Une initative de
Marie de Nazareth

Le sabbat à Gethsémani

samedi 25 mars 28
Gethsémani

Vision de Maria Valtorta

       196.1 La matinée du sabbat a été occupée en majeure partie à reposer les corps fatigués et à remettre en état les vêtements empoussiérés et froissés par le voyage. Dans les grandes citernes de Gethsémani, que les orages ont remplies, et dans le Cédron qui chante toute une symphonie sur les pierres de son lit, écumant et gonflé par les pluies des jours précédents, il y a tant d’eau que c’en est une véritable invitation. L’un après l’autre, les pèlerins, défiant la fraîcheur, s’y plongent, et puis, revêtus à nouveau de pied en cap, les cheveux encore plaqués par les embruns du torrent, ils puisent de l’eau dans les citernes pour la reverser dans des bassins où l’on a mis les vêtements, couleur par couleur.

       « Ah, bien ! Dit Pierre, tout content. Ils vont tremper là et Marie se fatiguera moins à les laver. »

       (je suppose que c’est la femme qui entretient Gethsémani).

       « Toi seul, petit, tu ne peux pas te changer. Mais demain… »

       En effet, l’enfant a un petit vêtement propre qu’il a tiré de son sac, un sac qui pourrait suffire à une poupée tant il est minuscule. Mais cet habit est encore plus délavé et plus déchiré que l’autre et Pierre le regarde avec appréhension en murmurant :

       « Comment vais-je faire pour le conduire en ville ? Plié en deux, mon manteau ferait à peu près l’affaire, car, avec un manteau… il serait couvert tout entier. »

       Jésus, qui entend ce soliloque paternel, lui dit :

       « Il vaut mieux le laisser se reposer maintenant. Ce soir, nous irons à Béthanie…

       – Mais je veux lui acheter un vêtement. Je le lui ai promis…

       – Certainement, tu le feras, mais il vaut mieux prendre conseil de ma Mère. Tu sais… les femmes… elles sont plus capables que nous pour les achats… et elle sera heureuse de s’occuper d’un enfant… Vous irez ensemble ! »

       La pensée d’aller faire ces achats avec Marie transporte l’a­pôtre au septième ciel. Je ne sais pas si Jésus dit toute sa pensée ou s’il n’en garde pas pour lui une partie, à savoir qu’il aurait pu dire que sa Mère a meilleur goût pour éviter un bariolage de couleurs mal assorties. En fait, il atteint son but tout en évitant d’humilier son Pierre.

       196.2 Ils se dispersent dans l’oliveraie, si belle en ce jour serein d’avril. La pluie des jours précédents semble avoir argenté les oliviers et semé des fleurs, tant les frondaisons resplendissent au soleil et tant les petites fleurs abondent au pied des oliviers. Des oiseaux chantent et volent de tous côtés.

       La ville s’étend là-bas, à l’ouest de Gethsémani[50].       

 

       Impossible de distinguer le fourmillement de la foule à l’intérieur de la ville, mais on voit les caravanes se diriger vers la Porte des Poissons et d’autres portes à l’est dont j’ignore le nom, et la ville les engloutir comme un ventre famélique.

       Jésus se promène en observant Yabeç qui joue de bon cœur avec Jean et les plus jeunes. Judas lui-même, une fois passé son dépit d’hier, est joyeux et s’amuse. Les plus âgés les regardent et sourient.

       « Que dira ta Mère de cet enfant ? demande Barthélemy.

       – Moi, je crois qu’elle dira : “ Il est bien chétif ”, déclare Thomas.

       – Oh non ! Elle dira : “ Pauvre enfant ! ” répond Pierre.

       – Elle te dira, au contraire : “ Je suis contente que tu l’aimes ”, objecte Philippe.

       – La Mère n’en aurait jamais douté. Mais je crois qu’elle ne dira rien. Elle le serrera sur son cœur, dit Simon le Zélote.

       – Et, à ton avis, Maître, que dira-t-elle ?

       – Elle fera ce que vous dites. Mais elle pensera bien des choses – sinon même toutes –, elle se les dira dans son cœur mais, en l’embrassant, elle lui dira seulement : “ Sois béni ! ” ; et elle prendra soin de lui comme si c’était un oiseau tombé du nid.

