Une initative de
Marie de Nazareth

Martyre d'Etienne

lundi 24 décembre 32
Jérusalem
Pier Francesco Bissolo

Dans les évangiles : Ac 6,1 ; 8,2

Actes des Apôtres 6,1 à 8,2

En ces jours-là, comme le nombre des disciples augmentait, les frères de langue grecque récriminèrent contre ceux de langue hébraïque, parce que les veuves de leur groupe étaient désavantagées dans le service quotidien. Les Douze convoquèrent alors l’ensemble des disciples et leur dirent : « Il n’est pas bon que nous délaissions la parole de Dieu pour servir aux tables. Cherchez plutôt, frères, sept d’entre vous, des hommes qui soient estimés de tous, remplis d’Esprit Saint et de sagesse, et nous les établirons dans cette charge. En ce qui nous concerne, nous resterons assidus à la prière et au service de la Parole. » Ces propos plurent à tout le monde, et l’on choisit : Étienne, homme rempli de foi et d’Esprit Saint, Philippe, Procore, Nicanor, Timon, Parménas et Nicolas, un converti au judaïsme, originaire d’Antioche. On les présenta aux Apôtres, et après avoir prié, ils leur imposèrent les mains.

La parole de Dieu était féconde, le nombre des disciples se multipliait fortement à Jérusalem, et une grande foule de prêtres juifs parvenaient à l’obéissance de la foi.

Étienne, rempli de la grâce et de la puissance de Dieu, accomplissait parmi le peuple des prodiges et des signes éclatants. Intervinrent alors certaines gens de la synagogue dite des Affranchis, ainsi que des Cyrénéens et des Alexandrins, et aussi des gens originaires de Cilicie et de la province d’Asie. Ils se mirent à discuter avec Étienne, mais sans pouvoir résister à la sagesse et à l’Esprit qui le faisaient parler. Alors ils soudoyèrent des hommes pour qu’ils disent : « Nous l’avons entendu prononcer des paroles blasphématoires contre Moïse et contre Dieu. » Ils ameutèrent le peuple, les anciens et les scribes, et, s’étant saisis d’Étienne à l’improviste, ils l’amenèrent devant le Conseil suprême. Ils produisirent de faux témoins, qui disaient : « Cet individu ne cesse de proférer des paroles contre le Lieu saint et contre la Loi. Nous l’avons entendu affirmer que ce Jésus, le Nazaréen, détruirait le Lieu saint et changerait les coutumes que Moïse nous a transmises. » Tous ceux qui siégeaient au Conseil suprême avaient les yeux fixés sur Étienne, et ils virent que son visage était comme celui d’un ange.

Le grand prêtre demanda : « Cela est-il exact ? " Étienne dit alors :

« Frères et pères, écoutez ! Le Dieu de gloire est apparu à notre père Abraham, quand il était en Mésopotamie avant de venir habiter Harrane, et il lui a dit : Sors de ton pays et de ta parenté, et va dans le pays que je te montrerai. Alors, étant sorti du pays des Chaldéens, il vint habiter Harrane ; après la mort de son père, Dieu le fit émigrer de là-bas vers le pays où vous-mêmes habitez maintenant. Et là, il ne lui donna rien en héritage, pas même de quoi poser le pied. Mais il promit de lui donner ce pays en possession ainsi qu’à sa descendance après lui, alors qu’il n’avait pas encore d’enfant. Dieu lui déclara que ses descendants seraient des immigrés en terre étrangère, que l’on en ferait des esclaves et qu’on les maltraiterait pendant quatre cents ans. “Mais, dit Dieu, la nation dont ils seront esclaves, moi, je la jugerai, et après cela ils sortiront et ils me rendront un culte en ce lieu.” Et Dieu lui donna l’alliance de la circoncision. Ainsi, Abraham engendra Isaac et le circoncit le huitième jour. Isaac fit de même pour Jacob, et Jacob pour les douze patriarches.

Les patriarches, jaloux de Joseph, le vendirent pour être conduit en Égypte. Mais Dieu était avec lui, et il le tira de toutes ses épreuves. Il lui donna grâce et sagesse devant Pharaon, roi d’Égypte, et celui-ci le mit à la tête de l’Égypte et de toute la maison royale. Puis une famine arriva sur toute l’Égypte et Canaan, ainsi qu’une grande détresse, et nos pères ne trouvaient plus de nourriture. Quand Jacob apprit qu’il y avait du blé en Égypte, il y envoya nos pères une première fois. À la deuxième fois, Joseph se fit reconnaître par ses frères, et ainsi, son origine fut dévoilée à Pharaon. Joseph envoya chercher son père Jacob et toute sa parenté, à savoir soixante-quinze personnes. Jacob, alors, descendit en Égypte ; il y mourut, ainsi que nos pères. Ils furent transportés à Sichem et déposés dans le tombeau qu’Abraham avait acheté à prix d’argent aux fils de Hemmor, à Sichem.

