Une initative de
Marie de Nazareth

La future mission de Jacques, fils d’Alphée

mercredi 28 juin 28
Mont Carmel

Vision de Maria Valtorta

       258.1 C’est la même heure, mais le lendemain.

       Jacques est encore retiré dans la fente de la montagne ; il est assis, tout pelotonné, la tête penchée presque jusqu’aux genoux qui sont levés et qu’il tient avec ses bras. Il médite profondément, ou il dort. Je ne m’en rends pas bien compte. Il est certainement insensible à ce qui se passe autour de lui, c’est-à-dire au combat de deux gros oiseaux qui, pour une raison ou une autre, se battent férocement dans le petit pré. Je dirais que ce sont des coqs de montagne, ou des coqs de bruyère, ou des faisans car ils ont la grosseur d’un jeune coq, des plumes de toutes les couleurs, mais ils n’ont pas de crête, seulement un petit casque de chair rouge comme du corail sur le sommet de la tête et sur les joues, et je vous assure que, si la tête est petite, le bec doit être comme une pointe d’acier. Les plumes volent en l’air et le sang coule par terre dans un fracas violent qui fait taire les sifflements, les trilles et les roulades dans les branches des arbres. Peut-être les oiseaux observent-ils la joute féroce… Jacques n’entend rien.

       Jésus, au contraire, entend et descend du sommet où il était monté. En battant des mains, il sépare les combattants qui s’enfuient, tout ensanglantés, l’un vers la côte, l’autre au sommet d’un rouvre et là remet en ordre ses plumes tout hérissées et emmêlées.

       Jacques ne lève pas même la tête au bruit fait par Jésus qui, en souriant, fait encore quelques pas et s’arrête au milieu du petit pré. Son vêtement blanc semble se teinter de rouge du côté droit tant est violent le brasier du crépuscule. On dirait vraiment que le ciel est en feu. Et pourtant Jacques ne doit pas dormir car, dès que Jésus susurre – c’est le mot exact : il susurre – « Jacques, viens ici », il lève sa tête appuyée sur ses genoux et délace ses bras, en se levant et en allant vers Jésus. Il s’arrête en face de lui, à deux pas de distance et le regarde.

       Jésus aussi regarde jacques ; il a l’air sérieux et pourtant il l’encourage d’un sourire qui ne vient pas des lèvres ni du regard, mais qui est néanmoins visible. Il le regarde fixement comme s’il voulait lire les moindres réactions et émotions de son cousin et apôtre. Comme hier, ce dernier, se sentant au seuil d’une révélation, devient pâle et le devient davantage encore, au point que son visage prend la couleur de son vêtement de lin quand Jésus lève les bras et lui pose les mains sur les épaules, en restant ainsi, bras tendus. Alors Jacques semble bien être une hostie. Seuls ses doux yeux marron foncé et sa barbe châtain colorent ce visage attentif.

       258.2 « Jacques, mon frère, sais-tu pourquoi je t’ai voulu ici, seul à seul, pour te parler après des heures de prière et de méditation ? »

       Jacques paraît éprouver de la difficulté à répondre tant il est ému. Mais il finit par répondre à mi-voix :

       « Pour me donner une instruction spéciale, soit pour l’avenir, soit parce que je suis le plus incapable de tous. Je t’en remercie dès maintenant, même s’il s’agit d’un reproche. Mais crois-moi, Maître et Seigneur : si je suis lent et incapable, c’est par manque de moyens, non par mauvaise volonté.

       – Ce n’est pas un reproche mais une instruction, oui, pour le temps où je ne serai plus avec vous. Dans ton cœur, pendant ces mois, tu as beaucoup pensé à ce que je t’ai dit un jour, au pied de cette montagne, quand je t’ai promis de venir ici avec toi, non seulement pour parler du prophète Elie et pour regarder la mer qui resplendit là-bas, à l’infini, mais pour te parler d’une autre mer, encore plus grande, plus changeante, plus traîtresse, que cette mer-ci qui paraît être aujourd’hui le plus tranquille des bassins et qui, dans quelques heures peut-être, engloutira navires et hommes par sa faim vorace. Et tu n’as jamais dissocié la pensée de ce que je t’ai dit à cette époque de celle que la venue ici avait rapport à ton futur destin. Si bien que tu pâlis maintenant de plus en plus en voyant que c’est un lourd destin qui t’attend, un héritage d’une responsabilité telle qu’elle ferait trembler un héros ; une responsabilité et une mission qu’il faut exécuter avec toute la sainteté possible à un homme pour ne pas décevoir la volonté de Dieu.

