Une initative de
Marie de Nazareth

Une tâche confiée à Thomas

lundi 12 avril 27
Jérusalem - Gethsémani
Thomas (Lorenzo Ferri, d'après les descriptions de Maria Valtorta)

Vision de Maria Valtorta

       55.1 Ce matin, au sortir d’une très lourde torpeur de plusieurs heures, j’étais en train de prier en attendant qu’il fasse jour, quand la vision reprend.

       Je dis “ reprend ” car nous nous trouvons au même endroit : dans la cuisine, large et basse, sombre à cause de ses murs tout enfumés, à peine éclairée par une petite lampe à huile posée sur la table rustique, longue et étroite à laquelle sont assises huit personnes : Jésus et ses disciples, plus le maître de maison – soit quatre de chaque côté.

       Jésus est encore tourné sur son tabouret. Il n’y a en effet que des tabourets à trois pieds et sans dossier, de vrais meubles de la campagne. Il parle toujours avec Thomas. La main de Jésus est passée de la tête de Thomas à son épaule. Jésus lui dit :

       « Lève-toi, mon ami. Tu as dîné ?

       – Non, Maître. J’ai fait quelques mètres avec l’autre homme qui m’accompagnait puis je l’ai laissé pour revenir sur mes pas, en prétextant que je voulais parler au lépreux guéri… Je lui ai dit cela car je pensais qu’il n’aurait pas daigné s’approcher d’un homme impur. J’avais deviné juste. Mais c’était toi que je cherchais, pas le lépreux… Je voulais te demander : “ Prends-moi ! ”… J’ai tourné autour de l’oliveraie jusqu’à ce qu’un jeune homme me demande ce que je faisais. Il a dû me prendre pour un individu mal intentionné… Il était près d’une borne, là où commence la propriété. »

       Le maître de maison sourit.

       « C’est mon fils » explique-t-il ensuite, et il ajoute : « Il monte la garde au pressoir. Nous avons dans des caves, sous le pressoir, presque toute la récolte de l’année. Elle a été excellente. Elle a produit beaucoup d’huile. Quand il y a foule, il s’y mêle des brigands qui cambriolent les endroits qui ne sont pas gardés. Il y a huit ans, exactement à la Parascève, ils nous ont tout volé. Depuis lors, chacun à notre tour nous prenons la garde de nuit. Sa mère est allée lui porter de quoi dîner.

       – Eh bien ! il m’a demandé : “ Que veux-tu ? ”, mais il me l’a dit sur un tel ton que, pour me protéger les épaules des coups de bâton, je me suis vite expliqué : “ Je cherche le Maître qui habite ici. ” Il m’a alors répondu : “ Si tu dis vrai, viens à la maison. ” Et il m’a accompagné jusqu’ici. C’est lui qui a frappé à la porte et il s’en est allé quand il a entendu mes premiers mots.

       – Tu habites loin ?

       – Je loge de l’autre côté de la ville, tout près de la Porte Orientale.

       – Tu es seul ?

       – J’étais avec mes parents. Mais ils sont allés chez d’autres parents sur la route de Bethléem. Je suis resté pour te chercher jour et nuit, jusqu’à ce que je te trouve. »

       Jésus sourit et dit :

       « Alors, personne ne t’attend ?

       – Non, Maître.

       – La route est longue, la nuit est noire. Les patrouilles ro­maines sillonnent la ville. Je te propose, si tu veux, de rester avec nous.

       – Oh ! Maître ! »

       Thomas est heureux.

       « Faites-lui place, vous autres. Et donnez tous quelque chose à notre frère. »

       Sur sa part, Jésus prélève la portion de fromage qui était devant lui. Il explique à Thomas :

       « Nous sommes pauvres, et le repas est presque fini, mais c’est de tout cœur que tout le monde t’offre ce qu’il a. »

       A Jean, assis à côté de lui, il dit :

       « Cède ta place à notre ami. »

       Aussitôt, Jean se lève et va s’asseoir au bout de la table, à côté du maître de maison.

