Une initative de
Marie de Nazareth

La parabole des dix vierges

mercredi 5 avril 28
Béthanie
Ernest Karlovich Liphart

Dans les évangiles : Mt 25,1-13 ; Mt 22,1-14 ; Luc 14,16-24

Matthieu 25,1-13

« Alors, le royaume des Cieux sera comparable à dix jeunes filles invitées à des noces, qui prirent leur lampe pour sortir à la rencontre de l’époux. Cinq d’entre elles étaient insouciantes, et cinq étaient prévoyantes : les insouciantes avaient pris leur lampe sans emporter d’huile, tandis que les prévoyantes avaient pris, avec leurs lampes, des flacons d’huile. Comme l’époux tardait, elles s’assoupirent toutes et s’endormirent. Au milieu de la nuit, il y eut un cri : “Voici l’époux ! Sortez à sa rencontre.” Alors toutes ces jeunes filles se réveillèrent et se mirent à préparer leur lampe. Les insouciantes demandèrent aux prévoyantes : “Donnez-nous de votre huile, car nos lampes s’éteignent.” Les prévoyantes leur répondirent : “Jamais cela ne suffira pour nous et pour vous, allez plutôt chez les marchands vous en acheter.” Pendant qu’elles allaient en acheter, l’époux arriva. Celles qui étaient prêtes entrèrent avec lui dans la salle des noces, et la porte fut fermée. Plus tard, les autres jeunes filles arrivèrent à leur tour et dirent : “Seigneur, Seigneur, ouvre-nous !” Il leur répondit : “Amen, je vous le dis : je ne vous connais pas.”

Veillez donc, car vous ne savez ni le jour ni l’heure.

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Matthieu 22,1-14

Jésus se mit de nouveau à leur parler et leur dit en paraboles : « Le royaume des Cieux est comparable à un roi qui célébra les noces de son fils. Il envoya ses serviteurs appeler à la noce les invités, mais ceux-ci ne voulaient pas venir. Il envoya encore d’autres serviteurs dire aux invités : “Voilà : j’ai préparé mon banquet, mes bœufs et mes bêtes grasses sont égorgés ; tout est prêt : venez à la noce.” Mais ils n’en tinrent aucun compte et s’en allèrent, l’un à son champ, l’autre à son commerce ; les autres empoignèrent les serviteurs, les maltraitèrent et les tuèrent. Le roi se mit en colère, il envoya ses troupes, fit périr les meurtriers et incendia leur ville. Alors il dit à ses serviteurs : “Le repas de noce est prêt, mais les invités n’en étaient pas dignes. Allez donc aux croisées des chemins : tous ceux que vous trouverez, invitez-les à la noce.” Les serviteurs allèrent sur les chemins, rassemblèrent tous ceux qu’ils trouvèrent, les mauvais comme les bons, et la salle de noce fut remplie de convives.

Le roi entra pour examiner les convives, et là il vit un homme qui ne portait pas le vêtement de noce. Il lui dit : “Mon ami, comment es-tu entré ici, sans avoir le vêtement de noce ?” L’autre garda le silence. Alors le roi dit aux serviteurs : “Jetez-le, pieds et poings liés, dans les ténèbres du dehors ; là, il y aura des pleurs et des grincements de dents.” Car beaucoup sont appelés, mais peu sont élus. »

Luc 14,16-24

Jésus lui dit : « Un homme donnait un grand dîner, et il avait invité beaucoup de monde. À l’heure du dîner, il envoya son serviteur dire aux invités : “Venez, tout est prêt.” Mais ils se mirent tous, unanimement, à s’excuser. Le premier lui dit : “J’ai acheté un champ, et je suis obligé d’aller le voir ; je t’en prie, excuse-moi.” Un autre dit : “J’ai acheté cinq paires de bœufs, et je pars les essayer ; je t’en prie, excuse-moi.” Un troisième dit : “Je viens de me marier, et c’est pourquoi je ne peux pas venir.” De retour, le serviteur rapporta ces paroles à son maître. Alors, pris de colère, le maître de maison dit à son serviteur : “Dépêche-toi d’aller sur les places et dans les rues de la ville ; les pauvres, les estropiés, les aveugles et les boiteux, amène-les ici.” Le serviteur revint lui dire : “Maître, ce que tu as ordonné est exécuté, et il reste encore de la place.” Le maître dit alors au serviteur : “Va sur les routes et dans les sentiers, et fais entrer les gens de force, afin que ma maison soit remplie. Car, je vous le dis, aucun de ces hommes qui avaient été invités ne goûtera de mon dîner.” »

Vision de Maria Valtorta

       206.1 En présence des paysans de Yokhanan, d’Isaac et de nombreux disciples, des femmes, parmi lesquelles la Vierge Marie et Marthe, et de beaucoup d'habitants de Béthanie, Jésus parle. Tous les apôtres sont présents. L’enfant, assis en face de Jésus, n’en perd pas un mot. Le discours ne fait que commencer, car il arrive encore des gens…

       Jésus dit :

       « …et c’est à cause de cette crainte, que je vois si vive en bon nombre d’entre vous, que je veux vous proposer aujourd’hui une douce parabole. Elle est douce pour les hommes de bonne volonté, amère pour les autres. Mais ces derniers ont le moyen de corriger cette amertume. Qu’ils deviennent, eux aussi, des gens de bonne volonté, et le reproche que la parabole fait naître dans leur conscience cessera d’exister.