Comme approchait le temps où devait s’accomplir la promesse par laquelle Dieu s’était engagé envers Abraham, le peuple devint fécond et se multiplia en Égypte, jusqu’à ce qu’un autre roi qui n’avait pas connu Joseph arrive au pouvoir en Égypte. Ayant pris des dispositions perverses contre notre peuple, il maltraita nos pères, au point de leur faire abandonner leurs nouveaux-nés pour qu’ils ne puissent pas vivre.

C’est à ce moment que Moïse vint au monde ; il était beau sous le regard de Dieu. Il fut élevé pendant trois mois dans la maison de son père, puis abandonné. La fille de Pharaon le recueillit et l’éleva comme son propre fils. Moïse fut éduqué dans toute la sagesse des Égyptiens ; il était puissant par ses paroles et par ses actes. Comme il avait atteint l’âge de quarante ans, la pensée lui vint d’aller visiter ses frères, les fils d’Israël. Voyant que l’un d’entre eux était maltraité, il prit sa défense et frappa l’Égyptien pour venger celui qui était agressé. Il pensait que ses frères comprendraient que Dieu leur donnait, par lui, le salut ; mais eux ne comprirent pas. Le lendemain, il se fit voir à eux pendant qu’ils se battaient, et il essayait de rétablir la paix entre eux en leur disant : « Vous êtes frères : pourquoi vous faire du mal les uns aux autres ? » Mais celui qui maltraitait son compagnon repoussa Moïse en disant : Qui t’a établi chef et juge sur nous ? Veux-tu me tuer comme tu as tué hier l’Égyptien ? À ces mots, Moïse s’enfuit, et il séjourna en immigré dans le pays de Madiane, où il engendra deux fils.

Quarante années s’écoulèrent ; un ange lui apparut au désert du mont Sinaï dans la flamme d’un buisson en feu. Ayant vu, Moïse s’étonna de la vision, et lorsqu’il s’approcha pour regarder, la voix du Seigneur se fit entendre : Je suis le Dieu de tes pères, le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob. Moïse se mit à trembler, et il n’osait plus regarder. Le Seigneur lui dit : Retire les sandales de tes pieds, car le lieu où tu te tiens est une terre sainte. J’ai vu, oui, j’ai vu la misère de mon peuple qui est en Égypte ; j’ai entendu leurs gémissements et je suis descendu pour les délivrer. Et maintenant, va ! Je t’envoie en Égypte.

Ce Moïse que l’on avait rejeté en disant : Qui t’a établi chef et juge ?, Dieu l’a envoyé comme chef et libérateur, avec l’aide de l’ange qui lui était apparu dans le buisson. C’est lui qui les a fait sortir en faisant des prodiges et des signes au pays d’Égypte, à la mer Rouge, et au désert pendant quarante ans. C’est ce Moïse qui a dit aux fils d’Israël : Dieu suscitera pour vous, du milieu de vos frères, un prophète comme moi. C’est lui qui était présent lors de l’assemblée au désert, avec l’ange qui lui parlait sur le mont Sinaï et avec nos pères : il reçut des paroles vivantes pour nous les donner, mais nos pères n’ont pas voulu lui obéir bien plus, ils le repoussèrent. De cœur ils retournaient en Égypte, quand ils dirent à Aaron : Fabrique-nous des dieux qui marcheront devant nous. Car ce Moïse qui nous a fait sortir du pays d’Égypte, nous ne savons pas ce qui lui est arrivé. Et en ces jours-là, ils fabriquèrent un veau et offrirent un sacrifice à cette idole : ils se réjouissaient de l’œuvre de leurs mains ! Alors Dieu se détourna et les laissa rendre un culte à l’armée du ciel, comme il est écrit dans le livre des prophètes : Des victimes et des sacrifices, m’en avez-vous présentés pendant quarante ans au désert, maison d’Israël ? Mais vous avez porté la tente de Molok et l’étoile de votre dieu Réphane, ces images que vous avez fabriquées pour vous prosterner devant elles. Je vous déporterai au-delà de Babylone !

