Il dit alors à ses disciples : « La moisson est abondante, mais les ouvriers sont peu nombreux. Priez donc le maître de la moisson d’envoyer des ouvriers pour sa moisson. »
Afficher les autres textes bibliquesIl leur dit : « La moisson est abondante, mais les ouvriers sont peu nombreux. Priez donc le maître de la moisson d’envoyer des ouvriers pour sa moisson.
Ne dites-vous pas : “Encore quatre mois et ce sera la moisson” ? Et moi, je vous dis : Levez les yeux et regardez les champs déjà dorés pour la moisson. Dès maintenant, le moissonneur reçoit son salaire : il récolte du fruit pour la vie éternelle, si bien que le semeur se réjouit en même temps que le moissonneur. Il est bien vrai, le dicton : “L’un sème, l’autre moissonne.” Je vous ai envoyés moissonner ce qui ne vous a coûté aucun effort ; d’autres ont fait l’effort, et vous en avez bénéficié. »
237.1 Jésus se trouve sur le chemin qui va du lac Méron à celui de Galilée. Il est accompagné de Simon le Zélote et de Barthélemy et, auprès d’un torrent réduit à un filet d’eau qui pourtant nourrit des plantes touffues, ils semblent attendre les autres qui arrivent de deux côtés différents.
La journée a beau être torride, beaucoup de monde a suivi les trois groupes qui doivent avoir prêché à travers les campagnes et acheminent les malades vers le groupe de Jésus, se réservant de parler de lui aux personnes en bonne santé. Un grand nombre de miraculés forment un groupe heureux assis au milieu des arbres ; leur joie est telle qu’ils ne sentent pas même la fatigue due à la chaleur, à la poussière, à la lumière aveuglante, toutes choses qui accablent considérablement les autres.
Lorsque le groupe dirigé par Jude arrive le premier auprès de Jésus, la fatigue de tous ceux qui le forment et le suivent est manifeste. Le groupe conduit par Pierre, où se trouvent bon nombre d’habitants de Chorazeïn et de Bethsaïde, arrive en dernier.
« Nous avons fait du bon travail, Maître, mais il faudrait plus de groupes… Tu vois : il est impossible d’aller loin à cause de la chaleur. Alors, comment faire ? On dirait que le monde s’agrandit au fur et à mesure que nous travaillons, en éparpillant les villages et en allongeant les distances. Je ne m’étais jamais rendu compte que la Galilée était si étendue. Nous n’en travaillons qu’un coin, tout juste un coin, et nous n’arrivons pas à l’évangéliser tant elle est vaste et vu le nombre de ceux qui ont besoin de toi et te désirent, soupire Pierre.
– Ce n’est pas le monde qui s’agrandit, Simon, c’est la notoriété de notre Maître qui s’étend, répond Jude.
– Oui, c’est vrai. Regarde toute cette foule : certains nous suivent depuis ce matin. Aux heures les plus chaudes, nous nous sommes réfugiés dans un bois. Mais même maintenant que le soir approche, la marche est pénible. Et ces pauvres gens sont bien plus loin de chez eux que nous. Si cela continue à augmenter ainsi, je ne sais pas comment nous allons faire…, dit Jacques, fils de Zébédée.
– En octobre, les bergers viendront eux aussi, intervient André pour le réconforter.
– Eh oui, les bergers, les disciples, c’est bien beau ! Mais ils ne servent qu’à dire : “ Jésus est le Sauveur. Il est là. ” Rien de plus, constate Pierre.
– Du moins les gens sauront où le trouver. Mais maintenant, c’est le contraire ! Nous venons ici, et ils accourent ici ; pendant qu’ils arrivent nous partons ailleurs, et ils doivent nous courir après. Et avec des enfants et des malades, ce n’est pas très commode ! »
« Tu as raison, Simon-Pierre. Moi aussi, j’éprouve de la compassion pour ces âmes et ces foules. Pour beaucoup, ne pas me trouver à un moment donné peut être une cause irrémédiable de malheur. Voyez comme ceux qui n’ont pas encore la certitude de ma vérité sont las et troublés, et comme ceux qui ont déjà goûté à ma parole et ne peuvent plus s’en passer – aucune autre parole ne peut les satisfaire – sont affamés. On dirait des brebis sans pasteur qui errent de-ci de-là sans trouver personne pour les guider et les nourrir. J’y pourvoirai, mais vous devez m’y aider, de toutes vos forces spirituelles, morales et physiques. Ce n’est plus par groupes nombreux que vous devrez savoir aller, mais deux par deux. Et j’enverrai par deux les meilleurs des disciples. Car la moisson est vraiment grande. Cet été, je vous préparerai à cette grande mission. Pour le mois de Tamuz, Isaac et les meilleurs disciples nous rejoindront. Et je vous préparerai. Vous n’y suffirez pas encore car, si la moisson est abondante, les ouvriers sont en revanche peu nombreux. Priez donc le Maître de la terre d’envoyer beaucoup d’ouvriers à sa moisson.