       206.2 Le Royaume des Cieux est la maison des noces qui s’accom­plissent entre Dieu et les âmes. Le moment où l’on y entre, c’est le jour des noces.

       Ecoutez donc : chez nous, la coutume est que les vierges escortent l’époux qui arrive, pour le conduire au milieu des lumières et des chants vers la maison nuptiale avec sa tendre épouse. Le cortège quitte la maison de l’épouse qui, voilée et émue, se dirige vers le lieu où elle sera reine, dans une maison qui n’est pas la sienne, mais qui le devient à partir du moment où elle s’unit à son époux. Alors les jeunes filles en cortège — des amies de l’épouse pour la plupart — accourent à la rencontre de ces deux êtres heureux pour les ceindre d’un cercle de lumières.

       Or il arriva, dans un village, que l’on fit des noces. Pendant que les époux, avec leurs parents et amis, s’en donnaient à cœur joie dans la maison de l’épouse, dix vierges se rendirent à leur place dans le vestibule de la maison de l’époux, prêtes à sortir à sa rencontre quand le bruit lointain des cymbales et des chants viendrait les avertir que les époux avaient quitté la maison de l’épouse pour venir à celle de son mari. Mais le banquet, dans la maison des noces, se prolongeait et la nuit survint.

       Les vierges, comme vous le savez, gardent toujours leurs lampes allumées pour ne pas perdre de temps au dernier moment. Or, parmi ces dix vierges qui avaient leurs lampes allumées et en parfait état de marche, il y avait cinq sages et cinq sottes. Par prudence, les sages s’étaient munies de petits vases pleins d’huile pour pouvoir remplir les lampes si la durée de l’attente était plus longue que prévu, alors que les sottes s’étaient bornées à bien remplir leurs petites lampes.

       Les heures passèrent, les unes après les autres. Conversations gaies, bonnes histoires, plaisanteries charmaient l’attente. Mais le temps passant, elles ne surent plus que dire ni que faire. Par ennui, ou tout simplement par fatigue, les dix vierges s’assirent plus à leur aise avec leurs lampes allumées toutes proches et, tout doucement, elles s’endormirent.

       206.3 Minuit arriva et l’on entendit un cri : “ Voici l’époux, allez à sa rencontre ! ” Les dix vierges sursautèrent en entendant cet ordre, elles saisirent leurs voiles et leurs guirlandes, s’en coiffèrent et coururent vers la table où se trouvaient les lampes. Or cinq d’entre elles étaient en train de faiblir… La mèche, que l’huile, toute brûlée, ne nourrissait plus, fumait avec des éclairs de plus en plus faibles, prête à s’éteindre au moindre souffle d’air. Les cinq autres, au contraire, regarnies par les vierges prudentes avant leur sommeil, avaient une flamme encore vive qui se raviva davantage quand on ajouta de l’huile dans le réservoir de la lampe.

       “ Oh ! Supplièrent les sottes, donnez-nous un peu de votre huile, sinon nos lampes vont s’éteindre, rien qu’à les prendre. Les vôtres sont déjà belles !… ” Mais les prudentes répondirent : “ Dehors, le vent de la nuit souffle, et la rosée tombe à grosses gouttes. Jamais il n’y aura assez d’huile pour faire une flamme robuste qui puisse résister au vent et à l’humidité. Si nous vous en donnons, nos lumières se mettront à vaciller, elles aussi. Et bien triste serait le cortège des vierges sans la lueur des petites flammes ! Allez, courez chez le marchand le plus proche, priez-le, frappez à sa porte, faites-le se lever pour qu’il vous donne de l’huile. ” Alors ces jeunes filles, haletantes, froissant leurs voiles, tachant leurs vêtements, perdant leurs guirlandes, en se heurtant et en courant, suivirent le conseil de leurs compagnes.

       Mais, pendant qu’elles allaient acheter de l’huile, l’époux accompagné de l’épouse apparut au bout de la rue. Les cinq vierges, munies des lampes allumées, coururent à leur rencontre et c’est entourés d’elles que les époux entrèrent dans la maison pour la fin de la cérémonie, c’est-à-dire quand les vierges escortent finalement l’épouse jusqu’à la chambre nuptiale. La porte fut close après l’entrée des époux et ceux qui se trouvaient dehors, restèrent dehors. Tel fut le sort des cinq sottes qui, arrivées enfin avec leur huile, trouvèrent la porte verrouillée et frappèrent inutilement jusqu’à se blesser les mains en gémissant : “ Seigneur, seigneur, ouvre-nous ! Nous faisons partie du cortège des noces. Nous sommes les vierges propitiatoires, choisies pour apporter honneur et fortune à ton mariage. ”

       Mais l’époux, du haut de la maison, quitta pour un instant les invités les plus intimes auxquels il faisait ses adieux pendant que l’épouse entrait dans la chambre nuptiale, et il leur dit : “ En vérité, je vous dis que je ne vous connais pas. Je ne sais pas qui vous êtes. Vos visages n’étaient pas en fête autour de mon épouse bien-aimée. Vous êtes des usurpatrices. Restez donc hors de la maison des noces. ” Et les cinq sottes, en larmes, s’en allèrent par les rues obscures, avec leurs lampes désormais inutiles, leurs vêtements fripés, leurs voiles arrachés, leurs guirlandes défaites ou perdues…

       206.4 Et maintenant, écoutez la leçon à tirer de cette parabole.

       Je vous ai dit au début que le Royaume des Cieux est la maison des noces qui s’accomplissent entre Dieu et les âmes. Tous les fidèles sont appelés aux noces célestes, car Dieu aime tous ses enfants. Les uns plus tôt, les autres plus tard, tous parviennent au moment des noces, et c’est un sort heureux que d’y être arrivé. Mais écoutez encore : vous savez que les jeunes filles considèrent comme un honneur et une chance d’être appelées comme servantes autour de l’épouse. Voyons dans notre cas ce que représentent les personnages et vous comprendrez mieux.

