Une initative de
Marie de Nazareth

Les inquiétudes de Judas Iscariote

dimanche 9 avril 28
Hébron

Vision de Maria Valtorta

       210.1 « Mais je ne crois pas que vous ayez l’intention de faire un pèlerinage à tous les lieux célèbres d’Israël, ironise Judas qui discute dans un groupe où se trouvent Marie, femme d’Alphée, et Salomé, ainsi qu’André et Thomas.

       – Et pourquoi pas ? Qui est-ce qui l’interdit ? demande Marie, femme de Clopas.

       – Mais moi ! Ma mère m’attend depuis longtemps…

       – Va donc chez ta mère, nous te rejoindrons après, dit Salomé – elle semble ajouter mentalement : “ Personne ne souffrira de ton absence ”.

       – Ce n’est pas cela ! J’y vais avec le Maître. Déjà, il n’y a plus la Mère, comme c’était entendu. Et cela n’aurait vraiment pas dû se faire parce qu’il était promis qu’elle y viendrait.

       – Elle s’est arrêtée à Bet-çur pour une œuvre charitable. Cette femme était bien malheureuse.

       – Jésus pouvait la guérir sur-le-champ. Il n’avait pas besoin de la faire revenir graduellement à son état normal. Je ne sais pas pourquoi, désormais, il n’aime plus faire des miracles éclatants.

       – S’il a agi ainsi, il aura eu de saintes raisons, rétorque calmement André.

       – Ah oui ! C’est ainsi qu’il perd des prosélytes.210.2 Ce séjour à Jérusalem, quelle déception ! Plus il lui faudrait faire des gestes d’éclat, plus il se cache à l’ombre. Je m’étais tellement promis de voir, de combattre…

       – Excuse ma question… Mais que voulais-tu voir et qui voulais-tu combattre ? demande Thomas.

       – Quoi ? Qui ? Mais voir ses œuvres miraculeuses et pouvoir tenir tête à ceux qui prétendent que c’est un faux prophète ou un possédé. Car c’est bien ce qu’on dit ! Comprends-tu ? On dit que si Béelzéboul ne le soutient pas, il n’est qu’un pauvre homme. Et comme l’humeur capricieuse de Béelzéboul est bien connue, et qu’on sait qu’il se plaît à prendre et à quitter, comme le fait le léopard avec sa proie, et comme les faits justifient cette façon de voir, je m’inquiète de constater qu’il n’agit pas. Quelle piètre figure nous faisons ! Nous sommes les apôtres d’un Maître… qui ne fait qu’enseigner, c’est indéniable, mais rien d’autre. »

       Judas s’est arrêté brusquement après le mot “ Maître ” et cela me fait penser qu’il allait dire quelque chose de pire.

       Les femmes sont abasourdies et Marie, femme d’Alphée, en tant que parente de Jésus, répond clairement :

       « Ce n’est pas de cela que je m’étonne, mais de ce que, lui, il te supporte, mon garçon ! »

       Mais André, lui qui est toujours doux, perd patience, rougit de colère – ce en quoi il ressemble pour une fois à son frère – et crie :

       « Mais va-t’en ! Et ne fais plus mauvaise figure à cause du Maître ! D’ailleurs, qui t’a appelé ? Nous, il nous a voulus, mais toi, non. Tu as dû insister à plusieurs reprises pour te faire accepter. C’est toi qui t’es imposé. Je ne sais ce qui me retient de tout raconter aux autres…

       – Avec vous il est impossible de parler. Ils ont raison, ceux qui vous disent querelleurs et ignorants… »

       Thomas plaisante pour détourner la tempête qui approche :

       « Eh bien, vraiment, à mon tour je ne comprends pas du tout où tu vois l’erreur chez le Maître. Je n’étais pas au courant de ces humeurs capricieuses du démon. Le pauvre ! Il doit être bizarre. S’il avait eu une intelligence équilibrée, il ne se serait pas révolté contre Dieu. Je vais en prendre bonne note.