– Oui, mon Seigneur. Mais cela ne changera pas beaucoup la situation de ceux qui te cherchent, dit Jacques, fils d’Alphée.
– Pourquoi donc, mon frère ?
– Parce qu’ils ne recherchent pas seulement ton enseignement et la parole de vie, mais aussi la guérison de leurs fatigues, de leurs maladies, de toutes les infirmités que la vie ou Satan apportent à la partie inférieure ou supérieure de leur être. Or tu es le seul à pouvoir le faire, car c’est en toi qu’est la Puissance.
– Ceux qui me sont unis parviendront à faire ce que je fais et ils viendront au secours de toutes les misères des pauvres. Mais vous n’avez pas encore en vous ce qu’il faut pour cela. Efforcez-vous donc de vous dépasser vous-mêmes, de réprimer vos tendances humaines pour faire triompher l’esprit. N’assimilez pas seulement ma parole, mais son esprit, c’est-à-dire sanctifiez-vous par elle, et vous serez capables de tout. Et maintenant, allons leur dire ma parole, puisqu’ils ne veulent pas partir avant que je ne leur aie apporté la parole de Dieu. Ensuite, nous retournerons à Capharnaüm. Là aussi, il doit y avoir des gens qui attendent…
237.3 – Seigneur, est-il vrai que Marie de Magdala a demandé ton pardon dans la maison du pharisien ?
– C’est vrai, Thomas.
– Et tu le lui as accordé ? demande Philippe.
– Je le lui ai accordé.
– Mais tu as mal fait ! S’écrie Barthélemy.
– Pourquoi ? Elle avait un repentir sincère et méritait le pardon.
– Mais tu ne devais pas le lui donner dans cette maison, publiquement…, lui reproche Judas.
– Je ne vois pas où est mon erreur.
– En ceci : tu sais comme sont les pharisiens, combien d’arguties ils ont en tête, comme ils te surveillent, comme ils te calomnient, comme ils te haïssent. Il y en avait un, à Capharnaüm, qui était un ami et c’était Simon. Et tu fais venir chez lui une prostituée pour profaner sa maison et scandaliser ton ami Simon.
– Ce n’est pas moi qui l’ai appelée. Elle est venue d’elle-même. Ce n’était pas une prostituée, c’était une repentie. C’est très différent. Si on n’avait pas de dégoût de l’approcher avant et de toujours la désirer, même en ma présence, maintenant qu’elle n’est plus seulement un corps, mais une âme, on ne doit pas éprouver du dégoût de la voir entrer pour s’agenouiller à mes pieds et pleurer, s’accuser et s’humilier par une humble confession publique qu’expriment ces pleurs. Simon le pharisien a eu sa maison sanctifiée par un grand miracle : la résurrection d’une âme. Sur la place de Capharnaüm, il y a maintenant cinq jours, il me demandait : “ Tu as fait ce seul miracle ? ” et il répondait lui-même : “ Certainement pas ” ; il avait un grand désir d’en voir un. Je le lui ai donné. Je l’ai choisi pour être le témoin, le faiseur de mariage de ces fiançailles de l’âme avec la grâce. Il doit en être fier.
– Au contraire, il en est scandalisé. Peut-être as-tu perdu un ami, reprend Judas.
– J’ai trouvé une âme. Cela vaut la peine de perdre l’amitié d’un homme, sa pauvre amitié d’homme, pour rendre à une âme l’amitié avec Dieu.
– C’est inutile : avec toi, on ne peut pas obtenir de réflexion humaine. Nous sommes sur la terre, Maître ! Rappelle-le-toi. Et ce sont les lois et les idées de la terre qui prédominent. Tu agis suivant la méthode du Ciel, tu évolues dans ton Ciel que tu as dans le cœur, tu vois tout à travers les clartés du Ciel. Mon pauvre Maître ! Comme tu es divinement incapable de vivre parmi nous qui sommes pervers ! »
Judas l’embrasse, admiratif et désolé, puis achève :
« Et je m’en afflige, parce que tu te crées plein d’ennemis par excès de perfection.