       « Assieds-toi, Thomas, mange. »

       55.2 Puis, s’adressant à tous :

       « Vous agirez toujours de cette manière, mes amis, pour pratiquer la loi de charité. Le pèlerin est déjà protégé par la Loi de Dieu. Mais désormais, en mon nom, vous devrez l’aimer encore davantage. Quand quelqu’un vient vous demander un pain, une gorgée d’eau, un abri au nom de Dieu, donnez-le, au nom de Dieu aussi. Dieu vous en récompensera. Vous devez agir ainsi avec tout le monde, même avec les ennemis. C’est la Loi nouvelle. Jusqu’ici, il vous était dit : “ Aimez ceux qui vous aiment et haïssez vos ennemis. ” Mais moi je vous dis : “ Aimez même ceux qui vous haïssent. ” Ah, si vous saviez comme vous serez aimés de Dieu si vous aimez comme je vous dis ! Quand quelqu’un vous dit ensuite : “ Je veux être votre compagnon pour servir le vrai Dieu et suivre son Agneau ”, il doit alors vous être plus cher qu’un frère de même sang, parce que vous serez unis par un lien éternel : celui du Christ.

       – Mais si ensuite on s’aperçoit qu’il n’est pas sincère ? Dire : “ Je veux faire ceci et cela ”, c’est facile. Mais les mots ne correspondent pas toujours à la réalité » dit Pierre, plutôt fâché.

       Je ne sais pas, il n’a pas sa jovialité habituelle.

       « Pierre, écoute. Tu parles avec bon sens et justice. Mais vois : il vaut mieux pécher par bonté d’âme et par confiance que par défiance et dureté. Si tu fais du bien à un indigne, quel mal en résultera pour toi ? Aucun. Au contraire, la récompense de Dieu sera toujours fidèle pour toi, alors que l’autre aura le démérite d’avoir trahi ta confiance.

       – Aucun mal ? Eh ! Il arrive quelquefois qu’un homme in­digne ne s’arrête pas à l’ingratitude, mais qu’il aille plus loin et en vienne même à nuire à la réputation, au patrimoine, si ce n’est à la vie elle-même.

       – C’est vrai. Mais cela diminuerait-il ton mérite ? Non. Même si tout le monde ajoutait foi aux calomnies, même si tu en étais réduit à devenir plus pauvre que Job, même si un homme cruel t’enlevait la vie, qu’est-ce qui serait changé aux yeux de Dieu ? Rien. Il y aurait pour toi un changement, mais en mieux, car au mérite de la bonté s’ajouteraient les mérites d’un martyre d’ordre intellectuel, financier ou physique.

       – Bien, bien ! Ce sera comme ça ! »

       Pierre ne parle plus. Boudeur, il reste la tête appuyée sur sa main.

       55.3 Jésus se tourne vers Thomas :

       « Mon ami, je t’ai dit tout à l’heure dans l’oliveraie : “ Quand je reviendrai de ces régions, si tu le veux encore, tu seras mon disciple. ” Maintenant, je te dis : “ Es-tu disposé à faire plaisir à Jésus ? ”

       – Sans aucun doute.

       – Mais si ce plaisir peut te demander un sacrifice ?

       – Te servir n’aura rien d’un sacrifice. Que veux-tu ?

       – Je voulais te dire… mais si tu as des relations, des affections…

       – Rien, rien du tout ! Je t’ai, toi ! Parle.

       – Ecoute. Demain, dès l’aube, le lépreux quittera les tombeaux pour trouver quelqu’un qui avertisse le prêtre. Tu commenceras par aller aux tombeaux. C’est charité. Tu y diras à haute voix : “ Toi, qui as été purifié hier, sors. C’est Jésus de Nazareth, le Messie d’Israël qui m’envoie vers toi, celui qui t’a guéri. ” Fais en sorte que le monde des “ morts-vivants ” connaisse mon Nom et frémisse d’espérance. Que celui qui a l’espérance, jointe à la foi, vienne à moi pour que je le guérisse. C’est la première manifestation de la pureté que j’apporte, de la résurrection dont je suis maître. Un jour, je donnerai une pureté plus profonde… Un jour, les tombeaux scellés vomiront les vrais morts qui apparaîtront pour rire, de leurs yeux vides, de leurs mâchoires décharnées pour la joie lointaine, et pourtant ressentie par les squelettes, des esprits libérés de l’attente des limbes. Ils apparaîtront pour rire de joie à cette libération et pour frémir en sachant à quoi ils la doivent… Toi, va. Il viendra vers toi. Tu feras ce qu’il te demandera de faire, tu l’aideras en tout comme si c’était ton frère. Et tu lui diras aussi : “ Quand tu seras totalement purifié, nous irons ensemble sur la route du fleuve au-delà de Docco et d’Ephraïm. Le Maître Jésus nous y attend toi et moi pour nous dire de quelle manière nous devons le servir. ”

       – Je le ferai. Et l’autre ?

       – Qui ? Judas Iscariote ?

       – Oui, Maître.