       L’Epoux, c’est Dieu. L’épouse, c’est l’âme d’un juste qui, après avoir passé le temps des fiançailles dans la maison du Père, c’est-à-dire sous la protection de la doctrine de Dieu et dans l’obéissance à cette doctrine, en vivant selon la justice, est amenée dans la maison de l’Epoux pour les noces. Les servantes-vierges sont les âmes des fidèles qui, grâce à l’exemple laissé par l’épouse, cherchent à arriver au même honneur en se sanctifiant. Pour l’épouse, le fait d’avoir été choisie par l’époux à cause de ses vertus, est en effet le signe qu’elle était un exemple vivant de sainteté.

       206.5 Les vierges portent des vêtements blancs, propres et frais, ainsi qu’un voile blanc, et sont couronnées de fleurs. Elles tiennent dans leurs mains des lampes allumées. Les lampes sont bien nettoyées, avec la mèche nourrie de l’huile la plus pure afin qu’elle ne soit pas malodorante.

       En vêtements blancs. La justice pratiquée avec fermeté donne des vêtements blancs et bientôt viendra le jour où ils seront parfaitement blancs, sans même le plus lointain souvenir d’une tache, d’une blancheur surnaturelle, d’une blancheur angélique.

       En vêtements propres. Il faut, par l’humilité, garder ses vêtements toujours propres. Il est bien facile de ternir la pureté du cœur, et celui qui n’a pas le cœur pur ne peut voir Dieu. L’humilité est comme une eau qui lave. L’humble, parce que son œil n’est pas obscurci par la fumée de l’orgueil, s’aperçoit tout de suite qu’il a terni son vêtement. Il court vers son Seigneur et lui dit : “ J’ai perdu la netteté de mon cœur. Je pleure pour me purifier. Je pleure à tes pieds. Et toi, mon Soleil, blanchis mon vêtement par ton pardon bienveillant, par ton amour paternel ! ”

       En vêtements frais. Ah, La fraîcheur du cœur ! Les enfants la possèdent par un don de Dieu. Les justes la possèdent par un don de Dieu et par leur propre volonté. Les saints la possèdent par un don de Dieu et par une volonté allant jusqu’à l’héroïsme. Mais les pécheurs, dont l’âme est en loques, brûlée, empoisonnée, salie, ne pourront-ils donc jamais plus avoir un vêtement frais ? Oh si ! Ils le peuvent. Ils commencent à recouvrer cette innocence à partir du moment où ils se regardent avec mépris, ils l’augmentent quand ils ont décidé de changer de vie, et ils la perfectionnent quand, par la pénitence, ils se lavent, se désintoxiquent, se soignent, refont leur pauvre âme. D’un côté grâce à l’aide de Dieu, qui ne refuse pas ses secours à qui demande son aide sainte, de l'autre par leur propre volonté portée à un degré qui dépasse l’héroïsme — car en eux il n’y a pas lieu de protéger ce qu’ils possèdent, mais de reconstruire ce qu’ils ont abattu, ce qui nécessite le double d’effort, si ce n’est même trois fois, sept fois plus —, enfin par une pénitence inlassable, implacable à l’égard du moi qui était pécheur, ils ramènent leur âme à une nouvelle fraîcheur d’enfant, rendue précieuse par l’expérience qui fait d’eux des maîtres pour ceux qui autrefois étaient comme eux, c’est-à-dire pécheurs.

       En voiles blancs. L’humilité ! J’ai dit : “ Quand vous priez ou faites pénitence, faites en sorte que le monde ne s’en aperçoive pas. ” Dans les livres sapientiaux, il est écrit : “ Il n’est pas bien de révéler le secret du Roi. L’humilité est le voile blanc que l’on met pour le défendre sur le bien que l’on fait et sur celui que Dieu nous accorde. Il ne faut pas se glorifier de l’amour privilégié que Dieu nous accorde, ni rechercher une sotte gloire humaine. Ce don serait retiré sur-le-champ. Mais que le cœur chante intérieurement à son Dieu : “ Mon âme te glorifie, Seigneur… parce que tu as tourné les yeux vers la bassesse de ta servante. ” »

       Jésus s’arrête un instant et jette un regard vers sa Mère qui rougit sous son voile et s’incline profondément comme pour remettre en place les cheveux de l’enfant assis à ses pieds, mais en réalité pour cacher l’émotion de son souvenir…

       « Couronnée de fleurs. L’âme doit tresser sa guirlande quotidienne d’actes vertueux, car, en présence du Très-Haut, il ne doit rien rester de vicieux et il convient de ne pas avoir l’aspect négligé. Guirlande quotidienne, ai-je dit, car l’âme ne sait pas quand Dieu (l’Epoux) lui apparaîtra pour lui dire : “ Viens. ” Il ne faut donc pas se lasser de renouveler la couronne. N’ayez pas peur. Les fleurs perdent leur fraîcheur, mais les fleurs des couronnes vertueuses ne la perdent pas. L’ange de Dieu, que chaque homme a auprès de lui, recueille ces guirlandes quotidiennes et les apporte au Ciel ; là, elles serviront de trône au nouveau bienheureux quand son âme entrera comme épouse dans la maison nuptiale.

