Une initative de
Marie de Nazareth

L'impôt au Temple

mardi 20 février 29
Capharnaüm vers Dalmanutha
James Tissot

Dans les évangiles : Mt 17,22-27

Matthieu 17,22-27

Comme ils étaient réunis en Galilée, Jésus leur dit : « Le Fils de l’homme va être livré aux mains des hommes ; ils le tueront et, le troisième jour, il ressuscitera. » Et ils furent profondément attristés.

Comme ils arrivaient à Capharnaüm, ceux qui perçoivent la redevance des deux drachmes pour le Temple vinrent trouver Pierre et lui dirent : « Votre maître paye bien les deux drachmes, n’est-ce pas ? » Il répondit : « Oui. » Quand Pierre entra dans la maison, Jésus prit la parole le premier : « Simon, quel est ton avis ? Les rois de la terre, de qui perçoivent-ils les taxes ou l’impôt ? De leurs fils, ou des autres personnes ? » Pierre lui répondit : « Des autres. » Et Jésus reprit : « Donc, les fils sont libres. Mais, pour ne pas scandaliser les gens, va donc jusqu’à la mer, jette l’hameçon, et saisis le premier poisson qui mordra ; ouvre-lui la bouche, et tu y trouveras une pièce de quatre drachmes. Prends-la, tu la donneras pour moi et pour toi. »

Vision de Maria Valtorta

       351.1 Les deux barques prises pour retourner à Capharnaüm glissent sur un lac invraisemblablement paisible. C’est une vraie plaque de cristal bleu clair qui recompose immédiatement sa lisse unité après le passage des embarcations. Ce ne sont pas celles de Pierre et de Jacques, mais probablement deux autres louées à Tibériade. Et j’entends Judas se lamenter quelque peu, parce que cette dépense l’a laissé sans un sou.

       « On a pensé aux pauvres. Mais à nous ? Comment allons-nous faire maintenant ? J’espérais que Kouza… mais rien. Nous sommes dans la situation d’un mendiant, un de ces nombreux mendiants qui se mettent sur les routes pour faire la quête auprès des pèlerins » bougonne-t-il à voix basse à Thomas.

       Mais ce dernier, débonnaire, répond :

       « Qu’y a-t-il de mal, s’il en est ainsi ? Moi, je ne me fais aucun souci.

       – Peut-être bien, mais à l’heure du repas, tu as plus d’appétit que tout le monde !

       – Bien sûr ! J’ai faim. En cela aussi, je suis vigoureux. Eh bien ! Aujourd’hui, au lieu de demander aux hommes le pain et la pitance, je les demanderai directement à Dieu.

       – Aujourd’hui ! Aujourd’hui ! Mais demain, nous serons dans la même situation; et après-demain aussi. De plus, nous nous dirigeons vers la Décapole où nous sommes inconnus, et les habitants y sont à demi païens. D’ailleurs, il ne s’agit pas seulement du pain, mais les sandales s’en vont en morceaux, les pauvres nous importunent, et on pourrait se trouver mal et…

       – Et si tu continues, d’ici peu tu m’auras fait mourir et tu devras encore penser à mon enterrement. Ah, que de soucis ! Moi… je n’en ai vraiment aucun. Je suis joyeux, paisible comme un enfant qui vient de naître. »

       Jésus, qui paraissait absorbé dans ses pensées, assis à la proue, presque sur le bord, se retourne et dit à haute voix à Judas – qui est à la poupe –, mais comme s’il parlait à tout le monde :

       « C’est très bien que nous n’ayons pas le moindre sou. La paternité de Dieu n’en brillera que davantage, même dans les exigences les plus humbles.

       – Depuis quelques jours, pour toi, tout est bien. C’est bien qu’il n’y ait pas de miracle, c’est bien que l’on ne nous offre rien, c’est bien d’avoir donné tout ce que nous possédions, tout va bien, en somme… Mais moi, je me trouve très mal à l’aise… Tu es un cher Maître, un saint Maître, mais pour ce qui est de la vie matérielle… tu ne vaux rien » dit Judas sans aigreur, comme s’il faisait des observations à un bon frère qui se glorifie même de sa bonté imprévoyante.