– Ne t’en afflige pas, Judas. Il est écrit qu’il doit en être ainsi. Mais comment sais-tu que Simon est offensé ?
– Il n’a pas dit qu’il était offensé, mais il nous a fait comprendre, à Thomas et à moi, que ce n’est pas une chose à faire. Tu ne devais pas accueillir Marie dans sa maison, où il n’entre que des personnes honnêtes.
– Pour ce qui est de l’honnêteté des gens qui vont chez Simon, n’en parlons pas ! Rétorque Pierre.
– Et je pourrais dire que la sueur des prostituées a coulé plusieurs fois sur le dallage, sur les tables, et ailleurs chez Simon le pharisien, ajoute Matthieu.
– Mais pas publiquement, réplique Judas.
– Non, avec une hypocrisie attentive à le cacher.
– Tu vois qu’il change alors !
– C’est un changement aussi, l’entrée d’une prostituée qui vient dire : “ Je délaisse mon péché infâme ” au lieu de celle qui entre pour dire : “ Me voici à toi pour pécher ensemble. ”
– Matthieu a raison, approuvent-ils tous.
– Oui, il a raison. Mais eux ne pensent pas comme nous et il faut en venir à des compromis avec eux, s’adapter à eux pour les avoir comme amis.
– Cela, jamais, Judas. En matière de vérité, d’honnêteté, de conduite morale, il n’y a ni adaptation ni compromis » dit Jésus d’une voix de tonnerre. Et il achève : « Du reste, je sais que j’ai bien agi, et en vue du bien. Cela suffit.
237.4 Allons congédier ces gens fatigués. »
Et il se dirige vers ceux qui, éparpillés sous les arbres, regardent dans sa direction, impatients de l’écouter.
« Que la paix soit avec vous tous, qui avez parcouru des stades et marché sous la canicule pour venir entendre la Bonne Nouvelle.
En vérité, je vous dis que vous commencez à comprendre réellement ce qu’est le Royaume de Dieu, combien il est précieux de le posséder et heureux de lui appartenir. Pour vous, toute fatigue perd la valeur qu’elle a pour les autres, puisque votre âme commande et enjoint à la chair : “ Réjouis-toi que je t’accable. C’est pour ton bonheur que je le fais. Quand tu seras réunie à moi, après la résurrection finale, tu m’aimeras dans la mesure où je t’ai foulée aux pieds et tu verras en moi ton second sauveur. ” N’est-ce pas ce que dit votre âme ? Mais bien sûr que oui !
Actuellement, vous basez vos actions sur l’enseignement de mes paraboles lointaines. Mais je vais vous donner d’autres lumières pour vous faire aimer toujours davantage ce Royaume qui vous attend et dont la valeur est inestimable.
Ecoutez : un homme était allé par hasard dans un champ y prendre du terreau pour l’emporter dans son jardin ; en creusant avec effort le sol dur, il trouve, sous une couche de terre, un filon de métal précieux. Que fait-il donc ? Il recouvre de terre sa découverte. Il n’hésite pas à travailler davantage, car cette découverte en vaut la peine. Puis il rentre chez lui, rassemble toutes ses richesses en argent ou en objets et les vend contre une belle somme. Puis il va trouver le propriétaire du terrain et lui dit :
“ Ton champ me plaît. Combien en veux-tu ? ”
“ – Mais il n’est pas à vendre ”, répond l’autre.
Mais l’homme offre des sommes toujours plus grandes, disproportionnées par rapport à la valeur du terrain, et il finit par décider le propriétaire qui se dit : “ C’est homme est fou ! Mais puisqu’il l’est, j’en profite. Je prends la somme qu’il me propose. Ce n’est pas de l’usure, puisque c’est lui qui me l’offre. Grâce à elle, je m’achèterai au moins trois autres champs, et plus beaux. ” Et il vend, persuadé d’avoir fait une excellente affaire.
Or c’est l’autre, au contraire, qui a fait une excellente affaire, car il se prive d’objets qui auraient pu être volés, perdus ou usés, et il acquiert un trésor qui, parce qu’il est vrai, naturel, est inépuisable. Cela vaut donc la peine qu’il sacrifie ce qu’il possède pour faire cet achat : car s’il reste quelque temps avec ce seul champ pour tout bien, en réalité il possède pour toujours le trésor qu’il recèle.