       206.6 Elles tiennent leurs lampes allumées, à la fois pour honorer l’Epoux et pour se guider en chemin. Comme la foi est brillante et quelle douce amie elle est ! Elle donne une flamme qui rayonne comme une étoile, une flamme joyeuse car elle a une certitude sereine, une flamme qui rend lumineux jusqu’à l’instrument qui la porte. Même le corps de l’homme que nourrit la foi semble, dès cette terre, devenir plus lumineux et plus spirituel, exempt d’un vieillissement précoce. Car celui qui a la foi se laisse guider par les paroles et les commandements de Dieu pour parvenir à posséder Dieu, sa fin ; c’est pourquoi il fuit toute corruption, il n’a ni trouble, ni peur, ni remords, il n’est pas obligé de faire des efforts pour se rappeler ses mensonges ou pour cacher ses mauvaises actions, et il se garde beau et jeune de la belle incorruptibilité des saints. Une chair et un sang, une âme et un cœur purs de toute luxure pour conserver l’huile de la foi, pour donner une lumière sans fumée. Une volonté constante pour nourrir toujours cette lumière.

       La vie de chaque jour avec ses déceptions, ses constatations, ses contacts, ses tentations, ses frictions, tend à diminuer la foi. Non ! Cela ne doit pas se produire. Allez chaque jour aux sources de l’huile suave, de l’huile de la sagesse, de l’huile de Dieu. Une lampe peu alimentée peut s’éteindre au moindre souffle, elle peut être éteinte par la lourde rosée de la nuit. La nuit… L’heure des ténèbres, du péché, de la tentation vient pour tous. C’est la nuit de l’âme. Mais si elle se remplit, elle-même, de foi, sa flamme ne peut être éteinte par les vents du monde ni par le brouillard de la sensualité.

       Pour conclure, vigilance, vigilance, vigilance. L’imprudent qui ose dire : “ Oh ! Dieu viendra à un moment où j’aurai encore la lumière en moi ”, qui se met à dormir au lieu de veiller, à dormir dépourvu de ce qu’il faut pour se lever promptement au premier appel, qui attend le dernier moment pour se procurer l’huile de la foi ou la mèche résistante de la bonne volonté, court le risque de rester dehors à l’arrivée de l’Epoux. Veillez donc avec prudence, avec constance, avec pureté, avec confiance, pour être toujours prêts à l’appel de Dieu, car en réalité vous ne savez pas quand il viendra.

       206.7 Mes chers disciples, je ne veux pas vous amener à avoir peur de Dieu, mais plutôt à avoir foi en sa bonté. Vous qui restez, comme vous qui partez, pensez que, si vous agissez à la manière des vierges sages, vous serez appelés non seulement à escorter l’Epoux, mais, comme la jeune Esther, qui est devenue reine à la place de Vasthi, vous serez choisis et élus comme épouses, car l’Epoux aura “ trouvé en vous faveur et grâce, plus qu’en tout autre. ” Je vous bénis, vous qui partez. Portez en vous et à vos compagnons les paroles que je vous ai adressées. Que la paix du Seigneur soit toujours avec vous. »

       Jésus s’approche des paysans pour les saluer de nouveau, mais Jean d’En-Dor lui glisse à l’oreille :

       « Maître, Judas est là…

       – Peu importe. Accompagne-les jusqu’au char et fais ce que je t’ai dit. »

       L’assemblée se disperse lentement. Plusieurs parlent à Lazare… Et ce dernier se tourne vers Jésus qui, après avoir quitté les paysans, revient de leur côté, et il dit :

       « Maître, avant de nous quitter, parle-nous encore… C’est ce que désirent les cœurs de Béthanie.

       – La nuit descend, mais elle est paisible et sereine. Si vous voulez vous réunir sur les foins fauchés, je vous parlerai avant de quitter ce village ami. Ou bien demain, à l’aurore, car l’heure de nous séparer est venue.

       – Plus tard ! Ce soir ! Crient-ils tous.

       – Comme vous voudrez. Partez, à présent. Je vous parlerai au milieu de la première vigile. » …

       206.8 …Jésus est réellement infatigable. Alors que le soleil disparaît, laissant le souvenir du rouge du crépuscule, à la première stridulation des grillons, indécise et solitaire, Jésus se dirige vers le centre d’un pré récemment fauché. L’herbe, en séchant, exhale une odeur pénétrante et agréable. Il est suivi par les apôtres, les Marie, Marthe et Lazare avec ceux de sa maison, Isaac avec ses disciples et, pourrais-je même dire, tout le village de Béthanie. Parmi les serviteurs se trouvent le vieillard et la femme, les deux qui, au mont des Béatitudes, ont trouvé du réconfort jusque pour leur vie quotidienne.