       196.3 Ecoutez-moi : un jour, elle me racontait un événement de sa petite enfance : elle n’avait pas encore trois ans car elle n’était pas encore au Temple, et son cœur se brisait d’amour en donnant, comme des fleurs et des olives écrasées et pressurées sous le pressoir, toute son huile et tous ses parfums. Dans son délire d’amour, elle disait à sa mère qu’elle désirait être vierge pour plaire davantage au Sauveur, mais qu’elle aurait voulu être une pécheresse pour pouvoir être sauvée. Elle en pleurait presque, parce que sa mère ne la comprenait pas et elle ne savait lui expliquer comment on peut faire pour être en même temps la “ pure ” et la “ pécheresse ”. C’est son père qui lui rendit la paix, en lui apportant un petit moineau qu’il avait sauvé alors qu’il était en danger sur le rebord d’une fontaine. Il lui raconta la parabole du petit oiseau en expliquant que Dieu l’avait sauvée d’avance et que, pour cette raison, elle devait le bénir deux fois. Et la petite vierge de Dieu, la très grande Vierge Marie, exerça sa première maternité spirituelle envers cet oisillon qu’elle libéra quand il fut capable de voler. Mais il ne quitta jamais le jardin de Nazareth, consolant par ses vols et ses pépiements la triste maison et les tristes cœurs d’Anne et de Joachim après le départ de Marie au Temple. Il est mort peu de temps avant qu’Anne ne rende le dernier soupir… Il avait terminé sa mission…

       196.4 Ma Mère s’était vouée à la virginité par amour. Mais, étant une créature parfaite, elle avait la maternité dans le sang et dans l’âme. Car la femme est faite pour être mère, et c’est une aberration de demeurer sourde à ce sentiment, qui est un amour de deuxième puissance… »

       Les autres se sont approchés tout doucement.

       « Que veux-tu dire, Maître, en parlant d’amour de deuxième puissance ? demande Jude.

       – Mon frère, il y a plusieurs amours et de puissances diffé­rentes. Il y a l’amour de première puissance : celui avec lequel on aime Dieu. Puis l’amour de deuxième puissance : l’amour maternel ou paternel car, si le premier est entièrement spirituel, le second est pour deux parts spirituel et pour une seule charnel. Il s’y mêle, oui, le sentiment d’affection humaine, mais l’amour supérieur prédomine. En effet, un père et une mère qui le sont sainement et saintement ne se contentent pas de procurer aliments et caresses au corps de leur enfant, mais aussi nourriture et amour à son intelligence comme à son âme. C’est si vrai que celui qui se voue à l’enfance, ne serait-ce que pour l’instruire, finit par l’aimer comme si c’était sa propre chair.

       – Moi, en effet, j’aimais beaucoup mes élèves, dit Jean d’En-Dor.

       – J’ai compris que tu devais être un bon maître, en voyant comment tu te comportes avec Yabeç. »

       L’homme d’En-Dor s’incline et baise la main de Jésus sans parler.

       « Continue, je t’en prie, ta classification des amours, demande Simon le Zélote.

       – Il y a l’amour pour sa compagne. C’est un amour de troisième puissance parce qu’il est fait– je parle toujours des amours sains et saints – pour moitié d’esprit et pour moitié de chair. L’homme, pour son épouse, est un maître et un père en plus d’être époux. Et la femme, pour son époux, est un ange et une mère, en plus d’être épouse. Ce sont les trois amours les plus élevés.

       196.5 – Et l’amour du prochain ? Ne te trompes-tu pas ? Ou bien l’as-tu oublié ? » demande Judas.

       Les autres le regardent avec surprise et… avec sévérité, à cause de son observation.

       Mais Jésus répond tranquillement :

       « Non, Judas. Mais réfléchis bien : on aime Dieu, parce qu’il est Dieu et aucune explication n’est nécessaire pour encourager cet amour. Il est Celui qui est, c’est-à-dire le Tout ; et l’homme, c’est le rien qui devient une partie du Tout grâce à l’âme que lui infuse l’Eternel. Sans elle, l’homme serait seulement l’un des nombreux animaux sauvages qui vivent sur la terre, dans l’eau ou dans l’air. Il doit adorer Dieu par devoir et pour mériter de survivre dans le Tout, c’est-à-dire pour mériter de devenir une partie du peuple saint de Dieu au Ciel, citoyen de la Jérusalem qui ne connaîtra éternellement ni profanation ni destruction.

