Une initative de
Marie de Nazareth

Le discours et les miracles de Bozra, après l’irruption des deux pharisiens

mardi 10 octobre 28
Bozra

Vision de Maria Valtorta

       293.1 … Et le monde est aussi tellement proche avec ses flots de haine, de trahison, de douleur, de besoin, de curiosité. Et les flots viennent, comme ceux de la mer dans un port, mourir ici dans la cour de l’hôtellerie de Bozra que le respect de l’hôtelier, dont le cœur est meilleur que ne le laisse supposer sa figure, a nettoyé des excréments et des ordures. Il y a beaucoup de monde, de l’endroit ou d’ailleurs, mais pourtant de la région, et des gens dont les conversations me font comprendre qu’ils viennent de loin, des rives du lac ou d’au-delà du lac : des noms de villes, des témoignages de souffrances s’expriment dans les conversations qui s’entremêlent pendant que l’on attend Jésus. Gadara, Hippos, Guerguesa, Gamla, Afeca, et Naïm, En-Dor, Jezréël, Magdala et Chorazeïn passent de bouche en bouche et, avec eux, l’explication des motifs pour lesquels ils sont venus de si loin jusque là.

       « Quand j’ai appris qu’il était venu à travers les pays d’au-delà du Jourdain, je me suis découragé. Mais alors que j’allais retourner à Jezréël, des disciples sont venus et nous ont dit, à nous qui attendions à Capharnaüm : “ A cette heure-ci, il est certainement au-delà de Gérasa. Ne perdez pas de temps pour aller à Bozra ou à Arbel ”, et je suis venu avec eux…

       – De mon côté, en venant de Gadara, j’ai vu passer des pharisiens. Ils demandaient si c’était Jésus de Nazareth qui était dans la région. Ma femme est malade. Je me suis uni à eux. Puis, hier à Arbel, j’ai appris qu’il venait d’abord à Bozra et je suis accouru ici.

       – Moi, je viens de Gamla à cause de cet enfant. Il a été frappé par une vache en furie. Il est resté dans cet état… »

       Il montre son enfant tout recroquevillé, incapable même de remuer librement les bras.

       « Moi, je n’ai pas pu amener le mien. Je viens de Mageddo. Qu’en dites-vous ? Me le guérira-t-il même depuis ici ? demande en gémissant une femme au visage rougi par les pleurs.

       – Mais il faut le malade !

       – Non. Il suffit d’avoir foi.

       – Non. S’il n’impose pas les mains, pas de guérison. C’est ce que font aussi ses disciples.

       – Tu as fait tant de chemin pour rien, femme ! »

       La femme se met à pleurer :

       « Ah ! Malheureuse que je suis ! Et je l’ai laissé presque moribond, en espérant… Il ne le guérira pas et moi, je ne le consolerai pas au moment de la mort… »

       Une autre femme la console :

       « Ne crois pas cela, femme. Moi, je viens le remercier car il m’a fait un grand miracle sans quitter la montagne sur laquelle il parlait.

       – Quel mal avait ton enfant ?

       – Ce n’était pas mon enfant, c’était mon mari qui était devenu fou… »

       Et les deux femmes continuent à parler à voix basse.

       « C’est vrai. La mère d’Arbel elle aussi a eu son fils racheté sans que le Maître l’ait vu » dit quelqu’un d’Arbel.

       Et il continue de parler avec ses voisins…

       « Place, par pitié ! Place ! » crient des hommes qui portent une litière toute couverte.

       La foule s’ouvre et la litière passe avec sa charge de souffrance. Ils vont se mettre au fond, presque derrière une meule de paille. Est-ce un homme ou une femme sur la litière ? Qui peut le dire ?

       293.2 Entrent alors deux pharisiens hautains et bien portants, fiers plus que jamais. Ils assaillent le pauvre hôtelier comme deux fous en criant :

       « Maudit menteur ! Pourquoi nous as-tu dit qu’il n’était pas ici ? Tu es son complice ? Te moquer ainsi de nous, les saints d’Israël, pour favoriser… Qui ? Que sais-tu de lui ? Qu’est-ce qu’il est pour toi ?