       Jésus s’arrête pour bénir le patriarche qui, en pleurant, lui baise la main et caresse l’enfant qui marche à côté de Jésus en lui disant :

       « Bienheureux es-tu, toi qui peux toujours le suivre ! Sois bon, sois attentif, mon enfant ! C’est pour toi une grande chance ! Une grande chance ! Au-dessus de ta tête est suspendue une couronne… Ah ! Bienheureux es-tu ! »

       206.9 Quand tout le monde est en place, Jésus commence à parler :

       « Ils sont partis, nos pauvres amis qui avaient besoin d’être bien réconfortés dans l’espérance, et même dans la certitude qu’il faut peu de connaissances pour être admis dans le Royaume, qu’il suffit d’un minimum de vérité sur laquelle la bonne volonté agit. Maintenant, je m’adresse à vous, qui êtes bien moins malheureux puisque vous vivez dans de bien meilleures conditions matérielles et avec des secours plus importants du Verbe. Mon amour va vers eux avec ma seule pensée. Ici, pour vous, mon amour vient avec la parole en plus. Vous recevez sur la terre comme au Ciel le secours d’une plus grande force car, à celui qui a reçu davantage, il sera demandé davantage. Eux, nos pauvres amis qui sont en train de retourner à leur galère, ne peuvent posséder qu’un minimum de bien et, en revanche, ils endurent un maximum de souffrances. Aussi n’y a-t-il pour eux que des promesses de bienveillance, car toute autre chose serait superflue. En vérité, je vous dis que leur vie est pénitence et sainteté et il ne faut pas leur imposer autre chose. Et en vérité, je vous dis aussi que, pareils aux vierges sages, ils ne laisseront pas leur lampe s’éteindre jusqu’à l’heure de l’appel. La laisser s’éteindre ? Non. Cette lumière est tout ce qu’ils possèdent. Ils ne peuvent la laisser s’éteindre.

       206.10 En vérité, je vous dis que les pauvres sont en Dieu, comme moi je suis dans le Père. C’est pour cela que moi, le Verbe du Père, j’ai voulu naître pauvre et demeurer pauvre. Car, parmi les pauvres, je me sens plus proche du Père qui aime les petits et que les petits aiment de toutes leurs forces. Les riches possèdent beaucoup. Les pauvres n’ont que Dieu. Les riches ont des amis. Les pauvres sont seuls. Les riches ont beaucoup de consolations. Les pauvres n’en ont guère. Les riches ont des distractions. Les pauvres n’ont que leur travail. L’argent facilite tout pour les riches. Les pauvres ont encore la croix de devoir craindre les maladies et les disettes, car cela signifierait pour eux la faim et la mort. Mais les pauvres ont Dieu. C’est leur Ami. C’est leur Consolateur, celui qui les distrait de leur pénible présent par les espérances célestes, celui à qui l’on peut dire — et eux savent le dire, précisément parce qu’ils sont pauvres, humbles et seuls — : “ Père, accorde-nous ta miséricorde. ”

       Sur cette propriété de Lazare, mon ami et l’ami de Dieu malgré sa grande richesse, mes propos peuvent paraître étrange. Mais Lazare est une exception parmi les riches. Lazare est arrivé à cette vertu qu’il est très difficile de trouver sur la terre et encore plus difficile à pratiquer pour l’enseigner à autrui : la vertu de la liberté à l’égard des richesses. Lazare est juste. Il ne s’en offense pas. Il ne peut s’en offenser, car il sait qu’il est le riche-pauvre et que, par conséquent, il n’est pas atteint par mon reproche caché. Lazare est juste. Il reconnaît que, dans le monde des grands, il en est comme je le dis. Je parle donc et je dis : en vérité, en vérité, je vous assure qu’il est beaucoup plus facile à un pauvre qu’à un riche d’être en Dieu ; et au Ciel de mon Père et du vôtre, beaucoup de sièges seront occupés par ceux qui, sur la terre, auront été méprisés comme étant les plus petits, comme la poussière que l’on piétine.

       Les pauvres gardent au fond de leur cœur les perles de la Parole de Dieu. Elles sont leur unique trésor. Celui qui n’a qu’une seule richesse veille sur elle. Celui qui en possède beaucoup est préoccupé et distrait, orgueilleux et sensuel. A cause de tout cela, il n’admire pas avec des yeux humbles et pleins d’amour le trésor qui lui vient de Dieu, et il le confond avec les autres trésors, qui ne sont précieux qu’en apparence, ces trésors que sont les richesses de la terre. Il pense : “ Je daigne accueillir les paroles de quelqu’un qui me ressemble par son corps ! ” Les fortes saveurs de la sensualité émoussent sa capacité à goûter ce qui est surnaturel. Des fortes saveurs !… Oui, elles sont très épicées, pour dissimuler leur puanteur et leur goût de pourriture…

       206.11 Mais écoutez-moi et vous comprendrez mieux comment les inquiétudes, les richesses et les ripailles empêchent d’entrer dans le Royaume des Cieux.

       Un jour, un roi fêta le mariage de son fils. Vous pouvez imaginer quelle fête eut lieu dans le palais du roi ! C’était son unique fils et, arrivé à l’âge voulu, celui-ci épousait sa bien-aimée. Celui qui était père et roi voulut que tout ne soit qu’allégresse autour de la joie de son fils bien-aimé, devenu enfin l’époux de sa bien-aimée. Parmi les nombreuses fêtes des noces, il fit un grand repas, qu’il prépara en s’y prenant tôt, veillant sur chaque détail pour que ce soit une réussite magnifique, digne des noces d’un fils de roi.

