Une initative de
Marie de Nazareth

Discours aux galériens et rencontre de Claudia Procula

lundi 17 janvier 28
Césarée Maritime

Vision de Maria Valtorta

       154.1 Jésus est au milieu d’une place, grande et assez belle, que prolonge une route très large jusqu’au bord de la mer. Une galère a dû quitter le port depuis peu et, faisant force de rames, elle gagne le large sous la poussée du vent. Une autre est en train de manœuvrer pour entrer, car on cargue les voiles et on pousse sur les rames d’un seul côté pour faire tourner le navire dans la position qui convient. De la place on ne voit pas le port, mais il ne doit pas être bien loin. Sur les côtés de la place sont alignées de vastes demeures aux murs extérieurs caractérisés par l’absence presque totale d’ouvertures. Pas de boutiques.

       « Où allons-nous, maintenant ? Tu as voulu venir ici plutôt qu’au quartier oriental, or ce sont des lieux de païens. Qui veux-tu qui t’écoute ? demande Pierre qui en fait reproche à Jésus.

       – Nous allons là-bas, dans cet angle, près de la mer, et là je parlerai.

       – Aux flots ?

       – Eux aussi ont été créés par Dieu. »

       Ils y vont. Maintenant qu’ils sont dans ce recoin, ils peuvent voir le port où entre lentement la galère vue auparavant et qu’on amarre. Quelques marins flânent le long des quais. Quelques marchands de fruits se risquent à aller vers le bâtiment romain pour vendre leurs produits. Rien d’autre.

       154.2 Adossé au mur, Jésus semble vraiment parler à la mer. Les apôtres, peu satisfaits de la situation, se tiennent autour de lui, les uns debout, les autres assis sur des rochers dispersés çà et là qui leur servent de sièges.

       « Sot est l’homme qui, se voyant puissant, en bonne santé et heureux, se dit : “ De quoi ai-je besoin désormais ? Et de qui ? De personne. Rien ne me manque, je me suffis à moi-même. Les lois et décrets de Dieu ou ceux de la morale sont inexistants à mes yeux. Ma loi, c’est de faire ce qui m’est possible sans réfléchir si c’est bien ou mal pour les autres. ” »

       Un vendeur se retourne en entendant cette voix sonore et vient vers Jésus, qui continue :

       « C’est ainsi que parlent l’homme et la femme sans sagesse et sans foi. Mais si, de cette façon, ils manifestent qu’ils possèdent une puissance plus ou moins grande, ils montrent également leur parenté avec le Mal. »

       Des hommes descendent de la galère et d’autres barques et s’approchent de Jésus.

       « L’homme montre, non par des paroles mais par les faits, sa parenté avec Dieu et avec la vertu quand il se rend compte que la vie est plus changeante que la mer, qui maintenant est tranquille et demain sera en fureur. De la même façon, le bien-être et la puissance d’aujourd’hui peuvent se changer demain en misère et en impuissance. Que fera alors l’homme privé de l’union à Dieu ? Combien, sur cette galère, furent autrefois heureux et puissants, mais sont aujourd’hui esclaves et considérés comme coupables ! Coupables, par conséquent esclaves deux fois : de la loi humaine dont on s’est moqué en vain car elle existe et elle punit ceux qui la transgressent, et de Satan qui éternellement prend possession des coupables qui n’arrivent pas à haïr leur faute.

       154.3 – Salut, Maître ! Toi ici ? Tu me reconnais ?

       – Que Dieu vienne à toi, Publius Quintilianus. Tu vois, je suis venu.

       – Et justement ici, dans le quartier romain. Je n’espérais plus te voir, mais j’ai plaisir à t’entendre.

       – Moi aussi. Il y a beaucoup de rameurs, sur cette galère ?

       – Beaucoup. Des prisonniers de guerre en majeure partie. Ils t’intéressent ?

       – Je voudrais m’approcher du bateau.

       – Viens. Faites place, vous autres » ordonne le Romain aux quelques personnes qui s’étaient approchées et qui s’écartent rapidement en grommelant des injures.

       « Laisse-les donc. Je suis habitué à être entouré de monde.

       – Jusqu’ici, c’est possible, mais pas plus loin : galère militaire.

       – Cela me suffit. Que Dieu t’en récompense ! »

       Jésus reprend son discours pendant que Publius Quintilianus semble monter la garde à ses côtés, dans sa tenue magnifique.

