Une initative de
Marie de Nazareth

Simon le Zélote et Jude unis pour leur destinée

mercredi 21 avril 27
Jourdain, entre Jéricho et Docco
Simon le Zélote (Lorenzo Ferri, d'après les descriptions de Maria Valtorta)

Vision de Maria Valtorta

       56.1 Comme vous étiez belles, rives du Jourdain, au temps de Jésus ! Je vous regarde et je me délecte de la paix majestueuse de vos flots bleu-vert où le bruissement des eaux et du feuillage chante comme une douce mélodie.

       Je me trouve sur une route assez large et bien entretenue. Ce doit être un chemin de grande communication ou, mieux, une route militaire que les Romains ont ouverte pour relier les différentes régions à la capitale. Elle court près du fleuve, mais pas exactement le long du fleuve. Elle en est séparée par une bande boisée qui, je crois, sert à consolider les berges et à résister aux eaux en période de crue. De l’autre côté de la route, le bois continue, de sorte que le chemin ressemble à une galerie naturelle au-dessus de laquelle s’entrelacent les branches touffues. C’est un repos agréable pour les voyageurs dans ces pays de grand soleil.

       A l’endroit où je me trouve, le fleuve – et par conséquent la route – forme une faible courbe qui me permet de voir la suite de la levée couverte de frondaisons qui forment comme un mur de verdure autour d’un bassin d’eaux paisibles. On dirait presque un lac de parc seigneurial. Mais l’eau n’est pas immobile comme dans un lac. Elle coule, bien que lentement, ce que révèle le frémis de l’eau contre les premiers roseaux, les plus hardis qui ont poussé tout en bas sur la grève et les longs rubans ondulants des feuilles qui pendent à la surface de l’eau et que le courant met en mouvement. Il y a aussi un groupe de saules pleureurs qui laissent tomber dans le fleuve l’extrémité de leur verte chevelure. Il semble la peigner en la caressant gracieusement, l’étirant doucement au fil du courant.

       Silence et paix de cette heure matinale… Il y a seulement les chants et les appels des oiseaux, le bruissement de l’eau et du feuillage ainsi que l’éclat des gouttes de rosée sur l’herbe verte et haute qui pousse entre les arbres. Le soleil d’été ne l’a pas encore durcie ni jaunie, elle est tendre et toute nouvelle, née après les pluies printanières qui ont nourri la terre, jusqu’au plus profond, de fraîcheur et de substances fertilisantes.

       56.2 Trois voyageurs sont arrêtés à ce tournant de la route, exactement au sommet de la courbe. Ils regardent en haut et en bas, au sud vers Jérusalem, au nord vers Samarie. Ils scrutent entre les troncs des arbres pour voir s’il arrive quelqu’un qu’ils at­tendent.

       Ce sont Thomas, Jude et le lépreux guéri. Ils dis­cutent.

       « Tu ne vois rien ?

       – Moi ? Non !

       – Moi non plus.

       – Et pourtant, c’est bien l’endroit convenu.

       – Tu en es sûr ?

       – Certain, Simon. Un des six m’a dit, pendant que le Maître s’éloignait au milieu des acclamations de la foule après le miracle d’un mendiant estropié guéri à la Porte des Poissons : “ Maintenant nous sortons de Jérusalem. Attends-nous à cinq milles entre Jéricho et Docco, à la courbe du fleuve, le long de la route boisée. ” : celle-ci. Il a ajouté : “ Nous y serons d’ici trois jours, à l’aurore. ” Or voici le troisième jour, et la quatrième veille que nous nous trouvons ici.

       – Est-ce qu’il viendra ? Peut-être aurait-il mieux valu le suivre depuis Jérusalem.

       – Tu ne pouvais pas encore venir à travers la foule, Simon.

       – Si mon cousin vous a dit de venir ici, il y viendra. Il tient toujours ses promesses. Il n’y a qu’à attendre.

       56.3 – As-tu été toujours avec lui ?

       – Toujours. Depuis son retour à Nazareth, il a toujours été pour moi un bon compagnon. Nous étions toujours ensemble. Nous sommes du même âge, ou plutôt je suis à peine plus âgé. Et puis j’étais le préféré de son père, le frère de mon père. Sa Mère elle aussi m’aimait beaucoup. J’ai grandi plus avec elle qu’avec ma mère.

       – Elle t’aimait… Est-ce que maintenant elle ne t’aime plus autant ?

       – Oh si ! Mais nous sommes un peu divisés depuis qu’il s’est fait prophète. Cela n’a pas fait plaisir à mes parents.

       – Quels parents ?