       – Pour lui, mon conseil reste le même. Laisse-le se décider tout seul et prendre tout son temps. Evite même de le rencontrer.

       – Je resterai près du lépreux. Dans la vallée des tombeaux, il n’y a que les impurs qui se déplacent ou ceux qui s’en approchent par pitié. »

       55.4 Pierre bougonne quelque chose. Jésus l’entend.

       « Pierre, qu’est-ce que tu as ? Tu te tais ou tu murmures. Tu sembles mécontent. Pourquoi ?

       – Je le suis. Nous sommes les premiers et toi, tu ne nous fais pas cadeau d’un miracle. Nous sommes les premiers et toi, tu fais asseoir près de toi un étranger. Nous sommes les premiers, mais c’est à lui que tu confies des charges, et pas à nous. Nous sommes les premiers et… oui, vraiment, on dirait que nous sommes les derniers. Pourquoi les attends-tu sur le chemin du fleuve ? Sûrement pour leur confier quelque mission. Pourquoi à eux et pas à nous ? »

       Jésus le regarde. Il n’est pas fâché. Il lui sourit même, comme on sourit à un enfant. Il se lève, va lentement vers Pierre, lui pose la main sur l’épaule et lui dit en souriant :

       « Pierre, Pierre ! Tu es un grand enfant, un vieil enfant ! »

       Puis il se tourne vers André, assis près de son frère :

       « Va à ma place » lui dit-il.

       Il s’assied à côté de Pierre, lui passe un bras sur les épaules et lui parle en le tenant ainsi contre son épaule :

       « Pierre, tu as l’impression que je commets une injustice, mais ce n’en est pas une. C’est au contraire la preuve que je connais votre valeur. Regarde : qui a besoin d’être mis à l’épreuve ? Celui qui n’est pas encore sûr. Eh bien ! Je vous savais si sûrs de moi que je n’ai pas éprouvé le besoin de vous donner des preuves de ma puissance. Ici, à Jérusalem, il faut des preuves là où le vice, l’irréligion, la politique, tant de choses du monde obscurcissent les esprits au point qu’ils ne peuvent voir la Lumière qui passe. Mais là-bas, sur notre beau lac, si pur, sous un ciel si pur lui aussi, parmi des gens honnêtes et désireux de faire le bien, les preuves ne sont pas nécessaires. Vous les aurez, les miracles. C’est à flots que je déverserai sur vous les grâces. Mais regarde comme je vous ai estimés : je vous ai pris sans exiger de preuves et sans éprouver le besoin de vous en donner, parce que je sais qui vous êtes : chers, très chers, et très fidèles ! »

       Pierre retrouve sa sérénité :

       « Pardonne-moi, Jésus.

       – Oui, je te pardonne, car ta bouderie, c’est de l’amour. Mais ne sois plus envieux, Simon, fils de Jonas. Sais-tu ce qu’est le cœur de ton Jésus ? Tu n’as jamais vu la mer, la vraie mer ? Si ? Eh bien ! Mon cœur est bien plus vaste que son étendue. Il y a de la place pour tous. Pour toute l’humanité. Le plus petit y a place comme le plus grand. Et le pécheur y trouve l’amour comme l’innocent. Je donne à ceux-ci une mission, bien sûr. Veux-tu m’empêcher de la leur donner ? C’est moi qui vous ai choisis, pas vous. Je suis donc libre de juger comment je dois vous employer. Si donc je les laisse ici avec une mission – qui peut être aussi une épreuve comme peut être miséricorde le laps de temps laissé à Judas Iscariote – peux-tu m’en faire reproche ? Sais-tu si, à toi, je n’en réserve pas une plus importante ? Et n’est-ce pas la plus belle que de t’entendre dire : “ Tu viendras avec moi ” ?

       – C’est vrai, c’est vrai. Je suis bête ! Pardon…

       – Oui. Je pardonne tout. Ah, Pierre… Mais, je vous en prie tous : ne discutez jamais sur les mérites et sur les places. J’aurais pu naître roi. Je suis né pauvre, dans une étable. J’aurais pu être riche. J’ai vécu de mon travail et maintenant de charité. Et pourtant, croyez-le, mes amis, personne n’est plus grand aux yeux de Dieu que moi, qui suis ici : serviteur de l’homme.

       – Toi, serviteur ? Jamais !

       – Pourquoi, Pierre ?

       – Parce que c’est moi qui te servirai.

       – Même si tu me servais comme une mère soigne son enfant, je suis venu pour servir l’homme. Pour lui je serai le Sauveur. Quel service est comparable à celui-là ?