       « Esclaves par suite d’un douloureux événement, c’est-à-dire esclaves une seule fois. Esclaves pour toute la vie. Mais chaque larme qui tombe sur leurs chaînes, chaque coup qui vient inscrire une douleur sur leur chair, desserre leurs menottes, orne ce qui ne meurt pas, leur ouvre enfin la paix de Dieu ; car il est l’ami de ses pauvres enfants malheureux et il les comblera de joie en échange de tout ce qu’ils ont souffert jusqu’à ce jour. »

       De l’intérieur de la galère des hommes de la chiourme s’a­vancent et écoutent. Naturellement, les galériens ne sont pas avec eux. Mais certainement, les ouvertures par où passent les rames leur permettent d’entendre la voix puissante de Jésus qui se propage dans l’air serein à cette heure de marée basse. Publius Quintilianus, appelé par un soldat, est parti.

       « Je veux dire à ces malheureux que Dieu aime, d’être résignés à leur souffrance, d’en faire seulement une flamme qui rompt plus vite les chaînes de la galère et de la vie en consumant dans le désir de Dieu cette pauvre journée qu’est la vie, journée sombre, orageuse, remplie de peurs et de privations, pour entrer dans le jour de Dieu, lumineux, serein, sans plus aucune peur ni souffrance. Vous entrerez dans la grande paix, dans l’infinie liberté du paradis, vous qui êtes les martyrs d’un sort douloureux, pourvu que dans votre souffrance vous sachiez être bons et aspiriez à Dieu. »

       154.4 Publius Quintilianus revient avec d’autres soldats et derrière lui arrive une litière portée par des esclaves et à laquelle les soldats font faire une place.

       « Qui est Dieu ? Je parle à des païens qui ne savent pas qui est Dieu. Je parle à des fils de peuples soumis qui ne savent pas qui est Dieu. Gaulois, Ibères, Thraces, Germains ou Celtes, quelque chose dans vos forêts vous parle de Dieu. L’âme tend spontanément à l’adoration, car elle se souvient du Ciel. Mais vous ne savez pas trouver le vrai Dieu qui a déposé une âme dans vos corps, une âme égale à la nôtre, qui sommes fils d’Israël, égale aussi à celle des Romains puissants qui vous ont assujettis, une âme qui a les mêmes devoirs et les mêmes droits à l’égard du Bien et à laquelle le Bien – c’est-à-dire le vrai Dieu – sera fidèle. Soyez-le vous aussi à l’égard du Bien. Le dieu ou les dieux que vous avez adorés jusqu’à présent, dont vous avez appris le nom ou les noms sur les genoux de votre mère, le dieu auquel vous ne pensez peut-être plus aujourd’hui parce que vous n’en voyez pas venir de réconfort dans vos souffrances, que vous arrivez peut-être même à haïr et à maudire dans le désespoir de votre journée, ce dieu-là n’est pas le vrai Dieu.

       Le vrai Dieu est amour et pitié. Vos dieux l’étaient-ils donc ? Non : ils n’étaient que dureté, férocité, mensonge, hypocrisie, vice, vol. Et maintenant ils vous ont laissés sans ce minimum de réconfort que sont l’espérance d’être aimé et la certitude du repos après tant de souffrances. La raison en est que vos dieux n’existent pas. Mais Dieu, le vrai Dieu qui est amour et pitié et dont je vous affirme l’existence certaine, c’est celui qui a fait les cieux, les mers, les montagnes, les forêts, les arbres, les fleurs, les animaux, l’homme. C’est celui qui inculque à l’homme victorieux de la pitié et un amour semblables aux siens à l’égard des pauvres de la terre.

       154.5 Quant à vous, les puissants et les maîtres, souvenez-vous que vous avez tous la même origine. Ne vous acharnez pas sur ceux qu’un malheur a fait tomber entre vos mains et faites preuve d’humanité envers ceux qu’une faute a liés aux bancs de la galère. L’homme pèche à bien des reprises. Personne n’est sans fautes plus ou moins secrètes. Si vous y réfléchissiez, vous vous montreriez bons pour des frères qui, moins chanceux que vous, ont été punis pour des fautes que vous avez vous aussi commises, tout en restant impunis.

       La justice humaine a des jugements si peu sûrs qu’il serait malheureux que la justice divine lui ressemble. Il y a des coupables qui ne semblent pas l’être, et des innocents que l’on estime coupables. Ne cherchons pas à savoir pourquoi. Ce serait trop d’accusation pour l’homme injuste et rempli de haine envers son semblable ! Il y a des coupables qui le sont réellement, mais qui ont été portés au crime par des forces puissantes qui excusent en partie leur faute. Vous, par conséquent, qui êtes préposés aux galères, faites preuve d’humanité. Au-dessus de la justice humaine, il y a la justice divine qui est bien plus élevée : celle du vrai Dieu, de celui qui a créé le roi et l’esclave, le rocher et le grain de sable. Il vous regarde : vous les rameurs, et vous qui êtes préposés à la chiourme, et malheur à vous si vous êtes cruels sans raison. Moi, Jésus le Christ, le Messie du vrai Dieu, je l’assure : à votre mort, il vous attachera à une galère éternelle en confiant le fouet maculé de sang aux démons, et vous subirez les mêmes tortures et les mêmes coups que vous avez infligés. Car, s’il existe une loi humaine qui prévoit la punition du coupable, il faut dans la punition ne pas dépasser la mesure. Sachez vous en souvenir. Celui qui est puissant aujourd’hui peut être misérable demain. Dieu seul est éternel.

