Quand il eut douze ans, ils montèrent en pèlerinage suivant la coutume. À la fin de la fête, comme ils s’en retournaient, le jeune Jésus resta à Jérusalem à l’insu de ses parents. Pensant qu’il était dans le convoi des pèlerins, ils firent une journée de chemin avant de le chercher parmi leurs parents et connaissances. Ne le trouvant pas, ils retournèrent à Jérusalem, en continuant à le chercher. C’est au bout de trois jours qu’ils le trouvèrent dans le Temple, assis au milieu des docteurs de la Loi : il les écoutait et leur posait des questions, et tous ceux qui l’entendaient s’extasiaient sur son intelligence et sur ses réponses. En le voyant, ses parents furent frappés d’étonnement, et sa mère lui dit : « Mon enfant, pourquoi nous as-tu fait cela ? Vois comme ton père et moi, nous avons souffert en te cherchant ! » Il leur dit : « Comment se fait-il que vous m’ayez cherché ? Ne saviez-vous pas qu’il me faut être chez mon Père ? » Mais ils ne comprirent pas ce qu’il leur disait. Il descendit avec eux pour se rendre à Nazareth, et il leur était soumis. Sa mère gardait dans son cœur tous ces événements.
41.1 Je vois Jésus. C’est un adolescent. Il porte une tunique faite, me semble-t-il, de lin blanc qui lui descend jusqu’aux pieds. Par-dessus, il s’est drapé dans une étoffe rectangulaire rouge clair. Il est tête nue avec des cheveux longs qui lui descendent à la moitié des oreilles, plus foncés que lorsque je l’ai vu plus petit. C’est un garçon robuste, très grand pour son âge, mais dont le visage est encore enfantin.
Il me regarde et me sourit en me tendant les mains. Son sourire, pourtant, ressemble déjà à celui que je lui vois adulte : doux et plutôt sérieux. Il est seul. Je ne vois rien d’autre en ce moment. Il est appuyé à un petit mur au-dessus d’une ruelle tout en montées et en descentes, pierreuse, avec au milieu une rigole qui, par temps de pluie, se transforme sûrement en ruisseau. Mais il est à sec pour le moment car la journée est belle.
J’ai l’impression de m’approcher, moi aussi, du muret et de regarder à l’entour et en bas comme le fait Jésus. Je vois un groupe de maisons disposées sans aucun ordre. Il y en a de hautes, de basses, orientées dans tous les sens. On dirait – la comparaison est pauvre mais assez juste – une poignée de cailloux blancs jetés sur un terrain obscur. Les rues et ruelles ressemblent à des veines au milieu de cette blancheur. Çà et là des arbres sortent d’entre les murs. Beaucoup sont en fleurs et beaucoup couverts de feuilles nouvelles. Ce doit être le printemps.
A gauche, par rapport à moi qui regarde, il y a un grand ensemble de bâtiments, disposé sur trois rangées de terrasses couvertes de constructions, et puis des tours, des cours et des portiques au centre desquels s’élève un édifice plus haut, majestueux, très riche, à dômes ronds qui brillent au soleil comme s’ils étaient couverts de métal : cuivre ou or. Le tout est entouré d’une muraille crénelée, aux créneaux en forme decomme si c’était une forteresse. Une tour plus haute que les autres, à cheval sur une rue plutôt étroite et montante, domine nettement ce vaste ensemble. On dirait une sentinelle sévère.