       – ce qu’il est ? Ce que vous n’êtes pas. Mais je n’ai pas menti. Il est venu peu de temps après votre arrivée. Il ne s’est pas caché et, moi, je ne le cache pas. Mais comme ici je suis le maître, je vous ordonne à l’instant : “ Sortez de chez moi ! ” Ici, on ne fait pas injure au Nazaréen. Vous comprenez ? Et si vous ne comprenez pas ces mots, je pourrai vous parler par des gestes, chacals que vous êtes ! »

       L’hôtelier musclé paraît si décidé à l’action que les deux pharisiens changent de ton et se font rampants comme des chiens menacés de la cravache.

       « Mais nous le cherchions pour le vénérer ! Que crois-tu ? Ce qui nous a rendus furieux, c’est la pensée de ne pouvoir le voir par ta faute. Nous, nous savons qui il est : le Messie saint et béni vers lequel nous ne sommes pas dignes de lever les yeux. Nous sommes la poussière, lui la gloire d’Israël. Conduis-nous à lui. Notre cœur brûle du désir d’entendre sa parole. »

       L’hôtelier leur rend la monnaie de leur pièce en répondant :

       « Ah ! Tiens donc ! Comment ai-je pu penser qu’il n’en était pas ainsi, moi qui connais de réputation la justice des pharisiens ! Mais bien sûr, vous êtes venus pour l’adorer ! Vous en brûlez de désir ! Je vais le lui dire. J’y vais… Non, par Satan ! Ne me suis pas ! Et toi non plus, ou je vous cogne l’un contre l’autre, vieilles momies venimeuses, au point de vous faire rentrer l’un dans l’autre. Restez ici. Toi, ici où je te plante, et toi là. Je regrette de ne pouvoir vous enfoncer dans la terre jusqu’au cou afin de me servir de vous comme d’un pieu pour y attacher les porcs qu’il me faut tuer. »

       Unissant le geste à la parole, il saisit d’abord le pharisien le plus maigre par-dessous les bras, le soulève, puis le plante par terre si violemment que, si le sol n’avait pas été aussi dur, il y aurait pénétré au moins jusqu’à la cheville. Mais le sol est dur et, après une forte secousse, le pharisien reste debout comme un pantin. Puis l’hôtelier s’empare de l’autre et, bien que ce soit plutôt un obèse, il le soulève et le repose avec la même furie. Mais comme celui-ci réagit et se débat, au lieu de le planter debout, il le plaque, assis, par terre : c’est un vrai paquet de chair et d’é­toffes… Et il s’en va, en disant un vilain mot qui se perd dans les lamentations des deux hommes et les éclats de rire d’un grand nombre de spectateurs.

       Il entre dans un couloir, passe par une petite cour, monte un escalier, pose le pied sur une galerie à portique et de là, dans une vaste pièce où Jésus, avec tous ses disciples et le marchand, achève son repas.

       « Il est arrivé deux des quatre pharisiens. Vois un peu. Pour l’instant, je les ai remis en place. Ils voulaient me suivre, j’ai refusé. Ils sont maintenant en bas, dans la cour, où il y a beaucoup de malades et d’autres aussi.

       – J’y vais tout de suite. Merci, Fara. Tu peux partir. »

       293.3 Tout le monde se lève, mais Jésus ordonne aux disciples de rester à leur place, ainsi qu’aux femmes, sauf sa Mère, Marie, femme de Clopas, Suzanne et Salomé. Voyant la peine qui paraît sur les visages des exclus, il dit :

       « Allez sur la terrasse, vous entendrez aussi bien. »

       Il sort avec les apôtres et les quatre femmes, parcourt en sens inverse le chemin fait par l’hôtelier et entre dans la grande cour. Les gens lèvent la tête pour voir et les plus malins montent sur le tas de paille, sur les chars à l’arrêt, sur le bord des bassins…

       Les deux pharisiens vont à sa rencontre, tout obséquieux. Jésus leur adresse sa salutation habituelle, comme s’ils étaient ses plus fidèles amis. Cependant, il ne s’arrête pas pour répondre à leurs questions mielleuses :