Nos pères, dans le désert, avaient la tente Elle avait été faite d’après les ordres de Celui qui parlait à Moïse et qui lui en avait montré le modèle. Après avoir reçu cette tente, nos pères, avec Josué, la firent entrer dans le pays que les nations possédaient avant que Dieu les chasse loin du visage de nos pères. Cela dura jusqu’au temps de David. Celui-ci trouva grâce devant Dieu et il pria afin de trouver une demeure au Dieu de Jacob. Mais ce fut Salomon qui lui construisit une maison.

Pourtant, le Très-Haut n’habite pas dans ce qui est fait de main d’homme, comme le dit le prophète : Le ciel est mon trône, et la terre, l’escabeau de mes pieds. Quelle maison me bâtirez-vous, dit le Seigneur, quel sera le lieu de mon repos ? N’est-ce pas ma main qui a fait tout cela ?

Vous qui avez la nuque raide, vous dont le cœur et les oreilles sont fermés à l’Alliance, depuis toujours vous résistez à l’Esprit Saint ; vous êtes bien comme vos pères ! Y a-t-il un prophète que vos pères n’aient pas persécuté ? Ils ont même tué ceux qui annonçaient d’avance la venue du Juste, celui-là que maintenant vous venez de livrer et d’assassiner. Vous qui aviez reçu la loi sur ordre des anges, vous ne l’avez pas observée. »

Ceux qui écoutaient ce discours avaient le cœur exaspéré et grinçaient des dents contre Étienne. Mais lui, rempli de l’Esprit Saint, fixait le ciel du regard : il vit la gloire de Dieu, et Jésus debout à la droite de Dieu. Il déclara : « Voici que je contemple les cieux ouverts et le Fils de l’homme debout à la droite de Dieu. » Alors ils poussèrent de grands cris et se bouchèrent les oreilles. Tous ensemble, ils se précipitèrent sur lui, l’entraînèrent hors de la ville et se mirent à le lapider. Les témoins avaient déposé leurs vêtements aux pieds d’un jeune homme appelé Saul. Étienne, pendant qu’on le lapidait, priait ainsi : « Seigneur Jésus, reçois mon esprit. » Puis, se mettant à genoux, il s’écria d’une voix forte : « Seigneur, ne leur compte pas ce péché. » Et, après cette parole, il s’endormit dans la mort.

Quant à Saul, il approuvait ce meurtre. Ce jour-là, éclata une violente persécution contre l’Église de Jérusalem. Tous se dispersèrent dans les campagnes de Judée et de Samarie, à l’exception des Apôtres. Des hommes religieux ensevelirent Étienne et célébrèrent pour lui un grand deuil.

Vision de Maria Valtorta

     645.1 La disposition de la salle du Sanhédrin est la même qu’au procès de Jésus, dans la nuit du jeudi au vendredi, et les personnes aussi. Le grand-prêtre et les autres sont assis sur leurs sièges. Au centre, devant le grand-prêtre, dans l’espace vide où se tenait Jésus durant le procès, se tient maintenant Etienne. Il doit déjà avoir confessé sa foi et apporté son témoignage sur la vraie nature du Christ et sur l’Eglise, car le tumulte est à son comble ; dans sa violence, il est en tout semblable à celui qui s’agitait contre le Christ dans la nuit fatale de la trahison et du déicide.

     Coups de poing, malédictions, blasphèmes horribles sont lancés contre le diacre Etienne qui, sous les coups brutaux, vacille et chancelle tandis que, férocement, ils le tirent d’un côté ou de l’autre. Mais lui garde son calme et sa dignité, et même davantage : il est non seulement calme et digne, mais même bienheureux, presque en extase.

     Sans s’occuper des crachats qu’il reçoit en pleine face, ni du sang qui coule de son nez brutalement frappé, il lève à un certain moment son visage inspiré et son regard lumineux et souriant pour regarder fixement une vision connue de lui seul. Il ouvre ses bras en croix et les lève comme pour étreindre ce qu’il voit. Puis il tombe à genoux en s’écriant :

     « Je vois les Cieux ouverts et le Fils de l’Homme, Jésus, le Christ de Dieu, que vous avez tué, qui siège à la droite de Dieu. »

     Alors le tumulte perd le minimum d’humanité et de légalité qu’il gardait encore, et avec la furie d’une meute de loups, de chacals, de fauves enragés, tous s’élancent sur le diacre, le mordent, le piétinent, le saisissent, le relèvent en le tirant par les cheveux, le traînent, le laissent retomber… La furie s’oppose à la furie, car dans la rixe ceux qui cherchent à entraîner le martyr dehors sont contrariés par ceux qui le tirent dans une autre direction pour le frapper et le piétiner de nouveau.