Jésus regarde fixement cet endroit, puis il se retourne et s’adosse de nouveau au muret comme il l’était auparavant, puis il regarde une butte qui est en face de l’ensemble de bâtiments, un monticule couvert de maisons jusqu’à la base et ensuite dénudé. Je vois qu’une rue se termine là par un arc au-delà duquel il n’y a plus qu’une rue pavée de pierres quadrangulaires, irrégulières et disjointes. Elles ne sont pas exagérément grandes comme les pierres des routes consulaires romaines. Elles ressemblent plutôt aux pierres classiques mais disjointes des vieux trottoirs de Viareggio (je ne sais s’ils existent encore). C’est une mauvaise route. Le visage de Jésus devient tellement sérieux que je me mets à chercher sur ce monticule la cause de cette tristesse. Mais je n’y vois rien de spécial. C’est une hauteur dénudée, c’est tout. En revanche, je perds Jésus car, quand je me retourne, il n’est plus là. Et je m’assoupis avec cette vision…
41.2 …Quand je me réveille, gardant au cœur le souvenir de cette scène, et après avoir retrouvé un peu de forces et de calme – car tout le monde dort – je me trouve à un endroit que je n’ai jamais vu. Il y a des cours, des fontaines, des portiques, des maisons ou plus exactement des pavillons, car elles ont plus l’air de pavillons que de maisons. Il y a là une foule nombreuse, habillée à l’ancienne mode hébraïque, et beaucoup de brouhaha. En regardant autour de moi, je me rends compte que je suis à l’intérieur de cet ensemble de bâtiments que Jésus regardait. Je vois en effet la muraille crénelée qui l’entoure, la tour de guet et l’imposant édifice qui se dresse au centre et sur lequel s’appuient les très beaux et vastes portiques sous lesquels se presse une foule affairée, qui à une chose, qui à une autre.
Je me rends compte que je me trouve dans l’enceinte du Temple de Jérusalem. Je vois des pharisiens en longs vêtements flottants, des prêtres vêtus d’habits de lin avec une plaque de métal précieux au sommet de la poitrine et sur le front et d’autres points qui luisent çà et là sur leurs vêtements très amples et blancs que retient à la taille une ceinture de grand prix. Il y en a aussi d’autres, moins chamarrés, mais qui doivent eux aussi appartenir à la caste sacerdotale et qui sont entourés de disciples plus jeunes. Je comprends qu’il s’agit des docteurs de la Loi. Je me sens perdue au milieu de tous ces personnages, d’autant plus que je ne sais pas bien ce que j’ai à faire là dedans.
41.3 Je m’approche d’un groupe de docteurs où une discussion théologique s’est engagée. Une grande foule en fait de même.
Parmi les « docteurs », il y a un groupe à la tête duquel se trouve un certain Gamaliel avec un autre, âgé et presque aveugle, qui soutient Gamaliel au cours de la discussion. J’entends qu’on l’appelle Hillel (je mets le H parce que j’entends une aspiration au début de son nom), et il paraît être le maître ou le parent de Gamaliel parce que ce dernier le traite avec confiance et respect en même temps. Le groupe de Gamaliel a des vues plus larges, alors qu’un autre groupe, le plus nombreux, est dirigé par un certain Chammaï et se caractérise par cette intransigeance haineuse et rétrograde que l’Evangile met si bien en lumière.
Gamaliel, entouré d’un groupe important de disciples, traite de la venue du Messie. S’appuyant sur la prophétie de Daniel, il soutient que le Messie doit être déjà né. En effet, depuis une dizaine d’années environ, les soixante-dix semaines indiquées par la prophétie sont accomplies, à dater du décret de reconstruction du Temple. Chammaï le combat en affirmant que s’il est vrai que le Temple a été reconstruit, il n’en est pas moins vrai que l’esclavage d’Israël n’a fait que croître et que la paix qu’aurait dû apporter celui que les prophètes appellent « le Prince de la paix » est bien loin de régner dans le monde, et spécialement à Jérusalem opprimée par un ennemi qui ose pousser sa domination jusque dans l’enceinte du Temple dominée par la Tour Antonia, remplie de légionnaires romains prêts à apaiser par l’épée tout soulèvement patriotique.
La discussion, pleine d’ergoteries, traîne en longueur : chaque maître fait étalage d’érudition, moins pour vaincre son rival que pour s’imposer à l’admiration des auditeurs. Cette intention est évidente.
41.4 Du groupe compact de ses fidèles sort une fraîche voix d’enfant :
« C’est Gamaliel qui a raison. »
Mouvement de la foule et du groupe des docteurs. On cherche l’intervenant. Mais nul besoin de le chercher, il ne se cache pas. Il se fraye un chemin et s’approche du groupe des “ rabbis ”. Je reconnais mon Jésus adolescent. Il est sûr de lui et franc, avec des yeux qui pétillent d’intelligence.
« Qui es-tu ? lui demande-t-on.