       – Ne plaisante pas, car moi, je ne plaisante pas. Peux-tu donc soutenir qu’il s’est fait connaître à Jérusalem ? Lazare aussi l’a dit, du reste… »

       Thomas éclate de rire, et bruyamment. Riant encore – son rire a déjà désorienté Judas –, il rétorque :

       « Ah ! Il n’a rien fait ? Va donc le demander aux lépreux de Siloan et d’Hinnom. Ou plutôt pas à Hinnom, car il n’y a plus de lépreux : ils sont tous guéris. Si tu n’étais pas là — car tu avais hâte de partir chez des… amis et tu n’es donc pas au courant —, cela n’empêche pas que les vallées de Jérusalem et même beaucoup d’autres résonnent des chants de louange de ceux qui ont été guéris. »

       Thomas a pris pour finir un ton sérieux.

       210.3 Là-dessus, il ajoute sévèrement :

       « Tu fais une crise de bile, mon ami, et elle te fait trouver tout amer et tout voir en noir. Ce doit être une maladie récurrente chez toi. D’ailleurs, crois moi, il n’est guère agréable de vivre avec quelqu’un comme toi. Il te faut changer. Moi, je n’irai rien dire à personne et si ces braves femmes veulent bien m’écouter, elles resteront silencieuses comme moi. André en fera autant. Mais il te faut changer. Ne te crois pas déçu, car il n’y a pas de déception. Ne te crois pas nécessaire, car le Maître sait ce qu’il fait. Ne prétends pas être le maître du Maître. Si, pour cette pauvre femme d’Elise, il a agi de cette manière, c’est qu’il était bien de le faire. Laisse les serpents siffler et cracher comme il leur plaît. Ne te soucie pas de te faire l’intermédiaire entre eux et lui, et encore moins de penser que tu te déconsidères en restant avec lui. Même s’il ne guérissait plus ne serait-ce qu’un simple rhume, cela ne l’empêcherait pas d’être toujours puissant. Sa parole est un continuel miracle. Et trouve la paix. Nous n’avons pas les archers à nos trousses ! Nous arriverons, bien sûr, nous arriverons à convaincre le monde que Jésus est Jésus. Et puis, sois tranquille : si Marie a promis d’aller chez ta mère, elle ira. Nous, pendant ce temps, nous voyageons en pèlerins à travers ces belles contrées, c’est notre travail ! Sans compter, bien sûr, que nous faisons plaisir aux femmes disciples en allant voir le tombeau d’Abraham, son arbre, et puis la tombe de Jessé et… qu’avez-vous dit d’autre ?

       – On dit que c’est ici l’endroit où Adam habita et où Abel fut tué…

       – Les absurdes légendes habituelles… bougonne Judas.

       – Dans un siècle, on dira que la grotte de Bethléem et bien d’autres choses ne sont que légende ! 210.4 Et puis, excuse-moi ! Tu as voulu aller dans cette puante caverne d’En-Dor qui, tu dois en convenir, n’appartenait pas à un… cycle saint, n’est-ce pas ? Or les femmes vont là où l’on dit qu’il y a du sang et des cendres de saints. En-Dor nous a donné Jean, et qui sait…

       – Belle acquisition que Jean ! Grommelle Judas.

       – Pour ce qui est de son visage peut-être, mais en ce qui concerne son âme, il peut être meilleur que nous.

       – Lui alors ! Avec ce passé !

       – Tais-toi ! Le Maître a dit que nous ne devons pas le rappeler.

       – C’est bien commode ! Je voudrais voir, si moi je faisais quelque chose de semblable, si vous ne vous en souviendriez pas !

       – Adieu, Judas. Il vaut mieux que tu restes seul. Tu es trop énervé. Si, du moins, tu savais ce que tu as !