       Jésus lui répond en souriant :

       « C’est ma plus grande qualité d’être un homme qui ne vaut rien pour ce qui est de la vie matérielle… Et je répète qu’il est bon de ne pas avoir le moindre sou. »

       Il a un sourire lumineux.

       351.2 La barque racle le fond et s’arrête. Ils en descendent pendant que l’autre barque accoste. Jésus, avec Judas, Thomas, Jude et Jacques, Philippe et Barthélemy, se dirige vers la maison…

       Pierre débarque de l’autre avec Matthieu, les fils de Zébédée, Simon le Zélote et André. Mais alors que tous se mettent en marche, Pierre reste sur la rive à parler avec les passeurs qui les ont conduits et qu’il connaît peut-être, puis il les aide à repartir. Ensuite il remet son vêtement long et remonte la plage pour aller à la maison.

       351.3 Pendant qu’il traverse la place du marché, deux hommes viennent à sa rencontre et l’arrêtent :

       « Ecoute, Simon, fils de Jonas.

       – J’écoute. Que voulez-vous ?

       – Est-ce que ton Maître, du simple fait qu’il l’est, paie les deux drachmes dues au Temple ou non ?

       – Bien sûr qu’il les paie ! Pourquoi ne le ferait-il pas ?

       – Mais… parce qu’il se prétend le Fils de Dieu et…

       – Et il l’est » réplique résolument Pierre, déjà rouge d’indignation. Et il achève : « Pourtant, comme il est un fils de la Loi, et le meilleur fils de la Loi, il paie ses drachmes comme tout israélite…

       – Il nous semble que non. On nous a dit qu’il ne le fait pas et nous lui conseillons de le faire.

       – Hum ! » grommelle Pierre dont la patience est presque à bout. « Hum !… Mon Maître n’a pas besoin de vos conseils. Allez en paix, et dites à ceux qui vous envoient que les drachmes seront payées à la première occasion.

       – Payées à la première occasion !… Pourquoi pas tout de suite ? Qui nous assure qu’il le fera, s’il est toujours çà et là, sans but ?

       – Pas tout de suite parce que, pour le moment, il n’a pas le moindre sou. Vous pourriez le presser qu’il n’en sortirait pas la moindre pièce de monnaie. Nous sommes tous sans argent, parce que nous, qui ne sommes pas des pharisiens ni des scribes, ni des sadducéens, qui ne sommes pas riches, qui ne sommes pas des espions, qui ne sommes pas des vipères, nous avons coutume de donner aux pauvres ce que nous avons, au nom de sa doctrine. Avez-vous compris ? Et pour l’instant, nous avons tout donné et, si le Très-Haut ne s’en occupe pas, nous pouvons mourir de faim ou nous mettre à mendier au coin de la rue. Rapportez aussi cela à ceux qui disent de lui qu’il est un noceur. Adieu ! »

       A ces mots, il les laisse en plan et s’en va en bougonnant, rouge de colère.

       351.4 Il entre dans la maison et monte dans la pièce du haut où se trouve Jésus qui écoute un homme le prier de se rendre dans une maison sur la montagne derrière Magdala, où quelqu’un se meurt.

       Jésus congédie l’homme en promettant d’y aller sans tarder et, après son départ, il s’adresse à Pierre qui est assis dans un coin, l’air pensif :

       « Qu’en dis-tu, Simon ? Selon les règles, de qui les rois de la terre reçoivent-ils les tributs et l’impôt ? De leurs propres enfants ou des étrangers ? »

       Pierre sursaute :

       « Comment sais-tu, Seigneur, ce que je dois te dire ? »

       Jésus sourit en ayant l’air de penser : “ Laisse tomber ”, puis il reprend :

       « Réponds à ma question.

       – Des étrangers, Seigneur.