– Un fils d’Israël venu accomplir ce que la Loi ordonne. »
La réponse hardie et pleine d’assurance le rend sympathique et lui vaut des sourires d’approbation et de bienveillance. On s’intéresse au petit israélite :
« Comment t’appelles-tu ?
– Jésus de Nazareth. »
La bienveillance s’atténue dans le groupe de Chammaï. Mais Gamaliel, mieux disposé, poursuit le dialogue en même temps que Hillel. Ou plutôt c’est Gamaliel qui, respectueusement, conseille au vieillard :
« Demande quelque chose à l’enfant.
– Sur quoi fondes-tu ta certitude ? » demande Hillel.
(Je mets les noms en tête des réponses pour abréger et pour que ce soit plus clair).
Jésus : « Sur la prophétie qui ne peut faire erreur sur l’époque et les signes qui l’ont accompagnée quand ce fut le moment de sa réalisation. C’est vrai que César nous domine. Mais le monde jouissait d’une telle paix et la Palestine était si calme quand expirèrent les soixante-dix semaines qu’il fut possible à César d’ordonner un recensement dans ses domaines. Il ne l’aurait pas pu s’il y avait eu la guerre dans l’Empire et des soulèvements en Palestine. De même que ce temps était accompli, on arrive à la fin de l’autre intervalle de temps de soixante-deux semaines plus une depuis l’achèvement du Temple, pour que le Messie soit consacré et que se réalise la suite de la prophétie pour le peuple qui ne l’a pas accepté. Pouvez-vous avoir des doutes ? Ne vous rappelez-vous pas l’étoile que virent les sages d’Orient et qui alla justement se poser dans le ciel de Bethléem de Juda ? Oubliez-vous que les prophéties et les visions, depuis Jacob et par la suite, indiquent ce lieu comme destiné à accueillir la naissance du Messie, arrière-petit-fils de Jacob, par David qui était de Bethléem ? Ne vous rappelez-vous pas Balaam ? “ Une étoile naîtra de Jacob. ” Les sages d’Orient, auxquels la pureté et la foi gardaient ouverts les yeux et les oreilles, ont vu l’étoile et ont compris son nom : “ Messie ” et ils sont venus adorer la Lumière allumée dans le monde. »
41.5 Chammaï, le regard livide : « Tu affirmes que le Messie est né au temps de l’étoile à Bethléem Ephrata ? »
Jésus : « Je l’affirme. »
Chammaï : « Alors il n’existe plus. Ignores-tu, mon enfant, qu’Hérode a fait tuer tous les garçons d’un jour à deux ans de Bethléem et des environs ? Toi qui connais si bien les Ecritures, tu dois aussi savoir cela : “ Un cri s’est élevé… C’est Rachel qui pleure ses enfants. ” Les vallées et les collines de Bethléem qui ont recueilli les pleurs de Rachel mourante sont restées remplies de ces pleurs, et les mères en ont fait de même sur leurs fils massacrés. Parmi elles, il y avait certainement aussi la Mère du Messie. »
Jésus : « Tu te trompes, vieillard. Les pleurs de Rachel se sont changés en hosanna, parce que là où elle avait mis au jour “ le fils de sa douleur ”, la nouvelle Rachel a donné au monde le Benjamin du Père céleste, le Fils de sa droite, celui qui est destiné à rassembler les peuples sous son sceptre et à le libérer de la plus terrible des servitudes. »
Chammaï : « Et comment, s’il a été tué ? »
Jésus : « N’as-tu pas lu, en parlant d’Elie, qu’il fut enlevé dans un char de feu ? Par conséquent le Seigneur Dieu ne pourrait-il pas avoir sauvé son Emmanuel pour qu’il devienne le Messie de son peuple ? Lui qui a ouvert la mer devant Moïse afin qu’Israël rejoigne sa terre à pied sec, n’aurait-il donc pas pu envoyer ses anges sauver son Fils, son Christ, de la férocité de l’homme ? En vérité je vous le dis : le Christ vit et il est parmi vous, et quand son heure sera venue, il se manifestera dans toute sa puissance. »
En disant ces mots que je souligne, Jésus a dans la voix un éclat qui remplit l’espace. Ses yeux brillent encore plus fort et, avec quelque chose d’impérieux, comme poussé par la promesse, il tend le bras et la main droite comme pour un serment. C’est un enfant, mais il est aussi solennel qu’un homme.