Vous, vous l’avez compris et vous agissez comme l’homme de la parabole. Abandonnez les richesses éphémères pour posséder le Royaume de Dieu. Vous les vendez aux imbéciles de ce monde, vous les leur cédez, vous acceptez qu’on se moque de vous pour ce qui, aux yeux du monde, paraît être une sotte manière d’agir. Agissez toujours de la sorte et, un jour, votre Père qui est aux Cieux vous donnera avec joie votre place dans le Royaume.
Rentrez chez vous avant que ne vienne le sabbat et, pendant le jour du Seigneur, réfléchissez sur la parabole du trésor, qui est le Royaume des Cieux. Que la paix soit avec vous. »
237.5 Les gens s’éparpillent lentement sur les routes et les sentiers de campagne pendant que Jésus part en direction de Capharnaüm dans le soir qui descend.
Il y arrive en pleine nuit. Ils traversent en silence la ville silencieuse au clair de la lune, la seule lampe qui existe pour éclairer les ruelles obscures et mal pavées. Ils entrent en silence dans le petit jardin à côté de la maison, croyant que tout le monde est au lit. Mais une lampe luit dans la cuisine et trois ombres, rendues mobiles par le mouvement de la flamme, se projettent sur le muret blanc du four qui est tout près.
« Il y a des gens qui t’attendent, Maître. Mais ce n’est pas possible ! Je vais leur dire que tu es trop fatigué. Monte sur la terrasse en attendant.
– Non, Simon. Je vais à la cuisine. Si Thomas a retenu ces personnes, c’est signe qu’il y a un motif sérieux. »
Mais, pendant ce temps, ceux qui sont à l’intérieur ont entendu les chuchotements et Thomas, le propriétaire de la maison, sort sur le seuil.
« Maître, il y a la dame habituelle. Elle t’attend depuis hier au coucher du soleil. Elle est avec un serviteur. »
Puis il ajoute à voix basse :
« Elle est très agitée. Elle pleure sans arrêt…
– Elle va bien. Dis-lui de venir en haut. Où a-t-elle dormi ?
– Elle ne voulait pas dormir, mais finalement elle s’est retirée quelques heures vers l’aube, dans ma chambre. Quant au serviteur, je l’ai fait dormir dans l’un de vos lits.
– C’est bien, il y dormira cette nuit encore et toi, tu dormiras dans le mien.
– Non, Maître. J’irai sur la terrasse, sur des nattes. Je dormirai aussi bien. »
237.6 Jésus monte sur la terrasse. Voilà Marthe qui monte, elle aussi.
« Que la paix soit avec toi, Marthe. »
Un sanglot lui répond.
« Tu pleures encore ? Tu n’es donc pas heureuse ? »
De la tête Marthe fait signe que non.
« Mais pourquoi donc ?… »
Une longue pause, pleine de sanglots. Enfin, dans un gémissement :
« Depuis plusieurs soirs, Marie n’est plus revenue. Et on ne la trouve pas. Ni moi, ni la nourrice, ni Marcelle ne la trouvons… Elle était sortie en commandant le char. Elle était très élégante… Ah ! Elle n’avait pas voulu remettre mon vêtement !… Elle n’était pas à moitié nue, elle en a encore de ce genre, mais elle était très provocante dans ce… Et elle avait emporté or et parfums… et elle n’est plus revenue. Elle a renvoyé le serviteur dès les premières maisons de Capharnaüm en disant : “ Je reviendrai avec une autre compagnie. ” Mais elle n’est plus revenue. Elle nous a trompés ! Ou bien elle s’est sentie seule, peut-être tentée… ou il lui est arrivé malheur… Elle n’est plus revenue… »
Marthe tombe à genoux, en larmes, la tête appuyée sur son avant-bras posé sur un tas de sacs vides.
Jésus la regarde et dit lentement, avec assurance, d’un air dominateur :
« Ne pleure pas. Marie est venue à moi il y a trois soirs. Elle m’a parfumé les pieds, elle a déposé tous ses bijoux à mes pieds. Elle s’est consacrée ainsi, et pour toujours, en prenant place parmi mes disciples. Ne la dénigre pas dans ton cœur. Elle t’a surpassée.
– Mais où est donc ma sœur ? » crie Marthe en levant un visage bouleversé. « Pourquoi n’est-elle pas rentrée à la maison ? Elle a peut-être été attaquée ? Aurait-elle pris une barque et s’est-elle noyée ? Peut-être un amant qu’elle a repoussé l’a-t-il enlevée ? Oh, Marie ! Ma Marie ! Je l’avais retrouvée et je l’ai aussitôt perdue ! »
Marthe est vraiment hors d’elle. Elle ne pense plus que ceux qui sont en bas peuvent l’entendre. Elle ne pense plus que Jésus peut lui dire où est sa sœur. Elle se désespère sans plus réfléchir à rien.