       « Etes-vous si peu nombreux ? Sans disciples ? Ils t’ont donc abandonné ? »

       Jésus, tout en marchant, répond d’un air sérieux :

       « Il n’y a aucun abandon. Vous venez d’Arbel où vous avez rencontré ceux qui m’ont précédé, et en Judée vous avez rencontré Judas, Thomas, Nathanaël et Philippe. »

       Le pharisien corpulent n’ose plus le suivre et il s’arrête tout à coup, rouge comme une pivoine. L’autre, plus effronté, insiste :

       « C’est vrai. Mais justement nous savions que tu étais avec des disciples fidèles et avec les femmes, et nous étions étonnés de te voir avec si peu de monde. Nous voulions voir tes nouvelles conquêtes pour nous en réjouir avec toi. »

       Et il rit d’un rire faux.

       « Mes nouvelles conquêtes ? Les voilà ! »

       Jésus trace devant lui un demi-cercle désignant les foules venant pour la plus grande partie de l’autre rive du Jourdain, c’est-à-dire de ces régions où se trouve Bozra. Puis, sans laisser au pharisien le temps de répliquer, il commence à parler.

       293.4 « Des gens m’ont cherché qui d’abord ne s’enquéraient pas de moi. Des gens m’ont trouvé, qui d’abord ne me cherchaient pas. Et j’ai dit : “ Me voici, me voici ” à une nation qui n’invoquait pas mon nom. ”

       Gloire au Seigneur qui met la vérité sur la bouche des prophètes ! Vraiment, à la vue de cette foule qui se presse autour de moi, j’exulte dans le Seigneur, car je vois accomplies les pro­messes que l’Eternel m’a faites quand il m’a envoyé dans le monde. Ces promesses que moi-même j’ai allumées, avec le Père et le Paraclet, dans la pensée, dans la bouche et dans le cœur des prophètes, ces promesses que j’ai connues avant d’être chair et qui m’ont encouragé à revêtir une chair. Et qui me donnent force. Oui. Elles me réconfortent contre toute haine, rancœur, doute et mensonge. Ceux qui d’abord ne s’enquéraient pas de moi m’ont cherché. Ceux qui ne me cherchaient pas m’ont trouvé. Pourquoi, au contraire, m’ont-ils repoussé, ceux auxquels j’avais tendu les mains en leur disant : “ Me voici ” ? Et pourtant ces derniers me connaissaient alors que les premiers ne me connaissaient pas. Alors ?

       Voici la clé du mystère. Ce n’est pas une faute d’ignorer, mais c’est une faute de renier. Or un trop grand nombre de personnes qui étaient informées sur mon compte et auxquelles j’ai tendu les mains, m’ont renié comme si j’étais un bâtard ou un voleur, un satan corrupteur. Car, dans leur orgueil, ils ont éteint la foi et se sont égarés sur des chemins qui n’étaient pas bons, mais tortueux, coupables en quittant la route que ma voix leur indiquait. Le péché est dans la tête, dans les plats, dans les lits, dans les cœurs, dans les intelligences de ce peuple qui me repousse et qui, voyant partout le reflet de sa propre impureté, la voit même sur moi. Et sa haine l’accumule encore plus, alors il me dit : “ Eloigne-toi, toi qui es impur. ”

       Que dira donc Celui qui vient avec ses vêtements teints de rouge, si magnifiquement drapé, et qui marche avec grandeur et force ? Accomplira-t-il ce que dit Isaïe, et ne se taira-t-il pas, mais versera-t-il dans leur sein ce qu’ils méritent ? Non. Il faut d’abord qu’il foule dans son pressoir, tout seul, abandonné de tous, pour faire le vin de la Rédemption, le vin qui enivre les justes pour en faire des bienheureux, le vin qui enivre les coupables de la grande faute pour mettre en miettes leur puissance sacrilège. Oui. Mon vin, qui mûrit heure par heure au soleil de l’éternel Amour, sera la ruine et le salut de beaucoup, comme il est dit dans une prophétie qui n’est pas encore écrite, mais déposée dans la roche sans fissure d’où est jaillie la vigne qui donne le vin de la vie éternelle.