       Au moment voulu, il envoya ses serviteurs prévenir ses amis et ses alliés, mais aussi les principaux grands de son royaume que les noces étaient fixées pour tel soir et qu’ils étaient invités à venir pour entourer dignement le fils du roi. Mais ni les amis, ni les alliés, ni les grands du royaume n’acceptèrent l’invitation.

       Alors le roi, pensant que les premiers serviteurs ne s’étaient pas expliqués convenablement, en envoya encore d’autres chargés d’insister et de dire : “ Mais venez ! Nous vous en prions. Maintenant, tout est prêt. La salle est préparée. Des grands crus ont été apportés de partout et l’on a déjà entassé dans les cuisines bœufs et animaux gras pour les cuire. Les esclaves pétrissent la farine pour confectionner des desserts et d’autres pilent les a­mandes dans les mortiers pour préparer des friandises très fines auxquelles ils mélangent les arômes les plus rares. Les danseuses et les musiciens les meilleurs ont été engagés pour la fête. Venez donc pour ne pas rendre vains tant de préparatifs. ”

       Mais les amis, les alliés et les grands du royaume soit refusèrent, soit répondirent : “ Nous avons autre chose à faire ” ; d’autres firent semblant d’accepter l’invitation, mais se rendirent à leurs occupations, les uns à leurs champs, les autres à leurs commerces ou à d’autres affaires encore moins nobles. Enfin, il y en eut qui, agacés par tant d’insistance, se saisirent des serviteurs du roi et les tuèrent pour les faire taire, parce qu’ils ajoutaient : “ Ne refuse pas cela au roi sinon il pourrait t’en arriver malheur. ”

       Les serviteurs revinrent vers le souverain et lui rapportèrent tout ce qui s’était passé. Enflammé d’indignation, le roi envoya ses troupes punir les assassins de ses serviteurs et châtier ceux qui avaient méprisé son invitation, se réservant de récompenser ceux qui avaient promis de venir. Mais, le soir de la fête, à l’heure fixée, il ne vint personne.

       206.12 Indigné, le roi appela ses serviteurs et leur déclara : “ Qu’il ne soit pas dit que mon fils reste sans personne pour le fêter en cette soirée de ses noces. Le banquet est prêt, mais les invités n’en sont pas dignes. Et pourtant, le banquet nuptial de mon fils doit avoir lieu. Allez donc sur les places et les chemins, postez-vous aux carrefours, arrêtez les passants, rassemblez ceux qui s’arrêtent et amenez-les ici. Que la salle soit pleine de gens en fête. ”

       Les serviteurs partirent donc. Sortis dans les rues, répandus sur les places, envoyés aux carrefours, ils rassemblèrent tous ceux qu’ils trouvèrent, bons ou mauvais, riches ou pauvres, les amenèrent à la demeure du roi et leur fournirent le nécessaire pour qu’ils puissent entrer dignement dans la salle du banquet. Puis ils les y conduisirent et, comme le roi le voulait, elle fut pleine d’un public joyeux.

       Mais le roi entra dans la salle pour voir si on pouvait commencer les festivités et il vit un homme qui, malgré le nécessaire procuré par les serviteurs, n’était pas en habits de noces. Il lui demanda : “ Comment se fait-il que tu sois entré ici sans les vêtements de noces ? ” Il ne sut que répondre car, effectivement, il n’avait pas d’excuses. Alors le roi appela ses serviteurs et leur ordonna : “ Saisissez-vous de lui, attachez-lui les pieds et les mains et jetez-le hors de ma demeure, dans la nuit et la boue gelée. Là, il sera dans les larmes et les grincements de dents, comme il l’a mérité pour son ingratitude et l’offense qu’il m’a faite, et à mon fils plus qu’à moi, en entrant avec un habit pauvre et malpropre dans la salle du banquet, où ne doivent entrer que ceux qui sont dignes d’elle et de mon fils. ”

       206.13 Comme vous le voyez, les soucis du monde, l’avarice, la sensualité, la cruauté attirent la colère du roi et font en sorte que ceux qui sont pris par tous ces embarras n’entrent jamais plus dans la maison du Roi. Vous voyez aussi comment, même parmi ceux qui sont invités, par bienveillance à l’égard de son fils, il y en a qui sont punis.

       Combien y en a-t-il, aujourd’hui, sur cette terre à laquelle Dieu a envoyé son Verbe ! Dieu a vraiment invité ses alliés, ses amis, les grands de son peuple par l’intermédiaire de ses serviteurs, et il les fera inviter d’une manière toujours plus pressante à mesure que l’heure de mes noces approchera. Mais ils n’accepteront pas l’invitation parce que ce sont de faux alliés, de faux amis et qu’ils ne sont grands que de nom, car ils sont pleins de bassesse. »

       Jésus ne cesse de hausser le ton et ses yeux, à la lueur du feu qui a été allumé entre lui et les auditeurs pour éclairer la soirée – où manque encore la lune qui décroît et se lève plus tard –, jettent des éclairs de lumière comme s’ils étaient deux pierres précieuses.

