Une initative de
Marie de Nazareth

Joachim et Anne font un voeu au Seigneur

septembre de l'an -22
Nazareth

Vision de Maria Valtorta

       2.1 Je vois l’intérieur d’une maison. Une femme d’un certain âge est assise devant un métier à tisser. A voir ses cheveux qui étaient sûrement noirs autrefois mais sont devenus grisonnants, et son visage sans rides mais déjà marqué par cette gravité qui vient avec les années, je dirais qu’elle peut avoir de cinquante à cinquante-cinq ans tout au plus.

       Pour donner des indications sur l’âge des femmes, je me base sur le visage de ma mère, dont l’image m’est plus que jamais présente à cette époque qui me rappelle ses derniers jours à côté de mon lit… Cela fera demain un an que je ne la vois plus… Le visage de ma mère était très frais, sous des cheveux précocement blanchis. A cinquante ans, elle était blanche et noire comme à la fin de sa vie. Mais, hormis la gravité du regard, rien ne dénonçait son âge. Il se peut donc que je me trompe quand j’attribue aux femmes d’un certain âge tel ou tel nombre d’années.

       Je vois celle-là qui tisse, dans une pièce bien éclairée par une lumière qui pénètre par la porte, ouverte sur un vaste jardin potager, une petite propriété, dirais-je même, car il se prolonge en ondulations qui aboutissent à une pente verte. Cette femme est belle, avec des traits typiquement juifs. Je ne sais pourquoi, ses yeux noirs, profonds, me rappellent ceux de Jean-Baptiste. Mais ce regard a beau être aussi noble que celui d’une reine, il est également plein de douceur. C’est comme si un voile d’azur s’étendait sur l’éclat d’un regard d’aigle. Il est doux et un peu triste, comme si elle pensait à des choses perdues et regrettées. Son teint est mat, mais sans plus. La bouche, un peu large mais bien dessinée, a une expression austère mais sans dureté. Son nez est long et fin, légèrement courbé en bas, c’est un nez aquilin qui s’harmonise avec ses yeux. Elle est robuste sans être grosse, bien proportionnée et, me semble-t-il, grande, d’après ce que je peux en juger à sa façon d’être assise.

       Il me semble qu’elle tisse un rideau ou un tapis. Les navettes multicolores vont et viennent rapidement sur une trame marron foncé, et la partie déjà finie montre un vague enlacement de grecques et de rosaces dans lesquelles le vert, le jaune, le rouge et le bleu s’entrecroisent et se fondent comme sur une mosaïque. La femme porte un vêtement très simple et foncé, d’un violet rouge qui paraît emprunté à certaines pensées.

       2.2 Entendant frapper à la porte, elle se lève. Effectivement, elle est grande. Elle ouvre. Une femme lui demande :

       « Anne, veux-tu me donner ton amphore ? Je te la remplirai. »

       La femme est accompagnée d’un petit gamin de cinq ans. Il s’attache aussitôt au vêtement de celle qu’on vient de nommer Anne ; celle-ci le caresse, tout en allant dans une autre pièce d’où elle rapporte une belle amphore en cuivre, qu’elle tend à la femme en disant :

       « Tu es toujours bonne avec la vieille Anne, toi. Que Dieu t’en récompense dans ce petit et dans les enfants que tu as et auras encore, car tu es bienheureuse ! »

       Anne pousse un soupir.

       La femme la regarde, sans savoir que dire après ce soupir ; pour adoucir la peine qu’elle devine, elle dit :

       « Je te laisse Alphée, si cela ne t’ennuie pas ; cela me permettra de faire plus vite et de remplir un bon nombre de brocs et de jarres. »

       Alphée est tout content de rester, on en comprend aisément la raison. Sa mère partie, Anne le prend dans ses bras et l’emmène dans le jardin, l’élève à la hauteur d’une tonnelle de raisins dorés comme la topaze, et lui dit :

       « Mange, mange, c’est bon ! »

       Elle couvre de baisers le petit visage tout barbouillé du jus des raisins que le petit garçon avale avidement. Puis elle rit de bon cœur et paraît soudain plus jeune grâce à la belle denture qu’elle révèle et sous l’effet de la joie qui éclate sur son visage, effaçant les ans, quand l’enfant lui demande, en écarquillant ses grands yeux d’un bleu-gris sombre :

       « Et maintenant, que vas-tu me donner ? »

       Elle rit, plaisante et, s’inclinant jusqu’à hauteur des genoux, elle dit :

       « Que me donneras-tu si je te donne… si je te donne… devine quoi ! »

       L’enfant, battant des mains, tout rieur, lui répond :

       « Des baisers, ce sont des baisers que je te donne, belle Anne, bonne Anne, maman Anne !… »

       Lorsque Anne s’entend appeler “ Maman Anne ”, elle pousse un vrai cri de tendresse et de joie et serre l’enfant sur son cœur en s’exclamant :

       « Quelle joie ! Mon chéri ! Mon chéri ! Mon chéri ! »

       A chaque “ mon chéri ”, un baiser descend sur les joues roses. Ils se dirigent ensuite vers une étagère et sortent des galettes de miel d’un plat.

       « Je les ai faites pour toi, beauté de la pauvre Anne, pour toi qui m’aimes bien. Mais, dis-moi, tu m’aimes comment ? »

       Alors l’enfant, pensant à ce qui l’a le plus impressionné, répond :

       « Comme le Temple du Seigneur. »

       Anne embrasse encore ses yeux pétillants de vie, ses lèvres roses, et l’enfant se frotte contre elle comme un petit chat.