       293.5 Vous comprenez ? Non, vous ne comprenez pas, docteurs d’Israël. Peu importe que vous compreniez. Les ténèbres dont parle Isaïe vont descendre sur vous: “ Ils ont des yeux et ne voient pas. Ils ont des oreilles et n’entendent pas. ” Vous faites écran à la Lumière par votre haine, c’est pourquoi l’on peut dire que la Lumière a été repoussée par les ténèbres et que le monde n’a pas voulu la connaître.

       Mais vous, vous exultez ! Vous qui, étant dans les ténèbres, avez su croire à la Lumière qui vous était annoncée, vous qui l’avez désirée, cherchée, trouvée. Exulte, peuple des fidèles qui, par monts, vallées, fleuves et lacs, es venu au salut sans tenir compte de la fatigue du long chemin. Il en sera de même pour le chemin spirituel qui, des ténèbres de l’ignorance, te conduira, ô peuple de Bozra, à la lumière de la Sagesse.

       Exulte, peuple de l’Auranitide ! Exulte dans la joie de la connaissance. Vraiment, c’est de toi et des peuples qui t’entourent qu’il est parlé, quand le prophète chante que vos chameaux et vos dromadaires se presseront sur les chemins de Nephtali et de Zabulon pour venir adorer le vrai Dieu, et pour être ses serviteurs dans la sainte et douce loi qui n’impose rien d’autre, pour donner la paternité divine et la béatitude éternelle, que d’observer les dix commandements du Seigneur : aimer le vrai Dieu de tout son être, aimer son prochain comme soi-même, respecter les sabbats sans les profaner, honorer ses parents, ne pas tuer, ne pas voler, ne pas commettre d’adultère, ne pas porter de faux témoignages, ne pas désirer la femme ni les biens d’autrui. Ah ! Bienheureux êtes-vous si, venant de plus loin, vous surpassez ceux qui étaient de la maison du Seigneur et qui en sont sortis, à l’instigation des dix commandements de Satan de l’inimitié avec Dieu, de l’amour pour soi-même, de la corruption du culte, de la dureté envers ses parents, du désir d’homicide, de l’essai de voler la sainteté d’autrui, de la fornication avec Satan, des faux témoignages, de l’envie pour la nature et la mission du Verbe, et du péché horrible qui fermente et mûrit au fond des cœurs, de trop de cœurs.

       293.6 Exultez, vous qui avez soif ! Exultez, vous qui avez faim ! Exultez, vous qui êtes affligés ! Vous étiez rejetés ? Vous étiez proscrits ? méprisés ? Etrangers ? Venez ! Exultez ! Ce n’est plus vrai désormais. Moi, je vous donne maison, biens, paternité, patrie. Je vous donne le Ciel. Suivez-moi, je suis le Sauveur ! Suivez-moi, je suis le Rédempteur ! Suivez-moi, je suis la Vie ! Suivez-moi, je suis Celui auquel le Père ne refuse pas de grâces ! Exultez dans mon amour ! Exultez ! Et pour que vous voyiez que je vous aime, ô vous qui m’avez cherché avec vos souffrances, ô vous qui avez cru en moi avant même de m’avoir connu, pour que ce jour soit un vrai jour d’exultation, je fais cette prière : “ Père ! Père saint ! Que sur toutes les blessures, les maladies, les plaies des corps, les angoisses, les tourments, les remords des cœurs, sur toute foi qui naît, qui vacille, qui se raffermit, descendent salut, grâce, paix ! Paix en mon nom ! Grâce en ton nom ! Salut pour notre amour réciproque ! Bénis, Père très saint ! Rassemble et fonds en un seul troupeau tous ces enfants dispersés, qui sont à toi et à moi ! Fais que là où je suis, ils y soient eux aussi. Que tous soient un avec toi, Père saint, avec toi, avec moi, et avec l’Esprit divin. ” »