41.6 Hillel : « Mon enfant, qui t’a enseigné ces paroles ? »
Jésus : « L’Esprit de Dieu. Je n’ai pas de maître humain. C’est la parole de Dieu que vous entendez de ma bouche. »
Hillel : « Viens parmi nous, que je te voie de près, mon enfant ! Que mon espérance se ravive au contact de ta foi et que mon âme s’illumine au soleil de la tienne ! »
On fait asseoir Jésus sur un siège élevé entre Gamaliel et Hillel et on lui apporte des rouleaux pour qu’il les lise et les explique. C’est un examen en règle. La foule se presse et écoute.
La voix enfantine de Jésus lit :
« “ Console-toi, ô mon peuple. Parlez au cœur de Jérusalem, consolez-la car son esclavage est fini… Voix de quelqu’un qui crie dans le désert : préparez les chemins du Seigneur… Alors apparaîtra la gloire du Seigneur… ” »
Chammaï : « Tu vois bien, Nazaréen ! On y parle d’esclavage fini. Or jamais nous n’avons été aussi esclaves qu’à notre époque. Et on y parle d’un précurseur. Où est-il donc ? Tu dis n’importe quoi ! »
Jésus : « Je te dis que c’est à toi plus qu’aux autres que s’adresse l’invitation du Précurseur. A toi et à tes semblables. Autrement tu ne verras pas la gloire du Seigneur et tu ne comprendras pas la parole de Dieu, car la bassesse, l’orgueil, l’hypocrisie t’empêcheront de voir et d’entendre. »
Chammaï : « C’est ainsi que tu parles à un maître ? »
Jésus : « C’est ainsi que je parle et que je parlerai jusqu’à ma mort. Car au-dessus de mon intérêt il y a celui du Seigneur et l’amour pour la Vérité dont je suis le Fils. Et j’ajoute pour toi, rabbi, que l’esclavage dont parle le prophète et dont je parle moi aussi, n’est pas celui que tu crois, de même que la royauté n’est pas celle à laquelle tu penses. Au contraire, c’est par les mérites du Messie que l’homme sera libéré de l’esclavage du Mal qui le sépare de Dieu ; le signe du Christ s’imprimera sur les âmes libérées de tout joug et elles deviendront des sujets de son Royaume éternel. Toutes les nations inclineront la tête, ô race de David, devant le Germe né de toi et devenu l’arbre qui recouvre toute la terre et s’élève jusqu’au ciel. Au Ciel et sur la terre toute bouche louera son nom et tout genou fléchira devant l’Oint de Dieu, le Prince de la paix, le Chef, celui qui enivrera de lui-même toute âme fatiguée et rassasiera toute âme affamée, le Saint qui conclura une alliance entre la terre et le Ciel. Non pas comme celle qui fut conclue avec les Pères d’Israël quand Dieu les fit sortir d’Egypte, en les traitant encore comme des serviteurs, mais en gravant la pensée de la paternité céleste dans les âmes des hommes par la grâce nouvellement versée en eux par les mérites du Rédempteur. Par lui, tous les bons connaîtront le Seigneur, et le Sanctuaire de Dieu ne sera plus abattu ni détruit. »
Chammaï : « Mais ne blasphème pas, mon enfant ! Rappelle-toi Daniel. Il dit qu’après la mort du Christ, le Temple et la Cité seront détruits par un peuple et un chef qui viendra. Or toi, tu soutiens que le Sanctuaire de Dieu ne sera plus abattu ! Respecte les prophètes ! »
Jésus : « En vérité, je te dis qu’il y a Quelqu’un de plus grand que les prophètes ; tu ne le connais pas et ne le connaîtras pas parce qu’il te manque le désir de le connaître. Et je t’affirme que tout ce que j’ai dit est vrai. Le vrai Sanctuaire ne connaîtra plus la mort mais, comme celui qui le sanctifie, il ressuscitera pour la vie éternelle et à la fin des jours du monde, il vivra au Ciel. »