       « Oui, ils sont pleins de bassesse, c’est pourquoi ils ne comprennent pas que c’est pour eux un devoir et un honneur d’accepter l’invitation du Roi. Orgueil, dureté, luxure dressent un mur dans leurs cœurs. Et, dans leur méchanceté, ils me haïssent et ne veulent pas venir à mes noces. Ils refusent de venir. Ils préfèrent aux noces les tractations avec une politique sordide, avec l’argent encore plus sordide, avec la sensualité encore plus sordide. Ils préfèrent les calculs rusés, les complots, la conjuration sournoise, le piège, le crime.

       Moi, je condamne tout cela au nom de Dieu. On hait pour cette raison la voix qui parle et les fêtes auxquelles elle invite. C’est dans ce peuple-ci qu’il faut chercher ceux qui tuent les serviteurs de Dieu, autrement dit les prophètes, qui sont ses serviteurs jusqu’à ce jour, et mes disciples qui sont ses serviteurs à partir d’aujourd’hui. C’est dans ce peuple-ci qu’on trouve ceux qui essaient de tromper Dieu en disant : “ Oui, nous venons ” tout en pensant en leur for intérieur : “ Jamais de la vie ! ” Il y a de tout cela en Israël.

       Et le Roi du Ciel, pour donner aux noces de son Fils un digne apparat, enverra chercher aux carrefours des gens qui ne sont ni ses amis, ni des grands, ni des alliés, mais simplement le peuple qui y circule. Déjà — et par ma main, par ma main de Fils et de serviteur de Dieu — ce rassemblement a commencé. Ils viendront, quels qu’ils soient… Ils sont même déjà venus. Et moi, je les aide à se faire propres et beaux pour la fête des noces.

       Mais il s’en trouvera qui — pour leur malheur — abuseront même de la magnificence de Dieu, qui leur fournit parfums et vêtements royaux pour les faire paraître ce qu’ils ne sont pas : riches et dignes ; il s’en trouvera qui profiteront indignement de toute cette bonté pour séduire, pour en tirer quelque gain… Ce sont des individus aux âmes torves, enlacés par la pieuvre répugnante de tous les vices… et qui soustrairont parfums et vêtements pour en tirer un avantage illicite, s’en servant non pour les noces du Fils, mais pour leurs noces avec Satan.

       Eh bien, cela se produira, car nombreux sont les appelés, mais peu nombreux ceux qui, pour savoir rester fidèles à l’appel, parviennent à être choisis. Mais il arrivera aussi qu’à ces hyènes, qui préfèrent la putréfaction à une nourriture vivante, il sera infligé le châtiment d’être jetés hors de la salle du Banquet dans les ténèbres et la boue d’un marais éternel où retentit l’horrible rire de Satan chaque fois qu’il triomphe d’une âme et où résonnent éternellement les pleurs désespérés des sots qui suivirent le Crime à la place de la Bonté qui les avait appelés.

       206.14 Levez-vous et allons nous reposer. Vous, les habitants de Béthanie, je vous bénis tous. Je vous bénis et vous donne ma paix. Et je te bénis, toi en particulier, Lazare, mon ami, et toi aussi, Marthe. Je bénis mes disciples anciens et nouveaux que j’envoie de par le monde appeler, appeler aux noces du Roi. Agenouillez-vous, que je vous bénisse tous. Pierre, récite la prière que je vous ai enseignée, debout, à côté de moi, parce que c’est ainsi que doivent la dire ceux que Dieu destine à cela. »

       Toute l’assemblée s’agenouille sur la paille. Seuls restent debout Jésus, dans son vêtement de lin, grand et très beau, et Pierre, dans son habit marron foncé, pris par l’émotion, tremblant presque, qui prie de sa voix qui n’est pas belle, mais virile ; il récite lentement de crainte de se tromper : “ Notre Père… ”

       On entend quelques sanglots… d’hommes, de femmes…

       Marziam, agenouillé juste devant Marie qui lui tient les mains jointes, regarde Jésus avec un sourire d’ange et dit tout bas :

       « Regarde, Mère, comme il est beau ! Et comme mon père est beau, lui aussi ! Il paraît être au Ciel… Est-ce que Maman nous regarde ici ? »

       Et Marie, dans un murmure qui se termine par un baiser, répond :

       « Oui, mon chéri. Elle est ici et elle apprend la prière.

       – Et moi, est-ce que je l’apprendrai ?

       – Ta mère la murmurera à ton âme pendant que tu dors et moi, je te la répèterai pendant la journée. »

       L’enfant incline sa tête brune sur la poitrine de Marie et reste ainsi pendant que Jésus bénit ses auditeurs avec la bénédiction mosaïque, toujours aussi solennelle.

       Ensuite, tous se lèvent et regagnent leurs maisons. Seul Lazare suit encore Jésus et pénètre avec lui dans la maison de Simon pour demeurer en sa compagnie. Tous les autres entrent aussi. Judas se met dans un coin à demi obscur, mortifié. Il n’ose pas s’approcher tout près de Jésus comme le font les autres…

       206.15 Lazare félicite Jésus, et il ajoute :

       « Ah ! Cela me peine de te voir partir. Mais je suis plus content que si je t’avais vu partir avant-hier !

       – Pourquoi, Lazare ?

       – Parce que tu me paraissais tellement triste et fatigué ! Tu ne parlais pas, tu souriais peu hier, mais aujourd’hui tu es redevenu mon saint et doux Maître ; cela me donne une telle joie !