       – Donc les enfants en sont exempts, comme de fait cela est juste. Car un enfant est du sang et de la maison de son père et il ne doit payer à son père que le tribut de l’amour et de l’obéissance. Donc moi, en tant que Fils du Père, je ne devrais pas payer le tribut au Temple, qui est la maison du Père. Tu leur as bien répondu. Mais il y a une différence entre toi et eux : toi, tu crois que je suis le Fils de Dieu, et eux, comme ceux qui les ont envoyés, ne le croient pas. Aussi, pour ne pas les scandaliser, je vais payer le tribut, et tout de suite, pendant qu’ils sont encore sur la place pour le recevoir.

       – Avec quoi, puisque nous n’avons pas le moindre sou ? » demande Judas qui s’est approché avec les autres. « Tu vois bien qu’il est nécessaire d’avoir quelque chose !

       – Nous allons nous le faire prêter par le maître de maison » suggère Philippe.

       De la main, Jésus fait signe de se taire :

       « Simon, fils de Jonas, va sur la rive et jette, le plus loin que tu pourras, un filin muni d’un solide hameçon. Et dès que le poisson va mordre, tire à toi le filin. Ce sera une grosse prise. Sur la rive, ouvre-lui la bouche, tu y trouveras un statère. Prends-le. Rejoins ces deux hommes et paie pour toi et pour moi. Puis apporte le poisson. Nous le ferons rôtir et Thomas nous fera la charité d’un peu de pain. Nous mangerons et nous partirons aussitôt chez l’homme qui se meurt. Jacques et André, préparez les barques. Nous nous en servirons pour aller à Magdala et, ce soir, nous reviendrons à pied pour ne pas empêcher Zébédée et le beau-frère de Simon de pêcher. »

       351.5 Pierre sort et on le voit peu après sur la rive monter sur un petit bateau qui est à l’eau. Il jette un filin fin et solide, garni d’un petit caillou ou plomb vers le bout et qui se termine par le fil fin de la ligne proprement dite. Les eaux du lac s’ouvrent avec des éclats argentés quand le poids y plonge, puis tout redevient tranquille pendant que l’eau se calme en cercles concentriques qui s’éloignent…

       Mais après un moment, le filin qui était lâche dans les mains de Pierre se tend et vibre… Pierre tire tant et plus, tandis que la corde subit des secousses de plus en plus énergiques. A la fin, il donne une saccade et le filin vole avec sa proie qui voltige en l’air en faisant un arc au-dessus de la tête du pêcheur, puis s’abat sur le sable jaunâtre où il se contorsionne sous la souffrance du hameçon qui lui fend le palais et de l’asphyxie qui commence.

       C’est un magnifique poisson, gros comme un turbot et qui pèse au moins trois kilos. Pierre enlève l’hameçon de ses lèvres charnues, lui enfonce son gros doigt dans la gueule, et il en sort une grosse pièce d’argent. Il la lève entre le pouce et l’index pour la montrer au Maître qui se trouve sur le parapet de la terrasse, puis il ramasse le filin, l’enroule, prend le poisson et court vers la place.

       Les apôtres sont stupéfaits… Jésus sourit :

       « Nous aurons ainsi supprimé un scandale… »

       351.6 Pierre rentre :

       « Ils allaient venir ici, avec Eli, le pharisien. J’ai essayé d’être gentil comme une jeune fille et je les ai appelés en disant : “ Hé ! Envoyés du fisc ! Prenez ! Cela vaut quatre drachmes, n’est-ce pas ? Deux pour le Maître et deux pour moi. Et nous sommes quittes, n’est-ce pas ? Au revoir et spécialement à toi, cher ami, dans la vallée de Josaphat. ” Ils se sont fâchés parce que j’ai dit “ fisc ”. “ Nous appartenons au Temple et non au Fisc. ” “ Vous percevez les taxes comme les gabelous. Pour moi tout percepteur appartient au fisc ” ai-je répondu. Mais Eli m’a dit : “ Insolent ! Tu souhaites ma mort ? ” – “ Non, mon ami ! Pas du tout. Je te souhaite un heureux voyage vers la vallée de Josaphat : tu ne vas pas pour la Pâque à Jérusalem ? Nous pourrons donc nous y rencontrer, mon ami. ” – “Je ne le souhaite pas, et je ne veux pas que tu te permettes de m’appeler ton ami. ” – “ En effet, c’est trop d’honneur ” lui ai-je répondu. Et je suis parti. Le plus beau, c’est qu’il y avait la moitié de Capharnaüm pour voir que j’ai payé pour toi et pour moi. Et ce vieux serpent ne pourra plus rien dire. »