237.7 Jésus la saisit par les poignets et la force à rester tranquille, à l’écouter, la dominant de sa haute taille et de son regard magnétique.
« Assez ! Je veux que tu aies foi en mes paroles. Je veux que tu sois généreuse. Tu as compris ? »
Il ne lâche Marthe que lorsqu’elle s’est un peu calmée.
« Ta sœur est allée savourer sa joie, en s’entourant d’une solitude sainte, parce qu’elle a cette pudeur très sensible des rachetés. Je te l’avais dit d’avance. Elle ne peut supporter le regard doux, mais inquisiteur, de sa famille sur son nouveau vêtement d’épouse de la grâce. Et ce que je te dis est toujours vrai. Tu dois me croire.
– Oui, Seigneur, oui. Mais ma Marie a trop été au pouvoir du démon. Il l’a reprise tout d’un coup, il…
– Il se venge sur toi de la proie qu’il a perdue pour toujours. Dois-je donc voir que toi, la courageuse, tu deviens sa proie par une frayeur folle et sans raison d’être ? Dois-je voir qu’à cause d’elle qui maintenant croit en moi, tu perds la belle foi que je t’ai toujours connue ? Marthe ! Regarde-moi bien. Ecoute-moi. N’écoute pas Satan. Ne sais-tu pas que, lorsqu’il est obligé d’abandonner sa proie par une victoire que Dieu remporte sur lui, cet inlassable bourreau des êtres, cet inlassable voleur des droits de Dieu se met aussitôt à l’œuvre pour dénicher d’autres proies ? Ne sais-tu pas que ce sont les tortures d’une tierce personne, qui résiste aux assauts parce qu’elle est bonne et fidèle, qui affermissent la guérison d’une autre âme ? Ne sais-tu pas que rien n’est isolé de tout ce qui arrive et existe dans la création, mais que tout suit une loi éternelle de dépendances et de conséquences qui fait que l’acte d’une personne a des répercussions naturelles et surnaturelles très étendues ?
237.8 Toi, tu pleures ici, tu connais ici ce doute atroce et tu restes fidèle à ton Christ même en cette heure de ténèbres. Là-bas, dans un endroit voisin que tu ne connais pas, Marie sent se dissoudre ses derniers doutes sur l’infinité du pardon qu’elle a obtenu. Ses pleurs se changent en sourire et ses ombres en lumière. C’est ton tourment qui l’a conduite là où se trouve la paix, là où les âmes se régénèrent auprès de la Génératrice immaculée, auprès de celle qui est tellement Vie qu’elle a obtenu de donner au monde le Christ, qui est la Vie. Ta sœur est chez ma Mère. Ah ! Elle n’est pas la première à rentrer sa voile dans ce port paisible après que le doux rayon de la vivante Etoile Marie l’a appelée sur ce sein d’amour, par l’amour muet et actif de son Fils ! Ta sœur est à Nazareth.
– Mais comment s’y est-elle rendue, puisqu’elle ne connaît ni ta Mère, ni ta maison ?… toute seule… De nuit… Comme cela… Sans moyens… Avec ce vêtement… Un si long chemin… Comment ?
– Comment ? De la même manière que l’hirondelle fatiguée revient au nid de sa naissance en traversant mers et montagnes, en triomphant des tempêtes, des nuages et des vents contraires. De la même manière que les hirondelles volent vers leurs lieux d’hivernage, par un instinct qui les guide, par une tiédeur qui les y invite, par le soleil qui les appelle. Elle aussi est accourue vers le rayon qui l’appelle… vers la Mère universelle. Et nous la verrons revenir à l’aurore, heureuse… sortie pour toujours des ténèbres, avec une Mère à son côté, la mienne, et pour n’être jamais plus orpheline. Peux-tu croire cela ?
– Oui, mon Seigneur. »
Marthe est comme fascinée. En effet Jésus a vraiment été dominateur. Grand, debout, et pourtant légèrement incliné au-dessus de Marthe agenouillée, il a parlé lentement d’un ton pénétrant, comme pour se transmettre lui-même à la disciple bouleversée. Je l’ai rarement vu faire preuve d’une telle puissance pour persuader par sa parole son auditeur. Mais à la fin, quelle lumière, quel sourire sur son visage ! Marthe le reflète par un sourire et une lumière plus apaisée sur son propre visage.
« Et maintenant va te reposer en paix. »
Marthe lui baise les mains et descend, rassérénée…