       L’amour de l’homme, et en particulier de la femme, pour ses enfants, a valeur de commandement, selon les mots de Dieu à Adam et à Eve : après les avoir bénis, voyant qu’il avait fait une “ bonne chose ” dans un lointain sixième jour, le premier sixième jour de la création, il leur dit : “ Croissez et multipliez-vous, et remplissez la terre… ”

       Je devine l’objection que tu n’exprimes pas et j’y réponds tout de suite : dans la création, avant la faute, tout était ordonné à l’amour et basé sur lui. Cette multiplication des enfants aurait été amour saint, pur, puissant, parfait. C’est le premier commandement que Dieu avait donné à l’homme : “ Croissez et multipliez-vous. ” Par conséquent, après moi, aimez vos enfants. L’amour, tel qu’il existe maintenant : celui qui actuellement engendre des enfants, n’existait pas alors. La malice n’existait pas, pas plus que l’exécrable désir des sens. L’homme aimait la femme et la femme aimait l’homme, naturellement, non pas naturellement selon la nature telle que nous l’entendons, ou plutôt telle que vous, hommes, l’entendez, mais selon la nature des enfants de Dieu : surnaturellement.

       Comme ils étaient doux, ces premiers jours d’amour entre Adam et Eve, qui étaient frère et sœur, puisque nés d’un Père unique, et qui pourtant étaient époux et, dans leur amour, se regardaient avec les yeux innocents de deux jumeaux au berceau ! Et l’homme éprouvait l’amour d’un père pour sa compagne “ os de ses os et chair de sa chair ”, comme l’est un enfant pour un père. Et la femme connaissait la joie d’être fille, c’est-à-dire protégée par un amour très haut car elle sentait qu’elle possédait en elle quelque chose de cet homme magnifique qui l’aimait avec innocence et avec une angélique ardeur dans les belles prairies de l’Eden !

       Ensuite, dans l’ordre des commandements que Dieu a donnés avec un sourire à ses enfants bien-aimés, vient celui qu’Adam lui-même — doté par la grâce d’une intelligence qui n’avait au-dessus d’elle que celle de Dieu — exprime, en parlant de sa compagne et en elle de toutes les femmes ; c’est le décret de la pensée de Dieu qui se réfléchissait avec netteté dans le pur miroir de l’âme d’Adam où naissait une fleur de pensée et de parole : “ L’homme quittera son père et sa mère et s’unira à sa femme ; les deux seront une seule chair. ”

       Si les trois piliers des trois amours dont je viens de parler n’avaient pas existé, l’amour du prochain aurait-il pu exister ? Non, cela aurait été impossible. L’amour de Dieu nous donne Dieu pour ami et enseigne l’amour. Celui qui n’aime pas Dieu, qui est bon, ne peut certainement pas aimer son prochain, qui le plus souvent a des défauts. S’il n’y avait pas eu l’amour conjugal et la paternité dans le monde, il n’aurait pas pu y avoir de prochain car le prochain est fait de l’ensemble des enfants nés des hommes. En es-tu persuadé ?

       – Oui, Maître. Je n’avais pas réfléchi.

       – En fait, il est difficile de remonter aux sources. L’homme est désormais enfoncé depuis des siècles et des millénaires dans la boue, et ces sources sont si haut sur les cimes ! D’ailleurs, la première d’entre elles vient d’une hauteur abyssale : Dieu… Mais je vous prends par la main et je vous conduis aux sources. Je sais où elles se trouvent…

       196.6 – Et les autres amours ? demandent en même temps Simon le Zélote et l’homme d’En-Dor.

       – Le premier de la seconde série est l’amour du prochain. En réalité, c’est le quatrième en puissance. Ensuite vient l’amour de la science, puis l’amour du travail.

       – Et c’est tout ?

       – C’est tout.