       Jésus, les bras en croix, les mains tournées vers le ciel, le visage levé, la voix éclatante comme une trompette d’argent, est irrésistible dans ses paroles… Il reste ainsi, en silence, pendant quelques minutes. Puis ses yeux de saphir cessent de contempler le ciel pour regarder la vaste cour pleine d’une foule qui soupire d’émotion, ou frémit d’espérance. Ses mains se joignent comme pour se porter en avant, et avec un sourire qui le transfigure, il lance un dernier cri :

       « Exultez, vous qui croyez et espérez ! Peuple des souffrants, lève-toi et aime le Seigneur ton Dieu ! »

       293.7 Et c’est la guérison simultanée et complète de tous les ma­lades. Des cris délirants, un tonnerre de voix qui louent le Sauveur. Et du fond de la cour, traînant encore le drap qui la couvrait, une femme fend la foule et tombe aux pieds du Seigneur. La foule pousse un autre cri, un cri de terreur :

       « Marie, la lépreuse, la femme de Joachim ! »

       Ils fuient dans toutes les directions.

       « N’ayez pas peur ! Elle est guérie. Son contact ne peut plus vous faire de mal » rassure Jésus.

       Puis il dit à la femme prosternée :

       « Relève-toi, femme. Ta grande espérance t’a récompensée et te fait pardonner d’avoir manqué à la prudence envers tes frères. Rentre chez toi après les purifications salutaires. »

       La femme, jeune et assez belle, pleure en se levant. Jésus la montre à la foule qui s’approche un peu et admire le miracle en criant son émerveillement.

       « Son mari, qui l’adorait, lui avait construit un refuge au fond de ses terres et chaque soir, il allait vers son enclos et, en pleurant, lui apportait de quoi manger…

       – Elle était tombée malade à cause de sa pitié, en soignant un mendiant qui ne s’était pas déclaré lépreux.

       – Mais comment la brave Marie est-elle venue?

       – Sur ce brancard. Comment n’avons-nous pas pensé que c’étaient des serviteurs de Joachim

       – Pour cela, ils ont risqué la lapidation.

       – C’est leur maîtresse ! Ils l’aiment, elle sait se faire aimer, plus qu’on ne s’aime soi-même… »

       Jésus fait un geste et tout le monde se tait.

       « Vous voyez que l’amour et la bonté amènent miracle et joie. Sachez donc être bons. Va, femme. Personne ne te fera de mal. Que la paix soit avec toi et dans ta maison. »

       La femme, escortée de ses serviteurs, qui ont brûlé le brancard au milieu de la cour, sort en compagnie de nombreuses connaissances.

       293.8 Jésus congédie la foule et, après avoir écouté quelques personnes, il se retire, suivi de ceux qui étaient avec lui.

       « Quelles paroles, Maître !

       – Comme tu étais transfiguré !

       – Quelle voix !

       – Et quels miracles !

       – Tu as vu quand les pharisiens se sont enfuis ?

       – Ils sont partis en rampant comme deux lézards dès les premiers mots.

       – Les habitants de Bozra et des autres localités gardent de toi un souvenir merveilleux…

       – Mère, et toi, que dis-tu ?

       – Je te bénis, mon Fils, pour moi et pour eux.

       – Eh bien, ta bénédiction me suivra jusqu’à ce que nous nous retrouvions.

       – Pourquoi dis-tu cela, Seigneur ? Les femmes nous quittent donc ?

       – Oui, Simon. 293.9 Demain, au point du jour, Alexandre part pour Aéra. Nous irons avec lui jusqu’à la route d’Arbel, puis nous le quitterons. Et c’est avec peine, crois-le bien, Alexandre Misace, toi qui as été un guide courtois du Pèlerin. Je me souviendrai toujours de toi, Alexandre… »

       Le vieillard est profondément ému. Il reste, les bras croisés sur la poitrine, dans le profond salut oriental, un peu courbé en face de Jésus. Mais en entendant ces paroles, il dit :

       « Surtout, souviens-toi de moi, quand tu seras dans ton Royaume.

       – Tu le désires, Misace ?

       – Oui, mon Seigneur.

       – Moi aussi, je désire quelque chose de toi.

       – Quoi, Seigneur ? Si je le peux, je te le donnerai, fût-ce le plus précieux des biens que je possède.