       N’aie pas peur, Jacques. Je ne veux pas ta perte. Car si je te destine à cela, c’est signe que je sais que tu en retireras, non pas quelque dommage, mais une gloire surnaturelle. Ecoute-moi, Jacques. Fais en toi la paix par un bel acte d’abandon à moi, pour pouvoir entendre et te rappeler mes paroles. Jamais plus nous ne serons ainsi seuls et l’esprit préparé à nous comprendre.

       258.3 Je m’en irai un jour, comme tous les hommes qui séjournent un certain temps sur terre. Mon séjour cessera d’une manière différente de celui des hommes, mais il faudra qu’il cesse et vous ne m’aurez plus à vos côtés autrement que par mon Esprit qui, je vous en donne l’assurance, ne vous abandonnera jamais. Quant à moi, je m’en irai, après vous avoir donné tout le nécessaire pour faire progresser ma doctrine dans le monde, après avoir accompli le Sacrifice et vous avoir obtenu la Grâce. Par elle et par le Feu sapientiel et septiforme, vous pourrez faire ce dont la seule idée vous paraîtrait aujourd’hui folie et présomption.

       Je m’en irai et vous resterez. Et le monde qui n’a pas compris le Christ ne comprendra pas les apôtres du Christ. Aussi serez-vous persécutés et dispersés comme les gens les plus dangereux pour le bien-être d’Israël. Mais, puisque vous êtes mes disciples, vous devez vous réjouir de subir les mêmes afflictions que votre Maître.

       Je t’ai dit, un jour de Nisân : “ Tu seras celui qui reste des prophètes du Seigneur. ” Ta mère, par une intuition spirituelle, a presque compris le sens de ces paroles. Mais, avant qu’elles ne se vérifient pour mes apôtres, en ce qui te concerne elles se seront vérifiées.

       Jacques, tous seront dispersés sauf toi, et cela jusqu’à ce que Dieu t’appelle au Ciel. Tu resteras au poste auquel Dieu t’aura élu par la bouche de tes frères, toi qui descends de la race royale, dans la cité royale, pour élever mon sceptre et parler du vrai Roi. Roi d’Israël et du monde selon une royauté sublime que personne ne comprend, excepté ceux auxquels elle a été révélée.

       Ce sera des temps où il te faudra une force, une constance, une patience, une sagacité sans limites. Tu devras te montrer juste avec charité, et avoir une foi simple et pure comme celle d’un enfant et, en même temps, érudite, en vrai maître, pour soutenir la foi assaillie dans tant de cœurs et par tant de choses contraires. Il te faudra aussi réfuter les erreurs des faux chrétiens et les subtilités doctrinales du vieil Israël. Car, s’il est aveugle dès maintenant, il le sera plus que jamais après avoir tué la Lumière, et il déformera les paroles prophétiques et jusqu’aux commandements du Père de qui je procède, pour se persuader lui-même – et se donner ainsi la paix –, et pour persuader le monde que ce n’était pas moi qu’annonçaient les patriarches et les prophètes. On prétendra au contraire, que je n’étais qu’un pauvre homme, un utopiste, un fou pour les meilleurs, un hérétique possédé pour les moins bons du vieil Israël.

       Je te prie d’être alors un autre moi-même. Non, ce n’est pas impossible ! Ce ne l’est pas. Tu devras garder présents à l’esprit ton Jésus, ses actes, sa parole, ses œuvres. Comme si tu t’adaptais à la forme d’argile dont se servent les fondeurs pour donner une empreinte au métal, tu devras te couler en moi. Je serai toujours présent, si présent et vivant pour vous, mes fidèles, que vous pourrez vous unir à moi, devenir un autre moi-même. Il suffit de le vouloir. Mais toi, toi qui as été avec moi dès la plus tendre enfance et qui as eu la nourriture de la sagesse par les mains de Marie avant de l’avoir par les miennes, toi qui es le neveu de l’homme le plus juste qu’ait eu Israël, tu dois être un Christ parfait…

       258.4 – Je ne peux pas, Seigneur ! Confie cette charge à mon frère, confie-la à Jean, confie-la à Simon-Pierre, à l’autre Simon. Mais pas à moi, Seigneur ! Pourquoi à moi ? Qu’ai-je fait pour la mériter ? Tu ne vois pas que je suis un bien pauvre homme qui ne peut qu’une seule chose : t’aimer beaucoup et croire fermement à tout ce que tu dis ?

