent jaillir une eau fraîche et abondante dans un bassin inférieur d’où partent des ruisseaux qui vont alimenter d’autres fontaines, peut-être, ou des jardins, je ne sais.

       Jésus y pénètre un jour de marché. Sa main n’est plus bandée, mais elle a encore une croûte noire et un large bleu sur le dos. Jacques, fils d’Alphée, a lui aussi une croûte brune à la tempe et un large bleu tout autour. André et Jacques, fils de Zébédée, moins blessés, n’ont plus de marques de l’aventure passée et ils marchent avec agilité en regardant autour d’eux, et spécialement par derrière et sur les côtés, car ils sont échelonnés tout près les uns des autres, devant et derrière Jésus. J’ai l’impression qu’ils se sont arrêtés deux ou trois jours à l’endroit que j’ai décrit hier ou bien aux alentours, peut-être pour se reposer, ou pour se tenir à distance des rabbins. On pouvait craindre en effet que ces derniers ne se soient dirigés dans les principales villes dans l’espoir de les prendre en faute et de leur nuire encore. C’est du moins ce que leurs conversations laissent penser.

       « Mais c’est une ville de refuge ! Dit André.

       – Tu penses qu’ils ont l’habitude de respecter ce refuge et la sainteté d’un lieu ? Comme tu es naïf, mon frère ! » lui répond Pierre.

       Jésus est entre Jude et Judas. Devant lui marchent Jacques et Jean en avant-garde, puis l’autre Jacques avec Philippe et Matthieu ; derrière Jésus viennent André et Thomas avec Pierre. Et en dernier lieu, Simon le Zélote et Barthélemy.

       342.2 Tout va bien jusqu’à l’entrée sur une belle place, celle du bassin et de la synagogue, sur laquelle se presse une foule de gens qui parlent d’affaires. Le marché, en revanche, est plus bas et au sud-ouest de la ville, là où débouche la route principale qui vient du sud et l’autre, celle qu’à suivie Jésus, qui vient de l’ouest. Ces routes confluent en angle droit et se fondent en une route unique qui passe sous la porte et se transforme en une vaste place o­blongue où il y a des ânes et des claies, des vendeurs et des acheteurs et l’habituel vacarme…

       Mais les difficultés commencent quand ils arrivent sur cette place qui est la plus belle ; c’est le cœur de la cité, je crois, moins parce qu’elle se trouve au milieu de l’enceinte que parce qu’elle est le centre de la vie spirituelle et commerciale de Cédès dont le cœur bat ici ; sa situation même le laisse entendre, car elle est surélevée au-dessus de la ville qu’elle domine, et on pourrait la défendre comme une citadelle. Comme autant de chiens hargneux qui vont s’attaquer à un chiot sans défense, ou plutôt comme des chiens de chasse qui ont flairé l’odeur du gibier, un groupe nombreux de pharisiens et de sadducéens auxquels se mêlent pour les épicer une poignée de rabbins déjà rencontrés à Giscala – parmi lesquels le dénommé Uziel – s’adossent au portail large et embelli de sculptures et de frises de la riche synagogue. Et aussitôt ils se montrent du doigt Jésus et les apôtres.

       « Hélas, Seigneur ! Ils sont là aussi ! Dit Jean, effrayé, en se retournant pour parler à Jésus.

       – N’aie pas peur. Avance tranquillement. Néanmoins, que ceux qui ne se sentent pas en mesure d’affronter ces malheureux se retirent à l’auberge. Je veux absolument parler ici : c’est une ancienne ville lévitique et de refuge. »

       Tous protestent :

       « Maître, peux-tu penser qu’on va te laisser seul ? Qu’ils nous tuent tous, s’ils le veulent. Mais nous partagerons ton sort. »

       342.3 Jésus passe devant le groupe hostile et va se placer contre le mur d’un jardin d’où pleuvent les blancs pétales d’un poirier en fleurs. Le mur sombre et la nuée blanche encadrent le Christ, qui a devant lui ses douze apôtres.

       Jésus commence à parler :

       « O vous ici rassemblés, venez écouter la Bonne Nouvelle car la conquête du Royaume des Cieux est plus utile que le commerce et que l’argent. »

       Sa belle et forte voix remplit la place et fait se retourner les gens qui s’y trouvent.