       – Mon père et les deux aînés. L’autre est hésitant… Mon père est très âgé, et je n’ai pas eu le cœur de le mécontenter. Mais maintenant… maintenant, ce n’est plus la même chose. Maintenant, je vais là où mon cœur et mon esprit sont attirés. Je vais à Jésus. Je ne crois pas offenser la Loi en agissant ainsi. Mais… si ce que je veux faire n’était pas juste, Jésus me le dirait. Je ferai ce qu’il me dira. Un père a-t-il le droit de s’opposer à un fils qui recherche le bien ? Si j’ai conscience que là est mon salut, pourquoi m’empêcher d’y arriver ? Pourquoi les pères sont-ils pour nous des ennemis, parfois? »

       Simon soupire comme si on lui rappelait de tristes souvenirs. Il baisse la tête, mais sans dire mot.

       Thomas, au contraire, répond :

       « J’ai déjà franchi l’obstacle. Mon père m’a écouté et m’a compris. Il m’a béni en me disant : “ Va ! Que cette Pâque soit pour toi la libération de l’esclavage de l’attente. Heureux es-tu, toi qui peux croire. Pour moi, j’attends. Mais si c’est bien lui – et tu t’en apercevras en le suivant –, reviens vers ton vieux père pour lui dire : ‘ Viens ! Celui qu’Israël attendait est là. ’ ”

       – Tu as plus de chance que moi ! Et dire que nous avons vécu à ses côtés !… et que nous ne croyons pas, nous qui sommes de sa famille !… et que nous disons – ou plutôt qu’ils disent – : “ Il a perdu la tête ” !

       56.4 – Voilà, voilà un groupe de personnes, crie Simon. C’est lui, c’est lui ! Je reconnais sa tête blonde. Oh, venez ! Courons ! »

       Ils se mettent à marcher rapidement vers le sud. Maintenant qu’ils ont atteint le sommet de la courbe, les arbres cachent la suite de la route, de telle sorte que les deux groupes se trouvent presque face à face au moment où ils s’y attendaient le moins. On dirait que Jésus sort du fleuve parce qu’il est entre les arbres de la berge.

       « Maître !

       – Jésus !

       – Seigneur ! »

       Les trois cris du disciple, du cousin et du miraculé reten­tissent, exprimant l’adoration et la joie.

       « Paix à vous ! »

       Voilà la belle voix, qui ne peut se confondre avec aucune autre, pleine, sonore, paisible, expressive, nette, virile, douce et pénétrante.

       56.5 « Tu es là toi aussi, Jude, mon cousin ? »

       Ils s’embrassent. Jude pleure.

       « Pourquoi ces larmes ?

       – Oh ! Jésus ! Je veux rester avec toi !

       – Je t’ai toujours attendu. Pourquoi n’es-tu pas venu ? »

       Jude baisse la tête et se tait.

       « Ils n’ont pas voulu ! Et maintenant ?

       – Jésus, je… je ne peux leur obéir. Je ne veux obéir qu’à toi seul.

       – Mais moi, je ne t’ai pas donné d’ordre.

       – Non, toi non ; mais c’est ta mission qui commande. C’est Celui qui t’a envoyé qui parle ici, au fond de mon cœur, et qui me dit : “ Va vers lui ! ” C’est celle qui t’a engendré et qui a été pour moi une douce maîtresse, qui de son regard de colombe me fait comprendre sans mot dire : “ Sois à Jésus. ” Puis-je, moi, ne pas tenir compte de cette voix d’en haut qui me pénètre le cœur ? De cette prière d’une sainte qui, sûrement, me supplie pour mon bien ? Alors que je suis ton cousin du côté de Joseph, ne dois-je pas te connaître pour ce que tu es, alors que Jean-Baptiste t’a reconnu, lui qui ne t’avait jamais vu, ici, sur les rives de ce fleuve et t’a salué du nom de “ Agneau de Dieu ” ? Et moi, moi qui ai grandi avec toi, qui me suis amélioré en te suivant, moi qui suis devenu fils de la Loi grâce à ta Mère et qui ai absorbé, non seulement les six-cent treize préceptes des rabbins, en plus de l’Ecriture et des prières, mais leur âme à eux tous, je ne devrais être capable de rien ?

       – Et ton père ?

       – Mon père ? Il ne manque ni de pain, ni d’assistance… et puis, c’est toi qui m’as donné l’exemple. Tu as pensé au bien du peuple plutôt qu’au bien particulier de Marie. Or elle est seule. Dis-moi, toi, mon Maître, n’est-il pas donc permis, sans manquer de respect à un père de lui dire : “ Père, je t’aime. Mais au-dessus de toi, il y a Dieu, et c’est lui que je veux suivre ” ?