     645.2 Parmi les plus furieux, se trouve un jeune homme laid et de petite taille, qu’on appelle Saul. Il est impossible de décrire la férocité de son visage.

     Dans un coin de la salle se tient Gamaliel. A aucun moment il n’a pris part à la bagarre, ni adressé la parole à Etienne, ni à aucun puissant. Son dégoût devant cette scène injuste et cruelle est bien visible. Dans un autre coin, l’air écœuré et étranger au procès et à la mêlée, se trouve Nicodème, qui regarde Gamaliel dont le visage a une expression plus claire que toute parole. Soudain, quand il voit que, pour la troisième fois, on soulève Etienne par les cheveux, Gamaliel s’enveloppe dans son ample manteau et se dirige vers une sortie opposée à celle vers laquelle on traîne le diacre.

     Son geste n’échappe pas à Saul qui s’écrie :

     « Rabbi, tu t’en vas ? »

     Gamaliel ne répond rien. Saul, qui craint que Gamaliel n’ait pas compris que la question s’adressait à lui, répète et précise :

     « Rabbi Gamaliel, tu te détournes de ce jugement ? »

     Gamaliel fait volte-face et, avec un regard terrible tant il est dégoûté, l’air hautain et glacial, il répond seulement : “ Oui. ” Mais c’est un “ oui ” qui a plus de portée qu’un long discours.

     Saul comprend tout ce qu’il y a dans ce “ oui ” et, abandonnant la meute féroce, il court vers Gamaliel, le rejoint, l’arrête et lui dit :

     « Tu ne veux pas dire, rabbi, que tu désapprouves notre con­damnation ! »

     Gamaliel ne le regarde pas et ne lui répond pas.

     Saul poursuit :

     « Cet homme est doublement coupable : pour avoir renié la Loi en suivant un Samaritain possédé par Belzébuth, et pour l’avoir fait après avoir été ton disciple. »

     Gamaliel continue à ne pas le regarder et à se taire.

     Alors Saul demande :

     « Serais-tu donc, toi aussi, un partisan de ce malfaiteur appelé Jésus ? »

     Cette fois, Gamaliel lui répond :

     « Je ne le suis pas encore. Mais s’il était ce qu’il disait — et en vérité beaucoup de choses tendent à le prouver —, je prie Dieu de le devenir.

     – Horreur ! s’écrie Saul.

     – Il n’y a là aucune horreur. Chacun a une intelligence pour s’en servir et une liberté pour l’appliquer. Que chacun l’utilise donc d’après la liberté que Dieu a donnée à tout homme et la lumière qu’il a mise dans le cœur de chacun. Les justes, tôt ou tard, emploieront ces deux dons de Dieu pour le bien, et les mauvais pour le mal. »

     A ces mots, il part vers la cour où se trouve le Trésor et va s’appuyer à la même colonne contre laquelle Jésus avait parlé de la pauvre veuve qui donne au Trésor du Temple tout ce qu’elle a : deux piécettes.

     645.3 Après quelque temps, Saul le rejoint et se plante devant lui.

     Il y a entre les deux hommes un très grand contraste. Gamaliel est grand, il a une certaine noblesse, il a un beau visage aux traits fortement sémitiques, un front haut, des yeux très noirs, intelligents, pénétrants, longs et très enfoncés sous d’épais sourcils droits, un nez droit lui aussi, long et fin qui rappelle un peu celui de Jésus. La couleur de sa peau, sa bouche aux lèvres fines rappellent également celles du Christ. Mais les moustaches et la barbe de Gamaliel, autrefois très noires, sont maintenant grisonnantes et plus longues.

     Saul, au contraire, est petit, trapu, presque rachitique, avec des jambes courtes et grosses, un peu écartées aux genoux — on les voit bien, car il a enlevé son manteau et porte seulement une légère tunique grise. Il a des petits bras musclés comme les jambes, le cou raide et trapu qui soutient une grosse tête brune, avec des cheveux ras et rêches, des oreilles plutôt écartées, un nez camus, de grosses lèvres, des pommettes hautes et épaisses, un front bombé, des yeux sombres un peu bovins, sans douceur, mais très intelligents sous des sourcils arqués, drus et hérissés. Ses joues sont couvertes d’une courte barbe aussi hirsute que les cheveux et très fournie. Peut-être à cause de son cou si court, il paraît légèrement bossu ou avec des épaules très voûtées.