       « Oh ! Mais c’est le Rabbi galiléen ! » dit quelqu’un. « Venez, allons l’écouter. Peut-être qu’il va faire un miracle. »

       Et un autre :

       « Moi, à Bet-Ginna, je l’ai vu en faire un. Et comme il parle bien ! Pas comme ces éperviers rapaces et ces serpents rusés. »

       Jésus est vite entouré par la foule, et il continue à parler à cette assemblée attentive.

       « Au cœur de cette ville lévitique, je ne veux pas rappeler la Loi. Je sais qu’elle est présente à vos cœurs comme dans peu de villes d’Israël, et ce qui le manifeste, c’est l’ordre que j’y ai remarqué, l’honnêteté dont m’ont donné la preuve les marchands auxquels j’ai acheté de la nourriture pour mon petit troupeau et moi, et cette synagogue, ornée comme il convient au lieu où l’on honore Dieu. Mais en vous aussi, il y a un endroit où l’on honore Dieu, un endroit où résident les aspirations les plus saintes, où résonnent les paroles qui nous donnent les plus douces espérances de notre foi et les prières les plus ardentes pour que notre espérance se change en réalité : c’est l’âme, le lieu saint et unique où l’on parle de Dieu et avec Dieu, en attendant que la Promesse s’accomplisse.

       Mais la Promesse est accomplie. Israël a son Messie qui vous apporte la parole et la certitude que le temps de la grâce est venu, que la Rédemption est proche, que le Sauveur est parmi vous, que le Royaume sans défaites est commencé.

       342.4 Combien de fois aurez-vous entendu lire Habacuc ! Et les plus méditatifs parmi vous auront murmuré: “ Moi aussi, je peux dire : ‘ Jusqu’à quand, Seigneur, devrai-je crier sans que tu m’é­coutes ? ’ ” Cela fait des siècles qu’Israël gémit ainsi. Mais maintenant le Sauveur est venu. La grande violence, l’angoisse perpétuelle, le désordre et l’injustice causés par Satan vont tomber car l’Envoyé de Dieu va réintégrer l’homme dans sa dignité de fils de Dieu et de cohéritier du Royaume de Dieu. Regardons la prophétie d’Habacuc avec des yeux nouveaux, et nous comprendrons qu’elle porte témoignage de moi, et qu’elle parle déjà le langage de la Bonne Nouvelle que j’apporte aux fils d’Israël.

       Mais ici, c’est moi qui dois gémir : “ Le jugement est fait, mais l’opposition triomphe. ” Et j’en gémis avec une grande douleur. Non pas tant pour moi qui suis au-dessus du jugement humain, que pour ceux qui se condamnent parce qu’ils me contestent, et pour ceux qu’ils font sortir du droit chemin. Ce que je dis vous étonne ? Il y a parmi vous des marchands d’autres lieux d’Israël. Ils peuvent vous dire que, moi, je ne mens pas. Je ne mens pas en menant une vie à l’inverse de ce que j’enseigne, en ne faisant pas ce que l’on espère du Sauveur, et je ne mens pas en disant que l’hostilité des hommes se dresse contre le jugement de Dieu qui m’a envoyé et contre le jugement des foules humbles et sincères qui m’ont entendu et m’ont jugé pour ce que je suis. »

       Certains, dans la foule, murmurent :

       « C’est vrai ! C’est vrai ! Nous qui sommes du peuple, nous l’aimons et voyons en lui un saint. Mais eux (et ils désignent les pharisiens et leurs compagnons), ils le combattent. »

       Jésus poursuit :

       « Pour faire cette opposition, on a déchiré la Loi, et elle le sera toujours plus, jusqu’à ce qu’on l’abolisse, au point de commettre l’injustice suprême. Mais celle-ci ne durera pas longtemps. Pendant une courte et effrayante trêve, la contestation semblera triompher de moi : bienheureux alors ceux qui sauront continuer à croire en Jésus de Nazareth, dans le Fils de Dieu, dans le Fils de l’homme annoncé par les prophètes. Certes, j’aurais la puissance d’accomplir le jugement de Dieu totalement en sauvant tous les enfants d’Israël, mais je ne le pourrai pas car l’impie triomphera contre lui-même, contre ce qu’il a de meilleur en lui, et de même qu’il piétine mes droits et ceux des justes qui croient en moi, il piétinera aussi les droits de son âme, qui a besoin de moi pour être sauvée et qu’il a livrée à Satan pour me la refuser, à moi. »

       342.5 Les pharisiens font du chahut. Mais, depuis un moment, un imposant vieillard s’est approché de l’endroit où se tient Jésus et il dit pendant une pause :

       « Je t’en prie, entre dans la synagogue pour y donner ton enseignement. Personne plus que toi n’en a le droit. Je suis Matthias, le chef de la synagogue. Viens, et que la Parole de Dieu soit dans ma maison comme elle est sur tes lèvres.