       Je voudrais vous changer le cœur et surtout rompre vos chaînes, vous rendre la liberté et vos patries perdues. Mais, frères galériens, si vous ne voyez pas mon visage, je n’ignore pas votre cœur et toutes ses blessures. En échange de la liberté et de la patrie terrestre que je ne puis vous procurer, ô pauvres hommes esclaves des puissants, je vous donnerai une plus haute liberté et une meilleure Patrie. Pour vous, je me suis fait prisonnier et j’ai quitté ma patrie ; pour vous racheter, je me donnerai moi-même ; pour vous, même pour vous qui n’êtes pas l’opprobre de la terre comme on vous appelle, mais la honte de l’homme oublieux de la juste mesure des rigueurs de la guerre et de la justice, je ferai une nouvelle Loi sur la terre et une douce demeure au Ciel.

       Rappelez-vous mon nom, vous qui êtes enfants de Dieu et qui pleurez. C’est le nom de l’Ami. Invoquez-le dans vos peines. Soyez assurés que si vous m’aimez, vous me posséderez, même si sur la terre nous ne nous voyons jamais. Je suis Jésus-Christ, le Sauveur, votre Ami. Au nom du vrai Dieu, je vous réconforte. Que la paix vienne bien vite sur vous. »

       154.6 La foule, en majeure partie romaine, s’est groupée autour de Jésus dont les idées nouvelles ont étonné tout le monde.

       « Par Jupiter ! Tu m’as fait penser à des choses nouvelles. Je n’y avais jamais songé, mais je sens qu’elles sont vraies… »

       Publius Quintilianus, à la fois pensif et enthousiaste, regarde Jésus.

       « C’est comme ça, mon ami. Si l’homme prenait le temps de réfléchir, il n’en viendrait jamais à commettre le crime.

       – Par Jupiter, par Jupiter ! Quelles paroles ! Il faut que je m’en souvienne ! Tu as dit : “ Si l’homme prenait le temps de réfléchir… ”

       – … il n’en viendrait jamais à commettre le crime.

       – Mais c’est vrai ! Par Jupiter ! Mais sais-tu que tu es grand ?

       – Tout homme qui le voudrait pourrait l’être comme moi, s’il ne faisait qu’un avec Dieu. »

       Le Romain continue sa litanie des "par Jupiter", plus admiratifs les uns que les autres.

       Mais Jésus lui dit :

       « Pourrais-je apporter quelque réconfort à ces galériens ? J’ai de l’argent… Un fruit, une douceur pour qu’ils sachent que je les aime.

       – Donne-le ici, je peux le faire. D’ailleurs, il y a là une dame qui a de grands pouvoirs. Je vais le lui demander. »

       Publius s’avance vers la litière et parle près du rideau à peine entrouvert. Il revient :

       « J’ai les pleins pouvoirs. Je vais surveiller moi-même la distribution pour que les argousins n’en profitent pas abusivement pour eux-mêmes. Et ce sera l’unique fois qu’un soldat de l’empire fera preuve de pitié envers des esclaves de guerre.

       – La première fois, pas la seule. Il viendra un jour où il n’y aura plus d’esclaves ; mais auparavant mes disciples seront descendus parmi les galériens et les esclaves pour les appeler frères. »

       Une autre série de "par Jupiter" traverse l’air paisible, pendant que Publius attend d’avoir suffisamment de fruits et de vin pour les galériens.

       154.7 Puis, avant de monter sur la galère, il dit à l’oreille de Jésus :

       « Là, à l’intérieur, se trouve Claudia Procula. Elle voudrait t’entendre encore mais, en attendant, elle veut t'interroger. Vas-y. »

       Jésus se dirige vers la litière.

       « Salut, Maître. »

       Le rideau s’écarte à peine, laissant voir une belle femme d’environ trente ans.

       « Que le désir de la sagesse vienne en toi.

       – Tu as dit que l’âme se souvient des Cieux. Elle est donc éternelle, cette chose que vous dites exister en nous ?

       – Oui, elle est éternelle. C’est pour cela qu’elle se souvient de Dieu, son Créateur.

       – Qu’est-ce que l’âme ?