41.7 Hillel : « Ecoute, mon enfant. Aggée dit : “ … Il viendra, le Désiré des nations. Grande alors sera la gloire de cette maison et de cette dernière plus que de la première. ” Veut-il donc parler du même sanctuaire que toi ? »
Jésus : « Oui, Maître, c’est bien ce qu’il veut dire. Ta droiture t’achemine vers la lumière et moi je te dis : quand le sacrifice du Christ sera accompli, la paix viendra vers toi parce que tu es un israélite juste. »
Gamaliel : « Dis-moi, Jésus. La paix dont parlent les prophètes, comment peut-on l’espérer si la guerre vient détruire ce peuple ? Parle et éclaire-moi, moi aussi. »
Jésus : « Ne te souviens-tu pas, Maître, de ce qu’ont dit ceux qui étaient présents la nuit de la naissance du Christ ? Que les troupes angéliques ont chanté : “ Paix aux hommes de bonne volonté. ” Mais ce peuple ne fait preuve d’aucune bonne volonté et il n’obtiendra pas la paix. Il méconnaîtra son Roi, le Juste, le Sauveur, parce qu’il attend un roi revêtu de la puissance humaine alors qu’il est le Roi de l’esprit. Ce peuple ne l’aimera pas, car le Christ prêchera ce qui ne plaît pas à ce peuple. Le Christ ne combattra pas des ennemis pourvus de chars et de cavalerie, mais les ennemis de l’âme qui inclinent vers des jouissances infernales le cœur de l’homme créé pour le Seigneur. Or ce n’est pas la victoire qu’Israël attend de lui. Il viendra, Jérusalem, ton Roi monté sur l’“ ânesse et l’ânon ”, c’est-à-dire les justes d’Israël et les païens. Mais l’ânon, je vous le dis, lui sera plus fidèle et le suivra en précédant l’ânesse et il grandira sur la voie de la vérité et de la vie. Israël, à cause de sa volonté mauvaise, perdra la paix et souffrira en lui-même, pendant des siècles, ce qu’il a fait souffrir à son Roi qu’il aura réduit à être l’Homme des douleurs dont parle Isaïe. »
41.8 Chammaï : « Ta bouche profère à la fois des enfantillages et des blasphèmes, Nazaréen. Réponds : et où se trouve le Précurseur ? Quand l’avons-nous eu ? »
Jésus : « Il existe. Malachie ne dit-il pas : “ Voici que j’envoie mon ange préparer devant moi le chemin ; alors viendra aussitôt à son Temple le Dominateur que vous cherchez et l’Ange du Testament que vous désirez ardemment ” ? Donc, le Précurseur précède immédiatement le Christ. Il est déjà là, comme le Christ. S’il y avait des années entre celui qui prépare le chemin du Seigneur et le Christ, tous les chemins s’encombreraient et dévieraient. Dieu le sait et il a décidé que le Précurseur précèderait d’une seule heure le Maître. Quand vous verrez ce Précurseur, vous pourrez dire : “ La mission du Christ est commencée. ” Et je te dis, à toi : le Christ ouvrira beaucoup d’yeux et beaucoup d’oreilles quand il viendra sur ces chemins. Mais ni les tiens ni ceux de tes semblables, car vous lui donnerez la mort en échange de la Vie qu’il vous apporte. Mais lorsque le Rédempteur sera sur son trône et sur son autel, plus haut que ce Temple, plus haut que le tabernacle enfermé dans le Saint des Saints, plus haut que la gloire que soutiennent les chérubins, la malédiction pour les déicides et la vie pour les païens couleront de ses milliers de blessures. Car lui, ô maître qui l’ignores, n’est pas, je le répète, le roi de quelque domination humaine, mais d’un Royaume spirituel, et ses sujets seront uniquement ceux qui sauront renaître spirituellement par amour et, comme Jonas, renaître sur d’autres rivages après une première naissance : “ ceux qui appartiennent à Dieu ” par la régénération spirituelle advenue par le Christ qui donnera la vraie vie à l’humanité. »
41.9 Chammaï et son entourage : « Ce Nazaréen, c’est Satan ! »