       – Merci, juste d’Israël. Que la paix soit toujours avec toi. »

       Alors Jésus, à travers la foule qui s’ouvre comme une vague pour le laisser passer, et se referme en formant un sillage pour le suivre, traverse de nouveau la place, en passant encore une fois devant les pharisiens hargneux. Ces derniers, pourtant, entrent aussi dans la synagogue en cherchant orgueilleusement à se frayer un chemin. Mais les gens les regardent de travers et disent :

       « D’où venez vous ? Allez dans vos synagogues attendre le Rabbi. Ici, c’est notre maison et nous y restons. »

       Et les rabbins, sadducéens et pharisiens doivent encaisser et rester humblement près de la sortie pour n’être pas chassés par les habitants de Cédès.

       Jésus a pris place près du chef et d’autres de la synagogue, dont j’ignore s’il s’agit de ses fils ou des aides. Il reprend son discours :

       « Habacuc dit – et comme il vous invite avec amour à prêter attention ! – : “ Regardez parmi les peuples et observez, restez émerveillés, stupéfaits, car il est survenu en vos jours quelque chose que personne ne croira quand on le lui racontera. ” Aujourd’hui encore, nous avons des ennemis matériels au-dessus d’Israël. Mais laissez tomber ce qu’il y a de particulier et de peu important dans la prophétie et regardons seulement son grand message tout spirituel. En effet, les prophéties, même si elles semblent se rapporter à des choses matérielles, ont toujours un contenu spirituel. Donc l’événement qui est arrivé – et il est si grandiose que personne ne pourra l’accepter s’il n’est pas convaincu de l’infinie bonté du vrai Dieu –, c’est qu’il a envoyé son Verbe pour sauver et racheter le monde. Dieu qui se sépare de Dieu[71] pour relever la créature coupable. Eh bien ! C’est moi qui suis envoyé pour cela. Et aucune force du monde ne pourra arrêter mon élan de Triomphateur sur les rois et les tyrans, sur les péchés et les sottises. Je vaincrai parce que, moi, je suis le Triomphateur. »

       342.6 Un rire de mépris et un hurlement partent du fond de la synagogue. Les gens protestent, le chef de la synagogue, qui jusqu’ici est resté les yeux fermés tant il est concentré pour écouter Jésus, se lève et impose le silence aux perturbateurs en menaçant de les expulser.

       « Laisse-les faire, et même invite-les à exposer leurs réfutations, dit à haute voix Jésus.

       – Oh, bien ! C’est bien ! Laisse-nous venir auprès de toi. Nous voulons t’interroger, lancent ironiquement les contradicteurs.

       – Venez, laissez-les passer, habitants de Cédès. »

       Alors la foule, avec des regards hostiles et des grimaces – et il ne manque pas quelque épithète peu flatteuse – les laisse avancer.

       « Que voulez-vous savoir ? demande Jésus d’un ton sévère.

       – Tu te vantes donc d’être le Messie ? En es-tu vraiment cer­tain ? »

       Jésus, les bras croisés sur la poitrine, regarde avec une telle autorité celui qui a parlé que, du coup, son ironie retombe et qu’il se tait. Mais un autre prend la parole :

       « Tu ne peux pas nous obliger à te croire sur parole. On peut mentir même en étant de bonne foi. Mais pour croire, il faut des preuves. Donne-nous donc des preuves que tu es bien celui que tu prétends être.

       – Israël est rempli des preuves que j’ai données, profère Jésus tranchant.

       – Oh ! Celles-là… Ce sont des bagatelles comme n’importe quel saint peut en faire. Il y en a eu, de ces combines, et il y en aura encore, faites par des saints d’Israël ! » dit un pharisien.

       Un autre ajoute :

       « Et il n’est pas sûr que tu les fasses par sainteté et avec l’aide de Dieu ! On dit que tu es aidé par Satan, et en vérité c’est très crédible. Nous voulons d’autres preuves, plus fortes, telles que Satan ne puisse les donner.

       – Mais oui ! Une mort vaincue…, dit un autre.

       – Vous l’avez eue.

       – C’étaient des apparences de mort. Montre-nous, par exemple, un corps en décomposition qui se ranime et se recompose. Pour que nous ayons la certitude que Dieu est avec toi : Dieu, le seul qui puisse rendre le souffle à de la boue qui déjà redevient poussière.