       – Ce que j’ai, Thomas ? J’ai que je vois que l’on nous délaisse pour les premiers venus. J’ai que je vois qu’on préfère tout le monde à moi. J’ai que je remarque qu’on attend que je sois absent pour enseigner à prier. Et tu veux que cela me fasse plaisir ?

       – Cela ne fait pas plaisir. Mais je te fais observer que, si tu étais venu avec nous pour le repas de la Pâque, tu aurais été aussi avec nous sur le mont des Oliviers, quand le Maître nous a enseigné la prière. Je ne vois pas en quoi nous sommes délaissés pour les premiers venus. Est-ce de ce pauvre petit innocent que tu parles, ou bien de ce malheureux Jean ?

       – De l’un et de l’autre. Jésus ne nous parle pour ainsi dire plus. Regarde-le, encore maintenant… Il est là qui s’attarde à parler tant et plus avec ce gamin. Il lui faudra attendre un bon moment avant qu’il puisse le compter au nombre des disciples ! Quant à l’autre, il ne le deviendra jamais : trop orgueilleux, pédant, insensible, avec des tendances mauvaises. Et pourtant : “ Jean par ci… Jean par là ”…

       – Père Abraham, donne-moi de la patience ! Et en quoi te paraît-il que le Maître te préfère les autres ?

       – Mais ne le vois-tu pas, même maintenant ? Le moment venu de quitter Bet-çur, après un séjour pour instruire trois bergers qui pouvaient très bien être pris en main par Isaac, qui laisse-t-il avec sa Mère ? Moi, toi ? Non. Il laisse Simon, un vieux qui ne parle pour ainsi dire pas !

       – Mais le peu qu’il dit est toujours bien exprimé » réplique Thomas, seul désormais, car les femmes et André se sont éclipsés et vont rapidement de l’avant comme pour fuir un bout de chemin trop ensoleillé.

       210.5 Les deux apôtres se sont tellement échauffés qu’ils ne re­marquent pas l’arrivée de Jésus, car le bruit de ses pas se perd complètement dans le nuage de poussière de la route. Mais si, lui, il ne fait pas de bruit, eux crient comme dix et Jésus les entend. Il est suivi de Pierre, de Matthieu, des deux cousins du Seigneur, de Philippe et Barthélemy et des deux fils de Zébédée qui ont avec eux Marziam.

       Jésus dit :

       « Tu as bien raison, Thomas : Simon parle peu, mais le peu qu’il dit est toujours bien. C’est un esprit paisible et un cœur honnête. Il a surtout beaucoup de bonne volonté. C’est pour cela que je l’ai laissé avec ma Mère. C’est un parfait honnête homme et, en même temps, quelqu’un qui sait vivre, qui a souffert et qui est âgé. Par conséquent – je dis cela parce que, je suppose, ce choix paraît injuste à l’un de vous –, par conséquent il était plus indiqué que ce soit lui qui reste. Je ne pouvais pas, Judas, permettre que ma Mère reste seule auprès d’une pauvre femme encore malade. Et il était juste que je la quitte. Ma Mère mènera à bonne fin l’œuvre que j’ai commencée. Mais je ne pouvais pas non plus la laisser avec mes frères, ni avec André, Jacques ou Jean, ni même avec toi. Si tu n’en comprends pas les raisons, je ne sais que dire…

       – Parce que ta Mère est jeune, belle et les gens…

       – Non ! Les gens auront toujours de la fange dans leur pensée, sur leurs lèvres, dans leurs mains et surtout dans leur cœur, ces gens sans honnêteté qui voient en tous les sentiments qu’ils éprouvent eux-mêmes ; mais je ne me soucie guère de leur fange. Elle tombe d’elle-même quand elle est sèche. Mais j’ai préféré Simon, parce qu’il est âgé et ne rappellerait pas trop ses fils morts à cette femme qui souffre. Vous, les jeunes, les lui auriez rappelés par votre jeunesse… Simon sait veiller et il sait ne pas se faire entendre, il n’exige jamais rien, il sait compatir, il sait se surveiller. J’aurais pu choisir Pierre. Qui mieux que lui pourrait être auprès de ma Mère ? Mais il est encore trop impulsif. Tu vois que je le lui dis en face sans qu’il s’en formalise : Pierre est sincère et aime la sincérité, même à son détriment. Je pouvais prendre Nathanaël. Mais il n’a jamais parcouru la Judée. Simon, au contraire, connaît bien le pays et il sera précieux pour conduire ma Mère à Kérioth. Il sait aussi où se trouvent ta maison de campagne et celle de la ville et il ne fera…