       – Mais il y a beaucoup d’autres amours ! S’exclame Judas Iscariote.

       – Non, il y a d’autres désirs, mais ce ne sont pas des amours. Ce sont des “ absences d’amour ”. Celles-ci nient Dieu, elles nient l’homme. Pour cette raison, elles ne peuvent être des amours car ce sont des négations, or la négation c’est la haine.

       – Si je refuse de consentir au mal, est-ce également de la haine ? demande encore Judas.

       – Pauvres de nous ! Mais tu es plus ergoteur qu’un scribe ! Dis-moi, qu’est-ce que tu as ? Est-ce l’air vif de la Judée qui t’excite les nerfs, comme une crampe ? s’exclame Pierre.

       – Non. J’aime m’instruire et avoir beaucoup d’idées, des idées claires. Ici, il est facile de parler avec les scribes, justement. Je ne veux pas rester à court d’arguments.

       – Et crois-tu pouvoir au bon moment sortir l’échantillon de la couleur réclamée, du sac où tu conserves tous ces chiffons ? demande Pierre.

       – Chiffons, les paroles du Maître ? Tu blasphèmes !

       – Ne joues pas au scandalisé ! Dans sa bouche à lui, ce ne sont pas des chiffons. Mais, une fois que nous avons déformé ses paroles, c’est ce qu’elles deviennent… Essaie de mettre du byssus précieux entre les mains d’un enfant… Peu de temps après, c’est une loque sale et déchirée. C’est ce qui nous arrive à nous… Maintenant, si tu prétends pêcher au bon moment la loque qu’il te faut, entre ce qui n’est qu’une loque et ce qui est sale… hum ! Je ne sais pas ce que tu en feras.

       – Ne t’en soucie pas. Ce sont mes affaires.

       – Ah ! Tu peux être sûr que je ne m’en soucie pas ! J’ai assez des miennes. Et d’ailleurs… Je me contente que tu ne nuises pas au Maître car, dans ce cas, je m’occuperais aussi de tes affaires…

       – Quand j’agirai mal, tu le feras : mais cela n’arrivera pas, car je sais y faire… Je ne suis pas un ignorant, moi…

       – Je le suis, moi, et je le sais. Mais puisque, précisément, j’en suis conscient, je ne fais pas de réserves, pour les sortir ensuite au bon moment. Je me recommande à Dieu, et Dieu m’aidera pour l’amour de son Messie dont je suis le serviteur le plus insignifiant et le plus fidèle.

       – Fidèles, nous le sommes tous ! Réplique Judas avec arrogance.

       – Oh ! Le méchant ! » Dit Yabeç avec sévérité, rompant le silence qu’il gardait attentivement. « Pourquoi offenses-tu mon père ? Il est âgé, il est bon. Tu ne dois pas. Tu es un homme méchant, et tu me fais peur !

       – Et de deux ! » dit à voix basse Jacques, fils de Zébédée, en donnant un coup de coude à André.

       Il a parlé doucement, mais Judas a entendu.

       « Tu vois, Maître, si les paroles de cet imbécile d’enfant de Magdala ont laissé un souvenir ? dit Judas, rouge de dépit.

       196.7 – Mais ne vaudrait-il pas mieux continuer la leçon du Maître, au lieu de ressembler à des chevreaux en colère ? demande le pacifique Thomas.

       – Mais oui, Maître ! S’exclame Matthieu. Parle-nous encore de ta Mère. Son enfance est si lumineuse ! Elle nous rend l’âme vierge par simple reflet ; or, moi, pauvre pécheur, j’en ai bien besoin !

       – Que dois-je vous raconter ? Il y a tant d’épisodes, tous plus doux l’un que l’autre…

       – C’est elle qui te les a racontés ?

       – Quelques-uns, oui, mais Joseph beaucoup plus. C’est lui qui m’a fait les plus beaux récits quand j’étais petit. Et aussi Alphée, fils de Sarah, qui était de six ans plus âgé que ma Mère et fut son ami pendant les quelques années où elle vécut à Nazareth.

       – Oh, raconte ! » demande instamment Jean.