       – Oh Maître ! Tu expliques tout. Et ce qui était obscur se fait tout à coup lumineux !

       – Content, maintenant, Pierre ? 55.5 Alors laisse-moi finir de parler à Thomas. Es-tu certain de reconnaître le lépreux ? Il n’y a que lui de guéri. Mais il pourrait bien être déjà parti à la lueur des étoiles pour trouver un voyageur complaisant. Et un autre, désirant entrer dans la ville pour voir des parents, pourrait peut-être se substituer à lui. Voici donc son portrait. J’étais tout à côté, de lui, et au crépuscule, je l’ai bien observé. Il est grand et maigre. Il a le teint foncé d’un sang mêlé, des yeux profonds et très noirs sous des sourcils blancs comme la neige, des cheveux blancs comme le lin et plutôt frisés, un nez long épaté à l’extrémité, comme les Libyens, des lèvres épaisses, surtout l’inférieure, et proéminentes. Il est tellement olivâtre que ses lèvres tirent sur le violet. Au front, une vieille cicatrice est restée et ce sera son unique tache, maintenant qu’il est purifié des croûtes et des saletés.

       – C’est un vieux, s’il est tout blanc.

       – Non, Philippe, il en donne l’impression, mais il ne l’est pas. C’est la lèpre qui l’a blanchi.

       – Qu’est-ce qu’il est ? Un sang mêlé ?

       – Peut-être, Pierre. Il ressemble aux peuples d’Afrique.

       – Sera-t-il israélite, alors ?

       – Nous le saurons, mais s’il ne l’était pas ?

       – Eh bien ! S’il ne l’était pas, il pourrait s’en aller. C’est déjà beaucoup d’avoir eu la chance d’être guéri.

       – Non, Pierre. Même s’il était idolâtre, moi, je ne le chasserais pas. Jésus est venu pour tout le monde. Et en vérité je te dis que les peuples des ténèbres surpasseront les fils du peuple de la Lumière… »

       Jésus soupire. Puis il se lève. Il rend grâce au Père en récitant une hymne et il bénit.

       La vision cesse ainsi.

       55.6 Je fais remarquer en passant que mon conseiller intérieur m’a dit, dès hier soir, quand je regardais le lépreux :

       « C’est Simon, l’apôtre. Tu verras son arrivée et celle de Jude auprès du Maître. »

       Ce matin, après la communion (c’est vendredi) j’ouvre le missel et je vois que c’est justement aujourd’hui la vigile de la fête des saints Simon et Jude, et l’Evangile de demain parle précisément de la charité en répétant presque les paroles que j’ai entendues à la première vision. Quant à Jude, cependant, je ne l’ai pas encore vu.

Observation

Marc l’évangéliste et le pressoir à huile

Au tout début du 3e siècle saint Hippolyte (Philosophumena VII, 30) surnomme saint Marc (κολοβωδ?κτυλος) « kolobo dactylos », c'est-à-dire « mutilé des doigts », et ce détail intrigue depuis des siècles les commentateurs. Certains en ont déduit que Marc, le compagnon de Pierre, « avait les doigts très courts, quoiqu'il fut un homme de haute stature ». D’autres ont imaginé qu’il aurait pu s’automutiler car il ne voulait pas devenir lévite, ou pour échapper au service des armes... Mais tous ou presque s’accordent pour voir en Marc le jeune homme vêtu d’un simple drap, témoin de l’arrestation du Christ dans le jardin du Gethsémani (Mc 14,51-52).

Saint Marc dans l’Evangéliaire de Charlemagne (783)

Or Maria Valtorta nous présente Marc, encore jeune homme, comme étant le fils de Jonas et Marie, les gardiens du Gethsémani. Il s’affaire autour du pressoir à olives et en assure la garde, durant la période de la Pâques comme son père l’explique à Jésus dès leur première rencontre : « C’est mon fils (…) Il monte la garde au pressoir. Nous avons dans des caves, sous le pressoir presque toute la récolte de l’année. Elle a été excellente. Elle a produit beaucoup d’huile. Quand il y a foule, il s’y mêle des malandrins qui cambriolent les endroits qui ne sont pas gardés. Il y a huit ans exactement à la Parascève, ils nous ont tout volé. Depuis lors, chacun à notre tour nous prenons la garde de nuit ». (EMV 55.1)

Ce récit justifie la présence de Marc en ce lieu, intrigué qu’il était par l’agitation nocturne à proximité de son pressoir. Et le dangereux travail à la presse à olives donne une explication vraiment logique à son étrange surnom, peu connu aujourd’hui.

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