       – On n’a jamais demandé cela aux prophètes pour croire en eux. »

       Un sadducéen crie :

       « Toi, tu es plus qu’un prophète. Toi, du moins c’est toi qui le dis, tu es le Fils de Dieu !… Ha, Ha ! Dans ce cas, pourquoi n’agis-tu pas en Dieu ? Vas-y donc ! Donne-nous un signe ! Un signe !

       – Mais oui ! Un signe du Ciel, qui te désigne comme Fils de Dieu, et alors nous t’adorerons, lance un pharisien.

       – Certainement ! Tu as raison, Simon ! Nous ne voulons pas retomber dans le péché d’Aaron. Nous n’adorons pas l’idole, le veau d’or. Mais nous pourrions adorer l’Agneau de Dieu ! Ne l’es-tu pas ? Pourvu que le Ciel nous indique que tu l’es » dit avec un rire sarcastique celui qui a nom Uriel, et qui était à Giscala.

       Un autre se met à crier :

       « Laisse-moi parler, moi Sadoq, le scribe d’or. Ecoute-moi, ô Christ. Tu as été précédé par trop d’autres qui n’étaient pas des “ Christ ”. Assez de tromperies ! Dieu, s’il est avec toi, ne peut te refuser un signe qui prouve que tu es bien son fils. Alors nous croirons en toi et nous t’aiderons. Sinon, tu sais ce qui t’attend, selon le commandement de Dieu. »

       Jésus lève sa main droite blessée et la montre bien à son interlocuteur.

       « Tu vois ce signe ? C’est toi qui l’as fait. Tu as demandé un autre signe, et quand tu le verras incisé dans la chair de l’Agneau, tu te réjouiras. Regarde-le ! Tu le vois ? Tu le verras aussi au Ciel, quand tu paraîtras pour rendre compte de ta façon de vivre. Car c’est moi qui te jugerai, et je serai là-haut avec mon corps glorifié avec les signes de mon ministère et du vôtre, de mon amour et de votre haine. Et tu le verras toi aussi, Uriel, et toi, Simon, tout comme Caïphe et Hanne, et beaucoup d’autres, au dernier Jour, jour de colère, jour redoutable, et à cause de cela, vous préféreriez être dans l’abîme, parce que ma main blessée vous dardera plus que les feux de l’enfer.

       – Oh ! Voilà des paroles qui sont des blasphèmes ! Toi, au Ciel, avec ton corps ? Blasphémateur ! Toi, juge à la place de Dieu ? Anathème sur toi ! Toi qui insultes le pontife ! Tu mériterais d’être lapidé » hurlent en chœur sadducéens, pharisiens et docteurs.

       342.7 Le chef de la synagogue se lève de nouveau, patriarcal, splendide comme un Moïse avec ses cheveux blancs, et s’écrie :

       « Cédès est une ville de refuge et une ville lévitique. Respec­tez…

       – Ce sont de vieilles histoires ! Cela ne compte plus !

       – Oh ! Langues blasphématrices ! C’est vous qui êtes des pécheurs et pas lui, et moi je le défends. Lui, il ne dit rien de mal. Il explique les prophètes et nous apporte la Bonne Nouvelle, mais vous, vous l’interrompez, vous le tentez, vous l’offensez. Je ne le permets pas. Il est sous la protection du vieux Matthias de la descendance de Lévi par son père, et d’Aaron par sa mère. Sortez et laissez-le instruire ma vieillesse et l’âge mûr de mes fils. »

       Et il pose sa main rugueuse sur l’avant-bras de Jésus, comme pour le défendre.

       « Qu’il nous donne un vrai signe et nous partirons convaincus, crient les ennemis.

       – Ne te fâche pas, Matthias. Je vais parler » dit Jésus en calmant le vieillard.

       Et il s’adresse aux pharisiens, aux sadducéens et aux docteurs :