       Les apôtres ne peuvent s’empêcher de rire au récit de Pierre et devant sa mimique. Jésus, qui tentait de rester impassible, esquisse pourtant un léger sourire en déclarant :

       « Tu es pire que la moutarde. » Et il conclut : « Cuisez le poisson et dépêchons-nous. Au crépuscule, je veux être revenu ici. »

Observation

Le tribut dû au Temple

A l’occasion du 15 Adar de sa troisième année de vie publique, Jésus vient d’évoquer avec ses apôtres l’anniversaire de l’Annonciation. Au lendemain de la Transfiguration sur le mont Thabor, et alors qu’ils arrivent à Capharnaüm, deux hommes interpellent Pierre : « Écoute, Simon de Jonas ». « J'écoute. Que voulez-vous ? » « Ton Maître, seulement parce qu'il est tel, paie-t-il ou ne paie-t-il pas les deux drachmes dues au Temple ? » « Bien sûr qu'il les paie ! Pourquoi ne les paierait-il pas ? » (EMV 351.3). C’est l’épisode évangélique rapporté brièvement par saint Matthieu (Mt 17, 24-27), et que Maria Valtorta nous rapporte de façon plus circonstanciée et explicite.

Saint Pierre payant l'impôt, par Augustin Tünger, 1486

L'impôt religieux payé annuellement pour le culte et pour le service du Temple était de deux drachmes (Mt 17,24). Il était dû par tout Israélite qui avait atteint l’âge légal (12 ans). Cette didrachme était perçue en Palestine chaque année à partir du 15 du mois d'Adar (1). Il est tout à fait remarquable que ce soit justement à cette période précise que Maria Valtorta situe ce récit dans son œuvre. Ce fait n’étant connu que de rares spécialistes, il convient de le porter au crédit de l’authenticité des visions, car il est très improbable qu’elle ait pu avoir été portée à la connaissance de Maria Valtorta lorsqu’elle a relaté cet évènement.

(1) Cf. Docteur Sepp, Jésus-Christ. Etudes sur sa vie et sa doctrine 1866 et E. Stapfer, Palestine au temps de Jésus 1892.

Observation

Le statère dans la bouche du poisson

Matthieu le publicain, peut-être en raison de son ancienne fonction de collecteur d’impôt, est le seul évangéliste à relater l’anecdote miraculeuse qui permit à Jésus de payer le tribut dû au Temple. Jésus demande à Pierre « Va à la mer, jette l’hameçon, saisis le premier poisson qui mordra, et ouvre-lui la bouche :  tu y trouveras un statère » (Mt 17,27).

Maria Valtorta consacre plus de trois pages à ce récit, à comparer aux quatre versets de Matthieu. (EMV 351.2-5). Sa narration restitue d’une façon vivante et crédible les dialogues et les circonstances de cet épisode, nous éclaire sur le tempérament du chef des apôtres, et comporte quelques détails qui méritent d’être soulignés. Maria Valtorta décrit la belle prise de saint Pierre : « C'est un magnifique poisson, gros comme un turbot et qui pèse au moins trois kilos. Pierre enlève l'hameçon de ses lèvres charnues, lui enfonce son gros doigt dans la gueule, et il en sort une grosse pièce d'argent ».

 Statère d’argent (1er siècle av. J.-C).

Le statère est plus connu aujourd’hui en tant que monnaie en or, équivalent de l'aureus romain. Mais la grosse pièce d’argent que Maria Valtorta évoque, le statère d’argent, valait effectivement quatre drachmes, soit l’équivalent d’un sicle du Temple, représentant l’impôt pour deux personnes.

Quant au poisson pêché par saint Pierre, il semble admis qu’il appartenait probablement à l’espèce des tilapias (poissons d’eau douce). Sa ressemblance de forme avec le turbot, ou avec le saint Pierre (espèces marines) permet de valider la description de Maria Valtorta.

Saint Pierre Tilapia Turbot
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