       – L’âme est la vraie noblesse de l’homme. Tu es fière d’appartenir à la noble famille des Claudii. L’homme est quelque chose de plus, car il appartient à la famille de Dieu. Tu as en toi le sang des Claudii, une famille puissante, certes, mais qui a eu une origine et aura une fin. Par l’âme, c’est le sang de Dieu qui coule en l’homme. Car l’âme est le sang spirituel – Dieu étant un très pur Esprit – du Créateur de l’homme : du Dieu éternel, puissant, saint. L’homme est donc éternel, puissant, saint par l’âme qui est en lui et qui est vivante tant qu’elle est unie à Dieu.

       – Je suis païenne. Je n’ai donc pas d’âme …

       – Si, tu en as une, mais elle est tombée en léthargie. Eveille-la à la Vérité et à la Vie …

       – Adieu, Maître.

       – Que la Justice te conquière. Adieu.

       154.8 – Comme vous le voyez, même ici j’ai eu des auditeurs, dit Jésus à ses disciples.

       – Oui, mais à part les romains, qui t’aura compris ? Ce sont des barbares !

       – Qui ? Tous. La paix est en eux et ils se souviendront de moi bien plus que beaucoup d’autres en Israël. Allons prendre notre repas dans la maison qui nous offre l’hospitalité.

       – Maître, cette femme est la même qui m’a parlé le jour où tu as guéri ce malade. Je l’ai vue et reconnue, dit Jean.

       – Vous voyez donc qu’il y avait aussi ici quelqu’un qui nous attendait. Mais vous ne semblez pas très satisfaits. J’aurai beaucoup fait, le jour où je vous aurai persuadés que ce n’est pas seulement pour Israël, mais pour tous les peuples que je suis venu et que c’est pour tous que je vous ai préparés. Je vous dis donc : gardez en mémoire tout ce qui vient de votre Maître. Il n’y a pas de fait, aussi insignifiant qu’il soit, qui ne doive devenir un jour une règle pour l’apostolat. »

       Personne ne répond, et Jésus a un sourire triste, plein de compassion.

       154.9 Ce matin, il en a eu un pour moi aussi…

       Un tel découragement m’avait envahie que je me suis mise à pleurer pour beaucoup de raisons. La dernière n’était pas la fatigue d’écrire encore et encore avec la conviction que tant de bonté de la part de Dieu et tant de fatigue pour le petit Jean étaient bien inutiles. Dans mes larmes, j’ai invoqué mon Maître. Et puisque, par bonté, il est venu tout exprès pour moi, je lui ai fait part de mes pensées.

       Il a eu un haussement d’épaules qui équivalait à : « Laisse tomber le monde et ses histoires », puis il m’a fait une caresse en me disant :

       « Eh quoi ? Tu ne voudrais plus m’aider ? Le monde ne veut pas connaître mes paroles ? Eh bien, racontons-les-nous entre nous pour la joie que j’ai de les répéter à un cœur fidèle et pour celle que tu as de les entendre. Les lassitudes de l’apostolat !… Elles sont plus accablantes que celles de tout autre travail ! Elles assom­brissent le jour le plus serein et remplissent d’amertume la plus douce des nourritures. Tout devient cendre et boue, nausée et fiel. Mais, mon âme, ce sont les heures où nous prenons sur nous le fardeau de la lassitude, du doute, de la misère des gens du monde qui meurent de ne pas posséder ce que nous avons. Ce sont les heures où nous agissons le plus. Je te l’ai déjà dit l’an passé. “ A quoi bon ? ” se demande l’âme submergée par tout ce qui submerge le monde, c’est-à-dire les flots qu’envoie Satan et où le monde se noie. Mais l’âme clouée avec son Dieu sur la croix ne se noie pas. Elle perd pour un instant la lumière et est engloutie sous les eaux nauséeuses du découragement spirituel, puis se dégage, plus fraîche et plus belle. Ce que tu dis : “ Je ne suis plus bonne à rien ” est une conséquence de cette lassitude. Tu ne serais jamais bonne à rien. Mais moi, je suis toujours moi, par conséquent tu seras toujours bonne pour ta fonction de porte-parole. Certainement, si je voyais que, tel un joyau lourd et très précieux, mon don était enfoui avarement, utilisé imprudemment ou que, par paresse, on ne cherchait pas à le protéger par ces garanties que la méchanceté humaine impose de prendre dans certains cas pour protéger le don et la personne par l’entremise de laquelle il arrive, je dirais mon “ ça suffit ! ”. Et cette fois, sans retour. Ça suffit pour tous, excepté pour ma petite âme qui, aujourd’hui, ressemble tout à fait à une petite fleur sous une averse. Et ces caresses peuvent-elles te faire douter que, moi, je t’aime ? Allons ! Tu m’as aidé en temps de guerre. Aide-moi, maintenant, encore… Il y a tant à faire ! »

       Je me suis alors calmée sous la caresse de la longue main et du sourire si doux de mon Jésus, vêtu de blanc, comme toujours quand il est tout à moi.

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