       « Quand vient le soir, vous scrutez le ciel et, s’il rougit au crépuscule, vous dites, d’après un vieux dicton : “ Demain, le temps sera beau car le crépuscule rougit le ciel. ” De même à l’aube, quand, dans l’air obscurci par le brouillard et les vapeurs, le soleil ne s’annonce pas couleur d’or, mais paraît étendre du sang sur le firmament, vous dites : “ La journée ne se passera pas sans tempête. ” Vous savez donc lire le temps du lendemain ou de la journée dans les signes instables du ciel et ceux encore plus changeants des vents. Et vous n’arrivez pas à distinguer les signes des temps ? Cela n’honore pas votre intelligence et votre science, et déshonore complètement votre esprit et votre prétendue sagesse. Vous appartenez à une génération perverse et adultère, née en Israël du mariage de ceux qui se sont souillés avec le Mal. Vous en êtes les héritiers et vous accroissez votre perversité et aggravez votre adultère en répétant le péché de ceux qui ont engendré cette erreur. Eh bien ! Sache-le, Matthias, sachez-le, habitants de Cédès et tous ceux qui sont ici comme fidèles ou comme ennemis. Voici la prophétie que, moi, je dis pour remplacer celle d’Habacuc que je voulais expliquer : à cette génération perverse et adultère qui demande un signe, il ne sera donné que celui de Jonas… Allons. Que la paix soit avec les hommes de bonne volonté. »

       Et, par une porte latérale qui ouvre sur un chemin silencieux entre jardins et maisons, il s’éloigne avec les apôtres.

       342.8 Mais les habitants de Cédès ne se donnent pas pour battus. Certains le suivent et, l’ayant vu entrer dans une petite auberge dans les faubourgs à l’est de la ville, ils avertissent le chef de la synagogue et leurs concitoyens. Et Jésus est encore à table quand la cour ensoleillée de l’auberge se remplit de monde et que le vieux chef de la synagogue avec d’autres anciens de Cédès se présente à l’entrée de la pièce où se tient Jésus ; et il s’incline en implorant :

       « Maître, nous désirons encore entendre ta parole. La prophétie d’Habacuc était si belle, expliquée par toi ! Pourquoi ceux qui t’aiment et croient en ta vérité devraient-ils rester sans te connaître à cause de ceux qui te haïssent ?

       – Non, père. Il ne serait pas juste de punir les bons à cause des mauvais. Alors écoutez… »

       (Jésus laisse son repas pour se présenter sur la porte et parler aux personnes groupées dans la petite cour tranquille).

       « Dans les paroles du chef de votre synagogue, il y a un écho de celles d’Habacuc. Pour lui comme pour vous tous, il reconnaît et professe que je suis la Vérité. Habacuc reconnaît et professe : “ Depuis le commencement, tu es, et tu es avec nous, et nous ne mourrons pas. ” Ainsi en sera-t-il. Celui qui croit en moi ne périra pas. Le prophète me représente comme celui que Dieu a établi pour juger, celui que Dieu a rendu fort pour châtier, celui dont les yeux sont trop purs pour voir le mal, et qui ne pourra supporter l’iniquité. Mais s’il est vrai que le péché me répugne, vous voyez pourtant que j’ouvre les bras, parce que je suis le Sauveur, à ceux qui se sont repentis de leur péché. C’est pour cela que je tourne mon regard même sur le coupable et que j’invite l’impie à se convertir…

       342.9 Habitants de Cédès, ville lévitique, ville sanctifiée par la charité pour ceux qui sont coupables d’un crime – or tout homme a péché contre Dieu, contre son âme et contre le prochain –, venez alors à moi, qui suis le Refuge des pécheurs. Ici, dans mon amour, même l’anathème de Dieu ne pourrait vous frapper, car mon regard suppliant pour vous change l’anathème de Dieu en bénédiction de pardon.

       Ecoutez, écoutez ! Ecrivez dans vos cœurs cette promesse, comme Habacuc écrivit sur un rouleau sa prophétie certaine. Il y est dit : “ S’il tarde, attends-le, car Celui qui doit venir viendra sans faillir. ” Voilà : Celui qui doit venir est venu. C’est moi.

       “ L’homme incrédule n’a pas une âme juste ” dit le prophète, et dans sa parole se trouve la condamnation de ceux qui m’ont tenté et insulté. Ce n’est pas moi qui les condamne, mais le prophète qui m’a vu d’avance, et qui a cru en moi. De même qu’il me décrit comme le Triomphateur, il dépeint l’homme orgueilleux en disant qu’il est sans honneur puisqu’il a ouvert son âme à la cupidité et à l’insatiabilité, tout comme l’enfer est cupide et insatiable. Et il menace: “ Malheur à celui qui accumule des biens qui ne lui appartiennent pas et se couvre de boue. ” Les mauvaises actions contre le Fils de l’homme sont cette boue, et vouloir le dépouiller de sa sainteté pour qu’elle n’offusque pas la leur, c’est de la cupidité.