       Ils sont tous en cercle, assis à l’ombre des oliviers avec au milieu Yabeç qui regarde fixement Jésus, comme s’il écoutait un conte paradisiaque.

       « Je vais vous rapporter la leçon de chasteté que ma Mère a donnée, quelques jours avant d’entrer au Temple, à son petit ami et à beaucoup d’autres.

       Ce jour-là, une jeune fille de Nazareth, parente de Sarah, s’était mariée. Joachim et Anne avaient été invités eux aussi aux noces, et avec eux la petite Marie qui, avec d’autres enfants, était chargée de jeter des pétales effeuillés sur le chemin de l’épouse. On dit qu’elle était très belle depuis sa plus tendre enfance, et tout le monde se la disputait, après la joyeuse entrée de l’épouse. Il était très difficile de voir Marie parce qu’elle vivait beaucoup à la maison, affectionnant, plus que tout autre lieu, une petite grotte qu’elle appelle toujours la grotte “ de ses fiançailles ”. Aussi, quand on la voyait, blonde, rose, gracieuse, on l’accablait de caresses. On l’appelait : “ Fleur de Nazareth ” ou bien : “ Perle de la Galilée ” ou encore : “ Paix de Dieu ” en souvenir d’un immense arc-en-ciel qui était survenu à l’improviste à son premier vagissement. Effectivement, elle était et reste tout cela, et plus encore. C’est la Fleur du Ciel et de la création, c’est la Perle du Paradis et la Paix de Dieu… Oui, la paix. Je suis le Pacifique car je suis le Fils du Père et le fils de Marie : la paix infinie et la paix douce.

       Ce jour-là, tous voulaient lui donner des baisers et la prendre sur leurs genoux. Or elle, écartant les baisers et les contacts, dit avec une gracieuse gravité : “ Je vous en prie, ne me froissez pas. ” Ils crurent qu’elle parlait de son vêtement de lin ceint d’une bande bleue à la taille et aussi à ses petits poignets et autour de son cou… ou de la petite guirlande de fleurs bleues dont Anne l’avait couronnée pour tenir en place les boucles légères de ses cheveux. Ils l’assurèrent qu’ils n’allaient froisser ni son vêtement ni sa guirlande. Mais elle, avec assurance, comme une petite femme de trois ans debout au milieu d’un cercle de grandes personnes, dit avec sérieux : “ Je ne pense pas à ce qui se répare. Je parle de mon âme. Elle appartient à Dieu et je veux que Dieu seul y touche. ” On lui objecta : “ Mais c’est à toi que nous donnons des baisers, pas à ton âme. ” Elle rétorqua : “ Mon corps est le temple de mon âme et l’Esprit en est le prêtre. On n’admet pas le peuple dans l’enceinte des prêtres. Je vous en prie, n’entrez pas dans l’enceinte de Dieu. ”

       Alphée, qui avait alors plus de huit ans et qui l’aimait beaucoup, fut frappé par cette réponse. Le lendemain, il la trouva près de sa petite grotte occupée à cueillir des fleurs, et il lui demanda : “ Marie, quand tu seras grande, me voudrais-tu pour époux ? ” Il était encore animé par l’effervescence de la fête nuptiale à laquelle il avait assisté. Mais elle lui répondit : “ Je t’aime bien, mais je ne te vois pas comme homme. Je te dis un secret : je vois seulement l’âme des vivants. Elle, je l’aime beaucoup, de tout mon cœur, mais je ne vois personne d’autre que Dieu comme ‘Vrai Vivant’ à qui je pourrais me donner moi-même. ” Voilà un épisode.

       – “ Vrai Vivant ” ! Mais tu sais que c’est une parole profonde ! » s’exclame Barthélemy.

       Souriant, Jésus répond humblement :

       « Elle était la Mère de la Sagesse.

       – Elle était… ? Mais n’avait-elle pas trois ans ?

       – Elle l’était. Je vivais déjà en elle, car j’étais Dieu en elle, dès sa conception, dans son Unité et sa très parfaite Trinité.

       196.8 – Mais, excuse-moi si j’ose parler, moi qui suis coupable, mais

       Joachim et Anne savaient-ils qu’elle était la Vierge élue ? demande Judas.

       – Non, ils l’ignoraient.