Hillel et les siens : « Non. Cet enfant est un prophète de Dieu. Reste avec moi, mon garçon. Ma vieillesse te transmettra ce qu’elle sait à ton savoir et tu seras Maître du Peuple de Dieu. »
Jésus : « En vérité, je te dis que si beaucoup étaient comme toi, le salut arriverait à Israël. Mais mon heure n’est pas venue. Les voix du Ciel me parlent et c’est dans la solitude que je dois les recevoir jusqu’à ce que mon heure arrive. Alors, c’est de ma bouche et par mon sang que je m’adresserai à Jérusalem, et mon sort sera celui des prophètes lapidés et assassinés par elle. Mais, au-dessus de mon être, il y a le Seigneur Dieu, auquel je me soumets moi-même pour qu’il fasse de moi l’escabeau de sa gloire, en attendant qu’il fasse du monde un escabeau pour les pieds du Christ. Attendez-moi à mon heure. Ces pierres entendront de nouveau ma voix et frémiront à ma dernière parole. Bienheureux ceux qui, en cette voix, auront écouté Dieu et croiront en lui par son entremise. A ceux-là le Christ donnera son Royaume que votre égoïsme rêve tout humain alors qu’il est céleste. Pour l’avènement de ce Royaume, moi, je dis : “ Voici ton serviteur, Seigneur, venu pour faire ta volonté. Réalise-la entièrement, car je brûle de l’accomplir. ” »
Et ici se termine la vision de Jésus, le visage enflammé d’ardeur spirituelle, tourné vers le ciel, les bras ouverts, debout au milieu des docteurs stupéfaits.
[...]
41.10 Il me faut vous rapporter ici deux choses qui vous intéresseront certainement, et que j’avais décidé d’écrire dès mon réveil. Mais puisqu’il y en a d’autres plus pressantes, j’écrirai plus tard.
[…]
Voici ce que je voulais dire au début :
Vous me demandiez aujourd’hui comment j’avais pu connaître les noms d’Hillel et de Gamaliel ainsi que celui de Chammaï.
C’est la voix que j’appelle “ ma seconde voix ” qui me révèle ces choses. C’est une voix encore moins sensible que celle de mon Jésus et des autres qui dictent. Ces dernières sont des voix, je vous l’ai déjà dit et je vous le répète, que mon entendement spirituel perçoit comme s’il s’agissait de voix humaines. Je les perçois douces ou indignées, fortes ou légères, riantes ou tristes, exactement comme si on parlait tout près de moi. En revanche, cette “ seconde voix ” est comme une lumière, une intuition qui parle dans mon esprit. Je dis bien “ dans ” mon esprit et non pas à mon esprit. C’est une indication.
Ainsi, comme je m’approchais du groupe des gens qui discutaient, sans savoir quel était cet illustre personnage qui parlait avec tant de chaleur à côté d’un vieillard, cette “ voix ” intérieure me dit : « Gamaliel - Hillel. » Oui, d’abord Gamaliel et ensuite Hillel, je n’ai aucun doute. Pendant que je me demandais qui ils étaient, mon conseiller intérieur me montra le troisième individu antipathique tout juste au moment où Gamaliel l’appelait par son nom. C’est ainsi que j’ai pu savoir qui était l’homme à l’aspect de pharisien.
L’angoisse de la Mère et la réponse du Fils
« Revenons en arrière, très en arrière. Revenons au Temple où, à l’âge de douze ans, je suis en train de discuter. Revenons même sur les chemins qui mènent à Jérusalem et de Jérusalem au Temple.
Tu vois la douleur de Marie lorsque, au moment où les groupes d’hommes et de femmes se réunissent, elle se rend compte que je ne suis pas avec Joseph.
Elle ne s’emporte pas en durs reproches envers son époux. Toutes les femmes l’auraient fait. Elles l’auraient fait pour bien moins que cela, en oubliant que l’homme est toujours le chef de famille.