       “ Malheur, dit le prophète, à celui qui entasse dans sa maison les fruits de son avarice perverse pour y placer en haut son nid. Il croit échapper ainsi aux griffes du mal. ” C’est se déshonorer et tuer son âme.

       “ Malheur à celui qui édifie une ville sur le sang et construit des forteresses sur l’injustice. ” En vérité, une trop grande partie d’Israël cimente les forteresses de sa cupidité avec des larmes et du sang, et attend la fin pour faire le plus dur pétrissage. Mais que peut une forteresse contre les flèches de Dieu ? Que peut une poignée d’hommes contre la justice du monde entier qui criera d’horreur à cause du crime sans pareil ?

       Ah ! Comme le dit bien Habacuc ! “ A quoi sert la statue ? ” Et la statue, idole muette, c’est désormais la sainteté mensongère d’Israël. Seul le Seigneur est dans son Temple saint, et c’est vers lui seul que s’inclinera la terre ; et elle tremblera d’adoration et d’épouvante, quand le signe promis sera donné une fois et une seconde fois, et que le vrai Temple, dans lequel Dieu repose, montera dans sa gloire dire aux Cieux : “ C’est accompli ! ” comme il l’avait dit en sanglotant à la terre pour la purifier par l’annonce de sa venue.

       “ Fiat ! ” a dit le Très-Haut, et le monde exista. “ Fiat ! ” dira le Rédempteur, et le monde sera racheté. C’est moi qui donnerai au monde de quoi être racheté. Et ceux qui auront la volonté de l’être seront rachetés.

       342.10 Maintenant, levez-vous. Disons la prière du prophète, mais comme il est juste de la dire en ce temps de grâce :

       “ J’ai entendu, Seigneur, l’annonce de ta venue et je m’en suis réjoui. ” Ce n’est plus le temps de l’épouvante, ô vous qui croyez au Messie.

       “ Seigneur, ton œuvre est au milieu des années, fais-la vivre malgré les embûches des ennemis. Au milieu des années, tu la rendras manifeste. ” Oui. A la plénitude des temps, l’œuvre sera achevée.

       “ Et au milieu du dédain resplendira la miséricorde ” car le dédain retombera seulement sur ceux qui auront préparé des filets et des lacets et lancé des flèches contre l’Agneau Sauveur.

       “ Dieu viendra de la Lumière au monde. ” C’est moi qui suis la Lumière venue pour vous apporter Dieu. Ma splendeur inondera la terre en jaillissant à pleins fleuves “ là où les cornes pointues ” auront déchiré les chairs de la Victime, dernière victoire “ de la Mort et de Satan qui, vaincus, s’enfuiront devant le Vivant et le Saint. ”

       Gloire au Seigneur ! Gloire à celui qui a créé ! Gloire à celui qui a donné le soleil et les astres ! A celui qui a fait les montagnes. Au Créateur des mers. Gloire, gloire infinie au Bon qui veut le Christ pour sauver son peuple, pour racheter l’homme !

       Unissez-vous, chantez avec moi, car la miséricorde est venue dans le monde et le temps de la paix est proche. Celui qui vous tend les mains vous exhorte à croire et à vivre dans le Seigneur, car le temps est proche où Israël sera jugé en vérité.

       Paix à vous ici présents, à vos familles, à vos maisons. »

       Jésus trace un large geste de bénédiction et va se retirer. Mais le chef de la synagogue le supplie :

       « Reste encore.

       – Je ne peux pas, père.

       – Envoie-nous au moins tes disciples.

       – Vous les aurez sans faute. Adieu. Va en paix.»

       342.11 Ils restent seuls…

       « Mais je voudrais savoir qui nous les a envoyés sur notre chemin. On dirait des nécromanciens… » dit Pierre.

       Judas s’avance, tout pâle. Il s’agenouille aux pieds de Jésus.

       « Maître, c’est moi le coupable. J’ai parlé dans cette ville… avec l’un d’eux dont j’étais l’hôte…

       – Comment ? C’est autre chose que la pénitence ! Tu es…

       – Silence, Simon-Pierre ! Ton frère s’accuse sincèrement. Honore-le à cause de cette humiliation. Ne te tourmente pas, Judas. Je te pardonne. Tu sais que je pardonne. Sois plus prudent une autre fois… Et maintenant, partons. Nous marcherons tant qu’il y aura la lune. Nous devons passer le fleuve avant l’aube. Partons. Là derrière commence la forêt. Ils perdront nos traces, aussi bien les bons que les mauvais. Demain, nous serons sur la route de Panéade. »

                

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