     645.4 Il se tait un moment en fixant Gamaliel, puis il dit quelque chose à voix basse. Gamaliel lui répond d’une voix bien nette et forte :

     « Je n’approuve pas la violence. Pour aucun motif. Tu n’auras jamais de moi la moindre approbation d’un dessein violent. Je l’ai même dit publiquement, à tout le Sanhédrin, quand on a pris pour la seconde fois Pierre et les autres apôtres et qu’ils ont été amenés devant le Sanhédrin pour y être jugés. Et je le répète : “ Si c’est une œuvre humaine, elle périra d’elle-même ; si elle vient de Dieu, les hommes ne pourront la détruire, en revanche, ils pourront être frappés par Dieu. ” Ne l’oublie pas.

     – Es-tu le protecteur de ces blasphémateurs, disciples du Nazaréen, toi qui es le plus grand rabbi d’Israël ?

     – Je suis le protecteur de la justice. Or elle enseigne que, dans les jugements, il faut faire preuve de prudence et de justice. Je te le répète : si c’est une œuvre qui vient de Dieu, elle résistera, sinon elle tombera d’elle-même. Mais moi, je ne veux pas me tacher les mains avec un sang dont je ne sais pas s’il mérite la mort.

     – C’est toi, un pharisien et un docteur, qui parles ainsi ? Tu ne crains pas le Très-Haut ?

     – Plus que toi. Mais je réfléchis. 645.5 Et je me souviens… Tu n’étais qu’un enfant, pas encore un fils de la Loi, alors que j’enseignais déjà dans ce Temple avec le rabbi le plus sage de ce temps… et avec d’autres qui étaient sages, mais pas justes. Notre sagesse reçut, entre ces murs, une leçon qui nous donna à réfléchir pour le reste de notre vie. Les yeux du plus sage et du plus juste de notre temps se fermèrent sur le souvenir de cette heure, et son esprit sur l’étude de ces vérités, entendues des lèvres d’un enfant qui se révélait aux hommes, spécialement aux justes. Mes yeux ont continué à veiller, et mon esprit à réfléchir, en coordonnant les événements et les choses… J’ai eu le privilège d’entendre le Très-Haut parler par la bouche d’un enfant, qui devint un homme juste, sage, puissant, saint, et qui fut mis à mort précisément à cause de ces qualités. Les paroles qu’il a dites alors ont pu être confirmées par des faits arrivés plusieurs années après, à l’époque annoncée par Daniel…

     Malheureux que je suis de n’avoir pas compris plus tôt… d’avoir attendu le dernier et terrible signe pour croire, pour comprendre ! Malheureux peuple d’Israël qui n’a pas compris alors et ne comprend toujours pas aujourd’hui ! La prophétie de Daniel et celle d’autres prophètes et de la Parole de Dieu continuent, et elles s’accompliront pour Israël entêté, aveugle, sourd, injuste, qui continue à persécuter le Messie dans ses serviteurs !

     – Malédiction ! Tu blasphèmes ! Vraiment, il n’y aura plus de salut pour le peuple de Dieu si les rabbis blasphèment, reniant Jéovêh, le Dieu vrai, pour exalter et croire un faux Messie !

     – Ce n’est pas moi qui blasphème, mais tous ceux qui ont insulté le Nazaréen, et continuent à le mépriser, en méprisant ses fidèles. Toi, oui, tu le blasphèmes parce que tu le hais, en lui et dans les siens. Mais tu as raison quand tu dis qu’il n’y a plus de salut pour Israël. Cependant, ce n’est pas parce que des juifs passent dans son troupeau, mais parce qu’Israël l’a frappé à mort, lui.

     – Tu me fais horreur ! Tu trahis la Loi, le Temple !