       – C’est le plus précieux. C’est ton âme que je veux. Viens à moi. Je t’ai dit, au commencement du voyage, que j’espérais te donner un don à la fin. Ce don, c’est la foi. Crois-tu en moi, Misace ?

       – Je crois, Seigneur.

       – Alors sanctifie ton âme pour que la foi ne soit pas pour toi un don non seulement inerte mais dommageable.

       – mon âme est vieille. Mais je m’efforcerai de la renouveler. Seigneur, je suis un vieux pécheur. Mais toi, absous-moi et bénis-moi pour qu’à partir de maintenant je commence une vie nouvelle. J’emporterai avec moi ta bénédiction comme la meilleure escorte sur mon chemin vers ton Royaume… Nous ne nous reverrons jamais plus, Seigneur ?

       – Jamais plus sur cette terre. Mais tu auras de mes nouvelles et tu croiras encore davantage, car je ne te laisserai pas sans évangélisation. Adieu, Misace. Demain, nous aurons peu de temps pour le faire. Faisons-le maintenant, avant de prendre ensemble, pour la dernière fois, notre repas. »

       Il l’étreint et l’embrasse. Les apôtres et les disciples en font autant. Les femmes lui adressent un salut unique.

       Mais Misace s’agenouille presque devant Marie en disant :

       « Que ta lumière de pure étoile du matin resplendisse dans ma pensée jusqu’à la mort.

       – jusqu’à la Vie, Alexandre. Aime mon Fils et tu m’aimeras, et moi je t’aimerai. »

       293.10 Simon Pierre demande :

       « Mais d’Arbel, nous irons à Aéra ? J’ai peur que nous soyons surpris par le mauvais temps. Il y a un tel brouillard… Cela fait trois jours qu’il y en a à l’aube et au crépuscule…

       – C’est parce que nous sommes descendus ici. Tu n’as pas l’impression d’être descendu beaucoup ? C’est pourtant le cas. Dès demain, tu remonteras vers les monts de la Décapole et tu n’auras plus de brouillard, explique Misace.

       – Descendus ? Quand ? La route était plane…

       – Oui, mais en continuelle descente. Ah ! Si lente qu’on ne s’en aperçoit pas. Mais sur des milles et des milles !

       – A Arbel, combien de temps nous y restons ?

       – Toi, Jacques et Jude, pas même une heure, répond Jésus d’un ton ferme.

       – Moi… Jacques et Jude… pas même une heure ? Et où est-ce que je vais, si je ne reste pas avec vous tous ?

       – Tu pars, jusqu’aux terres dont Kouza a la garde. Tu accompagneras, avec les autres, ma Mère et les femmes jusque là. Puis elles continueront seules avec les serviteurs de Jeanne et vous reviendrez me rejoindre à Aéra.

       – Oh, Seigneur ! Tu es en colère contre moi et tu me punis… Quelle peine tu me fais, Seigneur !

       – Simon, se sent puni celui qui est en faute. Cette culpabilité doit te faire de la peine, mais pas la punition en elle-même. Mais je ne crois pas que ce soit une punition d’accompagner ma Mère et les femmes disciples sur le chemin du retour.

       – Mais ne valait-il pas mieux que tu viennes avec nous ? Laisse tomber Aéra et ces localités, et viens avec nous.

       – J’ai promis d’y aller et j’y vais.

       – Alors j’y viens moi aussi !

       – Obéis comme le font mes frères, sans protester.

       – Et si tu tombes sur les pharisiens ?

       – Tu n’es certainement pas le plus indiqué pour les convertir. Mais c’est justement parce que je les trouverai que je veux que toi, avec Jacques et Jude, vous vous écartiez d’Arbel avec les femmes, Jean d’En-Dor et Marziam.

       – Ah !… J’ai compris ! C’est bon. »

       Jésus se tourne vers les femmes et il les bénit une à une, en donnant à chacune les conseils qui conviennent.

       Marie-Madeleine, en s’inclinant pour baiser les pieds de son Sauveur, demande :

       « Te verrai-je encore avant de retourner à Béthanie ?

       – Sans aucun doute, Marie. Au mois d’Etanim, je serai sur le lac. »

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