Mais la douleur qui se manifeste sur le visage de Marie transperce le cœur de Joseph plus qu’aucun reproche. Marie ne s’abandonne pas à des scènes dramatiques. Vous le faites pour bien moins que cela afin qu’on vous remarque et pour vous attirer la pitié. Mais sa douleur contenue est si évidente, à voir le tremblement qui la saisit, la pâleur de son visage, ses yeux dilatés, qu’elle émeut davantage qu’une scène de pleurs et de cris.
Elle ne sent plus la fatigue ni la faim. Pourtant, l’étape avait été longue et depuis si longtemps elle n’avait rien pris ! Mais elle laisse tout : la couchette que l’on préparait, la nourriture qui va être distribuée. Elle revient sur ses pas. C’est le soir et la nuit tombe. Peu importe. Chaque pas la rapproche de Jérusalem. Elle arrête les caravanes, les pèlerins, elle les interroge. Joseph la suit et l’aide. Une journée de marche à rebours, et puis l’angoissante recherche dans toute la ville.
Où, où donc peut être son Jésus ? Dieu permet que, pendant de si longues heures, elle ne sache pas où me chercher. Chercher un enfant au Temple n’avait pas de sens. Que pouvait bien faire un enfant au Temple ? Tout au plus s’il était perdu en ville et y était revenu, porté par ses petits pas, sa voix plaintive aurait appelé sa maman et attiré l’attention des adultes, des prêtres, qui auraient pensé à rechercher ses parents au moyen d’écriteaux apposés sur les portes. Or il n’y avait aucun écriteau. Personne en ville ne savait rien de cet enfant. Beau ? Blond ? Robuste ? Mais il y en a tellement ! C’était insuffisant pour pouvoir affirmer : “ Je l’ai vu, il était ici ou là ! ”
41.12 Puis, après trois jours qui symbolisent les trois jours de sa future angoisse, Marie, à bout de forces, pénètre dans le Temple, traverse les cours et les vestibules. Rien. Elle cherche, elle court, la pauvre Maman, partout où elle entend une voix d’enfant. Les bêlements des agneaux eux-mêmes lui paraissent être la voix de celui qu’elle cherche. Mais Jésus ne pleure pas : il enseigne. Voilà que Marie entend, par delà une barrière de personnes, la chère voix qui dit : “ Ces pierres frémiront… ” Elle tente de se frayer un chemin à travers la foule et elle y réussit après beaucoup d’efforts. Le voilà, son Fils, les bras ouverts, bien droit au milieu des docteurs.
Marie est la Vierge prudente mais, cette fois, le chagrin la fait sortir de sa réserve. C’est un ouragan qui abat tout obstacle. Elle court vers son Fils, l’embrasse en le soulevant de son siège et le pose à terre en s’écriant :
“ Oh ! Pourquoi nous as-tu fait cela ? Cela fait trois jours que nous marchons à ta recherche. Ta Mère se meurt de chagrin, mon Enfant. Ton père tombe de fatigue. Pourquoi, Jésus ? ”
On ne demande pas “ pourquoi ” à Celui qui sait. Le “ pourquoi ” de sa façon d’agir. A ceux qui sont appelés, on ne demande pas “ pourquoi ” ils laissent tout pour suivre la voix de Dieu. J’étais la Sagesse et je savais. J’étais “ appelé ” à une mission et je l’accomplissais. Au-dessus du père et de la mère de la terre, il y a Dieu, le Père divin. Ses intérêts dépassent les nôtres, ses affections passent avant toutes les autres. C’est ce que je réponds à ma Mère.
Je termine l’enseignement aux docteurs par l’enseignement à Marie, Reine des docteurs. Et elle ne l’a jamais oublié. Le soleil est revenu dans son cœur, tandis qu’elle me tient par la main, humble et obéissant, mais mes paroles lui sont restées au plus profond du cœur. Beaucoup de jours ensoleillés ou nuageux passeront au cours de ces vingt et une années où je serai encore sur terre. Beaucoup de joies et beaucoup de peines et de pleurs alterneront dans son cœur pendant les vingt et une autres années qui suivront, mais elle ne demandera plus : “ Pourquoi, mon Fils, nous as-tu fait cela ? ”
Apprenez cette leçon, ô hommes arrogants.
41.13 J’ai voulu instruire et éclairer moi-même cette vision, parce que tu n’es pas en état de faire plus. »