       – Jude a un caractère trop entier. Il ira très bien là où il s’agit d’abattre le paganisme. Pas ici où il faudra amener au christianisme des gens qui, étant déjà le peuple de Dieu, se croient absolument dans la bonne voie. Pas ici où il faudra convaincre tous ceux qui, bien que croyant en moi, seront déçus par le déroulement des événements. Les convaincre que mon Royaume n’est pas de ce monde, mais qu’il est tout spirituel, un Royaume des Cieux, dont la préparation est une vie chrétienne, c’est-à-dire une vie où les valeurs prépondérantes sont spirituelles.

       La conviction s’obtient par une ferme douceur. Malheur à celui qui sautera à la gorge des gens pour les persuader. Les personnes agressées diront : “ oui ” sur le moment pour se dégager de l’étreinte, mais ensuite elles s’enfuiront sans se retourner, sans plus vouloir accepter de discuter, s’il ne s’agit pas de pervers mais seulement de fourvoyés. Elles fuiront pour aller s’armer et donner la mort à ceux qui veulent les convaincre de doctrines différentes des leurs, s’il s’agit de pervers ou seulement de fanatiques.

       Or tu seras entouré de fanatiques, chez les chrétiens comme chez les juifs. Les premiers attendront de toi des actes de violence ou du moins la permission de les accomplir, car le vieil Israël, avec ses intransigeances et ses restrictions, agitera encore en eux sa queue vénéneuse. Les seconds marcheront contre toi et les autres, comme dans une guerre sainte, pour défendre l’ancienne foi, ses symboles, ses cérémonies. Et tu seras au milieu de cette mer en tempête. Tel est le sort des chefs. Et tu seras le chef de ceux qui seront dans la Jérusalem christianisée par ton Jésus.

       258.5 Tu devras savoir aimer parfaitement pour pouvoir être chef saintement. Ce ne sont pas les armes et les anathèmes, mais ton cœur que tu devras opposer aux armes et aux anathèmes des juifs. Ne te permets jamais d’imiter les pharisiens en considérant les païens comme du fumier. C’est aussi pour eux que je suis venu, parce que, en vérité, l’anéantissement de Dieu en une chair mortelle aurait été disproportionné pour le seul Israël. S’il est vrai que mon amour m’aurait fait m’incarner avec joie, même pour le salut d’une seule âme, la justice, qui fait partie de Dieu elle aussi, impose que l’Infini s’anéantisse pour une infinité : le genre humain.

       Tu devras aussi être doux avec eux pour ne pas les éloigner, te bornant à être inébranlable dans la doctrine, mais compréhensif pour les autres formes de vie qui ne sont pas semblables aux nôtres, et toutes matérielles, mais sans nuire à l’âme. Tu auras beaucoup à combattre avec les frères pour cela, parce qu’Israël est enveloppé de pratiques. Toutes extérieures, toutes inutiles parce qu’elles ne changent pas l’âme. Toi, au contraire, soucie-toi uniquement de l’âme, et enseigne aux autres à en faire autant. N’exige pas que les païens changent aussitôt leurs habitudes. Toi aussi, tu ne changeras pas les tiennes d’un seul coup. Ne reste pas ancré à ton écueil car, pour recueillir en mer les épaves et les amener aux chantiers pour les reformer à une nouvelle vie, il faut naviguer et ne pas rester sur place. Or tu dois aller à la recherche des épaves. Il y en a dans le paganisme, mais aussi en Israël. Au bout de la mer immense, il y a Dieu qui ouvre ses bras à toutes ses créatures, qu’elles soient riches de leur origine sainte comme les juifs, ou bien pauvres parce que païennes.