       Sa mère va et vient avec le broc plein, et rit sans rien dire. Elle les laisse à leurs épanchements.

       2.3 Un homme âgé arrive du jardin. Un peu plus petit qu’Anne, il a la tête couverte d’une épaisse chevelure toute blanche. Son visage clair est encadré par une barbe taillée au carré. Ses yeux bleu turquoise brillent entre des cils châtain clair, presque blonds. Son vêtement est marron foncé.

       Anne ne le voit pas, parce qu’elle tourne le dos à l’entrée. Il arrive derrière elle en disant :

       « Et il n’y a rien pour moi ? »

       Anne se retourne et s’exclame :

       « Joachim ! Tu as terminé ton travail ? »

       En même temps, le petit Alphée se précipite contre ses genoux en s’écriant :

       « Pour toi aussi, pour toi aussi ! »

       Et quand le vieillard s’incline pour l’embrasser, l’enfant lui passe les bras autour du cou, lui caresse la barbe de ses petites mains et le couvre de baisers.

       Joachim a lui aussi son cadeau : il lève la main gauche, qu’il tenait derrière son dos, et lui offre une pomme si belle qu’on la croirait en céramique.

       « Attends que je te la coupe en quartiers, dit-il à l’enfant qui tend une main avide. Tu ne peux pas la manger comme ça : elle est plus grosse que toi ! »

       Avec un grand couteau qu’il porte à la ceinture, un couteau de jardinier, il la coupe en tranches et en bouchées. Il semble donner la becquée à un oiseau au nid tant il met de soin à présenter les morceaux à la petite bouche ouverte, qui ne cesse d’avaler.

       « Regarde donc ces yeux, Joachim ! Ne dirait-on pas deux petits fragments de la mer de Galilée quand le vent du soir étend un voile de nuages sur le ciel ? »

       Anne parle en gardant une main appuyée sur l’épaule de son mari et en s’appuyant légèrement contre lui, en un geste qui révèle son profond amour d’épouse, un amour intact après tant d’années de mariage.

       Joachim la regarde avec amour et approuve :

       «  Très beaux ! Et ses petites boucles ? N’ont-ils pas la couleur des blés mûrs ? Regarde, à l’intérieur, ce mélange d’or et de cuivre…

       2.4 – Ah, si nous avions eu un enfant, je l’aurais voulu comme cela, avec ces yeux et ces cheveux… »

       Anne s’est penchée, agenouillée même, et avec un gros soupir elle embrasse les deux grands yeux gris-bleu.

       Joachim soupire lui aussi. Mais il veut la consoler. Il pose la main sur ses cheveux crépus et blancs et lui dit :

       « Il nous faut encore espérer. Dieu peut tout. Tant qu’on est vivant, le miracle peut se produire, surtout quand on l’aime et qu’on s’aime. »

       Joachim appuie fortement sur ces derniers mots.

       Mais Anne se tait, humiliée, et baisse la tête pour dissimuler deux larmes qui coulent et que le petit Alphée est seul à voir. Douloureusement surpris que sa grande amie pleure comme il lui arrive, à lui, de le faire, il lève la main et essuie ces larmes.

       « Ne pleure pas, Anne ! Nous sommes heureux malgré tout. Moi, du moins, parce que je t’ai, toi.

       – Moi aussi, je suis heureuse grâce à toi. Mais je ne t’ai pas donné d’enfant… Je pense avoir déplu au Seigneur, puisqu’il a rendu mon sein stérile…

       – Oh, ma femme ! En quoi veux-tu lui avoir déplu, toi qui es sainte ? Ecoute : allons une fois encore au Temple. Pour cela. Pas seulement pour la fête des Tentes. Faisons une longue prière… peut-être t’arrivera-t-il la même chose qu’à Sara… comme à Anne d’Elqana. Elles ont attendu longtemps et se croyaient réprouvées en raison de leur stérilité. Au contraire, un saint fils se préparait pour elles dans le Ciel de Dieu. Souris, ma femme. Ton chagrin m’est plus douloureux que de ne pas avoir de postérité… Nous emmènerons Alphée. Nous le ferons prier, lui qui est innocent… Dieu accueillera sa prière et la nôtre en même temps, et il nous exaucera.

       – Oui, faisons un vœu au Seigneur. Cet enfant sera à lui. Pourvu qu’il nous l’accorde… Ah, m’entendre appeler “ Maman ” ! »

       Alphée, en spectateur étonné et innocent, dit alors :

       « Moi, je t’appelle comme ça !

       – Oui, ma joie, mon chéri… mais tu as une maman et moi… je n’ai pas d’enfant… »

La vision s’arrête là.

       2.5 Je comprends qu’avec cette vision le cycle de la naissance de Marie commence. J’en suis heureuse, parce que j’en avais un grand désir. Je suppose que vous vous en réjouirez, vous aussi.

       Avant que je ne commence à écrire, j’ai entendu la Mère me dire :

       « Ma fille, écris donc sur moi. Ce sera une consolation pour ta peine. »

       Tout en le disant, elle posait sa main sur ma tête en une douce caresse. Puis la vision a commencé. Mais au début, c’est-à-dire jusqu’à ce que j’entende le nom de la femme quinquagénaire, je n’avais pas compris que j’étais devant la mère de la Mère et qu’il s’agissait de la grâce de sa naissance.

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