       – Jude, mon parent et ami, je te l’affirme : tu es très avancé sur le chemin de la lumière. Viens. Il est permis de tenir ce langage à son père quand c’est Dieu qui appelle. Il n’y a rien au-dessus de Dieu. Les lois du sang elles-mêmes disparaissent ou plutôt sont sublimées car, par nos larmes, nous offrons à nos parents, à nos mères un plus grand secours, et pour un but éternel auprès duquel la journée du monde ne compte guère. Avec nous, nous les attirons vers le Ciel et, par la même voie du sacrifice de nos affections, vers Dieu. Reste donc, Jude. Je t’ai attendu et je suis heureux de t’avoir de nouveau, toi, l’ami de ma vie de Nazareth. »

       Jude est profondément ému.

       56.6 Jésus se tourne vers Thomas :

       « Tu as obéi fidèlement. C’est la première vertu du disciple.

       – Je suis venu pour t’être fidèle.

       – Et tu le seras. C’est moi qui te le dis. Viens, toi qui reste tout honteux dans l’ombre. N’aie pas peur !

       – Mon Seigneur ! »

       L’ancien lépreux est aux pieds de Jésus.

       « Lève-toi. Quel est ton nom ?

       – Simon.

       – Et ta famille ?

       – Seigneur… elle était puissante… moi aussi, j’étais considéré… Mais haine de sectes et… et erreurs de jeunesse ont anéanti sa puissance. Mon père… Ah, il me faut parler contre lui qui m’a coûté des larmes qui ne venaient pas du Ciel ! Tu le vois, tu as vu quel cadeau il m’a fait !

       – Il était lépreux ?

       – Pas lépreux, moi non plus, mais atteint d’une maladie qui porte un autre nom et que, nous, hommes d’Israël, classons avec les diverses lèpres. Lui… alors sa maison était encore puissante, il a vécu et est mort considéré dans sa maison. Moi… si tu ne m’avais pas sauvé, je serais mort au milieu des tombeaux.

       – Tu es seul ?

       – Seul. J’ai un serviteur fidèle qui prend soin de ce qui me reste. Je l’ai fait prévenir.

       – Et ta mère ?

       – Elle… est morte. »

       L’homme paraît gêné.

       Jésus l’observe attentivement.

       « Simon, tu m’as dit : “ Que dois-je faire pour toi ? ” Maintenant, je te dis : “ Suis-moi. ”

       – Tout de suite ! Seigneur !… Mais… mais moi… Laisse-moi te dire une chose. Je suis et j’étais appelé “ le Zélote ” à cause de la caste à laquelle j’appartenais et “ Cananéen ” à cause de ma mère. Tu le vois, j’ai la peau brune. J’ai du sang d’esclave en moi. Comme mon père n’avait pas de fils de sa femme légitime, il m’a eu d’une esclave. Son épouse, une brave femme, m’a élevé comme son fils et a pris soin de moi au milieu de mes innom­brables maladies, jusqu’à sa mort…

       – Il n’y a aux yeux de Dieu ni esclaves ni affranchis. Il n’y a, à ses yeux, qu’un seul esclavage : le péché. Et je suis venu le supprimer. Je vous appelle tous, parce que le Royaume appartient à tous. Es-tu instruit ?

       – Je le suis. Je tenais aussi mon rang parmi les grands, du moins aussi longtemps que mes vêtements purent dissimuler mon mal. Mais quand il a atteint mon visage… Mes ennemis furent heureux de l’utiliser pour me confiner parmi les “ morts ”. En effet, comme le dit un médecin romain de Césarée que je consultai, mon mal n’était pas la vraie lèpre, mais un serpigo héréditaire : il me suffisait donc de ne pas procréer pour ne pas le propager. Puis-je, moi, ne pas maudire mon père ?

       – Tu ne dois pas le maudire. Il t’a causé toutes sortes de maux…

       – Oh oui ! Il a dilapidé notre patrimoine. Il était vicieux, cruel, sans cœur, sans affection. Il m’a refusé la santé, les caresses, la paix. Il m’a marqué d’un nom qui me fait mépriser et m’a transmis une maladie déshonorante… Il s’est rendu maître de tout, même de l’avenir de son fils. Il m’a tout pris, même la joie d’être père.