       210.6 – Mais… Maître !… Ta Mère ira vraiment chez la mienne ?

       – Mais c’était chose dite ! Et quand on a promis, on s’y tient. Nous marcherons lentement en nous arrêtant dans ces villages pour évangéliser. Ne veux-tu pas que j’évangélise ta Judée ?

       – Oh si ! Maître… Mais je croyais… je pensais…

       – Surtout, tu te faisais de la peine pour des chimères que tu avais rêvées. Au second quartier de la lune de Ziv, nous serons tous chez ta mère. Nous, c’est-à-dire ma Mère aussi, avec Simon. Pour le moment, elle évangélise Bet-çur, ville de Judée, tout comme Jeanne évangélise Jérusalem et avec elle une jeune fille et un prêtre, jadis lépreux, tout comme Lazare, Marthe et le vieil Ismaël évangélisent Béthanie, tout comme Sarah évangélise à Yutta ; et, à Kérioth, ta mère parle certainement du Messie. Tu ne peux vraiment pas dire que je laisse la Judée sans voix. Au contraire, je lui donne, à elle qui est plus fermée et arrogante que toute autre région, les voix les plus douces, celles des femmes en plus de celles d’Isaac, qui est saint, et de mon ami Lazare. Les femmes joignent à la parole cet art subtil bien féminin d’amener les âmes au point où elles le désirent. Tu ne dis plus rien ? Pourquoi es-tu sur le point de pleurer, espèce de grand enfant capricieux ? A quoi te sert-il de t’empoisonner avec des ombres chimériques ? As-tu encore des motifs d’inquiétude ? Allons ! Parle…

       – Je suis mauvais… et toi, tu es tellement bon ! Ta bonté me frappe toujours plus car elle est toujours si fraîche, si nouvelle… Moi… je ne sais jamais que dire quand je la trouve sur mon chemin.

       – Tu as dit vrai. Tu ne peux le savoir, mais c’est parce qu’elle n’est ni fraîche, ni nouvelle. Elle est éternelle, Judas. Elle est partout présente, Judas… 210.7 Ah ! Nous voici arrivés dans les environs d’Hébron. Marie, Salomé et André nous font de grands gestes. Allons-y. Ils parlent avec des hommes. Ils ont dû demander où se trouvent les lieux historiques. Ta mère rajeunit, mon frère, à cette nouvelle évocation ! »

       Jude sourit à son cousin – Jésus –, qui sourit à son tour.

       « Nous rajeunissons tous ! Dit Pierre. J’ai l’impression d’être à l’école. Mais c’est une belle école ! Meilleure que celle de ce grognon d’Elisée. Tu t’en souviens, Philippe ? Qu’est-ce que nous ne lui avons pas fait, hein ? Cette histoire des tribus ! “ Dites les villes des tribus ! ”… “ Vous ne les avez pas dites en chœur… Recommencez… ” ; “ Simon, tu ressembles à un crapaud endormi. Tu restes en arrière. Reprenez au début. ” Hélas ! Je ne savais plus que la liste des villes et pays de l’ancien temps ; je ne savais rien d’autre. Au contraire, ici, on apprend vraiment ! Tu sais, Marziam ? Un de ces jours, ton père va faire passer l’examen, maintenant qu’il est savant… »

       Tout le monde rit en rejoignant les femmes et André.

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