       J’ai dit : “ Vous aimerez votre prochain. ” Le prochain, ce n’est pas seulement le parent ou le compatriote. L’homme du grand Nord dont vous ne connaissez pas l’aspect est aussi votre prochain, tout comme celui qui, à cette heure, regarde une aurore dans des pays qui vous sont inconnus, parcourt les neiges des chaînes fabuleuses de l’Asie, ou boit à un fleuve qui s’ouvre un lit au milieu des forêts inconnues du centre de l’Afrique. Et s’il venait à toi un adorateur du soleil, ou un homme qui a pour dieu le crocodile vorace, ou quelqu’un qui se croit le Sage réincarné qui a su entrevoir la vérité, mais sans en atteindre la perfection ni la donner comme salut à ses fidèles, ou encore un habitant, dégoûté, de Rome ou d’Athènes qui vient te demander la connaissance de Dieu, tu ne peux pas et ne dois pas leur dire : “ Je vous chasse, car ce serait une profanation de vous amener à Dieu. ”

       Garde présent à l’esprit qu’eux ne savent pas, alors qu’Israël sait. Et pourtant, en vérité, beaucoup en Israël sont et seront plus idolâtres et plus cruels que l’idolâtre le plus barbare qui soit au monde ; ce n’est pas à telle ou telle idole qu’ils sacrifieront des victimes humaines, mais à eux-mêmes, à leur orgueil, avides de sang après qu’en eux se sera allumée une soif inextinguible qui durera jusqu’à la fin des siècles. Seul le fait de boire de nouveau et avec foi ce qui a allumé cette soif atroce pourrait l’éteindre. Mais alors ce sera aussi la fin du monde, car les derniers à dire : “ Nous croyons que tu es Dieu et Messie ” seront les juifs, malgré toutes les preuves que j’ai données et que je donnerai de ma divinité.

       258.6 Tu seras vigilant et attentif à ce que la foi des chrétiens ne soit pas vaine. Elle serait vaine si elle n’était que paroles ou pratiques hypocrites. C’est l’esprit qui vivifie. L’esprit fait défaut dans la pratique machinale ou pharisaïque, qui n’est qu’une foi feinte et non pas la vraie foi. A quoi servirait à l’homme de chanter des louanges à Dieu dans l’assemblée des fidèles si ensuite toute sa conduite est une insulte à Dieu qui ne se rend pas le jouet du fidèle mais, dans sa paternité, garde toujours ses prérogatives de Dieu et de Roi ?

       Sois vigilant et attentif à ce que personne ne prenne une place qui n’est pas la sienne. Dieu vous donnera la lumière selon votre situation. Dieu ne vous fera pas manquer de lumière, à moins que la grâce ne se trouve éteinte en vous par le péché.

       Beaucoup aimeront s’entendre appeler “ maître ”. Or il n’y a qu’un seul Maître : celui qui te parle ; et une seule maîtresse : l’Eglise qui le perpétue. Dans l’Eglise, seront maîtres ceux qui seront consacrés par une charge spéciale à l’enseignement. Il y aura néanmoins des fidèles qui, par la volonté de Dieu et leur sain­teté personnelle, c’est-à-dire par leur bonne volonté, seront pris par le tourbillon de la Sagesse et parleront. Il y en aura d’autres qui, sans être sages par eux-mêmes, mais comme de do­ciles instruments entre les mains de l’artisan, parleront au nom de l’Artisan en répétant comme de braves enfants ce que le Père leur inspire, même sans comprendre toute la portée de leurs paroles. Il y en aura enfin qui parleront comme s’ils étaient des maîtres et avec un don d’orateur qui séduira les simples, mais qui seront orgueilleux, durs de cœur, jaloux, irascibles, menteurs et luxurieux.

       Je te dis donc de recueillir les paroles des hommes sages dans le Seigneur et des sublimes petits enfants de l’Esprit Saint, en les aidant même à comprendre la profondeur des divines paroles ; car, même s’ils sont porteurs de la divine Voix, vous, mes apôtres, serez toujours les enseignants de mon Eglise, et vous devez venir en aide à ceux qui sont surnaturellement épuisés par l’extasiante et lourde richesse que Dieu a déposée en eux pour qu’ils la transmettent à leurs frères. De la même manière, je te dis : repousse les paroles mensongères des faux prophètes dont la vie n’est pas conforme à ma doctrine. L’excellence de la vie, la mansuétude, la pureté, la charité et l’humilité ne feront jamais défaut chez les sages et les petites voix de Dieu. Toujours chez les autres.