       – Pour cette raison, je te dis : “ Suis-moi. ” A mes côtés, à ma suite, tu trouveras un Père et des enfants. Elève ton regard, Simon. Là, le vrai Père te sourit. Porte ton regard sur l’étendue de la terre, sur les continents, à travers les pays. Il y a là des fils en grand nombre, des fils spirituels pour ceux qui n’ont pas d’enfants. Ils t’attendent et en attendent beaucoup comme toi. Sous mon Signe, il n’y a plus d’abandons. Sous mon Signe, il n’y a plus de solitude, ni de différences. C’est un Signe d’amour. Et il donne l’amour. 56.7 Viens, Simon, qui n’as pas eu d’enfant. Viens Jude, qui perds ton père par amour pour moi. Je vous unis dans un même sort. »

       Jésus les approche l’un de l’autre. Il pose ses mains sur leurs épaules, comme pour en prendre possession, comme pour leur imposer un joug commun. Puis il dit :

       « Je vous unis, mais pour l’instant je vous sépare. Toi, Simon, tu resteras ici avec Thomas. Avec lui tu prépareras les voies pour mon retour. D’ici peu je reviendrai et je veux qu’il y ait beaucoup de monde qui m’attende. Dites aux malades – toi, tu peux bien l’affirmer –, que celui qui guérit vient. Dites à ceux qui attendent que le Messie est parmi son peuple. Dites aux pécheurs qu’il y a quelqu’un qui pardonne pour donner la force de s’élever…

       – Mais en serons-nous capables ?

       – Oui, vous n’avez qu’à dire : “ Il est arrivé, il vous appelle, il vous attend. Il vient vous faire grâce. Soyez prêts pour le voir ici ” ; ajoutez à ces mots le récit de ce que vous savez. Quant à toi, Jude, mon cousin, viens avec moi et avec ceux-ci. Mais toi, tu resteras à Nazareth.

       – Pourquoi, Jésus ?

       – Parce que tu dois me préparer le chemin dans notre patrie. Tu crois que c’est une petite mission ? En vérité, il n’y en a pas de plus importante… »

       Jésus soupire.

       « Et est-ce que je réussirai ?

       – Oui et non, mais tout sera suffisant pour que nous soyons justifiés.

       – De quoi ? Et aux yeux de qui ?

       – Aux yeux de Dieu. Aux yeux de la patrie. Aux yeux de la famille. Ils ne pourront nous faire de reproche, parce que nous leur aurons offert le bien. Et si la patrie et la famille le dédaignent, nous n’aurons pas la responsabilité de leur perte.

       – Et nous ?

       – Vous, Pierre ? Vous retournerez à vos filets.

       – Pourquoi ?

       – Parce que je vous instruis lentement et je vous prendrai quand vous serez prêts.

       – Mais nous te verrons ?

       – Bien sûr, je viendrai souvent vous trouver ou je vous ferai appeler quand je serai à Capharnaüm. Maintenant, saluez-vous, mes amis, et partons. Je vous bénis, vous qui restez. Que ma paix soit avec vous. »

       Et la vision se termine.

Observation

Le mal dont souffrait Simon le lépreux

Les évangélistes Matthieu (Mt 26,6) et Marc (Mc 14,3) évoquent brièvement Simon le « lépreux », demeurant à Béthanie. Ils ne fournissent aucun détail supplémentaire, au point que certains biblistes s’interrogent sur ce personnage (cf. Osty par exemple). Maria Valtorta confirme qu’il s’agit de l’apôtre Simon, guéri par Jésus d’une maladie de peau dont elle donne une description précise : « Le visage est déjà couvert de croûtes, le tronc n'est qu'une mosaïque de plaies. Il y en a qui se creusent profondément, d'autres comme des brûlures rouges, d'autres blanchâtres et translucides, comme s'il y avait dessus du verre blanc » (EMV 54.2). Ensuite, l’apôtre lui-même indique le mal dont il souffrait : «un médecin romain de Césarée dit que mon mal n’était pas la vraie lèpre, mais un serpigo héréditaire ». (EMV 56.6).

La maladie héréditaire dont souffre Simon le Zélote était vraisemblablement, d’après la description, un psoriasis pour lequel il existe effectivement un facteur héréditaire. Cette maladie (nommée serpigo par les romains) fut souvent confondue avec la lèpre, jusqu’en 1850 ! C’est une affection cutanée caractérisée par des squames blanchâtres recouvrant des plaques rouges, exactement comme il ressort de la description valtortienne.
Les plaques rouges ou rosées sont légèrement élevées au-dessus du niveau de la peau et recouvertes de squames minces (d'un blanc argentin, chatoyant, nacré) de forme arrondie et disposées en cercles dans la lèpre vulgaire, de forme variable et irrégulière dans le psoriasis.
Pline évoque à plusieurs reprises les ulcères « serpigineux ». Il recommande même un traitement : « Du beurre pur, et par-dessus de la farine d'orge, guérissent les affections serpigineuses de la face ». (1). Au Moyen Age, deux savants allemands, Agricola (1494-1527) et Rulandus (1532-1602), affirmaient que le « serpigo sauvage » guérit avec peine et peut dégénérer en lèpre (2).

(1) Pline, Histoire naturelle LXVIII, chap. L.1

(2) Cité par Théophile Bonnet, Observations et Histoires chirurgiques, XXVII 1670 p 622

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