     – Alors dénonce-moi au Sanhédrin, pour que j’aie le même sort que celui que l’on se prépare à lapider. Ce sera le commencement et la fin heureuse de ta mission. Et moi, grâce à mon sacrifice, je serai pardonné de n’avoir pas reconnu et compris le Dieu qui passait, Sauveur et Maître, parmi nous, ses fils et son peuple. »

     645.6 Avec un geste de colère grossier, Saul s’éloigne, pour retourner dans la cour qui donne sur la salle du Sanhédrin et où la clameur de la foule, exaspérée contre Etienne, est plus forte que jamais. Saul rejoint les bourreaux dans cette cour, s’unit à eux, qui l’attendaient, et sort, avec les autres, du Temple puis des murs de la ville. Insultes, moqueries, coups, continuent à l’adresse du diacre qui avance, déjà épuisé, blessé, chancelant vers le lieu du supplice.

     Hors des murs, il y a un espace inculte et pierreux, absolument désert. Arrivés là, les bourreaux forment un cercle autour du condamné, seul au milieu. Ils lui arrachent ses vêtements, déchirés et couverts de sang à plusieurs parties du corps à cause des blessures reçues. Etienne ne garde qu’une tunique très courte. Tous s’écartent alors et enlèvent leurs vêtements longs pour rester en tunique courte comme celle de Saul, à qui ils confient leurs vêtements. Celui-ci ne prend pas part à la lapidation, soit qu’il ait été impressionné par les paroles de Gamaliel, soit qu’il se sache incapable de viser juste.

     645.7 Les bourreaux ramassent de grosses pierres et des silex coupants, qui abondent à cet endroit, et commencent la lapidation.

     Etienne reçoit les premiers coups en restant debout, et avec un sourire de pardon sur ses lèvres blessées. Un instant avant le début de la lapidation, il a crié à Saul, occupé à rassembler les vêtements des bourreaux :

     « Mon ami, je t’attends sur le chemin du Christ. »

     Saul lui avait répondu : “ Porc ! Obsédé ! ” en unissant aux injures un vigoureux coup de pied dans les jambes du diacre, qui manque de tomber sous la violence de l’agression et à cause de la douleur.

     Après plusieurs jets de pierre qui l’atteignent de tous côtés, Etienne tombe à genoux, appuyé sur ses mains blessées et, se rappelant certainement un lointain épisode, il murmure en touchant ses tempes et son front blessés :

     « C’est bien ce qu’il m’avait prédit ! La couronne… les rubis… ô mon Seigneur, mon Maître, Jésus, reçois mon esprit ! »

     Une autre grêle de coups sur sa tête déjà blessée le couche complètement sur le sol, qui s’imprègne de son sang. Pendant qu’il s’abandonne au milieu des pierres, toujours sous une grêle d’autres projectiles, il expire en murmurant :

     « Seigneur… Père, pardonne-leur… ne leur impute pas ce péché… Ils ne savent pas ce qu’ils…»

     La mort coupe la phrase sur ses lèvres. Un dernier sursaut le pelotonne sur lui-même et il reste ainsi. Mort.

     Les bourreaux s’avancent, lancent sur lui une autre grêle de pierres sous lesquelles ils l’ensevelissent presque. Puis ils reprennent leurs habits et retournent au Temple, pour raconter, ivres d’un zèle satanique, ce qu’ils ont fait.

     645.8 Pendant qu’ils parlent avec le grand-prêtre et d’autres puissants personnages, Saul part à la recherche de Gamaliel. Comme il ne le trouve pas tout de suite, il revient sur ses pas, enflammé de haine contre les chrétiens, va trouver les prêtres, parle avec eux, et se fait remettre un parchemin portant le sceau du Temple qui l’autorise à persécuter les chrétiens. Le sang d’Etienne doit l’avoir rendu furieux comme un taureau qui voit rouge, ou un vin généreux versé à un alcoolique.

     Il s’apprête à sortir du Temple quand il aperçoit Gamaliel sous le Portique des Païens. Il se dirige vers lui. Peut-être veut-il continuer sa discussion et se justifier. Mais Gamaliel traverse la cour, entre dans une salle et ferme la porte au nez de Saul qui, offensé et furieux, sort en courant du Temple pour persécuter les chrétiens.

Enseignement de Jésus à Maria Valtorta

Les voies opposées de Saul et de Gamaliel vers la sainteté

     645.9 Jésus dit :

     « Je me suis manifesté bien des fois, et à plusieurs, même de façon extraordinaire. Mais ces témoignages n’ont pas agi chez tous de la même façon. Nous pouvons voir comment à chacune de mes apparitions correspond la sanctification de ceux qui possédaient la bonne volonté demandée aux hommes pour avoir paix, vie, justice.