       Sois vigilant et attentif à ce qu’il n’y ait ni jalousies ni calomnies dans l’assemblée des fidèles, ni ressentiments ni esprit de vengeance. Sois vigilant et attentif à ce que la chair ne prenne pas le dessus sur l’esprit. Celui dont l’esprit ne domine pas la chair ne pourrait supporter les persécutions.

       258.7 Jacques, je sais que tu le feras, mais fais à ton Frère la promesse que tu ne le décevras pas.

       – Mais Seigneur, Seigneur ! Je n’ai qu’une peur : c’est de ne pas en être capable. Mon Seigneur, je t’en prie, confie cette charge à un autre.

       – Non. Je ne peux pas…

       – Simon, fils de Jonas, t’aime et tu l’aimes…

       – Simon, fils de Jonas, n’est pas Jacques, descendant de David.

       – Jean ! Jean, l’ange instruit. Fais-en ton serviteur pour cela.

       – Non. Je ne peux pas. Ni Simon, ni Jean ne possèdent ce rien qui compte pourtant beaucoup auprès des hommes : la parenté. Tu es mon parent. Après m’avoir… après m’avoir méconnu, la meilleure partie d’Israël cherchera à obtenir le pardon auprès de Dieu et auprès d’elle-même en cherchant à connaître le Seigneur qu’ils auront maudit à l’heure de Satan ; et il leur paraîtra avoir obtenu ce pardon, et par conséquent la force de prendre mon chemin, s’il y a à ma place quelqu’un de mon sang. Jacques, sur cette montagne se sont accomplies de bien grandes choses. Ici, le feu de Dieu consuma non seulement l’holocauste, le bois, les pierres, mais aussi la poussière et jusqu’à l’eau qui était dans le fossé. Jacques, crois-tu que Dieu ne puisse refaire la même chose, en allumant et en consumant tout ce qu’il y a de matériel dans l’homme-Jacques, pour le transformer en un Jacques-feu de Dieu ? Nous avons parlé pendant que le crépuscule a rendu de flamme jusqu’à nos vêtements. Crois-tu que le char qui emporta Elie ait été plus ou moins resplendissant ?

       – Beaucoup plus resplendissant parce qu’il était fait de feu céleste.

       – Alors imagine ce que deviendra le cœur quand il sera devenu feu parce qu’il aura Dieu en lui, car Dieu veut qu’il perpétue son Verbe dans la prédication de la nouvelle du salut.

       258.8 – Mais toi, mais toi, le Verbe de Dieu, le Verbe éternel, pourquoi ne restes-tu pas ?

       – Parce que je suis Verbe et Chair. Comme Verbe, je dois instruire et comme Chair racheter.

       – Oh, mon Jésus ! Mais comment rachèteras-tu ? A la rencontre de quoi vas-tu ?

       – Jacques, rappelle-toi les prophètes.

       – Mais leurs paroles ne sont-elles pas allégoriques ? Peux-tu, toi le Verbe de Dieu, être maltraité par les hommes ? Ne veulent-ils pas dire que c’est ta divinité qui sera martyrisée, ta perfection, mais rien de plus, rien de plus que cela ? Ma mère se fait du souci pour Jude et moi, mais moi pour toi et pour Marie, et puis aussi pour nous, qui sommes si faibles. Jésus, Jésus, si l’homme triomphait de toi, ne crois-tu pas que beaucoup d’entre nous te croiraient coupable et s’éloigneraient, déçus par toi ?

       – J’en suis sûr. Il y aura un bouleversement dans toutes les couches de mes disciples. Mais ensuite la paix reviendra ; mieux, il se produira une cohésion des parties les meilleures sur lesquelles, après mon sacrifice et mon triomphe, viendra l’Esprit de force et de sagesse : l’Esprit divin.

       – Jésus, pour que je ne fléchisse pas et que je ne sois pas scandalisé à cette heure redoutable, dis-moi : que vont-ils te faire ?

       – Tu me demandes beaucoup.

       – Dis-le-moi, Seigneur.

       – Ce sera pour toi un tourment de le savoir précisément.

       – Peu importe. Au nom de cet amour qui nous a unis…

       – Il ne faut pas que cela se sache.

       – Dis-le-moi, et puis fais m’en perdre le souvenir jusqu’à l’heure où cela devra s’accomplir. Alors remets-le-moi en mémoire ainsi que cette heure-ci. Comme cela, je ne me scandaliserai de rien et je ne deviendrai pas ton ennemi au fond de mon cœur.