       – Dans ce cas, comment Joachim pouvait-il dire que Dieu l’avait sauvée d’avance ? Cela ne fait-il pas allusion à son privilège par rapport à la faute ?

       – C’est une allusion. Mais, comme pour tous les prophètes, c’est Dieu qui parlait par la bouche de Joachim. Lui non plus n’a pas compris la sublime vérité surnaturelle que l’Esprit mettait sur ses lèvres, car Joachim était un juste, au point de mériter cette paternité, et c’était un humble – puisqu’il n’y a pas de justice là où règne l’orgueil. Lui, il était juste et humble. Il consola sa fille par son amour de père. Il l’instruisit par sa science de prêtre, car il l’était en tant que tuteur de l’Arche de Dieu. Il la consacra comme pontife par le titre le plus doux : “ La femme sans tache. ” Un jour viendra où un autre Pontife aux cheveux blancs dira au monde : “ Elle est la Femme conçue immaculée ” ; il donnera aux croyants cette vérité, comme un article de foi incontestable, pour que, dans le monde d’alors, en train de s’enfoncer toujours plus dans une grisaille nébuleuse d’hérésies et de vices, resplendisse ouvertement la Toute-Belle de Dieu, couronnée d’étoiles, vêtue des rayons de la lune moins purs qu’elle, et appuyée sur les astres, la Reine du créé et de l’incréé ; car, dans son Royaume, Dieu-Roi a pour Reine Marie.

       – Alors Joachim était prophète ?

       – C’était un juste. Son âme répétait comme un écho ce que Dieu disait à son âme aimée de Dieu.

       196.9 – Quand allons-nous voir cette Maman, Seigneur ? demande Yabeç dont les yeux traduisent le désir.

       – Ce soir. Que lui diras-tu, en la voyant ?

       – “ Je te salue, Mère du Sauveur. ” Cela va bien comme ça ?

       – Très bien, confirme Jésus avec une caresse.

       – Mais nous n’irons pas au Temple aujourd’hui ? demande Philippe.

       – Nous y irons avant de partir pour Béthanie. Et toi, Yabeç, tu resteras tranquille ici, n’est-ce pas ?

       – Oui, Seigneur. »

       L’épouse de Jonas, le régisseur de l’oliveraie, qui s’est approchée tout doucement, demande :

       « Pourquoi ne l’y conduis-tu pas ? L’enfant en a envie… »

       Jésus la regarde avec insistance sans parler.

       La femme comprend et le dit :

       « J’ai compris ! Mais je dois avoir encore un petit manteau de Marc. Je vais le chercher. »

       Sur ce, elle s’éloigne en courant.

       Yabeç tire Jean par la manche :

       « Est-ce que les maîtres seront sévères ?

       – Oh non ! N’aie pas peur ; et puis ce n’est pas pour aujourd’hui. Dans quelques jours, avec la Mère de Jésus, tu seras plus sage qu’un docteur » dit Jean pour le réconforter.

       Les autres entendent et sourient de l’appréhension de Yabeç.

       « Mais qui le présentera en qualité de père ? demande Matthieu.

       – Moi. C’est naturel ! A moins que… le Maître ne veuille le présenter, dit Pierre.

       – Non, Simon. Je ne le ferai pas. Je te laisse cet honneur.

       – Merci, Maître. Mais… tu seras présent toi aussi ?

       – Certainement. Nous le serons tous. C’est “ notre ” enfant… »

       Marie, femme de Jonas, revient avec un manteau violet foncé encore en bon état. Mais quelle couleur ! Elle-même le dit :

       « Marc n’a jamais voulu le porter parce que la couleur ne lui plaisait pas. »

       Je le crois bien ! C’est affreux ! Et le pauvre Yabeç, avec son teint olivâtre, a l’air d’un noyé dans cette couleur violente. Mais lui ne se voit pas… si bien qu’il est heureux de porter ce manteau dans lequel il peut se draper comme un homme…

       « Le repas est prêt, Maître. La servante a déjà enlevé l’agneau de la broche.

       – Alors allons-y. »

       Et, descendant de l’endroit où ils se trouvent, ils entrent dans la vaste cuisine pour le repas.

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