     Ainsi, chez les bergers, la grâce a travaillé pendant les trente années de ma vie cachée. Puis elle a fleuri en donnant un saint épi quand vint le temps où les bons se séparèrent des mauvais pour suivre le Fils de Dieu, qui parcourait les chemins du monde en appelant par son cri d’amour les brebis du Troupeau éternel, disséminées et égarées par Satan, à se rassembler. Présents parmi les foules qui me suivaient, ils étaient mes messagers car, par leurs récits simples et convaincus, ils faisaient connaître le Christ en disant :

     “ C’est lui, nous le reconnaissons. Sur ses premiers vagissements descendirent les berceuses des anges. Les anges nous ont dit, à nous, que les hommes de bonne volonté auront la paix. La bonne volonté, c’est le désir du bien et de la vérité. Suivons-le ! Suivez-le ! Nous obtiendrons tous la paix promise par le Seigneur. ”

     Humbles, ignorants, pauvres, mes premiers messagers parmi les hommes s’échelonnèrent comme des sentinelles le long des routes du Roi d’Israël, du Roi du monde. Yeux fidèles, bouches honnêtes, cœurs affectueux, encensoirs qui exhalaient le parfum de leurs vertus pour rendre moins corrompu l’air de la terre autour de ma divine Personne, qui s’était incarnée pour eux et pour tous les hommes, je les ai trouvés jusqu’au pied de la croix, après les avoir bénis de mon regard le long de la voie sanglante du Golgotha. Ils sont les seuls — avec quelques rares personnes — à ne pas m’avoir maudit au milieu de la foule déchaînée. Eux m’ont aimé, ils ont cru, espéré contre tout, et ils ont porté sur moi un regard de compassion en se remémorant la nuit lointaine du jour de ma naissance, et en pleurant sur l’Innocent qui avait dormi de son premier sommeil sur un bois inconfortable et de son dernier sur un bois encore plus douloureux. Cela parce qu’en me manifestant à eux, qui avaient l’âme droite, je les avais sanctifiés.

     Et il en fut ainsi pour les trois sages d’Orient, pour Siméon et Anne dans le Temple, pour André et Jean au Jourdain, pour Pierre, Jacques et Jean au Thabor, pour Marie-Madeleine à l’aube de la Pâque, pour les Onze, pardonnés sur l’Oliveraie, et encore avant à Béthanie, de leur égarement… Non, Jean, le pur, n’eut pas besoin de pardon. Il fut le fidèle, le héros toujours aimant. L’amour très pur qu’il avait en lui et sa pureté d’esprit, de cœur, de chair, l’ont préservé de toute faiblesse.

     645.10 Gamaliel et Hillel n’étaient pas simples comme les bergers, saints comme Siméon, sages comme les trois mages. Chez Gamaliel, et chez son maître et parent, s’étaient développées des lianes pharisaïques pour étouffer la lumière et le libre développement de l’arbre de la foi. Mais, dans leur être pharisien, ils gardaient la pureté d’intention. Ils croyaient être dans le juste, et ils désiraient l’être. Ils le désiraient par instinct, parce que c’étaient des justes, et par intelligence, car leur esprit mécontent s’écriait :

     “ Ce pain est mêlé à trop de cendre. Donnez-nous le pain de la vérité. ”

     Or Gamaliel n’avait pas assez de force pour trouver le courage de briser ces lianes pharisaïques. Son humanité le tenait encore trop esclave, et avec elle, les considérations de l’estime humaine, du danger personnel, du bien-être familial. Pour toutes ces raisons, Gamaliel n’avait pas su comprendre “ le Dieu qui passait parmi son peuple ”, ni employer “ cette intelligence et cette liberté ” que Dieu a données à tout homme pour qu’il en use pour son bien. Seul le signe attendu pendant tant d’années, le signe qui l’avait terrassé et torturé par d’incessants remords, allait susciter en lui la reconnaissance du Christ et le changement de son ancienne manière de penser. Celle-ci était due à ce que les scribes, les pharisiens et les docteurs avaient corrompu l’essence et l’esprit de la Loi, en étouffant la simple et lumineuse vérité venue de Dieu sous un tas de préceptes humains souvent erronés, mais toujours avantageux pour eux. Mais, de rabbi de l’erreur, Gamaliel allait devenir, après une longue lutte entre son ancien moi et son moi actuel, disciple de la vérité divine.