       – Je l’étais même si je me taisais…

       – Tu l’étais. Mais tu es sérénité et parole. C’est cela que nous voulons de toi. Nous buvons notre force à ces fontaines. Or ces fontaines paraissaient taries. Nous souffrions de la soif… Tu vois que même les païens s’en sont étonnés et sont venus les chercher… »

       Judas, près de qui Jean s’était approché, ose parler :

       « C’est vrai, ils me l’avaient demandé à moi aussi… Car j’étais tout près de l’Antonia, dans l’espoir de te voir.

       – Tu savais où j’étais, répond brièvement Jésus.

       – Je le savais, mais j’espérais que tu n’aurais pas déçu ceux qui t’attendaient. Même les romains ont été déçus. J’ignore pourquoi tu as agi de cette manière…

       – Et c’est toi qui me le demandes ? N’es-tu pas au courant des humeurs du Sanhédrin, des pharisiens, d’autres encore, à mon égard ?

       – Quoi ? Tu aurais eu peur ?

       – Non. J’avais la nausée. 206.16 L’an dernier, quand j’étais seul – seul contre tout un monde qui ne savait pas même si j’étais pro­phète –, j’ai montré que je n’avais pas peur et je t’ai gagné par l’audace que j’ai montrée. J’ai fait entendre ma voix contre tout un monde qui criait. J’ai fait entendre la voix de Dieu à un peuple qui l’avait oubliée. J’ai purifié la Maison de Dieu des souillures matérielles qui s’y trouvaient. Je n’espérais pas la laver des souillures morales bien plus graves qui y ont fait leur nid, car je n’ignore pas l’avenir des hommes. Mais c’était pour faire mon devoir par zèle pour la Maison du Seigneur éternel : elle était devenue le séjour bruyant de changeurs malhonnêtes, d’usuriers, de voleurs. Je voulais en outre secouer de leur torpeur ceux que des siècles de négligence sacerdotale avaient fait tomber dans une léthargie spirituelle. C’était une sonnerie de rassemblement pour mon peuple, pour l’amener à Dieu… Cette année, je suis revenu… et j’ai vu que le Temple était toujours le même… Qu’il est pire encore. Ce n’est plus un repaire de voleurs, mais l’endroit où l’on conjure. Il deviendra plus tard le siège du Crime, puis un lupanar et, finalement, il sera détruit par une force plus puissante que celle de Samson, et l’on en chassera une caste indigne de s’appeler sainte. Inutile de parler en ce lieu où, tu t’en souviens, il me fut interdit de parler. Peuple traître ! Peuple empoisonné jusque dans ses chefs, peuple qui ose interdire à la Parole de Dieu de parler dans sa Maison ! Cela me fut interdit. Je me suis tu par amour pour les plus petits. Ce n’est pas encore l’heure de me tuer. Trop de gens ont besoin de moi, et mes apôtres ne sont pas encore assez forts pour recevoir dans leurs bras mes enfants, c’est-à-dire le monde. Ne pleure pas, Mère ; toi qui es bonne, pardonne à ton Fils son besoin de dire, à qui veut ou peut s’illusionner, la vérité que je connais… Je me tais… Mais malheur à ceux par qui Dieu est réduit au silence ! Mère, Marziam, ne pleurez pas… Je vous en prie ! Que personne ne pleure… »

       En réalité, tout le monde pleure, plus ou moins douloureu­sement.

       Judas, pâle comme la mort, dans son vêtement jaune et rouge à rayures, ose encore parler, d’une voix ridicule de pleurnicheur :

       « Crois bien, Maître, que je suis étonné et contristé… Je ne sais ce que tu veux dire… Je ne sais rien… C’est vrai que je n’ai vu personne du Temple. J’ai rompu mes relations avec tous… Mais, si tu le dis, ce doit être vrai…

       – Judas ! Et Sadoq, tu ne l’as pas vu ? »

       Judas baisse la tête en bredouillant :

       « C’est un ami… C’est comme tel que je l’ai vu, non pas comme appartenant au Temple… »

       206.17 Jésus ne répond pas. Il se tourne vers Isaac et Jean d’En-Dor auxquels il fait des recommandations concernant leur travail. Pendant ce temps, les femmes réconfortent Marie, en larmes, et l’enfant qui pleure de voir pleurer Marie.

       Lazare et les apôtres sont attristés eux aussi, mais Jésus vient à eux. Il a repris son doux sourire et, tout en embrassant sa Mère et en caressant l’enfant, il dit :

       « Et maintenant, je vous salue, vous qui restez. Car demain, à l’aube, nous partirons. Adieu, Lazare. Adieu, Maximin. Joseph, je te remercie pour tous les services rendus à ma Mère et aux femmes disciples qui m’attendaient. Merci pour tout. Toi, Lazare, bénis encore Marthe en mon nom. Je reviendrai bientôt. Viens, Mère, te reposer. Vous aussi, Marie et Salomé, s’il est dans votre intention de vous joindre à nous.

       – Bien sûr que nous venons ! Répondent les deux Marie.

       – Alors au lit. Paix à tous. Que Dieu soit avec vous. »

       Sur un geste de bénédiction, il sort, en tenant l’enfant par la main et en étreignant sa Mère…

       Le séjour à Béthanie est terminé.

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