Une initative de
Marie de Nazareth

La guérison de Jérusa à Docco

jeudi 9 décembre 27
Doco

Vision de Maria Valtorta

       134.1 Je vois Jésus, aux premières lueurs du jour d’un hiver bien avancé, entrer dans la petite ville de Docco et demander à un passant matinal :

       « Où habite Marianne, la vieille mère dont la bru est mourante ?

       – Marianne, la veuve de Lévi ? La belle-mère de Jérusa, femme de Josias ?

       – Oui, c’est bien elle.

       – Regarde, homme : au bout de cette rue il y a une place, et au coin il y a une fontaine, d’où partent trois chemins. Prends celui qui a un palmier au milieu et marche encore cent pas. Tu trouveras un fossé, suis-le jusqu’au pont de bois. Passe-le et tu verras une ruelle couverte. Tu la suis. Quand il n’y a plus de route, ni de toit, car elle débouche sur une place, tu es arrivé. La maison de Marianne est dorée par la vétusté. Avec les frais qu’ils ont, ils ne peuvent la remettre en état. Ne te trompe pas. Adieu. Tu viens de loin ?

       – Pas trop.

       – Mais tu es galiléen ?

       – Oui.

       – Et ceux-ci ? Tu viens pour la fête ?

       – Ce sont des amis. Adieu, homme. Que la paix soit avec toi. »

       Jésus laisse en plan le bavard, qui n’est plus pressé. Il prend le chemin indiqué, suivi par les apôtres.

       Ils arrivent à la… petite place : il s’agit en fait d’un bout de terrain boueux avec, au centre, un grand chêne qui a poussé là, tout seul, et qui, je suppose, donne en été une ombre agréable. Pour l’heure, il est plutôt triste avec son fouillis de branches noirâtres au-dessus des pauvres maisons auxquelles il enlève lumière et soleil.

       La maison de Marianne est la plus misérable : elle est large et basse, mais tellement négligée ! La porte est toute rapiécée pour couvrir les fissures du bois vétuste. Une petite fenêtre, sans rideau, présente sa noire ouverture comme une orbite privée de son œil.

       134.2 Jésus frappe à la porte. Une fillette d’une dizaine d’années se présente, pâle, maigre, les yeux rougis.

       « Tu es la petite-fille de Marianne ? Dis à ta grand-mère que Jésus est ici. »

       L’enfant pousse un cri et s’enfuit en criant à haute voix. La vieille femme accourt, suivie de six bambins, sans compter la fil­lette de tout à l’heure. Le plus grand paraît être son jumeau ; les derniers, deux petits garçons sans chaussures et chétifs, s’a­grippent au vêtement de la vieille et savent à peine marcher.

       « Oh ! Tu es venu ! Enfants, vénérez le Messie ! Tu arrives à temps dans ma pauvre maison. Ma belle-fille est mourante… Ne pleurez pas, mes petits, qu’elle ne vous entende pas. Pauvres enfants ! Les fillettes sont épuisées par les veilles, car j’ai tout à faire et je ne tiens plus debout, je tombe de sommeil. Il y a des mois que je ne vais plus me coucher. A présent, je dors sur un siège près d’elle et des enfants. Mais elles, elles sont petites et elles en souffrent. Ces garçons vont faire du bois pour alimenter le feu. Ils en vendent aussi, pour avoir du pain. Ils n’en peuvent plus, les pauvres petits ! Mais ce qui nous tue, ce n’est pas la fatigue : c’est de la voir mourir… Ne pleurez pas. Nous avons Jésus.

       – Oui, ne pleurez pas. Votre maman va guérir, votre père reviendra. Vous n’aurez plus tant de dépenses, ni une telle faim. Ceux-ci, ce sont les deux derniers ?

       – Oui, Seigneur, ma faible belle-fille a accouché trois fois de jumeaux… et son sein est devenu malade.

       – Trop pour les uns, et rien pour les autres » marmonne Pierre dans sa barbe.

       Puis il prend un enfant et lui donne une pomme pour le faire taire. L’autre aussi lui en demande une et Pierre le satisfait.

       134.3 Jésus, accompagné par la vieille femme, traverse l’atrium, puis une cour et monte l’escalier pour entrer dans une pièce où gémit une femme, jeune encore mais squelettique.

       « C’est le Messie, Jérusa. Désormais tu ne vas plus souffrir. Tu vois ? Il est venu pour de bon. Isaac ne ment jamais. Il l’a dit. Crois donc car, s’il est venu, il peut aussi te guérir.