     645.11 Du reste, il n’avait pas été le seul à rester dans l’indécision et à manquer de force pour agir. Joseph d’Arimathie, et plus encore Nicodème, ne surent pas écarter sur-le-champ les coutumes et les lianes juives pour embrasser ouvertement la nouvelle Doctrine, si bien qu’ils avaient l’habitude de venir trouver le Christ “ en secret ” par crainte des juifs, ou bien de le rencontrer comme par hasard, et tout au plus dans leurs maisons de campagne ou dans celle de Béthanie, chez Lazare, parce qu’ils la savaient plus sûre et plus redoutée par les ennemis du Christ, qui connaissaient bien la protection de Rome pour le fils de Théophile.

     Pourtant ceux-ci furent toujours plus avancés dans le bien et plus courageux que le rabbi Gamaliel, au point d’oser manifester leur pitié par leur attitude le vendredi saint.

     645.12 Mais remarquez, vous qui lisez, la puissance de sa droiture d’intention. Grâce à elle sa justice, très humaine, se teinte de spirituel. Celle de Saul, au contraire, se souille de démoniaque à l’heure où le déchaînement du mal les met, lui et son maître Gamaliel, au carrefour du choix entre le bien et le mal, entre le juste et l’injuste.

     L’arbre du bien et du mal se dresse devant tout homme pour lui présenter ses fruits mauvais sous un aspect plus attirant et plus alléchant, alors que dans le feuillage, avec une voix trompeuse de rossignol, siffle le Serpent tentateur. Il appartient à l’homme, créature douée de raison et dotée d’une âme que Dieu lui a donnée, de savoir discerner et vouloir le fruit qui est bon parmi ceux, nombreux, qui ne le sont pas, qui blessent et font mourir l’esprit. Il lui faut cueillir le bon fruit, même s’il se pique et si cela lui coûte, même si le goût en est amer et l’aspect médiocre. La métamorphose qui le rend tellement plus lisse et agréable au toucher, doux au palais, beau à voir, arrive seulement lorsque, par justice d’esprit et par raison, il sait choisir le bon fruit, et se nourrir de son suc, qui est amer, mais saint.

     Saul tend des mains avides vers le fruit du mal, de la haine, de l’injustice, du crime, et cela jusqu’à ce qu’il soit foudroyé, abattu, rendu aveugle à la vue humaine afin d’acquérir la vue surnaturelle et de devenir, non seulement juste, mais apôtre et confesseur de Celui qu’il haïssait et persécutait dans ses serviteurs.

     Gamaliel tend les mains vers les fruits du bien, en rompant les lianes tenaces de son humanité et du judaïsme, pour faire naître et fleurir une lointaine semence de lumière et de justice, non seulement humaine mais surnaturelle, que ma quatrième épiphanie — ou manifestation, pour employer un mot peut-être plus clair et plus compréhensible —, lui avait mise dans le cœur, dans son cœur aux intentions droites. Cette semence, il l’avait gardée et défendue avec une honnête affection et une noble soif de la voir pousser et fleurir. Sa volonté et mon sang rompirent la dure écorce de cette lointaine semence qu’il avait conservée dans son cœur pendant des dizaines d’années, dans ce cœur de pierre qui se fendit en même temps que le voile du Temple et que la terre de Jérusalem, et qui cria son suprême désir vers moi qui ne pouvais plus l’entendre de mes oreilles, mais qui l’entendais bien avec mon divin esprit quand il était, allongé par terre, au pied de la croix. Et sous le soleil de feu des paroles des apôtres et des meilleurs disciples, et à la vue de la pluie de sang d’Etienne, mon premier martyr, cette semence fit des racines, devint un arbre, fleurit et fructifia.

     La plante nouvelle de son christianisme a poussé là où la tragédie du vendredi saint avait abattu, déraciné, détruit toutes les plantes et herbes anciennes. La plante de son christianisme nouveau et de sa sainteté nouvelle est née et s’est dressée devant mes yeux.

     Pardonné par moi, bien que coupable de ne pas m’avoir compris plus tôt, en raison de sa justice qui ne voulut pas participer à ma condamnation ni à celle d’Etienne, son désir de devenir pour moi un disciple, un fils de la Vérité, de la Lumière, fut béni aussi par le Père et l’Esprit sanctificateur. De désir, il devint réalité, sans avoir besoin d’être puissamment et violemment foudroyé, comme cela fut nécessaire pour Saul sur le chemin de Damas, pour cet arrogant qu’aucun autre moyen n’aurait pu conquérir et amener à la justice, à la charité, à la lumière, à la vérité, à la vie éternelle et glorieuse des Cieux. »

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