144.1 Un groupe des notables samaritains conduits par Photinaï arrive à la rencontre de Jésus.
« Que Dieu soit avec toi, Rabbi. La femme nous a dit que tu es un prophète et que tu ne dédaignes pas de parler avec nous. Nous te prions de rester avec nous et de ne pas nous refuser ta parole car, s’il est vrai que nous sommes séparés de Juda, il n’est pas dit que Juda soit seul à être saint et que tout le péché soit en Samarie. Il y a des justes chez nous aussi.
– J’ai moi aussi exprimé cette idée à la femme. Je ne m’impose pas, mais je ne me refuse pas si quelqu’un me cherche.
144.2 – Tu es juste. 2La femme nous a dit que tu es le Christ. Est-ce vrai ? Réponds-nous, au nom de Dieu.
– Je le suis. Le temps messianique est venu. Israël est réuni par son Roi, et pas seulement Israël.
– Mais tu seras pour ceux qui… qui ne sont pas dans l’erreur comme nous, fait remarquer un vieillard imposant.
– Homme, je vois en toi le chef de tous ceux-ci et je reconnais aussi chez toi une recherche honnête de la Vérité. Maintenant, écoute, toi qui es instruit dans les lectures saintes. Il m’a été dit ce que l’Esprit a dit à Ezéchiel quand il lui annonça une mission prophétique : “ Fils de l’homme, je t’envoie aux enfants d’Israël, aux peuples rebelles qui se sont éloignés de moi… Ce sont des enfants à la tête dure et au cœur indomptable… Il peut se faire qu’ils t’écoutent, puis ne tiennent pas compte de tes paroles — qui sont mes paroles —, car c’est une maison rebelle mais, au moins, ils sauront qu’au milieu d’eux il y a un prophète. Toi, n’aie donc pas peur d’eux, que leurs discours ne t’épouvantent pas parce qu’ils sont incrédules et révoltés… Rapporte-leur mes paroles, qu’ils te prêtent l’oreille ou non. En ce qui te concerne, fais ce que je te dis. Ecoute ce que je te dis pour n’être pas rebelle comme eux. Par conséquent, mange toute nourriture que je te présenterai. ” Et moi, je suis venu. Je ne me fais aucune illusion et je ne prétends pas être reçu en triomphateur. Mais, puisque la volonté de Dieu est mon miel, je l’accomplis et, si vous voulez, je vous répète les paroles que l’Esprit a mises en moi.
– Comment l’Eternel peut-il avoir pensé à nous ?
– Parce qu’il est Amour, mon fils.
– Ce n’est pas ce que disent les rabbis de Juda.
– Mais c’est ce que vous dit le Messie du Seigneur.
144.3 – Il est dit que le Messie naîtrait d’une vierge de Juda. Toi, de qui et comment es-tu né ?
– A Bethléem Ephrata, de Marie de la race de David, par une conception spirituelle. Veuillez le croire. »
La belle voix de Jésus éclate d’un triomphe joyeux lorsqu’il proclame la virginité de sa Mère.
« Ton visage resplendit d’une grande lumière. Non, tu ne peux mentir. Les fils des ténèbres ont un visage ténébreux et l’œil trouble. Toi, tu es lumineux, ton regard est limpide comme un matin d’avril, et ta parole est bonne. Entre dans Sychar, je t’en prie, et instruis les fils de ce peuple. Puis tu t’en iras… et nous nous souviendrons de l’Etoile qui a traversé notre ciel…
– Et pourquoi ne la suivriez-vous pas ?
– Comment veux-tu que nous le puissions ? »
Tout en parlant, ils se dirigent vers la ville.
« Nous, nous sommes les séparés. C’est du moins ce qu’on nous dit. Mais désormais nous sommes nés dans cette croyance et nous ne savons pas s’il est juste de l’abandonner. En outre… Oui, avec toi, nous pouvons parler, je le sens. Et puis, nous aussi, nous avons des yeux pour voir et un cerveau pour penser. Quand, en voyage ou pour commercer, nous passons par vos terres, tout ce que nous voyons n’est pas saint au point de nous faire croire que Dieu est avec vous, que vous soyez judéens ou galiléens.
– En vérité je te le dis : parce que les offenses et les malédictions ne vous ont pas persuadés ni ramenés à Dieu, alors que l’exemple et la charité pouvaient l’obtenir, il en sera fait un chef d’accusation contre le reste d’Israël.
– Quelle sagesse en toi ! Vous entendez ? »
Tous marquent leur assentiment par un murmure d’admiration.
144.4 Entre-temps, ils sont arrivés en ville et beaucoup d’autres personnes s’approchent tandis qu’ils se dirigent vers une maison.
« Ecoute, Rabbi. Toi qui es sage et bon, éclaire notre doute. Notre avenir peut largement en dépendre. Toi qui es le Messie, par conséquent le restaurateur du royaume de David, tu dois te réjouir de réunir ce membre séparé au corps de l’Etat. N’est-ce pas ?
– je me soucie moins de réunir les membres séparés de cet Etat caduc que de ramener à Dieu toutes les âmes, et je me réjouis de rétablir la vérité dans un cœur. Mais expose ton doute.
– Nos pères ont péché. Depuis lors, les âmes de Samarie sont mal vues de Dieu. Quel bien en obtiendrons-nous donc si nous suivons le bien ? C’est pour toujours que nous sommes lépreux aux yeux de Dieu.
– C’est votre regret, l’éternel regret, le mécontentement perpétuel de tous les schismatiques. Mais je te réponds encore avec Ezéchiel : “ Toutes les âmes sont à moi, dit le Seigneur, aussi bien la vie du père que celle du fils. Mais seule mourra l’âme qui a péché. Quiconque est juste, s’il n’est pas idolâtre, ne commet pas l’impureté, ne vole pas et n’est pas usurier, s’il fait preuve de miséricorde envers le corps et l’âme d’autrui, il sera juste à mes yeux et vivra de la vraie vie. ” Et encore : “ Si un juste a un fils rebelle, ce fils aura-t-il la vie parce que son père était juste ? Non, il ne l’aura pas. ” Et encore : “ Si le fils d’un pécheur est juste, mourra-t-il comme son père parce qu’il est son fils ? Non, il possédera la vie éternelle parce qu’il s’est montré juste. Il ne serait pas juste que l’un porte le péché de l’autre. L’âme qui a péché mourra. Celle qui n’a pas péché ne mourra pas. Et si le pécheur se repent et vient à la justice, lui aussi possédera la vraie vie. ” Le Seigneur Dieu, unique
et seul Seigneur, dit : “ Je ne veux pas la mort du pécheur, mais qu’il se convertisse et ait la vie. ” C’est pour cela qu’il m’a envoyé, ô fils errants : pour que vous ayez la vraie vie. Je suis la Vie. Celui qui croit en moi et en celui qui m’a envoyé aura la vie éternelle, même s’il a été pécheur jusqu’à ce jour.
– Nous voici chez moi, Maître. N’as-tu pas horreur d’y entrer ?
– Je n’ai horreur que du péché.
– Dans ce cas, viens t’y reposer. Nous partagerons ensemble le pain et puis, si cela ne te coûte pas, tu nous partageras la parole de Dieu. Venant de toi, elle a une tout autre saveur… or nous avons ici un tourment : celui de ne pas nous sentir sûrs d’être dans le vrai…
– Tout s’apaiserait si vous osiez venir ouvertement à la Vérité. Que Dieu parle en vous, habitants de cette ville. La nuit va bientôt tomber, mais demain, à la troisième heure, je vous parlerai longuement, si vous le voulez. Partez, la miséricorde vous accompagne. »