       – Oui, bonne mère. Oui, mon Seigneur. Mais si tu ne peux me guérir, du moins fais-moi mourir. J’ai des chiens dans ma poitrine. La bouche de mes enfants, auxquels j’ai donné du doux lait, m’a apporté feu et amertume. Je souffre tant, Seigneur ! Je coûte tant ! Mon mari travaille au loin pour gagner notre pain. Sa vieille mère s’épuise. Et moi qui meurs… A qui iront mes enfants quand ce mal m’aura fait mourir et qu’elle succombera à ses efforts épuisants ?

       – Pour les oiseaux, il y a Dieu et il en est de même pour les petits de l’homme. Mais tu ne vas pas mourir. C’est ici que tu as si mal ? »

       Jésus va poser la main sur le sein enveloppé de bandes.

       « Ne me touche pas ! N’augmente pas ma souffrance ! » hurle la malheureuse.

       Mais Jésus pose délicatement sa longue main sur la poitrine malade.

       « Tu as réellement le feu là-dedans, pauvre Jérusa. Ton amour maternel t’a enflammé le sein. Mais tu n’as pas de haine pour ton époux, pour tes enfants, n’est-ce pas ?

       – Pourquoi le devrais-je ? Lui, il est bon et m’a toujours aimée. Nous nous sommes aimés d’un amour sage et l’amour s’épanouit en donnant la vie… Et eux !… Je suis dans l’angoisse de les quitter, mais… Seigneur ! Mais le feu disparaît ! Mère ! Mère ! C’est comme si un ange du Ciel soufflait sur ma torture ! Ah, quelle paix ! N’enlève pas ta main, ne l’enlève pas, mon Seigneur. Appuie-la au contraire. Ah, quelle force ! Quelle joie ! Mes enfants ! Ici, mes enfants ! Je les veux ! Dina ! Osia ! Anne ! Seba ! Melchi ! David ! Jude ! Venez, venez ! Maman ne meurt plus ! Oh !… »

       La jeune femme se retourne sur ses oreillers en pleurant de joie pendant qu’accourent ses enfants.

       134.4 La vieille, à genoux, ne trouvant rien d’autre à dire, dans sa joie, entonne le cantique d’Azarias dans la fournaise. Elle le récite tout entier, de sa voix tremblante de vieille femme émue.

       « Ah ! Seigneur ! Mais que puis-je faire pour toi ? Je n’ai rien pour te faire honneur ! » dit-elle finalement.

       Jésus la relève et lui dit :

       « Permets-moi seulement de me reposer de ma fatigue. Et surtout, tais-toi. Le monde ne m’aime pas. Je dois m’éloigner pour quelque temps. Je te demande fidélité à Dieu et silence : à toi, à l’épouse, aux petits.

       – Oh ! Ne crains rien ! Personne ne vient chez les pauvres gens ! Tu peux rester ici sans craindre qu’on te voie. Les pharisiens, hein ? Mais… et pour manger ? Je n’ai qu’un peu de pain… »

       Jésus appelle Judas :

       « Prends de l’argent et va acheter tout ce qu’il faut. Nous allons manger et nous reposer chez ces braves gens. Jusqu’au soir. Va et tais-toi. »

       Puis il s’adresse à la femme qu’il a guérie :

       « Enlève tes pansements, lève-toi, aide ta belle-mère, et réjouis-toi. Dieu t’a fait grâce pour récompenser tes vertus d’épouse. Nous allons rompre le pain ensemble, car aujourd’hui le Seigneur très-haut est dans ta maison et il convient de le célébrer en lui faisant fête. »

       Jésus sort, rejoignant Judas qui va sortir.

       « Fais des courses abondantes, qu’ils en aient encore pour les jours qui viennent. Nous, nous ne manquerons de rien chez Lazare.

       – Oui, Maître. Et si tu permets… J’ai de l’argent à moi. J’ai fait vœu de l’offrir pour te sauver des ennemis. Je le change en pain. Mieux vaut que cela serve à ces frères en Dieu qu’aux gueules du Temple. Tu permets ? L’or a toujours été pour moi un serpent. Je ne veux plus éprouver sa fascination. Car je me sens si bien, maintenant que je suis bon ! Je me sens libre et je suis heureux.

       – Fais comme tu veux, Judas. Et que le Seigneur te donne la paix. »

       Jésus rejoint ses disciples pendant que Judas sort et tout prend fin.

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