       – Cela ne servira à rien, car toi aussi tu céderas à la bour­rasque.

       – Dis-le-moi, Seigneur !

       – Je serai accusé, trahi, pris, torturé, soumis à la mort de la croix.

       – Oh non ! Non ! »

       Jacques crie et se tord comme si c’était lui qui devait être mis à mort.

       « Non ! Répète-t-il. S’ils te font cela, que nous feront-ils, à nous ? Comment pourrons-nous continuer ton œuvre ? Je ne peux pas, non je ne peux pas accepter la charge que tu me réserves… Je ne peux pas !… Je ne peux pas ! Toi mort, je serai un mort, moi aussi, privé de force. Jésus, Jésus ! Ecoute-moi. Ne me laisse pas sans toi. Promets-moi, promets-moi cela au moins !

       – Je te promets que je viendrai te guider par mon Esprit, lorsque la glorieuse Résurrection m’aura délivré des limites de la matière. Toi et moi ferons encore un, comme maintenant que tu es entre mes bras » – en effet Jacques s’est abandonné et pleure sur la poitrine de Jésus.

       258.9 « Ne pleure plus. Sortons de cette heure d’extase, lumineuse mais pénible, comme quelqu’un qui sort des ombres de la mort en se souvenant de tout, sauf ce que c’est que mourir, – cet effroi qui vous glace et dure une minute et qui comme fait accompli dure pendant des siècles. Viens, je t’embrasse ainsi pour t’aider à oublier la charge de ma destinée d’homme. Tu en retrouveras le souvenir au moment voulu, comme tu l’as demandé. Tiens, je te donne un baiser sur ta bouche qui devra répéter ma parole aux habitants d’Israël, et sur ton cœur qui devra aimer comme je te l’ai dit, et ici, sur ta tempe, où la vie cessera en même temps que la dernière parole d’affectueuse foi en moi. De même que je viendrai auprès de toi, mon frère que j’aime, dans les assemblées de fidèles, aux heures de méditation, aux heures de danger, à l’heure de la mort ! Personne, et pas même ton ange gardien, ne recueillera ton âme, mais moi, dans un baiser, comme cela… »

       Ils restent embrassés longuement et Jacques paraît presque s’assoupir dans la joie des baisers de Dieu qui lui font oublier sa souffrance. Quand il relève la tête, il est redevenu le Jacques, fils d’Alphée, paisible et bon, qui ressemble tant à Joseph, l’époux de Marie. Il sourit à Jésus, un sourire plus mûr, un peu triste, mais toujours aussi doux.

       « Prenons notre repas, Jacques, et puis dormons sous les étoiles. Aux premières lueurs du jour, nous descendrons dans la vallée… pour aller parmi les hommes… » et Jésus pousse un soupir… Mais il termine avec un sourire : « … et près de Marie.

       – que dirai-je à ma mère, Jésus ? Et à nos compagnons ? A coup sûr, ils vont m’interroger…

       – Tu pourras leur rapporter tout ce que je t’ai dit quand je t’ai fait considérer les réponses d’Elie à Achab, au peuple sur la montagne, et sur la puissance de celui qui est aimé de Dieu pour obtenir ce qu’il veut de peuples entiers et de tous les éléments, son zèle dévorant pour le Seigneur, et comment je t’ai fait considérer que c’est par la paix et dans la paix qu’on entend Dieu et qu’on le sert. Tu leur diras que, de même que je vous ai dit : “ Venez ”, et comme le fit Elie avec son manteau qu’il mit sur Elisée, vous pourrez gagner au Seigneur de nouveaux serviteurs de Dieu avec le manteau de la charité. Quant à ceux qui ont toujours des inquiétudes, rapporte-leur comment je t’ai fait remarquer la joyeuse libération du passé que montre Elisée lorsqu’il se sépare des bœufs et de la charrue. Dis-leur comment j’ai rappelé qu’à ceux qui veulent obtenir des miracles par Belzébuth, il arrive du mal et pas du bien, comme il advint à Ochosias selon la parole d’Elie. Rapporte-leur enfin comment je t’ai promis que, pour celui qui restera fidèle jusqu’à la mort, le feu purificateur de l’Amour viendra brûler les imperfections et l’amener directement au Ciel. Le reste, c’est pour toi seul. »

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